Beaux, Intelligents Riches ! Marre des dragueurs à 2 € ! Marre des cas sociaux ! << Jeune femme, 33 ans, cherche monsieur beau, intelligent, riche, pas pris …>> La jeune femme, c’est moi … Le monsieur beau et tout ça, c’est celui que mon Gatsby m’a chargée d’approcher pour réaliser un reportage infernal en allant à la pèche sur le web … Pour me simplifier la vie, je suis donc allée sur un site de rencontre très connu …, Meetic !
Tout d’abord, il faut remplir une fiche …
Taille, poids, niveau d’études, religion … chaque aspect de ma vie doit trouver son tiroir.
Puis viennent les questions subjectives : Etes-vous romantique ? Quel est votre trait de caractère le plus marqué … ? Pour trouver sa “moitié”, il faut aussi un pseudonyme.
Mais tout est toujours pris !
Il m’a donc été conseillé d’ajouter un numéro à mon choix.
C’est ainsi que je vais devenir “Camomille123“.
J’ai décidé par ailleurs de ne pas joindre de photo avec mon annonce.
Une fois inscrite, j’ai immédiatement reçu une sélection de beaux jeunes hommes …
J’ai navigué d’une fiche à l’autre, et j’ai été plus qu’étonnée de la qualité des annonces.
Un Cyrano quelconque, mais attaché au Staff rédactionnel de Meetic doit sans nul doute créer des phrases à destination des pseudonymes créés pour les besoins et destinés à faire croire qu’il y a beaucoup de choix … J’ai fait le premier pas avec un brun ténébreux qui se prétendait artiste …
Mon interlocuteur était assez à l’aise, on a discuté par émail et chatt, on a marivaudé un peu. J’ai alors voulu faire un ” Visu “ !
Et mon prince des ténèbres a disparu de la circulation. L’aventure m’arrivera plusieurs fois … C’est ainsi que me planteront sans scrupules un clone de Rahan, un père divorcé et un “Crapaud-cherche-fée” très drôle attendant sa bonne fée… Il s’agit de leurres pour attirer les client(e)s …
Ces faux échanges à l’aveugle laissent toutefois une impression assez troublante. Quoique tous les pseudonymes n’ont pas les mots pour me faire rêver, l’un deux, un vrai, pas un leurre, un loustic à qui je répondais (pour rire et pour voir) que j’étais très laide, m’a lancé un magnifique : “Va te faire m… paumée” !
Vient le moment où un homme a accepté enfin de me rencontrer …
Mon Christian du jour m’a écrit qu’il n’était pas riche.
Il a ajouté qu’il était un cas social.
On s’est donné rendez-vous le lendemain dans un jardin public.
Pour nous repérer, nous avions envisagé la rose à la boutonnière, le jeu de piste sur portables, l’écharpe blanche volant au vent.
Finalement, chacun a décrit son blouson …
Assise sur un banc, je l’ai vue arriver …
Je l’ai reconnue sans hésiter.
Il était jeune, plutôt mignon.
Nous sommes allés boire un verre.
En un quart d’heure, il va tout me dire de son passé, de sa dépression et de ses problèmes de santé.
J’étais en plein ” Forrest Gump “.
Ce garçon-là n’avait qu’une hantise : que je le trouve séduisant.
Il s’apprêtait à payer sa consommation, j’ai pris l’addition.
Puis je lui ai annoncé que j’avais un train à prendre, ce qui était vrai.
Je lui ai révélé qu’il se vendait très mal, il me l’a accordé, s’est confié à nouveau.
On s’est fait la bise, je n’ai pas dit : ” à bientôt “, je pensais que ça l’angoisserait encore plus que moi.
Le lendemain, mon nouvel ami m’a envoyé un message adorable.
Il avait (déjà ! ) rencontré une autre fille juste après moi, à qui il n’avait pas parlé de ses malheurs (pourquoi donc ? ).
Il n’envisageait pas de me revoir …
C’était un leurre évolutif destiné à rendre confiance à “ceux et celles” qui finiraient par désespérer.
Un chômeur qui arrondit ses fins de mois, un étudiant désireux de peaufiner son mémoire psychologique tout en gagnant un peu d’argent …, bref, du pipeau !
De retour devant mon ordinateur …
Cette petite chasse à l’homme commençait à m’amuser. Je correspondais depuis quelques jours avec un certain ” Vingtcoeur “.
Me voyant connectée, le monsieur m’a invité à chatter.
Je vais ainsi me retrouver à correspondre avec dix hommes à la fois sur le même chatt, tous ayant une vue limitée sur la méthode pour me passer sur le corps, le tout avec des phrases SMS très crues.
Je me suis sentie, d’un seul coup, à la frontière de la schizophrénie et de l’immoralité.
Au fait, chatter, c’est tromper ?
J’ai finalement réussi à obtenir un rendez-vous avec “Vingtcoeur” …
On s’est retrouvé à la terrasse d’un café ….
Grand, mince, élégant, un petit côté “Lord Sinclair”, il m’a expliqué immédiatement qu’il était un habitué d’Internet.
Il m’a parlé de ses enfants adorables, de son divorce réussi, de son entreprise prospère, des belles histoires d’amours qu’il a vécues grâce à Meetic.
Il m’a dit choisir ses rencontres selon quatre critères : le niveau d’études, le poids, la taille et l’âge.
Il a dû sauter une ligne sur ma fiche.
Il m’a avoué éliminer les “vieilles” ( je cite ) de plus de 45 ans, et les jeunettes qui n’ont pas les mêmes aspirations que lui.
