Le Gee Bee, un désastre mythique…
Tout pilote se déplaçant à plus de 300 km/h au-dessous de 150m d’altitude se trouve en danger de mort en cas de panne de moteur ou d’un défaut de construction… Or, il n’y eut pas à l’époque d’appareil plus dangereux que le très rapide mais très instable “Gee Bee” construit par les cinq frères Granville en nouvelle Angleterre.
Les frères Granville installé à Springfield créèrent un petit avion en 1922. Tous les Gee Bee construits, laissèrent un funeste souvenir dans la légende américaine. Il se vendit au début, mais la crise économique anéantit le marché des petits appareils privés… La compagnie se trouva alors en difficultés.
En 1931, Bob Hall, ingénieur principal de la firme, suggéra de la renflouer en construisant un avion de compétition capable de remporter l’argent des prix.
Les frères Granville se lancèrent alors dans la construction du “Modèle Z”, rebaptisé “City of Springfield”, le premier des puissants et remarquables prototypes qui allaient étonner le monde de l’aviation. Ainsi naquit la Springfield Air Racing Association et Bob Hall trouva les fonds nécessaires à la paie des employés en vendant ses parts. Pour augmenter la vitesse, Zantford Granville et ses collègues raccourcirent le gros fuselage et les ailes tout en renforçant la puissance.
Mais cette passion exclusive pour la vitesse produisit un engin aux tendances suicidaires, comme put un jour s’en rendre compte le pilote de course Jimmy Haizlip pendant un vol d’essai qui fut également le dernier qu’il tenta sur ce genre d’appareil : “J’ai eu mon premier choc en touchant le gouvernail de direction : j’avais l’impression que l’appareil voulait se mordre la queue. Le deuxième choc survint lorsque je tentais d’entamer un virage. J’y étais parvenu avec trente degrés d’angle lorsque tout à coup le manche revint vers moi : voilà que l’avion essayait à nouveau de se mordre la queue. Je me posai malgré tout parfaitement, bien qu’il ne cessât de se cabrer et de décrocher à 170 km/h. J’étais très à l’aise jusqu’au troisième atterrissage : je frôlais les arbres à 170 km/h et à l’instant où je m’attendais à ce que les roues touchent le sol, quelque chose précipita l’aile gauche à terre : elle se cassa. Les deux roues cassèrent aussi et l’aile droite tomba. L’appareil se mit à faire des tonneaux et lorsqu’il s’arrêta enfin je parvins péniblement à m’extraire de l’habitacle par la petite trappe de secours. Je me suis ensuite arrêté de courir au bout de 200 mètres au moins” !
Avec le Gee Bee, Lowell Bayles gagna 7.500 dollars au Thompson Trophy de 1931, couvrant les cinq tours de circuit de seize km chacun, à la moyenne incroyable pour l’époque de 378 km/h… 6.000 habitants accueillirent les frères Granville comme des héros… Ils défilèrent dans les rues sous les acclamations. Mais la tragique histoire des Gee Bee ne faisait que commencer. A Detroit, au mois de septembre, Lowell Bayles perdit le contrôle de son “Modèle Z” pendant un parcours de vitesse. L’appareil s’écrasa sur près d’un kilomètre de voie ferrée. Le corps du pilote gisait non loin de l’épave en flammes.
Les deux gros supers sportster construit ensuite par les frères Granville arboraient sur leur carlingue le rêve de tous les joueurs : le dessin d’une paire de dés avec le 7 et le 11 ; ils furent sans doute les appareils les plus dangereux qui aient jamais été pilotés. En 1932, Doolittle comptait participer à la course transcontinentale du “Bendix Trophy” et au “Thompson Trophy” auquel il n’avait pu participer en 1931 à cause d’un piston cassé…,
Quatre jours avant le départ de la première compétition, Doolittle se posa sur le ventre et endommagea gravement son appareil de course. Zantford Granville, constructeur des gros Gee Bee, eut vent de ses malheurs. Comme son pilote s’était blessé après un atterrissage forcé, il proposa à Doolittle de le remplacer au pied levé. Ce dernier sauta sur l’occasion, mais fut un peu déconcerté à la vue de l’appareil : son énorme fuselage, rond et court, son minuscule gouvernail de direction, laissaient présager une instabilité qui allaient se révéler fatale à bien des pilotes, mais en même temps suggérait la puissance et la vitesse à l’état brut.
