Tchernobyl, la ville fantôme…
Les manipulations humaines amènent le monde dans des catastrophes, antichambres de la fin de l’humanité…
Alors que nous nous posons toutes et tous des questions sur le sens de la vie que des chefs auto-proclamés nous imposent à leurs seuls profits et ceux de leur entourage…, alors que nous commençons à comprendre que nos avancées technologiques mal maîtrisées nous poussent vers la désertification de notre terre…, alors que nous nous rendons compte (enfin) que nous ne sommes que les esclaves semi-consentants d’une construction qui ne nous apporte aucun bonheur…, séismes, tsunamis et radiations nucléaires au Japon, nous rappellent à notre condition humaine et devraient ouvrir nos yeux sur les conséquences de nos vanités…
Un site un peu brouillon, poétiquement amateur, mais donc vrai et humain, créé par Elena Filatova Vladimirovna qui vit à 130 kms de Tchernobyl, ville devenue fantôme, ouvre des pages comme celles d’un album, avec une infinie tristesse, sur une tragédie née de la vanité et de la bêtise humaine.
Je vous invite à vous y rendre en un clic…
Puisse ce préambule écrit par elle, vous y inciter…
“Je m’appelle Elena Filatova Vladimirovna. Tout ce que je possède est ma moto et la liberté complète de la mener là où ma curiosité et le démon de la vitesse me mènent.
J’ai conduit toute ma vie et, au fil des ans j’ai eu plusieurs motos. J’ai terminé ma recherche avec une moto parfaite, une grosse Ninja, qui se vante de ses 147 CV adultes, un aboiement de qualité, elle est rapide comme un boulet de canon et confortable pour de longs trajets. Je voyage beaucoup et une de mes destinations favorites est le Nord de Kiev, à travers la région appelée la “zone morte” de Tchernobyl, qui est à 130 km de mon domicile. Pourquoi favorite ? Parce que l’on y peut rouler longtemps sur des routes désertes. Les gens en sont partis et la nature fleurit. Il y a des bois et des lacs superbes. Dans ces endroits où les routes n’ont plus été utilisées par les camions ou les véhicules de l’armée, elles sont dans l’état où elles étaient il y a 20 ans, à part d’éventuel brins d’herbe ou quelques arbres qui auraient découvert une fissure pour y pousser. Le temps n’abîme pas les routes, aussi elles resteront ainsi jusqu’à ce qu’on les ouvre à nouveau au trafic… dans quelques siècles”.
“Avant de commencer notre périple, nous devons apprendre quelques petites choses sur les radiations. C’est vraiment très simple et l’outil que nous utilisons pour mesurer les taux de radiation est appelé compteur Geiger. Si vous l’activez à Kiev, il mesurera 12 à 16 micro-roentgens par heure. Dans une ville quelconque de Russie ou d’Amérique, il indiquera 10 à 12 micro-roentgens par heure. Au centre de beaucoup de villes européennes il indiquera 20 micro-roentgens par heure. 1.000 micro-roentgens équivalent à un milli-roentgen et 1.000 milli-roentgens équivalent à 1 roentgen. Donc, un roentgen est 100.000 fois le niveau de radiation moyen d’une ville typique. Une dose de 500 roentgens pendant 5 heures est mortelle pour l’être humain. Chose intéressante, il faut environ deux fois et demi cette dose pour tuer un poulet et plus de 100 fois la même dose pour tuer un cafard. Ces faibles taux de radiations ne peuvent plus être trouvés à Tchernobyl, à présent. Le premier jour après l’explosion, certains endroits autour du réacteur émettaient 3.000 à 30.000 roentgens par heure. Les pompiers qui ont été envoyés pour éteindre l’incendie du réacteur ont été littéralement frits dans le halo des rayons gamma. Les restes du réacteur ont été ensevelis sous un énorme sarcophage d’acier et de béton… et il y a relativement peu de risques à présent de voyager dans la région, du moins tant qu’on ne s’éloigne pas de la route et qu’on ne se fourvoie pas dans un mauvais endroit… La carte ci-dessus montre le circuit de notre voyage au travers de la zone morte. Les radiations sont descendues dans le sol et sont maintenant dans les pommes et les champignons. Elles ne sont pas retenues dans l’asphalte, ce qui rend possible de voyager au travers de cette région. Je n’ai jamais eu de problème avec les gens qui tiennent les points de contrôle. Ce sont des experts et s’ils découvrent des radiations sur votre véhicule, ils lui donnent une douche chimique parce qu’ils ont davantage à faire avec la biologie physique qu’avec la physique biologique”.
