Cet article a été publié le 8 aout 2019 dans GatsbyOnline et dans le magazine Chromes&Flammes #5 oct/Nov/Dec 2019. Il a été lu 4.477 fois à ce jour (4 juillet 2022) où il est réactualisé pour être complémentaire d’un nouvel article concernant une Muntz Kustom Low Ridder unique qui vient d’être vendue 200.000 US$ en enchères.
Earl “Madman” Muntz & Franck Kurtis…
1949 Kurtiss Sport & 1950-54 Muntz-Jet…
Sauf si vous auriez vécu en Californie dans les années 1940’s et 50’s, ou à moins que vous êtes un véritable spécialiste de la culture pop, le nom de Earl William “Madman” Muntz vous est totalement inconnu…, pourtant, avant de mourir, vous devez lire ce qui suit, car il a été l’un des praticiens parmis les plus intéressants de l’art du mercantilisme que l’Amérique et le monde ainsi que l’univers…, aient jamais connu.
La Muntz Jet, en 1950, était considérée par les magazines américains comme : “La première tentative sérieuse de fabriquer une voiture de sport américaine capable de se mesurer aux européennes de haut vol”…, le créateur de cette automobile “différente”, voire “divergente” se nommait Earl William “Madman” Muntz, né le 3 janvier 1914.
Fasciné par les appareils de transmissions sans fil (TSF) dès son plus jeune âge, il construisit sa première radio à l’âge de 8 ans… et en fabriqua une autre pour la voiture de ses parents à 14 ans, modifiant l’alimentation du système domestique 110 volts pour que la radio se suffise des 6 volts de la batterie de la voiture pour éviter le risque d’électrocution…, puis, au cours de la Grande-Dépression, à l’âge de 15 ans, il abandonna la Elgin High School pour travailler dans la quincaillerie de ses parents à Elgin, dans l’Illinois.
En 1934, Muntz ouvrit sa première concession de voitures d’occasion à Elgin, grâce à un prêt de 500 $, il n’avait alors que 20 ans et sa mère devait signer les premiers contrats de vente parce qu’il n’avait pas l’âge légal requis pour conclure ses propres transactions.
Lors de vacances en Californie, Muntz découvrit que les voitures d’occasion s’y vendaient beaucoup plus cher…, il déménagea donc en Californie à l’âge de 26 ans, afin d’y ouvrir une concession à Glendale, là, suivant une intuition, en 1941 il fit l’achat de 13 voitures neuves avec volant à droite (RHD) en vue de les revendre.
Ces véhicules avaient été fabriqués pour des clients asiatiques qui voulaient les amener au Japon et/ou en Chine ou on roulait à gauche… et n’avaient pu être livrés en raison de la Seconde Guerre mondiale qui débutait…, l’une de ces voitures était une Lincoln fabriquée sur mesure pour Tchang Kaï-chek.
Les journaux locaux publièrent des articles sur ces voitures inhabituelles et Muntz les vendit en deux semaines, encore dans leur emballage d’expédition…, il ouvrit peu après sa seconde concession à Los Angeles et ferma quelques mois plus tard celle d’Elgin.
Muntz rejetait l’opinion, alors répandue, selon laquelle les vendeurs de voitures d’occasion se devaient d’entretenir une image terne…, il opta, au contraire, pour des publicités “acrobatiques” et “hors-normes”, totalement “politiquement-incorrectes”…, développant pour ce faire un personnage de “Madman” (homme fou)…, ses panneaux publicitaires flamboyants et ses “réclames” radio et télévision excentriques, le rendirent rapidement célèbre.
Dans les publicités et réclames de ses “chères” voitures d’occasion “bon-marché”…, il choisissait un modèle et le présentait comme la voiture spéciale du jour, prétendant que si la voiture ne se vendait pas le jour même, il la réduirait en pièce le lendemain devant la caméra à l’aide d’une masse…, ce qu’il a fait plusieurs fois, attirant des centaines de curieux qui finissaient par se battre à coups d’enchères pour acquérir la voiture.