De cet appareil, Doolittle disait : C‘est l’avion le plus susceptibles que j’ai jamais piloté. Fasciné, à Cleveland, pour s’exercer à contourner les pylônes, Doolittle examina l’avion de fond en comble, y monta, mit le moteur en marche et fit monter le Gee-Bee à 1500 mètres au lieu des 80 mètres habituels pratiqués dans les courses en circuit fermé, racontant plus tard (ci-dessus) : “Il est heureux que j’ai eu cette idée. L’engin a fait deux tonneaux avant que je puisse en reprendre le contrôle. Si je m’étais exercé plus près du sol, j’étais mort”. Vite familiarisé avec le monstre, il fut en mesure de battre des records mondiaux de vitesse au cours des vols d’essai, avec une moyenne de 477 km/h. Pour la course, il prépara la stratégie suivante : utilisant la puissance de son engin et la force de levier de son hélice à pas variable, il prendrait la tête dès le départ et passerait à plein gaz bien au large des pylônes afin de maintenir sa vitesse en évitant les virages trop inclinés. Il affronterait les meilleurs pilotes sur les meilleurs avions : Jimmy Wedell, Roscoe Turner, et Jimmy Haizlip.
Doolittle réussit comme prévu son “départ canon” et distança tous les concurrents excepté Wedell. Il gagna avec une telle avance que pour le commun sa victoire parut facile. Mais pour ses pairs, la performance de ce pilote d’un courage et d’un talent exceptionnels fut un haut fait de l’aviation, appréciation confirmée par la suite, lorsque les Gee-Bee commencèrent à entraîner la mort de leurs pilotes. Doolittle abandonna prudemment la course aérienne quelques semaines plus tard, son expérience de cet appareil surnommé “le piège mortel”, l’ayant convaincu que ce genre de compétition coûtait trop cher en vie humaines et en matériel…
En 1933 les deux Gee Bee R1 et R2 connurent une fin tragique… l’un d’eux, au décollage à Indianapolis, dévia en roulant sur la gauche de la piste et s’écrasa, tête la première, sur la piste d’atterrissage. Russel Boardman, le pilote mourut quelques jours plus tard. Le même jour, le deuxième appareil cassa son train d’atterrissage. Une fois réparé, il rentra à Springfield où il s’écrasa à l’atterrissage. Le pilote, Jimmy Haizlip se blessa grièvement et cet accident le marqua à jamais. On construisit une dernière fois un Gee-Bee avec les morceaux récupérés sur les deux super sportsters accidentés. Zantford Granville, le créateur du Gee-Bee, se tua lui-même sur l’un de ses appareils en 1934 en essayant d’éviter deux ouvriers sur une piste d’atterrissage, à l’occasion du Bendix Trophy de 1934. Ce fut la dernière fois que cet appareil participait à une course aérienne…
Le Thompson Trophy puise ses origines dans les National Air Races en 1929… ces courses se déroulaient sur l’aéroport de Cleveland où des tribunes accueillaient 50.000 spectateurs. Entre ces tribunes se trouvaient les bâtiments administratifs à cinq étages, avec ses balcons pour les invités d’honneur, dans lequel était installé également le quartier général de l’imaginatif organisateur de cette grande foire : l’infatigable et persuasif W. Henderson, dit Cliff…
Avec les National Air Races, Henderson voulait créer un une grande foire commerciale aéronautique et un événement d’envergure nationale. Et il y parvint au delà de toutes les espérances : à Cleveland, devant les tribunes, à 150 mètres les uns des autres, les avions devaient s’aligner pour décoller tous en même temps. Après avoir contourné un pylône spécial , il entraient dans un parcours triangulaire où se déroulait la course. Il y avait toutes sortes d’acrobaties aériennes, une équipe de la force aérienne canadienne terrorisait les spectateurs les plus blasés en volant au ras des tribunes et des courses réunissaient tous les types d’avions imaginables, des vols de nuit et même des spectacles musicaux : “On n’a jamais rien vu de tel de pareil en Amérique”… s’enthousiasma un journaliste. Mais le plus spectaculaire restait encore à venir…