“Le vendredi 25 avril 1986, l’équipe du réacteur de Tchernobyl-4 se préparait à effectuer un test le jour suivant pour voir combien de temps les turbines tourneraient et produiraient de l’énergie si l’alimentation électrique venait à disparaître. C’était un test dangereux, mais il avait déjà été fait auparavant. Pour cette préparation, ils désactivèrent quelques systèmes de contrôle critique, dont le mécanisme de chute automatique des barres. Peu après 1 heure du matin, le 26 avril, le flux d’eau de refroidissement chuta et la puissance commença à augmenter. A 1h23, l’opérateur réagit pour arrêter le réacteur dans son mode de basse puissance et, du fait des erreurs précédentes, provoqua une brusque pointe de puissance, déclenchant une énorme explosion de vapeur qui souffla les 1.000 tonnes du chapiteau de l’enceinte de confinement et le projeta dans les airs. Plusieurs des 211 barres de contrôles fondirent et une seconde explosion, dont la cause est toujours un sujet de désaccord parmi les experts, projeta à l’extérieur des fragments du cœur du combustible radioactif en feu et permit à l’air de se précipiter dans l’enceinte de confinement, enflammant plusieurs tonnes de blocs d’isolant en graphite. Une fois le graphite enflammé, il est presque impossible de l’éteindre. Il fallut 9 jours et 5.000 tonnes de sable, de bore, de dolomite, d’argile et de plomb lâchées depuis des hélicoptères pour l’éteindre. Les radiations étaient tellement intenses que beaucoup de ces courageux pilotes moururent. Ce fut l’incendie du graphite qui relâcha la plupart des radiations dans l’atmosphère et provoqua ces pointes de radiations atmosphériques qui ont été mesurées à des milliers de miles de là. Il y avait d’inexcusables erreurs de conception. Les causes de l’accident sont décrites comme une suite fatale d’erreurs humaines et de technologie imparfaite”.
“Andrei Sakharov a dit que l’accident de Tchernobyl démontre que notre système ne peut pas gérer la technologie moderne. Conformément à la longue tradition de la justice soviétique, plusieurs des employés de l’équipe travaillant durant ce test furent emprisonnés, sans se préoccuper de leur responsabilité. 25 d’entre eux moururent. Les radiations occuperont la région de Tchernobyl pendant dix mille ans, mais la région pourra commencer à être repeuplée d’ici 600 ans, plus ou moins trois siècles. Les experts prédisent que, par la suite, la plupart des éléments dangereux auront disparus, ou auront été suffisamment dilués dans l’air de la Terre, le sol et les eaux. Si notre gouvernement peut d’une manière ou une autre trouver l’argent et les politiques financer les recherches scientifiques nécessaires, peut-être un moyen sera trouvé pour neutraliser ou nettoyer la contamination plus tôt. Autrement, nos lointains descendants devront attendre que les radiations diminuent à un taux acceptable. Si nous nous référons à la plus courte estimation scientifique, ce sera dans 300 ans… certains scientifiques parlent de 900 ans”.
“Dans le langage ukrainien (dans lequel nous n’aimons pas dire “le”), Tchernobyl est le nom d’une herbe, l’armoise (absinthe). Ce nom effraie les croyants parmi les gens d’ici. La raison en est peut-être que, chez les populations croyantes, la Bible mentionne l’absinthe dans le livre des révélations, qui prédit la fin du monde…
Révélation – 8:10 : Et le troisième ange sonna de la trompette, et il tomba des cieux une grande étoile, ardente comme un flambeau, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. (Dans les langues antiques, le terme “tiers” signifiait “la plus grande partie”)
Révélation – 8:11 : Et l’étoile s’appelait Absinthe : et le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d’hommes moururent par ces eaux, parce qu’elles étaient devenues amères.
Ainsi, dans notre langue, si vous séparez le nom Chornobyl (l’orthographe ukrainienne de Tchernobyl), “chorno” signifie “noir” et “byl” veut dire “douleur”.
