Plagiats, plagiaires et plagistes…
Je m’amuse de parfois pasticher façon San Antonio et Achille Talon, ainsi que m’inspirer de divers grands écrivains tels Hunter Stockton Thompson, Jack Kerouac, Céline, Friedrich Wilhelm Nietzsche, Voltaire, Zola, Alain Robbe-Grillet, Jean-Paul Sartre… Mon duo préféré étant Jean Marteau (mon contrôleur fiscard) et Albert Dumoulin (mon garagiste)… A contrario, il m’est impossible de pasticher l’insondable platitude roborative débilitante des journaleux-pigistes de feu-Nitro et PowerGlide… ni le style ampoulé-enfariné (confinant au grotesque) de Sergio Bellâtre, si ce n’est pour en extrapoler des quintes de rires irrépressibles ! Pasticher est un genre généralement méconnu qui reste pour moi la parure suprême de la critique. Véritable genre littéraire, en vogue jusqu’au début du XXe siècle, le pastiche se coule naturellement via le doigté (au clavier tel un pianiste les jours et nuits d’extraordinaires moments voire un accordéoniste les jours de guinguettes/guindailles) d’un jouisseur d’écrits-vains, pour tenter de restituer et faire revivre la langue et l’esprit de la Franchouille, en ce compris sa voix singulière…
C’est un jeu intellectuel qui vise à me divertir sans pour autant délaisser mes lecteurs/lectrices/internautes, que je surnomme affectueusement “Mes Popus” ! C’est un exercice de haute école auquel se sont pliés les plus grands : ni Flaubert, ni Verlaine, ni Rimbaud, ni Proust, ni Valéry ne le trouvèrent indigne d’eux ! La Bruyère, Boileau, d’autres encore s’y sont adonnés avant eux avec bonheur. Comme en peinture, l’imitation est ici la voie la plus sûre pour tenter de percer les secrets des Maîtres d’autrefois, s’il est vrai que l’art d’écrire est d’abord un artisanat qui s’apprend auprès de ceux qui l’ont porté à son sommet. Un pastiche (extrapolé de l’italien “pasticcio” qui signifie “pâté”) est une imitation du style d’un auteur ou artiste sans viser le plagiat. Le pastiche est à différencier de la parodie ou de la caricature, bien que le mot “pastiche” puisse être employé comme un synonyme de “parodie”. Le pastiche remplit plusieurs fonctions : mémoire, humour, hommage (plus ou moins respectueux), voire un pur exercice de style.
Dans la mémoire collective, Jean-Paul Sartre est le symbole de l’engagement de l’écrivain. Il affirme qu’un texte n’est jamais neutre par rapport à l’époque où il est écrit, sauf la poésie qui, parce qu’elle traite des mots comme la peinture le fait des couleurs, peut ne porter aucun message. Les autres textes nous invitent à nous situer par rapport au monde dans lequel nous vivons : ou bien ils le présentent de façon positive et nous invitent à le conserver, ou bien ils le présentent négativement et nous exhortent à le changer. Il peut être confortable, en effet, de se réfugier dans la lecture du patrimoine, des textes du passé qui n’ont plus de prise directe sur le monde actuel. Mais tout écrivain doit savoir qu’il est impliqué dans ce qu’il écrit, et qu’il implique son lecteur. Il doit écrire en s’engageant consciemment, en sachant qu’il écrit toujours pour un public désigné, qu’il répond à une urgence. Mais la thèse sartrienne a essuyé des critiques. L’union trop étroite du combat littéraire et du combat politique n’est pas sans danger : la littérature risquant de devenir exclusivement militante, et, le renouveau littéraire ne coïncidant pas toujours avec la révolution politique. La littérature risquant en outre de s’inféoder à la propagande !
On est donc revenu, à la fin des années cinquante, sur l’engagement nécessaire de l’écrivain, qui n’a pas toujours “quelque chose à écrire” (quoi donc tapotez-vous ?) mais qui a simplement “à dire”, “à meubler”, à “aligner en lignes de piges” pour en avoir un sous-salaire de survie ! Rien en commun entre la description d’un pédalier de “bagnole”, de la manœuvrabilité relative de sa boîte “de vitesse” extrapolée d’un tracteur vinicole (dont la commande est “au volant”) et Jean-Paul Sartre affirmant qu’on ne doit pas “parler/écrire pour ne rien dire” et qui n’hésite pas à revenir sur de grands exemples historiques (Voltaire, Zola) pour affirmer que l’écrivain doit toujours et pleinement assumer sa responsabilité dans l’histoire ! Sur ce point (comme sur quantité d’autres) il n’y a aucun engagement de la part des journaleux qui épluchent la boulonnerie d’une épave et tapotent deux pages d’explications pour serrer un boulon de 14 avec une clé de 16 qui n’est que la resucée d’un manuel d’atelier pour trisomiques !
