Alep, c’est en Syrie…
A l’instar des rêves, les villes sont faites de désirs et de peurs, mais si le fil de leur propos est sibyllin, leurs règles sont absurdes, leurs perspectives sournoises et tout n’y est que dissimulation.
Dans Les villes invisibles, roman d’Italo Calvino, l’explorateur Marco Polo décrit les villes d’un vaste et déliquescent empire à son souverain, Kubilai Khan.
Au bout d’un moment, les récits se superposent et le khan comprend que le navigateur à sa cour n’a parlé que d’une seule et même ville, imaginaire, fragmentaire, où chaque vignette expose une perspective différente, dévoile une autre ville, où la mort reflète la vie et où les cités ont des noms de femmes italiennes.
Chaque ville est suspendue entre réalité et chimère et rappelle au lecteur que toute ville ne peut être appréhendée que par petites touches, saisissant à chaque fois un objet, une histoire ou un souvenir précis.
J’ai essayé de comprendre comment des villes pouvaient devenir invisibles.
Le spectacle de la mort est devenu un passe-temps au Moyen-Orient…
Il y a tant à en apprendre.
La mort est rapide, bien plus courte qu’un clip YouTube.
La mort, c’est un homme enveloppé dans son linceul, des bandages ensanglantés autour de la tête et des bouts de coton enfoncés dans ses narines, c’est la teinte bleue-grise de sa peau.
La mort, c’est une caméra qui balaye des fosses communes où des cadavres forment de longues lignes, parfaites, qu’on recouvre de terre couleur rouille.
Mais la mort d’une ville est différente.
Elle est lente, chaque quartier dit sa mort bombe après bombe, obus après obus et pierre après pierre.
Assister à la mort est insoutenable.
Ce n’est pas comme apprendre la mort de quelqu’un, la nouvelle arrive toujours trop tard, toujours après les faits, avec la mort d’une ville, c’est comme si le processus pouvait être enrayé, que la ville pouvait être sauvée des griffes de la destruction.
Mais là est l’illusion: ces villes, autrefois ardentes et vivaces, ne peuvent être sauvées.
Nous sommes frappés d’impuissance et nous n’avons plus qu’à les regarder tomber en décrépitude.
On nous a vendu les ruines comme des lieux romantiques et poétiques.
Comme des touristes se baladant dans des sites archéologiques, appareils photo autour du cou et guide en poche, dans les tourbillons de poussière qui effleurent les restes d’une civilisation morte, nous sommes en quête de beauté.
Les ruines, ce n’est pas romantique !
Nous imaginons le passé, à quoi ressemblaient ces lieux avant l’effondrement des empires et la transformation d’objets quotidiens en artefacts historiques.
Mais il n’y a que la distance du temps et de la géographie qui permet ce type de romantisme.
En pleine guerre, les ruines en formation ne sont pas belles, elles ne sont pas les messagères de leçons profondes, ni même une mise en scène alambiquée invitant à la méditation philosophique sur la folie des hommes.
Quand vous y assistez, en direct, quand la destruction est réelle, c’est une tout autre histoire.
C’est ce moment de désespoir où nous réalisons combien ce qui nous semblait réunir toutes les merveilles du monde, n’est qu’une ruine sans fin et sans forme, que la gangrène de la corruption est remontée trop haut pour que quiconque puisse la guérir.
Etre humain, ce n’est pas être originaire de n’importe quel endroit du monde.
Nous survolons si superficiellement l’histoire que nous ne la comprenons pas.
Nous, occidentaux, mais pas les autres qui ont grandi en sachant que leur insignifiante existence n’était que la couche de poussière la plus fine au sommet d’une épaisse strate géologique, faite des empires, des royaumes et des générations qui se sont succédés.
Les autres, sans le moindre doute et dès le plus jeune âge, ont su qu’ils n’étaient rien d’autre que des battements de cils dans les yeux d’indifférents à toute humanité.
Quand vous êtes originaire d’ailleurs, quand vous n’êtes pas citoyen de l’Empire, vous êtes frappé d’une malédiction : rien ne changera jamais.