Si je dis à quelqu’un que je vais à Chernie…, dans le meilleur cas sa réponse sera : “Es-tu cinglée ?” Mon père a l’habitude de dire que les gens ont peur des choses mortelles qu’ils ne peuvent pas voir, pas toucher et pas sentir. Peut-être parce que ces termes sont une bonne description de la mort elle-même. Papa est physicien nucléaire et il m’a appris beaucoup de choses. Il est beaucoup plus inquiet de la vitesse de ma moto que de la direction dans laquelle je la mène. Mes voyages à Tchernobyl ne sont pas des promenades dans un parc, mais le risque peut être géré. Des fois je voyage seule, d’autre fois avec un passager, mais jamais en compagnie d’autres véhicules, parce que je ne veux pas que quelqu’un soulève la poussière devant moi. J’étais écolière en 1986 et dès que le taux de radiation commença à augmenter à Kiev, papa nous mis toutes dans le train vers la maison de ma grand-mère. Mamie vit à 800 km de là et papa n’était pas sûr que ce soit suffisant pour nous mettre hors de portée du grand méchant loup qu’était ce brasier nucléaire. Le gouvernement communiste, qui était au pouvoir alors, garda le silence sur cet accident. A Kiev, ils forcèrent les habitants à prendre part à leur précieux et stupide défilé de la Fête du Travail et ce fut quand des gens ordinaires commencèrent à entendre des informations sur l’accident, sur des radios étrangères et par les familles de ceux qui mouraient, que la peur s’installa. La vraie panique commença 7 à 10 jours après l’accident. Ceux qui avaient été exposés à un taux extrêmement élevé de radiations dans les 10 premiers jours, quand c’était encore un secret d’état, y compris des visiteurs sans méfiance de la région, soit moururent ou bien eurent de sérieux problèmes de santé. Cap au Nord. Il est temps de partir”… www.ElenaFilatova.com
Décrivez le contenu de votre site…
“Dans mon site www.ElenaFilatova.com il y a deux récits de Tchernobyl avec des photographies. La “Ville Fantôme” a été écrite en 2003-2004 et la “Terre des Loups” en 2005. La “Ville Fantôme” a été attaquée le jour même où je l’ai mise en ligne. Beaucoup n’ont pas apprécié mon travail. Tchernobyl est un désastre dont nous ne voulons pas nous souvenir ; c’est un fait humain et il ne finira jamais. En 2004, mon site de Tchernobyl fut l’un des sites d’Internet les plus visités. C’est quand mon compte a été bloqué et que les journaux dans le monde entier ont commencé à écrire que j’étais une combine commerciale, une publicité pour un jeu sur ordinateur, une vendeuse de photos, etc., que j’ai réussi à toucher un point sensible et je suis fière de cela. Avec toutes ces expériences, j’ai réalisé que celui qui veut dire la vérité doit être capable d’en être le gage, et cela m’a motivée pour créer la seconde partie de l’histoire de Tchernobyl, la “Terre des Loups”.
Y a-t-il “beaucoup d’argent” à faire dans l’industrie de l’énergie atomique ?
“Seulement 1 kg (2,2 livres) d’uranium raffiné produira la même quantité d’énergie que 50 wagons de marchandises chargés de charbon (3.000 tonnes). L’uranium raffiné, par conséquent, est près de 3 millions de fois plus intéressant à transporter que le charbon, en termes de poids. Cela attire naturellement la riche politique et les intérêts financiers puissants, dont le seul souci est de traire la vache et s’ils traient la vache sans limite, en se moquant de la sécurité des réacteurs ou de la santé publique, finalement à la place du lait, ils obtiendront du sang”.
Votre site a été discrédité, c’est étrange, en connaissez-vous la ou les raisons ?
“Peu importe qu’on a durement essayé de discréditer mon site, l’histoire est toujours là et davantage de monde continue de le lire. Je ne suis pas une activiste pour ou contre le nucléaire, je ne suis qu’un auteur pro-humain, qui pense que Tchernobyl est un avertissement à l’humanité”.
L’atome est-il le mal absolu ?
“Je ne pense pas que l’atome, par lui-même, soit le mal. Il ne devient le mal que dans les mains des hommes.
Dans de bonnes conditions, l’atome peut servir l’humanité, à condition qu’il n’y ait pas de guerre, que l’atome n’appartienne pas aux communistes, aux islamistes ou aux capitalistes. Le problème est que la vie des nations n’est que guerres et tumultes ; les années de paix ne sont que de brèves pauses intermittentes et les communistes, les islamistes et les capitalistes sont toujours les premiers à vouloir posséder l’atome.
