Rat Rolls Shadow, la voiture essentielle…
A mesure qu’on reste dans un endroit, les choses et les gens se débraillent, pourrissent et se mettent à puer tout exprès pour vous. En somme, c’est le petit délai où on est inconnu dans chaque endroit nouveau qui est le plus agréable, après c’est la même vacherie qui recommence, c’est leur nature, aux vacheries, le tout c’est de ne pas attendre trop longtemps ! La grande fatigue de l’existence n’est peut être, quoique, en somme, que cet énorme mal qu’on se donne pour demeurer vingt ans, quarante ans, et davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement, profondément soi-même, c’est-à-dire, immonde, atroce, absurde. C’est le cauchemar d’avoir à se présenter toujours, comme un petit idéal universel du surhomme du matin au soir, alors qu’on n’est qu’un sous-homme claudicant, qu’on nous a donné d’être… et qui n’est que nous-même, ce qui est infiniment pire à supporter quand on pense que la plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment, alors que d’autres commencent et s’y prennent vingt ans d’avance et parfois davantage !
Imagine, mon Popu, le bruit d’un moteur sans pot catalytique (l’original, pourri, a été changé pour des tuyaux de descente d’eau piqués dans un bâtiment abandonné), sans filtre anti-émissions de CO2 (l’original a été jeté dans le jardin d’un voisin antipathique), des sièges sans airbags, un châssis sans anti-patinage, sans ABS, sans correcteur d’assiette (tout est rouillé, le résultat donne une rigidité de charrette à foin, gage d’économies), sans rectificateur de trajectoire et sans détecteur de pluie… Ouaissss, mon Popu, je te présente “LA” voiture essentielle… Quatre pneus, un volant et un gros moteur, vestige d’une époque où l’automobile était perçue comme un outil de conquête de l’environnement, un instrument de la virilité, c’est d’ailleurs pour cela que je te la présente et tu noteras que je ne suis pas un explorateur de la nuance, je veux simplement te montrer que la Rolls Royce Silver Shadow est une voiture de bonhomme qui fait vroum vroum, crache de la fumée et éclabousse les piétons…
A son volant, on ne doute jamais, sauf à 1 minute 20 secondes pressentant la fin toute proche, quand d’un geste pas surjoué du tout, on essuie dignement cette petite goutte de sueur que seul l’homme aux prises avec le risque connaît, quand il chancelle aux frontières de ses limites avant de calmer le jeu, d’un geste maîtrisé. Cette voiture qui symbolisait la classe et le luxe extrême (et la monture du Gentleman multimillionnaire de manière générale) a toujours été un marqueur socio-économique puissant, perçue comme un instrument de liberté réservé aux nantis, qui permet, comme le cheval ou le chameau, de maîtriser la distance, d’explorer ce dont nos capacités physiques limitées nous privent… Avoir une voiture puissante et hyper luxueuse, c’est aussi parfois une façon de vivre sa masculinité par procuration, comme si on pouvait construire une identité à partir de ce que l’on possède. En ce cas, elle n’a beau qu’être Silver Shadow et dater d’un temps de plus en plus lointain, elle reste Rolls Royce, même pourrie et comme atteinte de “Punkisme”…
Je te rappelle aussi, à toi mon Popu qui rêve de frimer en berline de luxe actuelle à crédit sans apport, qu’au cours du siècle précédent, la voiture est passée par des changements technologiques et sociaux de grande ampleur… Qui se rappelle aujourd’hui que les premières automobiles à essence étaient perçues comme une révolution écologique début des années 1900 qui venaient libérer les villes de l’insupportable présence des chevaux et de leurs déjections ?
Les grandes villes étaient infestées de mouches et on construisait des immeubles toujours plus haut pour échapper (aussi) aux puanteurs des trottoirs, il n’était pas envisageable de se balader en ville et il suffisait qu’un cheval meure dans la rue pour que la circulation soit paralysée… Et que faisait-on en 1900, pour déplacer un cheval sans grue, sans treuil, sans tracteur, sans mécanique ? Tu veux vraiment connaître la réponse, mon Popu ? On le découpait ou on le laissait pourrir sur le bord de la rue… C’est ainsi que la voiture est venue sauver les villes d’une pollution insoutenable, une véritable révolution verte…
Waouww ! Quel chemin parcouru avant se retrouver au volant d’une “bagnole” moderne, virevoltant dans la brousse, peu pressé d’arriver à l’heure pour regarder un présentateur ou une présentatrice ânonner des conneries auto-préparées, les yeux rivés sur un prompteur… Ahhhh les Rolls-Royce’s, symboles du luxe automobile, on les décrit parfois comme des œuvres d’art. Comment pourrait-on s’attaquer à un tel monument sans virer au blasphème ? On ne peut tout simplement pas, d’ailleurs, Corbin Goodwin, le propriétaire de la Rolls-Royce Silver Shadow, vedette de cette chronique, ne s’est clairement pas soucié du prestige et de l’aura que son véhicule, “une” Rolls-Royce dans l’univers de l’automobile, “sa” bagnole un peu particulière dans son monde, n’a plus rien à voir avec l’originale puisqu’il a modifié tout ce qui était à sa portée. Le radiateur est maintenant placé dans le coffre, une entrée d’air latérale délicieusement affreuse (et magnifiquement oxydée) étayée d’élargisseurs d’ailes “maison” (un délice à admirer), et de jantes de 19po empruntées à une Porsche Panamera.