Un autre de ses slogans célèbres pour ses publicités/réclames télévisées était : “I buy ’em retail and sell ’em wholesale… it’s more fun that way !” (Je les achète au prix du détail pour les revendre au prix du gros…, c’est plus amusant ainsi !)…, ce qui générait une telle audience que des comédiens comme Bob Hope, Jack Benny et Steve Allen se sont livrés concurrence en faisant des blagues “façon Madman Muntz” lors d’apparitions dans des émissions TV… et, farceurs, les supporters de l’Université de Californie du Sud situé près du garage de Muntz, scandaient même le nom de Muntz pendant la mi-temps des matchs retransmis en TV…
Muntz a, en cette suite, porté par l’opinion publique, ouvert d’autres garages de voitures d’occasion qui devinrent des attractions touristiques en raison des importantes campagnes publicitaires et de la notoriété que lui valaient ses apparitions à la télévision…, un sondage mené en 1946 par “Panner Motor Tours” révéla qu’elles étaient devenues la septième attraction touristique en importance en Californie du Sud…
Muntz se mis alors à prendre des risques importants pour générer encore plus de publicité… et lorsque déboula la période du Maccarthysme, il dit publiquement en TV : “Croyez-vous que je ferais la une de tous les journaux et l’introduction des infos TV en national si je devenais membre du Parti communiste ?”…
Dans les années 1940 et 1950, la plupart des téléviseurs étaient constitués de pièces d’équipement complexes, contenant souvent plus de 30 tubes électroniques, sans compter les rhéostats, transformateurs et autres pièces lourdes…, pour cette raison, ils étaient habituellement très dispendieux : un téléviseur de fabrication américaine d’avant la Seconde Guerre mondiale avec écran de 3 pouces (8 cm) coûtait 115 $, soit l’équivalent de 2.500 $ en 2019 ; le modèle avec écran de 12 pouces (30 cm) coûtait 460 $, soit l’équivalent de 10.000 $ en 2019.
En 1954, seulement 55% des ménages américains possédaient un téléviseur, bien qu’ils aient existé sous diverses formes depuis plus de 40 ans… (8 ans plus tard, c’était 90% des ménages américains qui possédaient un téléviseur).
Muntz élabora ses plans de vente pour des téléviseurs en 1946… et les ventes débutèrent en 1947 en parallèle de ses voitures d’occasion…, même s’il faisait le fou dans ses publicités télévisées (Madman), Muntz était un homme d’affaires aguerri et un ingénieur électronique autodidacte de premier plan : c’est en démontant des téléviseurs Philco, RCA et DuMont, qu’il trouva un moyen de réduire le nombre de composants électroniques des appareils à leur plus simple expression.., cette pratique fut d’ailleurs connue sous le nom de “Muntzing”…
Muntz développa ensuite un châssis de téléviseur capable de produire une image monochrome de qualité acceptable avec 17 tubes…, il engagea divers techniciens pour débuter la fabrication d’une télévision Muntz…, il traînait souvent avec lui une paire de pinces à fils et, lorsqu’il estimait que ses ingénieurs TV faisaient de la “suringénérie” sur un circuit, il coupait des composants jusqu’à ce que l’image ou le son cessent…, à ce moment, il disait à l’ingénieur: “Je crois bien que tu devrais remettre cette dernière pièce, tout le reste ne sert à rien d’autre qu’à tomber en panne”…, avant de s’en aller.
Mises en marché sous le nom de “Muntz” par sa compagnie “Muntz TV Inc”, les unités simplifiées furent les premiers téléviseurs noir et blanc vendus aux États-Unis pour moins de 100 $… et Muntz fut également le premier détaillant à mesurer ses écrans d’un coin à l’autre, plutôt que sur la largeur…
Les récepteurs se vendaient bien et ils étaient fiables, notamment parce que le nombre réduit de tubes générait moins de chaleur…, ils fonctionnaient au mieux dans les régions urbaines, là où les tours de transmission étaient suffisamment proches pour fournir un signal fort…, mais ils fonctionnaient mal avec un signal plus faible, puisque la plupart des composants retirés par Muntz servaient à améliorer les performances dans les secteurs plus éloignés…
Il s’agissait là d’une décision calculée : Muntz préférait laisser à ses concurrents de RCA ou de Zenith Electronics les téléviseurs haute performance à petit volume et visait plutôt une clientèle constituée de locataires aux moyens financiers limités…, de plus, le règlement de plusieurs immeubles à logements urbains interdisait les antennes aériennes externes et l’installation de telles antennes, ce qui, lorsque cela était permis, pouvait coûter jusqu’à 150 $…
Muntz résolut ce problème en ajoutant des antennes intégrées à ses appareils… et en 1952, soit en seulement 5 ans, la valeur de “Muntz TV Inc”. avoisinait 5 millions de US$.