CE SONT D’INEXCUSABLES ERREURS DE CONCEPTION HUMAINES QUI RENDENT LES RÉACTEURS DANGEREUX”.
Quel est votre intérêt pour Tchernobyl ?
“Mon intérêt pour Tchernobyl date de 1992, quand j’ai voyagé pour la première fois dans les villages Biélorusses au nord du réacteur. J’étais jeune et je fus impressionnée. Ce qui me marqua le plus fut la beauté noire de cet endroit ; une beauté que les autres ne pourraient pas voir. Un “point chaud”, comme Vilcha, est un nom courant pour désigner toutes les régions contaminées par les radiations de Tchernobyl. 60 curies de Césium ont été mesurés en 1991. Le taux des isotopes radioactifs du Plutonium était de l’ordre de 0,7 curie par km². Le Strontium était de 15 curies par km². Selon les critères de Tchernobyl, Vilcha est un “point chaud” typique”.
Dans une page, en parlant du “Bois Rouge”, vous plaisantez en disant que vous brillez dans le noir !
“La radiation n’est pas visible. C’est seulement une expression courante. Les radiations de très haut niveau peuvent être visibles sur un film, cela dépend de la marque de la pellicule. Elles apparaissent comme de petites étincelles. La radiation est visible sur la vidéo, “Le dernier jour de Pripyat”. L’auteur de cette vidéo, Michail Nazarenko, tournait un film sur une centrale nucléaire et se trouvait être à Pripyat. Il a donc aussi filmé son évacuation. Le jour de l’évacuation, le taux official des radiations à Pripyat atteignait 1 roentgen par heure, mais les gens disent qu’il était de 7 roentgens. Cela fait une différence, parce que dans le premier cas, la population mourrait dans les deux ou trois mois.Dans le second cas, les gens mourraient en quelques jours.
Je crois qu’ils ont tous raison, parce que durant ces retombées, le taux de radiation dans les rues peut être beaucoup plus élevé au sol qu’à la hauteur des yeux”.
Mettez-vous votre site à jour en fonction d’évènements semblables dans le monde ?
“Mes articles sont un compte-rendu sur la façon dont j’ai vu Tchernobyl entre 17 et 19 ans après l’accident, donc je ne peux plus mettre à jour aucune information concernant le taux de radiation, le nombre de personnes vivant dans cette région, etc. etc. Quelques photos ne sont pas les miennes. Je les ai mises sur mon site avec la permission de leurs auteurs respectifs : Richard Willson, Philip E.Berghausen, Alexander Sirota. Je remercie tous ceux qui m’ont aidée pour ce site et ceux qui m’aideront encore La chanson “Ghost Town” (La Ville Fantôme) est un cadeau unique qui m’a été fait par le duo musical “Huns and Dr. Beeker”.
Que s’est-il passé dans votre tête le 26 avril 1986 ?
“A Kiev. Cette journée n’était pas différente des autres, les enfants jouaient dans les rues, le vent était au sud. On a dit que la centrale de Tchernobyl avait explosé. Ce même jour, mon père m’a mis dans un train sans billets, avec ma sœur. La panique a commencé à ce même moment, de sorte que le train a rapidement été plein d’enfants. Les niveaux de radiation à Kiev étaient d’un milliröntgen à l’heure au niveau des yeux et de 20 à 50 milliroentgen sur le terrain. De nos jours un tel niveau ne peut être trouvé que dans les sépultures radioactives de Tchernobyl. La plupart des enfants Kievers échappés sont restés hors de la région jusqu’à la mi-mai 1986, puis les écoles, les collèges, les usines et autres installations ont exigé des employés et des étudiants de retour, pour le travail collectif, de sorte que nous n’avions pas d’autre choix que de retourner à Kiev malgré la radioactivité”.
Où sont les gens de Tchernobyl aujourd’hui?