La voiture est équipée d’un bloc V8 6,75 litres avec un turbocompresseur à double entrée complété d’un carburateur Holley qui est adapté au collecteur d’admission de série avec l’intercooler monté à l’extérieur… Et pour couronner le tout, Corbin Goodwin a opté pour une boîte manuelle à quatre rapports issue d’une camionnette Ford F-250, tandis qu’il a également jugé utile de souder le différentiel à l’arrière… La voiture est également équipée d’amortisseurs spécifiques, directement issus d’une Land Rover destinée au tout-terrain. Mon humble avis est qu’une Rat-Rolls peut paraître drôle et anachronique dans sa forme, mais elle n’a jamais été autant d’actualité dans son idée fondatrice : l’homme “moderne” ne doit plus rien en avoir à foutre des clichés sirupeux de bagnoles de luxe hyper laquées… Merde aux Ferrailleries, aux Porscheries… Il est plus “fun” et ludique de construire son identité et sa masculinité par l’acquisition d’objets de puissance dans un état volontairement lamentable : carrosserie rouillée, bosselée, intérieur déchiré…
Rouler avec une ruine de luxe est bien plus original pour 200 fois moins couteux !!! Avec le “Rat-Style”, les objets et les codes de communication sont différents mais les réflexes demeurent les mêmes…, reste à savoir, parmi les objets qui nous entourent, quels sont ceux que nous possédons et quels sont ceux qui nous possèdent ? Il y a parfois des évidences, un objet total, un concept qui flingue les hurluberlus dans toutes ses grandes largeurs, la track, parfaite, spleen absolu… On ne comprend pas trop le pourquoi du comment, qui est en fait encore plus abstrait qu’imaginable… Mais on assiste bien à une noyade des ceusses qui regardent éberlués, dans des nappes au moins aussi belles que les plus belles nappes d’un Palace, c’est validé instantanément. Et puis ça fracture les rétines des filles belles à en bander, des filles invulnérables, avec leurs blazes parfaitement mis en évidence, histoire de présenter ces combattantes façon Killer-7 ouaté, comme des divinités : c’est nickel jouissif…
J’ai un rapport ambivalent avec l’humanité : traumatisé par la connerie généralisée, et les “Luxury Problems”, fortement hypnotisé par le split des ambiances glauques, difficile de savoir à quoi s’attendre… Et en réaction des stupidités qu’on me débite, c’est clairement le coté “mec englué puis dilué sous 3 mètres de béton” qui m’intéresse le plus… Avec violence… Et ce qui se démarque de cette putain de Rat-Rot-Rolls, c’est son coté hyper grunge de désaxé, car à la voir les gens se prennent une vraie claque, c’est un truc de fou, un tour de force pachydermique, empoisonné puant la dépression mentale d’un halluciné… Et c’est réellement bon… On appréciera évidemment la dimension mentale qui va s’ébattre en 3D dans les cerveaux, entrainant des respirations hallucinantes, comme durant un passage à tabac indescriptible… Mais, avec en sus, un gimmick mélodique, une zébrure cristalline, une échappée fragile et brève qui flingue le palpitant. Une mini seconde de bonheur répétée ad nauseam, car toute pourrie, elle est belle à crever, écharpée par une cognée finale de bucheron.
Ca n’invente pas la poudre, mais inutile de bouder son plaisir, qu’importe le flacon pourvu que l’ivresse te fasse voler au milieu d’une pluie d’étoiles mon Popu, les bras bien écartés au milieu du néant.. Bonheur total… Emo en diable, avec voix d’anges au fond de la tête, à en crever… Une progression toute en douceur, à pas de chat, matinée de drogue et d’amour fou avant de mourir… Tu sais que tu viens de passer le plus beau moment de ta vie, mais pas à faire la fête comme des cons. Oh non, c’est comme danser avec une âme sœur, le visage bien calé sur son épaule, à sentir l’odeur de ses cheveux, de son corps, une odeur que tu reconnaitrais entre mille en reniflant et léchant sa cyprine, qui te fait à la fois bander et sauter le cœur à chaque fois… Alors que tu te perds dans le creux de son cou, de son cul, de son con, en espérant que ce moment n’arrête jamais, le cerveau embué, brouillé par la peur de ce qu’il se passera juste après… Une très et trop brève bulle de joie qui peut-être ne se renouvellera jamais plus.