Ah ! au fait, je ne vous ai pas dit, mais il avait 48 ans, mon beau mec …
Mon pro de la rencontre me paraissait très disert …
J’ai décidé de lever le voile : “Je suis journaliste à www.SecretsInterdits.com Je fais un reportage sur les rencontres“… “C’est génial, je n’ai pas encore baisé avec une journaliste ! ” m’a t’il répondu … Il s’est décidé alors à me dire toute la vérité.
Que j’étais sa quatre-vingt-sixième rencontre grâce au Net, que sur ces rencontres, il comptabilisait trois belles histoires, mais aussi quarante “coucheries” ( le terme est de moi, le sien était un peu moins élégant ) : “Si la fille n’est pas séparée depuis trois ans, elle n’a pas fait le deuil de son histoire, et cela ne peut être que physique“, m’a t’il expliqué.
Il m’a affirmé aussi rencontrer pas mal de dames mariées insatisfaites. “J’ai découvert que les femmes aussi avaient des besoins sexuels.”
Ce n’était pas un dragueur, c’était un sociologue !
J’ai payé nos consommations, pour me faire pardonner non seulement d’être petite et brunette, mais aussi journaliste, ce ” Vingtcoeur ” n’étant peut-être pas représentatif de la faune cyberlove, j’ai décidé d’en essayer un dernier.
En me promenant sur le site, il m’a semblée reconnaître le “crapaud” qui m’avait échappé la dernière fois. Je l’ai interpellé : “Alors, toujours à la recherche d’une fée?”
“Je ne comprends pas, de quelle fée parles-tu …?” m’a t’il répondu …
Aïe, je m’étais suis trompée de crapaud, ce n’était pas grave, j’ai noyé le poisson et entamé un chatt endiablé et après une conversation qui ne restera pas dans les annales de la littérature, nous nous sommes donné rendez-vous dans un café.
Le monsieur étant très occupé, je ne pouvais le rencontrer que dans une quinzaine de jours.
Un samedi matin, dix jours plus tard … je n’ai plus eu aucune nouvelle de mon crapaud ; je me suis toutefois rendue dans le bar assez sordide qui était notre lieu de rendez-vous.
J’ai cherché du regard ce qui pourrait ressembler à un faux crapaud.
Personne.
C’était le même “crapaud” de Meetic, un leurre au chômage destiné à faire durer mon abonnement le plus longtemps possible…
Toute cette affaire est glauque …
C’est une histoire commerciale destinée à vous pomper un maximum d’argent dans le plus court lap de temps possible. Hier encore, on confiait frileusement son célibat à une agence matrimoniale et on scrutait à la loupe le doux sabir des petites annonces dans les journaux : “H. 48 ans. lib. cult. ch. J. F. pr fond. fam”
Aujourd’hui, avec 14 millions de célibataires dans l’Hexagone et 2 millions en Belgique, vieux garçons et catherinettes se sont décomplexés, pour le grand bonheur des professionnels du marketing.
Le célibat a cessé d’être ce qu’il fut longtemps : un sacerdoce ou une malédiction …
Il est devenu un marché, et même une mode.
Dans cette ère de déification de l’indépendance (dixit le psychiatre Gérard Apfeldorfer), où le célibataire est roi, avec ses salons annuels, mais aussi ses agences de voyages et ses journaux spécialisés, jamais la solitude n’aura été aussi ouvertement exploitée.
Ainsi, dans les grandes villes, lieux et formules de rencontres se déclinent à l’infini. Furieusement tendance il y a deux ans, le speed-dating est déjà en cours de ringardisation …
Désormais, on libertine silencieusement en s’écrivant des mots doux dans les quiet parties, on se rencontre dans le noir (blind parties), à bord d’un bus typiquement londonien (bus dating) ou sur une péniche (Hello Anamary !), lors d’une dégustation de vin ou entre deux bouchées de sushi …
Chaque mois, chaque semaine, de nouveaux concepts importés du Canada, de Chine, des Etats-Unis ou du Brésil réinventent l’art du flirt et du badinage.
Aux Etats-Unis, Internet serait en passe de détrôner le lieu de travail pour rencontrer sa moitié. Chez nous, ils sont plus de 6 millions d’internautes à cliquer de la souris pour rencontrer l’âme sœur.
La plupart du temps, c’est un peu comme en discothèque : gratuit pour les filles, payant pour les garçons (environ 20 euros par mois).
Et si l’on en croit les statistiques, 5% des inscrits connaissent, in fine, une issue des plus heureuses.
Ce qui signifie que 95 % restent seuls mais délestés d’une certaine somme d’argent !
Qui sont-ils, ces attrapes-cœurs du virtuel ..?
Le Web, c’est l’auberge espagnole.
Tout est possible.
De l’aventure d’un soir au mariage, du libertin zappeur à la romantique transie, il y en a pour tous les goûts.
En recoupant différents sondages réalisés par des sites Internet, on peut dresser un portrait-robot des cyberlovers : ils sont âgés de 30 à 45 ans, urbains, ont fait des études poussées, sont de grands consommateurs de loisirs et de culture, sportifs de surcroît, et pour les hommes, mesurent plus de 1,75 m !
Gommant à la fois les frontières et les timidités, la Toile devient un vaste terrain d’expérimentation et de métamorphose … Méluzine, 40 ans et quelques , divorcée, ne passe pas une journée sans flirter sur le Web.
A son actif, des centaines de contacts, et huit rencontres ; “C’est une invention géniale: je peux être en chaussons avec des bigoudis et draguer, rougir, rire devant mon ordinateur, exactement comme lors d’un rendez-vous galant. Peu importe si ça marche. L’essentiel est de se donner les moyens de découvrir l’autre. Si je n’ai pas de rendez-vous pour une partie de sexe hard, je me masturbe …”
A suivre…
Lorenza