Ce type de pigiste n’a évidemment pas la prétention de défendre les valeurs humaines de son pays, pas plus que de souligner que notre planète terre se meurt, ni d’objectiver des pertes de valeurs de l’humanité entière. En peine de survivre avec un salaire de misère (non payés en finale d’une vie de merde, comme ce fut le cas des employés auto-suicidaires du Groupe Hommel en faillite), les journaleux n’avaient de toute façon pas les moyens (financiers et intellectuels) de résister par une écriture libre et lucide à toutes les formes d’aliénations au nom de la littérature (voire de la morale). Il n’y a là strictement rien de profond concernant les relations humaines, aucune résistance à toutes les écritures et paroles émiettées, disloquées ou incohérentes, aucune tentative de redonner un sens aux cauchemars !
Dans un monde cruel, déchiré, Soljenitsyne voulait faire prévaloir une vision universelle de l’homme à travers la littérature : résister à toutes les formes d’oppression, c’était aussi le projet de Camus et d’Italo Calvino qui croyait au pouvoir de la littérature d’imposer de nouveaux modèles de langage, de vision, d’imagination. Milan Kundera voyant dans “l’esprit de complexité” un moyen de lutter contre les simplifications excessives du monde moderne. Dans cet esprit, ni Fufu (qui a quitté le cargo très tôt pour s’en aller aux USA grenouiller des pièces détachées à des gens de la Franchouille) ni Jacky (en quéquette d’enculades de chairs de très jeunes-filles en fleurs opiacées), ni l’ex-impérator de la presse automobile “de sport” qui a niqué ses fan’s hébétés d’ahurissement, n’avaient l’étoffe d’un McMullen et d’un Ronald Petersen…
Qu’est-ce qu’écrire ? Qu’est-ce que publier ? Pour qui, pour quoi ? Il n’est pas question d’en rester à une simple vision esthétique, gratuite ou décorative de la littérature, il faut assumer la mise à l’épreuve de soi-même et de ce qu’on écrit, forme libre qui veut échapper à tous les carcans. Se mêlent ainsi l’art de l’écrivain et l’art du critique. Se combinent tous les registres, de la réflexion didactique à la violence polémique et à l’envolée lyrique. Sartre et Robbe-Grillet s’adonnaient au registre polémique, Sartre en s’attaquant à la neutralité historique des plus grands écrivains comme Flaubert, Robbe-Grillet en ridiculisant les excès d’une littérature de propagande. Dans des perspectives différentes, ces auteurs, réfléchissant à leur travail, donnaient un sens à leur activité !
Tout cela, alors qu’ils se considéraient comme parties prenantes dans les transformations du monde (Sartre), comme inventeurs de nouvelles formes (Robbe-Grillet), comme tenants d’une cause universelle (Camus, Soljenitsyne), comme interlocuteurs privilégiés de tous les lecteurs (Calvino), comme défenseurs de la liberté par la fiction dans un monde de tumulte et d’urgence (Kundera). Ils montraient chacun à leur manière que la littérature n’a plus le droit d’oublier cette question essentielle : A quel besoin profond, individuel ou social, répond-elle encore aujourd’hui ? J’y ajoute deux interrogations personnelles : Pourquoi écrit-on des SOS dans les réseaux sociaux ? Pourquoi lit-on encore autre chose que des journaux, des messages de promotion et des commentaires parfois agrémentés de gifts sur les réseaux sociaux ?
Alors, rions avec les pastiches ! Il y a le pastiche d’écriture, il y a également le pastiche des peinturlurassions et sculptures diverses nommées souvent abusivement “Oeuvres d’Art”)… C’est ce genre qui est ici “l’illustratif” de ce texte. Selon le Fine Art Expert Institute, plus de la moitié (50%) des œuvres d’art en circulation seraient fausses, un quart (25%) seraient des attributions par erreur, c’est donc qu’il ne resterait que 25 % de “vraies oeuvres”. En cause : les faussaires en paire avec les affairistes ! Ces deux groupes de virtuoses sont capables : -1° concernant “les affairistes”, d’acheter 1.000 euros une croute immonde dans une brocante et de la vendre 1.000.000 d’euros dans l’année suivante à un autre affairiste qui affirmera sa grandeur en découvrant un acquéreur final, pouvant aligner un demi-milliard ! C’est assurément de l’Art ! -2° concernant “les faussaires”, de créer des peintures non pas “à la manière de X”, mais “comme X”…
Ces peintres sont capables de reproduire les techniques des artistes les plus prisés. Pour peindre comme Matisse ou Renoir, il faut du talent, comme le français Guy Ribes, faussaire repenti, qui effectuait préalablement des recherches approfondies pour analyser les techniques et l’histoire des peintres qu’il imitait. Si l’Antiquité est le point de départ de cette illusion parfaite, la Renaissance et le Maniérisme vont amplifier ce phénomène avant que la période Baroque n’en fasse un genre à part entière. La virtuosité atteint alors son comble et cette illusion doit alors beaucoup aux techniques de la perspective et du clair-obscur. Toutes les périodes vont s’y intéresser, même si les supports et les enjeux ne sont plus les mêmes.