Tu te lèves de ton canapé, mon Popu, loque humaine aux abois, l’haleine empestant la bière ou la clope, selon tes vices, la pièce tourne autour de toi, tu es encore défoncé. Dans ta tête des flashs, de l’excès, tu t’es bien amusé, t’as même spermaté et jouis… Pourtant la demoiselle de ta vie vient de disparaître, alors tu rumines, tu te sens triste, même si tu as une vie de fou, sauf que là, il y a ce Rat-Rolls-Royce qui te rend super mélancolique, ca te fait repapillonner ta colonne vertébrale, t’es pas loin de beugler la complainte suicidaire d’un alcoolo au cœur brisé, le grand écart parfait. Ouaihhhh ! Des mecs qui crachent leur neurasthénie, je connais bien le système, sauf que, histoire de retourner le couteau dans tes plaies et magnifier l’effet du bordel dans lequel tu surnages, tu te rends compte que tu vis un jour sans fin, cyclique. Tu as l’illumination que cette bagnole c’est un putain de tour de force réalisé par des mecs totalement à la masse, tu te demandes presque comment un Rat-Rod aussi abouti peut sortir dans l’indifférence générale…
Pourtant, il écrase le look “sirupeusement” crétin de la majorité de ce que l’on peut voir question bagnoles en ce moment. Equilibre tenu et ténu et élucubrations embrumées, tu vas le chanter sous ta douche, en pleine nuit, vomissant ta solitude après deux cubi’s de rosé… Ouaiss mon Popu, après 30 ans, on est plus vieux que jeune, les rêves de gosses commencent à s’estomper, remplacés par une légère frustration d’avoir loupé des étapes dans sa vie… On déroule les choix cruciaux que l’on a pu arpenter, ainsi que la vie loupée, on comprend enfin pourquoi les vieux radotent (comme moi qui en a 75 d’années) sur les mêmes conneries et appréhendent de se diriger vers de nouveaux horizons alors qu’ils sont au bord de l’abime sidéral du puits sans fond de la connerie humaine… Pourquoi ? Parce que c’est rassurant. J’ai toujours pensé que les adultes à la quarantaine bien tassée avaient de légers problèmes, rendant plus simple l’acceptation de n’importe quoi déjà assimilé par l’organisme depuis 15 ans, plutôt que de se lancer dans une nouvelle aventure.
Bonjour énième visite à Saint Malo. Goodbye voyage improvisé en Inde passeport en poche… Mais toi mon popu, t’es loin d’être un vieux croulant, t’es encore dans une période où l’inédit peut te faire gratter tes coucougnettes plutôt que te branler connement, surtout si cela répond à des envies d’amplifier ton bonheur avec un gant de crin… Madeleine de Proust convulsée et violente. Ici, avec ce Rat-Rolls-Royce, c’est la menace permanente pour une bonne partie du monstre-foule, c’est comme une fête de cave, drogué, apocalyptique, c’est la crise d’épilepsie aux relents barbituriques avec des amen breaks ultra violents, avant un long tunnel got-chico-grime , l’ironie en moins, l’ultraviolence en plus dans un bordel totalement cauchemardesque. Oh ne t’inquiète pas, mon Popu, on ne reste jamais longtemps sans une progression cosmique hallucinante qui remplit un pan entier du cerveau dans un mixeur, pour recracher une bouillie obscène et jouissive, maculant de sperme fluorescent les mornes murs de ta baraque.
Ici, point de référence, on est dans la pure folie, comme une baise dans les toilettes d’un Palace, dans un club puant et bétonné, dans la frénésie, le carnage, le plaisir pur et instantané, un mélange de vice et de régression, une folie faisandée, avec la modernité d’une idée loin d’être essorée. Pour une certaine tranche d’âge, mon Popu, ce style renvoie à ce que l’on ne vit plus que de façon sporadique, voire plus du tout, parce qu’on tente de rattraper une jeunesse déjà perdue, on se masturbe la tête en rêvant d’une liberté adolescente, alors que l’on se savonne simplement le dos avant d’aller bosser… On perçoit cette bagnole comme une belle salope hyper sexy habillée gothique que l’on n’arrivera plus jamais à fréquenter en personne, sauf à paraître forcément ridicule et pervers, ridés et cheveux poivre sel, derrière un écran d’ordinateur… Regarder cette Rolls Rat-Rod et ne pas la posséder, c’est se sentir comme un vieux, terré chez-lui, matant la photo de son amour de jeunesse, sans avoir les couilles de décrocher son téléphone pour reprendre contact..