Muntz continua à utiliser son personnage de “Madman” pour plusieurs de ses publicités… et dans un “Commercial-TV” habituellement présenté après le “Ed Sullivan Show”, Muntz, vêtu de sous-vêtements longs et d’un chapeau de Napoléon, fit la promotion de son nouveau téléviseur 14 pouces (36 cm) en disant : “I wanna give ’em away, but Mrs. Muntz won’t let me. She’s crazy!” (Je veux les donner, mais Madame Muntz ne veut pas me laisser faire. Elle est folle !).
Une autre publicité présentait une musique de fanfare avec des paroles totalement dingues pour vanter et promouvoir ses téléviseurs Muntz, le tout avec une animations de Oskar Fischinger…, ses “commerciaux radiophoniques”, étaient du même style, ils étaient diffusés jusqu’à 170 fois par jour, suivant, à l’origine, un thème de musique classique construit autour de l’épellation du nom de Muntz, mais, il convainquit toutefois rapidement les stations de radio de ne diffuser des publicités qui correspondaient mieux à son personnage…, dans l’une d’entre elles, Muntz criait : “Stop staring at your radio!” (Cessez de fixer votre poste de radio)…, ces publicités furent suivies de campagnes d’envois postaux de milliers de boutons de téléviseurs à des clients potentiels, accompagnés d’une note disant : “Call us and we’ll show up with the rest of the set!” (Appelez-nous et nous vous apporterons le reste du poste!).
En 1948, pendant que Earl William “Madman” Muntz faisait fortune avec ses voitures d’occasion et ses téléviseurs, le concepteur de voitures de course et fondateur de Kurtis Kraft, Frank Kurtis, cherchait à mettre sur le marché une nouvelle voiture sport deux places : la Kurtis Kraft Sport.
Elle était le produit de l’étonnante explosion de créativité automobile survenu en Californie après la seconde guerre mondiale…, après avoir enduré une dépression et une guerre épuisante, les Américains étaient prêts à célébrer le renouveau de leur économie, ils en avaient assez des voitures insipides, ces berlines dépressives sombres qu’ils avaient soigné à travers les années de guerre sur leurs vieux pneus et avec l’essence rationnée…, la Californie se trouvait là où la fête de l’après-guerre commençait… et Frank Kurtis, le fils d’un forgeron croate, était à son épicentre.
Kurtis avait commencé son apprentissage automobile dans les années 1920, à Los Angeles, dans l’atelier de carrosserie du concessionnaire Cadillac, Don Lee, qui s’était spécialisé dans la construction de voitures personnalisées pour les stars d’Hollywood grâce à Harley Earl, le futur chef de conception de la General Motors, dont l’entreprise familiale de carrosseries “Earl Automobile Works”, avait été achetée par “Don Lee Corporation”.
Kurtis est ainsi devenu un constructeur de voitures pour rock-star après avoir brièvement travaillé pour Howard A.“Dutch” Darrin pour concevoir l’élégante Packard-Darrin’s, et conçu les fameuses “Midgets” qui vont dominer les pistes ovales en terre de l’Amérique profonde dans les mains de pilotes tel que Rex Mays.
Après la guerre, son garage/atelier “Kurtis-Kraft, Inc”. situé à Glendale va concocter des centaines de Midgets de course ainsi que les fameux Roadsters Indy réservés pour la célèbre course des 500 miles où les Kurtis vont remporter cinq des six “500 miles” tenues de 1950 à 1955.
Kurtis était un penseur et un iconoclaste…, il avait surbaissé leur centre de gravité et adouci leurs suspensions trop raide…, ce qui les rendaient plus facile à manier dans les virages (tous pris en longues glissades) et plus rapide en raison de leur très bonne stabilité.
Le développement de sa nouvelle voiture de sport a été abordé de la même manière réfléchie…, en 1949, il a présenté un prototype qui était adaptable à une large gamme de moteurs hétéroclites : Studebaker, Ford, Lea-Francis (britannique) et Offenhauser…, ce Kit-Car avant l’heure, proposait une “boite d’assemblage” pour une construction résidentielle (at-home), mais comme “avant l’heure c’est pas encore l’heure”…, personne n’en a commandé… et la production n’a jamais dépassé le cap du prototype basique de présentation à la presse alors indifférente.
Mais Frank Kurtis l’a peaufinée en tous sens pour en faire une “vraie” voiture de sport équipée d’un V8 Mercury et a re-convié la presse à constater que sa voiture atteignait 142,5 mph (environ 230 km/h) au bout de 400 mètres départ-arrêté sur le circuit de Daytona Beach au début du mois d’août 1950.
Un moteur “American muscle” V-8 et un châssis de style européen était la combinaison gagnante d’une voiture sportive quasi imbattable, en performances et en coûts modérés, c’était sensationnel en 1950, il faudra attendre les années soixante pour revoir un cocktail identique concocté par Carroll Shelby !