Pour certains, survivre est trop difficile à supporter.
Au fil du temps, l’immutabilité et l’incapacité à laisser une marque, vous pousse à la révolte avec des moyens trop souvent désuets.
Qu’importe l’endroit du monde, ces “autres”, passent leur vie à s’angoisser, à se demander si un jour le cauchemar de l’esclavage, de la colonisation et du vol de toutes leurs ressources, cessera…
A Gaza, Israël au nom de sa religion d’état, pille les terres et la mer Palestinienne pour y voler pétrole et gaz…, c’est la seule et unique raison pour laquelle Israël ne fera jamais la paix avec les Palestiniens…
La mer qui contient les plus importants gisements de gaz du monde (Gaza est un nom prédestiné) ne s’arrète nulle part, en méditérannée, que sur les cotes de divers pays…
Comprenez que pétrole et gaz qui s’y cachent et que veulent s’approprier les grandes puissances qui se protègent sous leur arsenal atomique, se trouvent sur le pourtours sud, est et ouest, de l’Algérie à la Grèce…
Tous les pays qui suivent ces cotes… sont destabilisées par l’Empire Occident, qui se veut le Nouvel Ordre Mondial…
Si l’Empire ne sait trop comment détruire l’Algérie et le Maroc, elle s’y est attelée avec la Libye, l’Egypte, Gaza, le Liban, la Syrie, a hésité avec la Turquie, pour préférer ruiner la Grèce et un peu l’Italie pour pouvoir acheter terres, ports, bandes cotières et industries à vil-prix…
Au vu des pressions d’indignés du monde entier, Israël après avoir re-tenté de détruire définitivement la population Palestinienne, vient de mettre en route un plan bis consistant à offrir 500.000 euros par famille Palestinienne pour leurs terres si elles sont stratégiquement gazières ou pétrolières…
Quant à la Syrie, stratégiquement admirablement positionnée entre un Liban quasi inexistant et la Turquie alliée, son sort a été décidé…, une destruction totale “à-la-Libyenne”…
Savez-vous ce que cela signifie, lorsque vous êtes Syrien, Syrienne ?
Une ville au hasard…
Alep est une ville de minarets où la lune se repose, une fois sur l’un, une fois sur l’autre.
C’est une ville d’églises, de temples, de reliques et de tombes de mystiques révérés.
C’est une ville où les épices de l’Arménie se mélangent aux saveurs de la Turquie.
C’est une ville où l’arabe, le kurde et l’arménien se parlent en parallèle l’un de l’autre, avec un mot de français jaillissant, parfois, ici ou là.
C’est une ville de commerce et d’industrie, où les hommes palabrent et négocient sans arrêt, dans les mêmes souks où leurs pères négociaient et palabraient avant eux.
C’est une ville où des jeunes filles, en jeans moulants et hauts talons, courraient les rues et y croisaient d’autres femmes, habillées de longs manteaux noirs et de voiles blancs encerclant leurs visages.
Quand vous allez à Alep, vous ne la voyez pas tant que vous n’êtes pas arrivé.
Alep est une ville au regard tourné vers l’intérieur; elle voit le monde parce qu’il se reflète en elle.
Au sommet d’une colline ovale, la Citadelle d’Alep domine le cœur de la ville.
C’est là que se rendaient les visiteurs.
Dans la chaleur de l’été, ils grimpaient une succession escarpée de marches de pierre, exténués par la promesse de fraîcheur qu’ils trouveraient à l’intérieur.
Sous les portes massives de la forteresse et dans ses corridors sinueux, qui servaient autrefois de remparts aux attaques.
Puis, sous un soleil de plomb, le visage momentanément grimaçant du brusque passage entre l’ombre et cette cinglante lumière alépine : la citadelle, la mosquée.
Devant cette vue majestueuse, ils tendaient les bras et dans un moment de pure magie, la ville de pierres et de minarets se dévoilait sous leurs yeux médusés.
C’était le moment où les obturateurs des appareils cliquettaient, comme autant d’applaudissements.
Mais aujourd’hui, la Citadelle n’est plus un endroit pour impressionner les touristes.