En 1930 à Chicago, Cliff Henderson y appliqua la même formule qu’à Cleveland en y ajoutant une attraction supplémentaire : il persuada Charles Thompson, fabricant de soupapes et promoteur de la compétition de 1929, d’offrir un trophée pour une course en circuit fermé où pourrait se présenter tous les types d’appareils… cet objet en bronze proposait une représentation de la fièvre de la vitesse. Le Thompson Trophy, remis à l’aéroport Curtiss-Reynolds de Chicago le dernier jour des compétitions de 1930, attira deux constructeurs décidés à s’en faire un tremplin vers la gloire. L’un d’eux, sur un minuscule monoplan baptisé “Pete” qu’il avait construit après ses heures de travail, venait de gagner cinq courses en circuit fermé… quant à l’autre, dans son atelier d’Ashburn fields, près de Chicago, il n’avait pas encore terminé d’assembler tous les éléments de son biplan nommé “La Solution”, le matin même de la course…
Le constructeur du “Pete” était Benny Howard et celui du “La solution” s’appelait Emil Laird qui réussit à terminer la préparation de son avion à peine une heure avant le départ ! Les concurrents étaient redoutables : outre le monoplan de Howard, il y avait deux “Travel Air” et un Curtiss du Marine Corps piloté par le capitaine Athur Page. Celui-ci se maintint en tête de la course pendant 17 tours sur 20. Puis ce fut la catastrophe. Holman, vainqueur sur “La solution”, atteignit 322 km/h de moyenne, mais pour des raisons demeurées obscures, l’appareil se précipita au sol, tuant son pilote ; on supposa ensuite qu’il avait été asphyxié par des émanations d’oxyde de carbone. Haizlip sur le “Travel Air” arriva second… et Howard sur son minuscule “Pete” finissait troisième.
Un Hot-Rod Ford Roadster B’32 full acier et aluminium surnommé “Bees-Kness” a été construit dans les années ’80 en “Hommage” au Gee Bee N°7, à la demande de l’ancien président du conseil d’administration du célèbre Peterson Automotive Museum. Il savait exactement ce qu’il voulait, aucune limite de coût ni de temps. La construction a duré une année et la facture s’est élevée à 150.000 US$. Le Hot-Rod devait refléter le style et être peint dans les couleurs du célèbre avion de course Gee-Bee N°7 des années 1930.
Des phares de style E&J, un câblage Ron-Trancis, des jantes d’époque (mais élargies), des jauges Stewart Warne, des composants mécaniques Tri-C Engineering, un moteur Chevy V8 ZZ4 “Fast Burn” avec des poussoirs à rouleaux hydrauliques, deux carburateurs quatre corps un collecteur Edelbrock, un système d’allumage pro-comp’ à haute sortie avec limiteur réglable rev. et une transmission Turbohydro 350 avec convertisseur de couple renforcé, le tout monté sur un châssis “maison” : Un job “à l’ancienne”, “vieille école”, mais avec du matériel neuf !
Pour ma part, je n’ai pas pu résister à acquérir une reproduction d’un bon mètre de l’avion Gee_Bee N°7 que j’ai placé sur mon bureau (qui est lui-même assez spécial)… Un tel avion a inspiré des centaines de sociétés fabricant des maquettes et modèles réduits ainsi que des avions-autos à pédales… de même que des fanatiques qui ont décoré leurs véhicules aux couleurs du fameux Gee-Bee N°7…