Frank Kurtis avait inventé une nouvelle formule convaincante pour une voiture de sport All-American : la Kurtis-sport était bien conçue, bien détaillée et bien construite…, mais alors pourquoi seulement 16 furent seulement construites ?
Arlen Kurtis père de Frank Kurtiss était aux commandes des finances et, s’il était alors “un mec sympathique”, il était un piètre homme d’affaires…, le financement promis par un financier véreux, Ed Walsh, ne s’est jamais matérialisé, l’entreprise Kurtiss était gravement sous-capitalisée, la faillite n’était pas loin, à moins d’un miracle !
Et c’est à ce moment que miraculeusement Earl William “MadMan” Muntz à déboulé…, enthousiasmé par les performances et par les lignes surbaissées ainsi que la conception de base prometteuse (quasi révolutionnaire pour l’époque) de la Kurtis-Sport…, fin août 1950, Earl Muntz a foncé comme un fou (Madman, toujours) pour acheter l’outillage de fabrication, les matrices de construction, les droits, les licences, les pertes et les actifs de l’entreprise Kurtis.
Muntz à offert 70.000 $ à Frank Kurtiss qui était à court de trésorerie, mais qui voulait 200.000 $ pour ne pas sombrer et se relancer…, ironie amère, Frank Kurtis était exactement la bonne personne au bon endroit disposant d’une idée mise au point et en œuvre, ayant débouché sur la construction de 16 Kurtiss-Sport…, une affaire qui pouvait être rentable, mais qui était tout simplement trop grande pour ses moyens.
Ce n’est qu’en 1951, que Frank Kurtis consentit à vendre la licence de production à Muntz parce qu’il acceptait de payer les 200.000 $ demandés… mais comme toujours “illuminé” Earl Muntz décida de ne pas utiliser les matrices de construction de la Kurtis sport 2 places…
Earl William “Madman” Muntz en fit la “Muntz-Jet” 4 places, initialement produite à Glendale, l’atelier existant étant conservé… et Frank Kurtis ainsi que son associé ingénieur Sam Hanks furent retenus (achetés) pour réaliser une refonte sur le prototype Kurtis en vue d’obtenir une automobile pouvant être commercialisée à destination d’un plus large public…, ce qui signifiait que la stricte 2 places devenait une 2+2 grâce à une banquette arrière et l’ajout de nombreuses améliorations au châssis allongé de 13 pouces (33 cm) et remplaçant le moteur V8 Ford Flathead par un moteur plus puissant: un V8 de Cadillac.
Dans les six semaines la première voiture complète a déboulé dans la circulation équipée non plus d’une boite de vitesses manuelle mais d’une Hydra-Matic-drive… réalisant de très bonnes performances : le 0 à 50 mi/h (0-80 km/h) en 6 secondes, et le 0-80 mph (0-130 km/h) en 9 secondes…, la vitesse maximale étant de 125 mi/h (200 km/h).
La presse, conviée à cette “première évènementielle” a titré que la voiture de Earl “Mad” Muntz dépassait de très loin tout ce qui était commercialisé ailleurs…, les tests chiffrés parlant d’eux-mêmes : “La voiture dont la carrosserie est stupéfiante de beauté et de haute finition, monte bien en régime, est stable à toutes vitesses, tient la route comme sur des rails et s’arrête en un clin d’œil”…, ajoutant que le nouvel outillage avait couté la somme prodigieuse (pour l’époque) de 85.000$ en plus des 200.000$ de la reprise/achat et que les coûts rien que de main-d’œuvre étaient d’un monumental $ 2.000 par voiture parce que les panneaux de carrosserie étaient soigneusement appareillés, avec une finition “au plomb”…
Earl “Mad Man” Muntz a, en cette suite d’articles dithyrambiques été derechef qualifié par la presse américaine “d’entrepreneur typiquement américain”, puis de “héros national”, alors que mathématiquement il savait qu’à chaque voiture vendue il allait perdre 1.000 $ !!!
Plus tard, après n’avoir fabriqué que 28 Muntz-Jet en Californie, Muntz va déménager la production dans une nouvelle usine à Evanston, Illinois, rallongeant encore la carrosserie de 3 pouces (8 cm) et remplaçant le V8 Cadillac par un moteur Lincoln V8, moins cher, à soupapes latérales .