En art décoratif, cette “tromperie des yeux” recouvre différentes réalités : l’imitation, le pastiche ou les illusions d’optique. Elle s’applique autant à l’objet (céramique, orfèvrerie, papier-peint, bijou…) qu’à la mode ou à l’affiche. Cette tromperie concerne autant la matière, la technique, le sujet que l’usage. On observe par exemple, que de nombreuses matières vont être imitées par d’autres : La céramique imite le jaspe, les roches rares, le porphyre ou l’or… Le linoléum, le plancher… Le strass, le diamant… La broderie, le bijou… La virtuosité devient très vite le principal ressort de ces recherches. Plus seulement ersatz bon marché de matières luxueuses, ces techniques deviennent des savoir-faire propres à développer la maîtrise des artisans. Le papier-peint sera le support idéal de cette forme d’expression. Capable de toutes les illusions, il reproduit tous les matériaux, du plus modeste au plus somptueux : bois, laque, faïence, paille, velours ciselé. Il peut même se substituer à une huile sur toile et à son encadrement de bois doré.
L’objet nous trompe sur sa matière comme il peut nous tromper sur sa fonction. Un objet peut en cacher un autre : dissimuler ce qui doit rester discret ou jouer sur la notion de surprise. Que trouve-t-on derrière la façade d’un secrétaire ou qu’est-ce qu’un “cabinet d’affaires” ? En jouant avec les styles et les références, l’objet nous trompe aussi sur son époque. Le Moyen-Âge réinterprète l’Antique alors que le XIXe siècle imite le Moyen-Âge, la Renaissance ou les civilisations orientales… De grands créateurs s’illustrent d’ailleurs dans ces domaines : Théodore Deck revisite les arts de l‘Islam, Gabriel Viardot ceux de la Chine ou du Japon, tandis que Charles-Jean Avisseau travaille à la manière de Bernard Pallissy. Ce système de références est un des ressorts utilisés au XXe siècle par les publicitaires qui font notamment allusion aux chefs-d’œuvre de la peinture pour imaginer leurs campagnes.
Au-delà du trompe-l’œil, les jeux fondés sur les mécanismes de la vision, effets d’optique et illusions visuelles sont tout autant utilisés par les créateurs pour troubler la perception du réel. La mode, plus que tout autre domaine, assume et revendique le théâtre des illusions les plus folles. Du XVIIIe au XIXe siècle, perruques, tournures, faux-cul sont autant là pour tromper que pour sublimer le corps et le vêtement. Parvenir à repérer les faux, entre expertises et technologies, la tâche est ardue ! Outre leurs connaissances, les experts utilisent des outils comme la lampe de Wood qui, par ses ultraviolets, communique des informations sur le vernis, les pigments, et même sur les peintres au travers de bases de données. Dans cette étape, l’analyse des pigments peut être décisive. Certains n’ayant commencé à être utilisés que plus récemment, leur utilisation serait une incohérence. Les loupes lumineuses permettent, elles, de voir le type de toile et de fils utilisés. Mais les faux sont parfois si parfaits qu’il arrive que les peintres actuels eux-mêmes certifient des tableaux réalisés par des faussaires !