Le lieu n’est plus un site protégé du Patrimoine mondial de l’Unesco.
Elle est retournée à sa fonction première, celle d’une forteresse, prise dans une âpre bataille entre frères syriens, un site à occuper et à capturer, une nouvelle fois.
Le sang ruisselle sur les pavés !
Les clous et les fers à cheval antiques qui ornaient ses portes indestructibles sont désormais tordus et les lourdes planches de bois ont été brisées.
Les étroites meurtrières du château, autrefois repaire d’archers, sont devenus des nids à snipers.
Ses pierres crayeuses, intactes depuis des siècles, sont parsemées d’impacts de balles… et la rue pavée en contrebas, fraîchement rénovée, draine le sang des victimes des combats : des cadavres qui restent parfois des jours à pourrir avant d’être récupérés par leurs proches.
Les ruines redeviennent des ruines !
A cause de l’Occident Européen associé à Israël et aux USA, nous, qui aimons la paix et le monde, sommes indignes de l’histoire du monde que nous sommes incapables de protéger.
Car la Vieille Ville, la Citadelle et les souks n’étaient pas uniquement le théâtre de mises en scènes sociales, ils étaient le cœur de chaque Alépien et c’est leur sang qui ruisselle sur les pavés de leur ville. Brisée, Alep ne s’amuse plus.
La Syrie est devenue une terre de minarets en ruines et de petites filles décapitées.
Dans chaque vidéo qu’on montre au public, des manipulations réalisées par l’Empire…, on impute toute les responsabilités à ceux qui défendent leur terre…
Ce n’est pas plus…
On prétend tout et son contraire, mais la seule réalité est comme la réalité Palestinienne, on vient prendre la terre de force, on tue et pille, on prétend là que c’est un dieu qui l’a ordonné il y a des milliers d’années… et ici qu’il faut défendre le peuple d’un dictateur…
Mais c’est pour prendre la terre, qu’importe si les propriétaires sont tués…
Revoyez toutes les vidéos qu’on vous déverse, tous les articles dont on vous abreuve…, c’est comme s’il manquait toujours quelque-chose, quelque-chose de cassé, quelque-chose qui ne sera jamais réparable.
C’est quand les choses se brisent que vous en saisissez l’essentiel, qu’il s’agisse d’amours, d’amitiés, de personnes et même de villes.
Les choses cassées prenent davantage de place.
Tout se casse : le crâne d’une petite fille, un minaret…
Quand ils sont entiers, les objets sont compacts, rentables, efficaces.
Les longs intestins d’une petite fille forment des circonvolutions parfaites, dissimulées derrière son ventre plat, contrairement à la masse informe de chairs roses et entortillées qui déborde de son cadavre défiguré.
Une fois brisé, son crâne devient autant de flèches tranchantes pour le front d’un autre enfant, comme si ces os avaient toujours été des lames discrètes, prêtes à couper… et faisant simplement et provisoirement semblant de former un petit bouclier clair, tendre et bombé.
Ahhh, vous pleurez et êtes prèt à accepter la boucherie des pseudos révolutionnaires venus ‘d’ou ?) pour libérer la Syrie…
Mais ce sont eux, ces pseudos révolutionnaires qui réalisent ces actes de barbarie, qui mettent en scène des histoires, qui promettent aux dirigeants des pays membres de l’Empire, qu’il reconnaitront Israël et accepteront que l’on vienne s’installer en Syrie pour y pomper le gaz et le pétrole tout en permettant d’ouvrir des bases militaires pour aider à créer des tensions plus avant vers l’Iran…
Dans le ciel, un minaret s’élève comme une construction racée et gracieuse, mais quand il tombe, il se disloque et atterrit dans les rues dans une avalanche de pierres, ses étages supérieurs emportant toute la façade du monument dans leur chute.
La Syrie, un pays autrefois paisible et qui ne prenait avant la pseudo-révolution qu’une place minime, déborde maintenant de tous les côtés, engorgeant journaux, débats internationaux et réseaux sociaux de millions de mots et d’images.
Une fois détruites, les choses prennent des formes inédites et inimaginables.
