On ne peut pas, ne pas la regarder…., parce qu’elle appelle, nous interpelle…
Cette photo prend notre cœur par quelque chose d’enfoui en nous, qui vient de moments qu’on a vécus, qu’on voudrait vivre, qu’on vit, qu’on sait qu’on vivra, qu’on n’imaginait pas forcément avoir jusque-là.
Le couple s’embrasse…, dans la ville… dans une ville, dans une vie.
On dirait, il y a des années…, il y a bien longtemps, pas si longtemps, ou trop longtemps…
Mais c’est peut-être demain, on ne sait pas bien…, quand l’histoire a lieu, ça n’a pas d’importance.
Le couple s’enlace et ce n’est ni choquant, ni stupide, juste troublant.
C’est fascinant.
Elle, avec ses mèches sauvages, sa jupe qui vole, son blouson de rue, un bras nu, ses poings serrés, son étreinte…, de la nuque à l’épaule, en corps à corps, en cœur à cœur…
Son sac qui a glissé, ses yeux fermés qui murmurent des prières…
Et Lui, allure de prince voyou, en tenue nonchalante, le cheveu canaille qui a livré bataille.
Un coup de fougue ?
Un coup de foudre ?
La main juste au-dessous de sa joue, avec le pouce qui dit : Oui, oui, je sais, moi aussi, oui, promis, chhht, calme-toi, oui, tu verras…, tu verras…, tu verras.
Mais on doit tendre l’oreille…
Peut-être qu’on n’a pas bien entendu…
Et puis l’autre main, sans doute à la taille, là, derrière, on ne la voit pas, prétend le contraire.
Il y a de la fièvre, en tout cas, dans cette image-là.
Comme après une attente folle, chez cette brunette un peu folle…
Qui sait que même si rien n’est perdu, la preuve…, il est là, à l’embrasser si fort…, rien n’est garanti, dans trois minutes il annoncera peut-être, en riant, qu’il part pour un an à l’autre bout du monde…
Il y a du feu chez lui aussi.
Celui qui emporte tous les bateaux, toutes les nuits fauves, toutes les raisons qui poussent à mordre à tous les fruits, à ne pas s’arrêter pour toujours avec Elle, parce que, parce que, parce que le monde est si vaste, la vie si brève, le cœur si avide, les désirs si bons.
C’était quel jour ?
Un jour d’hier ?
Un à venir ?
Celui-ci ?
Un jour où on a fait une bêtise ?
Un qu’on vit d’amour, souvenir d’un jour, espoir de toujours ?
Le jour où, tu verras…, tu verras…, tu verras la vie…, la belle vie.
Celui où tout a commencé ?
Où tout s’est effondré ?
Celui d’avant ou d’après ?
Celui où ils se sont déchirés ?
Celui où ils se retrouvent ?
Celui où ils comprennent que ça ne peut pas s’arrêter ?
Où ne pas durer…
Pas comme ça.
Pas là.
Pas maintenant, demain peut-être, ou après demain, ou l’année prochaine, ou alors jamais…
On regarde, voyeurs, passants gris, louchant sur les amoureux des places publiques…, comme s’ils nous faisaient un doigt d’honneur, sans arrêter de s’embrasser.
Et on repart, vers où on a décidé, il y a longtemps déjà, qu’on doit aller.
Avec ce truc qui chamboule, qui sort des tripes… et par lequel cette photo nous a tirés.
Et on garde Elle et Lui en nous.
Et on voudrait être Eux.
Là.
Au moins un jour.
Si pas toujours…, au moins longtemps…
Éternellement, le temps d’une vie, comme un jour…
Et puis…, observez…
Le couple s’enlace, puis se lasse…, le temps passe, l’amour éclate…
D’une photo, d’un cliché, d’un amour pour toujours, ne restent que des fragments de passion.
Des souvenirs déchirés, diverses photos répétées, rassemblées ou abandonnées…
Amour délaissé, jeté…, oublié !