Les outils scientifiques, sont les ennemis des faussaires. Pour aller plus loin, les experts font également appel à la science. Nous pouvons, par exemple, citer l’analyse chimique des pigments, la réflectographie infrarouge, la radiographie pour voir à travers les couches de peinture et mettre en évidence les tracés au crayon. La méthode dite du radiocarbone permet aussi de déterminer si le papier utilisé pour une toile a été fabriqué avec des arbres coupés, avant ou après les essais nucléaires des années ’50 ! C’est maintenant au tour de l’intelligence artificielle de venir révolutionner le monde de l’art. L’analyse par algorithmes va être rendue possible par la constitution de bases de données avec l’ensemble des œuvres déjà attribuées. En les comparant à toute œuvre déjà analysée, les ordinateurs pourront plus efficacement distinguer les vrais des faux…
Bien que le sujet soit passionnant et que le talent des faussaires soit incontestable, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’escroquerie. Une escroquerie qui a forcé par exemple Guy Ribes à payer sa dette “à la société” en passant par la case prison, mais qui ne l’empêche pas sitôt dehors de refréquenter les plus grandes galeries pour y “admirer” ses œuvres cachées. Une épopée fantastique que raconte le faussaire : “Tous les peintres que j’ai pratiqués, soit un peu plus de 200, étaient plus margoulins que moi-même ! Lorsque le tableau était vendu avec certificat, ça devenait une oeuvre authentique et c’est toujours le cas. L’émotion reste totale. Par exemple une aquarelle de Chagall, je la vendais 15.000 euros (c’était tout bénéfice, l’œuvre ne coutant qu’une centaine d’euros) et elle était revendue 200.000 euros. J’étais une tirelire pour les revendeurs ! C’est ce qui s’est encore passé avec le Salvator Mundi, une croute de moins de 1.000 euros c’était déjà 100 fois trop cher ! Mais l’énergumène est parvenu à vendre cette croute pour plus de 100 millions ! Il y a de quoi rire ! Et en finale c’est l’apothéose avec le Louvre qui certifie la croute à son dernier acquéreur qui l’a payée sans la payer dans un deal de marchands de tapis russo-arabes pour un demi-milliard ! C’est génial !
Qu’est-ce qu’une parodie, un pastiche ? En principe, c’est la reproduction sans autorisation d’une oeuvre protégée par le droit d’auteur constitue une contrefaçon qui devrait être appliqué, mais ce serait peine perdue puisque l’article L 122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle prévoit que “lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre”. L’exception de parodie permet d’échapper à la contrefaçon. L’auteur doit en effet accepter certaines atteintes à son oeuvre au nom de l’humour et de la liberté d’expression. Aucune définition légale du terme “parodie” n’existe dans les textes français ou européens. Les tribunaux ont donc établi leur propre conception de la parodie, dont l’arrêt de cassation est la parfaite illustration. Évidemment la copie servile est interdite. Ainsi, la reproduction du buste “Marianne” par un parti politique a été sanctionnée et a permis à la veuve d’Aslan (le créateur) de percevoir 65.000 euros de dommages et intérêts (cour d’appel de Versailles, 26/03/2019 RG 17/07461).
Pour apprécier la parodie, la Cour de Cassation s’appuie sur l’arrêt DECKMYN de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 3 septembre 2014. Dans cette affaire, une couverture de bandes dessinées avait été modifiée pour illustrer le calendrier d’un parti politique belge. Interprétant la Directive 2001/29/CE relative à l’harmonisation de certains droits d’auteur, la Cour Européenne précisait la notion de parodie : -la parodie est une notion autonome du droit européen qui doit donc être interprétée de manière uniforme dans tous les pays ; la parodie n’implique aucune obligation du respect du droit à la paternité de l’œuvre originelle ; la parodie ne nécessite pas de créer une nouvelle oeuvre originale… La haute juridiction française complète les conditions de l’exception de parodie : L’oeuvre seconde doit (i) revêtir un caractère humoristique, (ii) éviter tout risque de confusion avec l’œuvre initiale et (iii) ne pas porter une atteinte disproportionnée aux droits légitimes de l’auteur.
En l’espèce, par une analyse concrète de l’œuvre, La Cour Européenne et la cour de Cassation constatent l’absence de risque de confusion : (Le photomontage incriminé qui reproduit partiellement l’œuvre en y adjoignant des éléments propres ne génère aucune confusion avec l’œuvre) et le caractère humoristique (la reproduction partielle du buste de Marianne, immergé), constituait une métaphore humoristique du naufrage prétendu de la République, destiné à illustrer le propos de l’article, peu importait le caractère sérieux de celui-ci. La parodie est donc un des moyens d’exprimer une opinion, fondement de la liberté d’expression. Les juges du fond devant trouver le juste équilibre entre respect des droits d’auteur et libertés fondamentales. Cet arrêt reconnaît d’ailleurs la parodie alors même que le sujet de l’article était sérieux.
Dans d’autres affaires, comme celle de “Che Guevara was a gamer”, les juges du fond avaient retenu la parodie en raison d’une vocation humoristique (Cour d’appel de Versailles, 7 septembre 2018). A contrario, la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire Klasen avait rejeté l’exception de parodie expliquant que la parodie doit concerner l’œuvre elle-même et non son incorporation avec d’autres éléments au sein d’une œuvre de critique sociale. Elle ne s’était malheureusement pas intéressée à l’élément intentionnel de la parodie, qui n’était pas l’humour mais la dénonciation de la société (Cour d’appel de Paris, 18 septembre 2018). L’appréciation du caractère parodique de la reproduction d’une oeuvre d’art suppose donc une analyse, juridique et factuelle, au cas par cas, particulièrement sensible.