Et ça te concerne mon popu, parce que tu sais pertinemment que les coïts improvisés dans les chiottes d’un club où une âme perdue te crache son haleine chaude dans le creux de ton cou, c’est terminé, que la prise de drogue/alcool sans craindre d’être explosé au boulot le lundi et de foirer des contrats, c’est terminé, que de partir en bagnole avec des potes sans but, le coffre rempli de bière, sans avoir cette putain de peur latente de chopper un cancer, c’est terminé… Alors si tu penses te plonger dans le vide avec une mélancolique larme à l’œil, à maugréer doucereusement sur ton passé et sur ta vie désormais trop tranquille, amorphe, un peu triste mais le sourire aux lèvres, en bougeant sagement la tête sur une musique qui, il y a longtemps, te faisait encore méchamment bander… Viens lire mes chroniques, il y en aura bientôt 5.000… Ouaihhhh mon Popu, tant que ça… et cela me sidère moi-même que j’en viens à me demander comment j’ai fait et comment j’ai réussi ce coup-là… Je me sidère moi-même… Je devrais angoisser…
Comme déjà écrit plus haut ci-avant, cette Rolls-Royce Silver Shadow II de 1979 est un exemplaire entièrement modifié équipé d’un V8 turbocompressé de 6,75 litres et d’une transmission manuelle T-19 à 4 vitesses. Vendue à l’origine par Beverly Hills Rolls Royce, la voiture résidait en Californie puis a migrée à Las Vegas. L’apparence extérieure de la voiture a été considérablement modifiée, y compris des conduites de liquide de refroidissement proéminentes allant du radiateur monté dans le coffre. Le capot et la calandre ont été coupés pour faire place à la plomberie turbo, et un grand refroidisseur intermédiaire a été monté à la place du pare-chocs avant. Une pile à combustible de 20 gallons et des élargisseurs d’ailes arrière faits maison peuvent être vus. Le tuyau d’échappement sort de l’aile avant côté passager, et une grande prise d’air latérale dirige l’air sur le radiateur monté dans le coffre. Le tableau de bord a été équipé d’un compteur de suralimentation d’avion, et d’un tableau de conversion de vitesse basé sur l’engrenage de la transmission et le régime moteur.
Les vitesses sont sélectionnées à l’aide du levier de changement de vitesse du mannequin articulé vu une des photos. L’équipement de climatisation a été retiré. Un ampli Boss 100W alimente les enceintes Alpine montées sur la porte. Le compteur kilométrique affichait environ 55.000 miles au moment de son retrait, la Rolls était alors comme neuve, mais moins Punk… Deux baquets de course Sparco remplacent les sièges d’origine. La banquette arrière en cuir rouge a été conservée, et les vitres, les interrupteurs et le frein de stationnement restent fonctionnels. Mais il n’y a plus de rétroviseur latéral passager. Le coffre abrite la batterie et un radiateur CSF d’une Toyota Supra Mk3, avec des conduites de liquide de refroidissement en acier inoxydable sur toute la longueur de la voiture. Le réservoir de carburant et un réservoir de fluide hydraulique externe pour les amortisseurs à ressorts hélicoïdaux King a été monté. Le V8 de 6,75 litres a été équipé d’un turbocompresseur Bullseye Power à double volute, ainsi que d’une soupape de décharge Synapse.
Un carburateur Holley de 750 cfm réglé par CSU Carburetors est adapté au collecteur d’admission d’origine avec un adaptateur Delga Prototypes personnalisé et un chapeau d’admission ProCharge. La puissance est envoyée aux roues arrière par l’intermédiaire d’un différentiel arrière soudé et d’une transmission manuelle. Un maître-cylindre Wilwood 7/8″ remplace le composant d’origine, et des conduites de frein en acier inoxydable Orme Bros. ont été installées partout. Le moteur a reçu de l’huile fraîche Brad Penn il y a environ dix ans, en même temps que la transmission a été remplie de liquide Redline MTL. La Silver Shadow d’origine utilise une configuration à double triangulation à l’avant, et des amortisseurs hélicoïdaux King personnalisés ont été sélectionnés pour s’adapter au long débattement de la suspension. De nouvelles plaquettes de frein avant Porterfield ont été installées. La voiture a curieusement trouvé acquéreur pour la somme de 90.000 euros et est catégorisée aux USA comme “Oeuvre d’art roulable”…