La Muntz-Jet est ensuite apparue ainsi motorisée sur la couverture de la revue “Popular Science” de septembre 1951 aux côtés d’une Jaguar et d’une MG, qui étaient moins puissantes et surtout non “América-First”…, écrivant que sa conception était unique avec ses panneaux d’aluminium et son toit amovible en fibre de verre… et que la palette de couleur était extravagante, avec des noms tel que “Rouge mars”, “Bleu stratosphère” ou “Brume de lime” (sic !)… tandis que les options intérieures permettaient de choisir de l’alligator ou de la cuirette espagnole…, les sièges arrière et les appuie-bras contenant un bar à cocktails complet… moyennant supplément des intérieurs plus sauvages encore pouvaient être réalisés : peau de serpent ou d’iguane cuir russe… et “Carson top lift-off”, des projecteurs Appleton et une console guillochée avec jauges Stewart Warner
“Popular Science” concédait que les performances de la Muntz-Jet étaient époustouflantes pour une sportive à 4 places, mais ajoutait perfidement que : “La voiture la plus rapide en préparation pour sortie en 1953 ne sera plus la Muntz-Jet mais sera la voiture de sport Pegaso Z-102 Supercharged, capable d’une vitesse de pointe de 155 mi/h (250 km/h)”…, histoire de semer le trouble !
Faisant fi des perfidies assassines de “Popular Science”, diverses personnalités achetèrent illico une Muntz-Jet et le firent savoir, parmi eux on comptait le dirigeant de CBS de l’époque : Frank Stanton, Ed Gardner (l’Archie de l’émission de radio “taverne of Duff”), Mickey Rooney, Mario Lanza, Grace Kelly, Western star Lash LaRue, le chef d’orchestre Freddie Martin, l’actrice Gloria DeHaven (une Muntz-Jet rose)…
Posséder une Muntz dans les années 1950, surtout à Hollywood était “une grosse affaire”, le prix public étant de $ 4.500, la Muntz-Jet était donc réservée à ceux et celles qui avaient beaucoup d’argent !
Ces personnalités ne tarissaient pas d’éloges, affirmant que la Muntz-Jet était plus qu’une belle machine : “C’est une merveille incomparable construite de manière simple et pratique au moyen d’éléments fiables fabriqués par Ford et Cadillac, sa carrosserie très personnelle est de plus haute qualité que les “TOP” de l’époque : Cadillac et Rolls Royce. Toutes les stars en achètent”…
La main-d’œuvre et les matériaux utilisés pour produire la Muntz-Jet ne firent qu’augmenter son prix… et en 1954, après avoir vendu environ 400 voitures à 4.500$ et perdu 1.000 $ par voiture, Earl “Madman” Muntz avait perdu 400.000$, plus les 85.000$ de machines-outils, plus les 200.000 $ de l’achat du projet qui allait pourtant donner naissance à la Chevrolet Corvette et à la Ford Thunderbird.
Pas loin de 700.000 $ de perte en dollars de l’époque, c’était insoutenable…, les bénéfices de ses autres affaires (voitures d’occasion et téléviseurs) y ont été engloutis !
En plus de son revers automobile, avec l’avènement de la télévision couleur en 1954, le marché des téléviseurs Muntz noir et blanc devenait moins important…, du coup les créanciers d’Earl “Madman” Muntz vont lui couper les fonds fin 1954.., Muntz admettant que son entreprise avait perdu plus que 700.000 $, car ses entreprises de téléviseurs et d’automobiles Muntz-Jet avaient générés des pertes toutes aussi abyssales…, finalement en 1959 c’était terminé pour de bon…
Tentant de re combiner ses deux principaux créneaux, les voitures et les stéréos, Muntz rebondit en inventant le “Muntz Stereo-Pak”, une cartouche à quatre pistes (4-track) pour bande magnétique…, l’ancêtre direct de la cartouche “Stereo 8”, aussi connue sous le nom de “8-track” (8 pistes), ultérieurement développée par l’inventeur américain Bill Lear1.
La cartouche “Stereo-Pak” était inspirée de la cartouche à boucle sans fin “Fidelipac”, conçue par l’inventeur George Eash et utilisée par les stations de radio…, Muntz va faire de l’enregistrement stéréo une caractéristique standard du produit en raison de sa grande disponibilité.
Avant que Muntz ne développe la “Stereo-Pak”, les seules unités intra-véhiculaire capables de diffuser un enregistrement étaient des appareils utilisant le gramophone, tel que le “Highway Hi-Fi” inventé par Peter Goldmark, ces unités utilisaient des disques 16 2/3 tours ou des disques 45 tours pour gramophone, lesquels avaient tendance à sauter dès que le véhicule roulait sur une bosse… et les tentatives en vue d’augmenter la pression du bras de lecture pour contrer ce problème avaient pour effet d’user prématurément les disques.