Les sols en béton s’amoncellent en tranches verticales contre les murs des bâtiments éventrés.
Les cadavres carbonisés se ratatinent, figés pour toujours dans leurs positions torturées.
Les portes métalliques des magasins se froissent comme de vieilles boîtes de conserve et jaillissent de leurs gonds.
Et même les souvenirs heureux se tordent sous l’effet de la destruction : le son d’un feu qui crépite ne réconfortera plus jamais, tant il rappellera toujours celui du brasier des échoppes historiques d’Alep.
Quand elles sont détruites, c’est là que vous réalisez, trop tard, combien toutes ces choses étaient fragiles : os, pierres, murs, bâtiments, villes.
La compréhension de la destruction et des changements qui l’accompagnent se fait par vagues, c’est par exemple le moment où on réalise que les lieux de son enfance ont disparu pour toujours.
Les zones d’ombre de la ville d’Alep commencent ainsi à correspondre aux zones d’ombre de votre esprit.
Au fil du temps, nous exhumons tout ce que nous pouvons, nos photographies deviennent les références d’une vie que nous pensions impérissable, que nous prenions, à tort, pour une toile de fond éternelle.
Qui aurait pu dire, un jour, que…
Depuis le début, les habitants d’Alep sont les otages d’une mascarade, d’une histoire manipulée par l’Occident, pareil qu’à Darra, Homs et Hama.
Le saccage d’Alep est la faute de ces opposants, de ces mercenaires à la solde de l’Occident.
Les gens oublient que si Alep était l’une des cités islamiques les mieux préservées du Moyen-Orient, c’était à cause d’Hassad pour la rénovation de la Vieille Ville.
Et tout le monde a aussi oublié que Bachar, à l’instar de son père, a préservé la cité du nord, ses bâtiments, son histoire, ses habitants.
Ce qui fut péniblement restauré, pierre après pierre, ce qui fut reconstruit, réinventé et remis en valeur est aujourd’hui détruit.
Rien n’est tenu pour sacré, ni la Grande Mosquée des Omeyyades, ni les vieux souks, ni les quartiers chrétiens d’al-Jdeideh… et pas même le symbole de la ville: la Citadelle.
La barbarie des pseudos révolutionnaires oblige au silence !
Le silence et la peur n’ont plus de valeur sur le marché, les obus ne font pas la distinction entre un silencieux et un brave.
Comme les anciens Mongols, ils fuient en laissant derrière eux une terre recouverte de cendres, de ruines et de sang.
Les antiquités, sortent du pays par toutes ses vannes ouvertes…
Ces objets exhumés et pillés, extorqués et échangés par les pseudos révolutionnaires contre des armes pour tuer davantage de Syriens.
Les artefacts historiques quittent la Syrie et s’en vont vivre dans d’autres maisons, où des individus racontent à leurs enfants des histoires de lieux anciens, des lieux qui existaient autrefois, des lieux qui n’étaient pas encore invisibles.
Des lieux qui n’étaient pas encore morts.
Une ville de cendres…, Alep est une femme.
Son nom complet, Halab al-Shahba, se réfère au lait de la vache grise du Prophète Abraham.
Et ce n’est pas surprenant que le nom d’Alep ait une signification aussi sainte et terre à terre, un caractère qui relève autant du sacré et de la subsistance quotidienne.
C’est une ville de lait et de marbre, rien ne nourrit davantage l’esprit d’Alep que sa cuisine et ses pierres.
Aujourd’hui, Alep est une ville de cendres et de sang.
Les pierres laiteuses sont devenues grises, noires, avec de longues traînées rouges.
Le blanc a disparu, si ce n’est dans les traces salées des larmes qui hachurent les visages poussiéreux.
Les autres, c’est eux maintenant !
Chaque jour, les habitants d’Alep sont obligés de se confronter aux parts les plus laides d’eux-mêmes, celles qu’ils pensaient, naïvement, appartenir aux autres.
Ce n’étaient que les autres qui pouvaient tuer leurs semblables; il n’y avait que les autres pour bombarder des immeubles remplis de familles innocentes; ce n’était que les autres qui pillaient et violaient, que les autres qui massacraient des enfants.
Pour ceux qui y sont passés sans y entrer, cette ville est une chose; elle en est une autre pour ceux qu’elle séquestre, ceux qui ne pourront jamais la quitter.
Il y a la ville que vous voyez pour la première fois, mais c’est une autre ville que vous quitterez sans jamais pouvoir la revoir.
En Syrie, les habitants vivent ce qui, pour la vie elle-même, relève d’une aberration.
Ils voient ce que personne n’est censé voir, les entrailles des enfants et les péchés originels des hommes.
Ils assistent, horrifiés, à leur mise à mort…
De la même manière qu’aucun parent ne devrait avoir à enterrer ses propres enfants, personne ne devrait avoir à enterrer sa propre ville.
Dans une ville comme Alep, des changements si radicaux ne se produisent tout simplement pas au cours d’une vie.
Mais désormais, plus rien ne dit que cette ville puisse survivre.
A un moment donné, la confiance se rompt entre Marco Polo et Kubilai Khan.
Le conteur et l’auditeur se séparent en deux mondes, indépendants l’un de l’autre.
Kubilai finit par douter de son narrateur et accuse Marco Polo d’avoir créé des fictions sur du vent.
Ces villes ont-elles jamais existé, demande-t-il, ou les as-tu inventées?
Les villes sont à la fois réelles et imaginaires.
En temps de paix, elles sont des toiles de fond, des arrière-plans qui absorbent paisiblement les ego.
Elles attendent qu’on les remarque, que quelqu’un leur rende visite et les voie sous un jour nouveau.
Vous rêvez de quitter un lieu qui ne change pas, de laisser derrière vous le fardeau de l’histoire sur lequel vous n’aurez jamais la moindre prise, où après votre passage, vous ne laisserez pas le moindre grain de poussière sur sa narration infinie.
Vous rêvez d’un endroit, en dehors de cet endroit, où la possibilité d’échapper au passé et de devenir quelqu’un d’autre semble plus facile.
Vous n’aviez jamais imaginé qu’un jour, c’est la ville qui serait mise à nu, précaire et vulnérable.
En temps de guerre, la ville devient précieuse, vous faites le deuil du moindre mètre, vous avez la nostalgie de la moindre pierre.
Les images, les senteurs et les saveurs de la ville vous hantent.
Vous vous accrochez au moindre souvenir du moindre lieu que vous avez connu, pour tenter de vous souvenir des choses telles qu’elles étaient.
Avant.
Souvenez-vous d’une ville qui s’appelait Alep !
Mais les souvenirs sont trompeurs.
Vous les rassemblez en images, des images vous faites une histoire que vous racontez à votre enfant.
Une cité faite de monuments et de lait, de douceurs et d’épices, une ville si parfaite, si belle, qu’elle portait le nom de la vache d’un prophète.
Ses minarets changeaient de forme, passaient du carré au rond, puis du rond à de minces aiguilles cinglant le ciel, chaque appel à la prière était une symphonie de voix qui se répondaient l’une à l’autre, comme dans une interminable conversation.
Vous continuez l’histoire, en éludant certains détails : la fuite, les flammes, les cendres, les minarets qui dégringolent, l’adhan muet, le sang devant les boulangeries et la puanteur omniprésente de la mort.
Vous faites l’impasse sur les sombres travers de nos sociétés, vous ignorez les crimes des hommes, les trahisons des gens… en réalité, vous ignorez tout bonnement les humains, car vous êtes désormais persuadés que, sans ses habitants, une ville peut conserver son innocence.
Mais qu’importe, de tels détails n’ont pas leur place ici.
Vous ne savez plus quoi répondre, car tout est à la fois un mensonge et la vérité.
Elle était réelle… et le moment d’après intangible, même en conservant les photographies au creux de vos mains et les souvenirs bien à l’abri dans votre tête.
Malgré tous vos efforts, ou peut-être en dépit d’eux, elle a changé.
Et avec mes mots, avec mes dits et mes non-dits, j’ai finalement rendu cette ville invisible.