Muntz conçut donc pour les voitures un lecteur de bande magnétique stéréo appelé “Autostereo” et le fit fabriquer à bas prix au Japon…, il pouvait jouer un album complet sans qu’il soit nécessaire de changer de piste ou de retourner le ruban, il ne sautait pas et ne s’usait pas prématurément comme le faisait le lecteur “Gramophone”.
Le nombre de ses boutons de contrôles fut réduit au minimum, la publicité élaborée pour vendre ce “machin” était basique : “Afin de permettre au conducteur de se concentrer sur la route, le lecteur donne aux consommateurs un meilleur contrôle sur leur expérience d’écoute, puisqu’il ne diffuse jamais de publicités ou d’annonces intempestives et BlaBlaBla’s, contrairement aux émissions de radio”…
Muntz va commencer à vendre ses lecteurs et ses cartouches dans les quelques garages de voitures d’occasion qu’il détenait toujours, ayant (curieusement, par oubli des autorités fiscales) échappés à la faillite…, ainsi que dans divers magasins d’appareils ménagers et franchises en Floride et au Texas.
Les produits audio de Muntz furent tellement profitables qu’en 1962, il annula ses ententes avec les compagnies de reproduction de bandes pour fonder sa propre compagnie de fabrication de cartouches “Stereo-Pak” préenregistrées…, la plupart des compagnies de disque ne fabriquaient pas elles-mêmes les cartouches “Stereo-Pak”, toutefois, la “Muntz Electronics Corporation” fournissait des licences pour tous les principaux labels et produisait des centaines de rubans différents…, Muntz présentant ses lecteurs “Autostereo” et ses cartouches “Stereo-Pak” sous la seule marque de commerce “Stereo-Pak” au “Consumer Electronics Show” de 1967.
Le lecteur Autostereo, qui se vendait à partir de 129 $ depuis 1963, avait été une amélioration après-vente populaire chez les gens riches et célèbres de Beverly Hills, Frank Sinatra l’utilisait dans sa Buick Riviera, Dean Martin dans sa Corvette et Peter Lawford dans sa Ghia…, James Garner, Red Skeltonet Lawrence Welk utilisaient aussi des Autostereo dans leur voiture… tandis que Barry Goldwater en avait acheté un pour son fils et que Jerry Lewis enregistrait ses scripts sur des cartouches “Stereo-Pak” pour apprendre ses répliques en conduisant.
Fort de ces “témoignages” obtenus en “échanges de bons-procédés”…,Muntz va, en plus, donner à ses lecteurs et à ses cartouches une image moderne et à la page…, ses publicités imprimées montrant souvent ses lecteurs installés dans d’attirantes voitures sport et incluant une jeune et belle mannequin attrayante et sexy avec un slogan suggestif…, la plupart des employées de ses magasins était d’ailleurs et de plus exclusivement des jeunes femmes attirantes et sexy’s, (des)habillées en vêtements aux couleurs très vives !
Bill Lear (le Boss de LearJet, aviation d’affaire) va installer le “Stereo-Pak” en 1963 dans ses appareils Learjet…, toutefois, étant milliardaire et disposant d’importants moyens il va décider presque immédiatement de revoir sa conception pour l’adapter à ses propres et réels besoins et en faire le système “Stereo 8”.
Le marché du système à quatre pistes s’est ensuite dissipé en 1970, en raison de la compétition du système “Stereo 8”, lequel réduisait les coûts en utilisant moins de bande magnétique et un mécanisme de cartouche moins complexe… et ce bien que le système à quatre pistes jouissait d’une plus haute fidélité parce que la vitesse de la bande était le double de celle du système “Stereo 8” (le quatre pistes avait des têtes plus larges et une meilleure largeur de bande), donc ce dernier devint rapidement le format dominant pour les systèmes stéréo de voitures à la fin de l’année 1969.
La Ford Motor Company commença à présenter des lecteurs “Stereo 8” dans ses modèles 1965… et ils devinrent une option standard l’année suivante… en cette suite, dans une entrevue pour la lettre d’information “The Videophile” en 1979, Muntz révéla que le principal problème qu’avait connu l’entreprise “Stereo-Pak” avait été les retours de marchandise, expliquant que lorsqu’elle reproduisait les œuvres d’artistes importants comme les Beatles, l’usine “Stereo-Pak” devait produire des centaines de milliers de cartouches en fonction d’exigences drastiques et d’un % à payer forfaitairement d’avance…, mais lorsqu’un album devenait moins populaire, les détaillants retournaient les cartouches invendues en réclamant un crédit sur les nouveaux titres alors que les artistes et leurs managers ne remboursaient jamais les trop-perçus…, ce n’était qu’un marché de dupes !
Muntz n’était pas préparé à ses retours et cela fit en sorte que les énormes coûts des marchandises invendues finirent par avoir raison des profits de son entreprise “Stereo-Pak”…
A la fin de 1970, Muntz ferma son entreprise “Stereo-Pak” après qu’un incendie (providentiel) ait détruit ses bureaux et aires de stockage…
Il opta illico pour le marché en croissance de la vidéo domestique, grâce au fabuleux montant de l’assurance incendie… et, au milieu des années 1970, Muntz dota un téléviseur couleur à tube cathodique de marque Sony avec écran de 15 pouces (38 cm) de lentilles spéciales et de miroirs réfléchissants pour projeter des images sur un plus grand écran…, ces appareils primitifs étaient logés dans une grande console de bois…, ils devinrent les premiers “vidéoprojecteurs” pour grand écran à être vendus pour usage domestique.
Les projecteurs étaient fabriqués au “nouveau” siège social de Muntz à Van Nuys, en Californie…, la division américaine des ventes de Sony ignorant que Muntz faisait directement affaire avec la division des équipements d’origine à Tokyo, qui lui expédiait directement le châssis des téléviseurs.
Grâce au talent de Muntz pour la publicité de masse et l’autopromotion, la production de projecteurs était, en 1977, une affaire de plusieurs millions de dollars…, Muntz présenta dès-lors rapidement les magnétoscopes “Betamax” de Sony dans ses magasins, ainsi que les VHS de JVC et RCA, avec une salle qui illustrait le potentiel d’une expérience de “cinéma à la maison”.
En 1979, Muntz décida de vendre à perte des bandes vierges et des magnétoscopes pour attirer les clients dans sa salle de “cinéma à la maison”, où il leur vendait ses systèmes de projection.
Ses succès se poursuivirent jusqu’au début des années 1980, alors qu’il décidait d’investir de grosses sommes dans la “Compact Video Cassette” (CVC) de Technicolor, un système de 6 mm conçu pour rivaliser avec les systèmes de vidéos Betamax, VHS et Super 8…., mais le format CVC fut un échec commercial, les ventes diminuèrent rapidement et les magasins de Muntz fermèrent peu après.
Peu avant de mourir d’un cancer du poumon en 1987, Muntz avait concentré ses activités de vente au détail dans les téléphones portables et les antennes satellites via une compagnie de location de véhicules récréatifs appelée “Muntz Motor Mansions” (les Manoirs motorisés Muntz) qui étaient semblables à des maisons préfabriquées en aluminium (sur roues).
Il fit les manchettes de toute la presse en février 1985, en devenant le premier détaillant à vendre un téléphone portable Hitachi pour moins de 1.000 $, alors que deux ans plus tôt, la plupart des téléphones portables se vendaient environ 3.000 $.
À la fin de sa vie, alors qu’il avait été marié 7 fois…, Muntz conduisait une Lincoln Continental conçue sur mesure, avec une télévision installée dans le tableau de bord : Earl “Madman” Muntz prétendait que cela l’aidait à mieux conduire…, et, à sa mort, il était devenu le principal détaillant de téléphones portables de Los Angeles.
Après son décès, ses enfants, James et Tee, continuèrent à opérer dans deux magasins Muntz à Van Nuys et Newhall, les autres magasins étant des franchisés.., James utilisant les techniques de son père pour créer des publicités tapageuses qui irritaient tellement les compétiteurs que ceux-ci les qualifiaient de “coupe-gorge”.
La méthode “Madman”, dont Earl Muntz fut le pionnier, fut ensuite copiée par d’autres détaillants californiens, incluant le vendeur de voiture “Cal Worthington” et la chaîne de magasins d’électronique de la région de New York “Crazy Eddie”.
Dans les commerciaux télévisés de “Crazy Eddie”, l’homme de radio Jerry Carroll se jetait sur la caméra et sautait en rond en bafouillant, concluant toujours avec le slogan “Crazy Eddie : Our prices are insaaaaaane !” (Crazy Eddie : vos prix sont fououououous !)…, mais grâce à ses publicités pour “Crazy Eddie”, Carroll devint une figure importante des années 1980, faisant même une apparition dans le film Splash.
L’impact culturel de Muntz a été tel que son nom a été mentionné dans des romans, dont “The Neddiad: How Neddie Took The Train, Went To Hollywood, And Saved Civilization” de Daniel Manus…, “Pinkwater, The Lost Get-Back Boogie” (Le boogie des rêves perdus) de James Lee Burke…, et “Four Roses in Three Acts” de Franklin Mason.
Une production intitulée “Madman Muntz: American Maverick” a été présentée dans les festivals de cinéma en 2007, réalisée par Dan Bunker et Judy ver Mehr, elle a été produite par Jim Castoro, propriétaire d’une Muntz-Jet d’origine…, le film a fait partie de la sélection officielle du Festival international du film de San Fernando Valley et du Festival du film Ole Muddy…
Ce film retrace la vie de Muntz en s’attardant sur sa carrière colorée et comprend des entrevues avec des personnes qui l’ont connu et des vidéos personnelles, fournies par ses enfants.
Le documentaire produit par KCET en 1997 “More Things That Aren’t Here Anymore” comprenait une longue séquence sur Earl Muntz et est toujours présenté régulièrement par la station pendant les périodes de souscription… et, en 2001, “Earl Madman Muntz” fut intronisé à titre posthume au “Consumer Electronics Hall of Fame”…
Deux Muntz-Jet ont été vendues aux enchères par RM à Phoenix le 19 janvier 2007…, une voiture 100% d’origine de 1953 (s/n M-198) construite pour Gloria DeHaven, était dans un état passable et a été adjugée 68.750$ ; une autre, mais personnalisée pour le chef d’orchestre Freddy Martin (s/n M-246) a atteint 134.750 $…, plus près de notre temps, en 2018 une Muntz-Jet a été vendue 250.000 $
J’ai possédé la Muntz-Jet s/n M-243 durant plus de sept ans d’il y a une douzaine d’année, elle était violet métallique avec un intérieur de peau d’iguane synthétique blanc…, elle avait été construite à Evanston avec un flathead V8 Lincoln et avait été réellement la voiture de Grace Kelly…, pour tout ce que cela vaut la peine, autant l’écrire avec un doigt relevé…, en croisière elle roulait assez bien en ligne droite, mais dans les virages elle glissait comme une barge… tandis qu’elle s’arrêtait tout aussi rapidement qu’un navire pétrolier de 200.000 tonnes à pleine vitesse…
Ma Muntz avait une personnalité mixte, elle pouvait être une voiture de sport des années ‘5O… mais c’était en cuirassé Hollywoodien personnalisé façon Georges Barris, qu’elle m’enchantait, fun, crazy et un peu absurde…, mais, le plus important, est que chaque fois que je la conduisais, j’avais l’impression que je rappelais au monde (éberlué) que je circulais dans une des 400 Muntz créées par Earl “Madman” Muntz, l’une des personnalités flamboyantes de l’Amérique consumériste… alors que tout le monde s’en f… royalement !!!
On estime qu’il reste environ 50 Muntz-Jet “driveable” dans le monde… et “ceusses” qui les détiennent sont des passionnés…, trois de ces personnes que je connais : Gerry Sutterfield (West Palm Beach, Floride), Don Marsh (Columbus, OH), et Alex Quattlebaum (Charleston, SC), en possèdent chacun deux.
Avec les 53′ 54′ et 55′ Corvette qui se vendent actuellement à plus de 100.000 $, payer plus de 200.000 $ pour une Muntz est une bonne affaire…, les pièces sont relativement faciles à trouver, comme les roulements, suspensions et de nombreuses pièces de garniture (poignées de portes, pare-brise et les encadrements de fenêtres) qui proviennent des Ford de 1949 à 1951…, tandis que les moteurs : soit Lincoln soit Cadillac… sont simples à obtenir 100% révisés.
Les enjoliveurs sont des “Sombreros” de Cadillac avec un disque central Muntz et les pare-chocs ont été adaptés d’un autobus GMC… tandis que sur la plupart des Muntz, les feux arrière viennent du pick-up Chevrolet ’53.
Annecdote : Frank Kurtis après la faillite de la Muntz-Jet va se contenter d’activités plus terre à terre, en se spécialisant dans la construction de véhicules de service d’aéroport, principalement celui de Los Angeles…
Et c’est dans les locaux de Frank Kurtiss à l’international Airport de Los Angeles, que Carroll Shelby va ouvrir son atelier/boutique des fameuses Cobra quelques années plus tard…, voilà un ensemble d’histoires formant une épopée joyeusement absurde…