“Beaucoup de gens ont été déplacées et vivent maintenant dans différentes villes et villages d’Ukraine. Ce déracinement a été très douloureux pour eux. C’est comme la greffe d’un membre ou la réimplantation d’un arbre, qui souvent ne parviennent pas à prendre racine au nouveau lieu, en particulier si l’environnement est différent. La plupart des personnes évacuées de Tchernobyl vivaient dans les zones rurales. Dans les villes les gens parlent le russe, dans les villages ont parle l’ukrainien. Il s’agit d’un obstacle majeur pour s’installer en ville lorsqu’on vient d’un village… La vision du monde, dans les villages, découle de la nature et de connaissances, il est organique…, tandis que dans les villes il est déterminé par le génie, l’art, qui tend à être mécanique et pragmatique. Dans les villages l’attitude est tellurique ou organique et découle de cela, c’est intimement liée à un culte des ancêtres et il est impossible sans traditions sacrées. La vie dans la ville d’autre part est pro-civilisation, c’est une volonté d’exercer dans le monde. Une ville est internationale par nature, alors qu’un village est sous-national. Mais ce que les villageois ont ressentis le plus profondément, c’est la privation spirituelle après leur réinstallation. La vie dans les villages est religieuse par nature et parce qu’elle est distincte de la vie dans les villes, qui sont irréligieuses. L’âme d’un pays comme la région de Kiev, a été influencée par la période chrétienne de l’histoire. Il brille à travers tout avec les rayons du soleil. Dans la ville ces rayons ont longtemps été stoppé par les pratiques sinistre de la civilisation sans Dieu. Pour cette raison, beaucoup de personnes évacuées de Tchernobyl sont mortes de trop boire d’alcool, de nostalgie et de désespoir, tandis que d’autres sont rentrées chez elles et sont mortes des radiations”.
Qu’est-ce qui va se passer avec le réacteur à l’avenir ?
“Je ne peux pas prédire ce qui arrivera dans le réacteur. Il y a eu quelques tentatives pour commencer à construire un nouveau sarcophage, mais toutes ont échoué. Tout ce que je sais, c’est que tant que la situation politique et économique en Ukraine demeurera instable, personne ne va investir dans un projet de sécurisation du réacteur, qui couterait plusieurs milliards de dollars”.
Les gens disent que c’est beaucoup plus sûr maintenant de voyager à travers la zone de Tchernobyl. Est-ce vrai ? Qu’en est-il de la radioactivité dans le sol ? Les gens seront-ils jamais en mesure d’y vivre à nouveau ?
“Voyager dans la région est beaucoup plus sécuritaire maintenant, mais y vivre n’est toujours pas sécuritaire. La nature guérit peu à peu la terre et j’espère que certaines personnes pourront revenir y vivre sans crainte à nouveau”.
Elena, sur votre site web vous publiez beaucoup de photos, des informations et des pensées poétiques. Qu’est-ce que vous cherchez ? Qu’est-ce qui vous fait revenir encore et encore ?
“Je suis sûr qu’il y a beaucoup de gens à travers le monde qui feraient ce travail, mais tous n’ont pas d’argent pour voyager ici et ne parlent pas la langue… et ne savent pas comment obtenir la permission de visiter Tchernobyl ou comment contourner les barrages. Je le sais, parce que je suis originaire de Kiev. C’est plus facile pour moi que pour les gens qui habitent loin. Chernoby est également une partie de ma vie et j’ai l’impression d’avoir une certaine obligation de dire ce que je pense et ressens à ce sujet. Un jour, j’espère continuer mon histoire”.
Que pensez-vous lorsque vous traversez la frontière imaginaire dans la Terre des Loups ?
“La frontière imaginaire dans la Terre des Loups, pour moi, c’est le pont à près de 60 kms à l’ouest du réacteur. Il mène au village de Bobyor (Beaver) qui était situé sur la rive de la rivière. Cet endroit est très beau et, debout sur ce pont, je me sens toujours comme si j’avais perdu un certain sens de la réalité, ce qui est vraiment une perte de la présence du temps. Dans la vie de l’homme dix ou quinze ans est toujours une quantité importante de temps, quelque chose se passe toujours, alors que Tchernobyl est mort, donc c’est comme si j’étais debout sur une passerelle vers l’infini et qu’en réalité je suis là pour mille ans à voir la même image, de penser la même pensée sur la vanité de notre existence et la fugacité de l’âge de l’homme, qui est juste un bref moment dans la désintégration des isotopes. Je me sens sur ce pont, comme j’étais entre deux mondes. Un que je laisse derrière est le nôtre, le monde de la civilisation, où l’agitation parait éternelle, ou les tourments et le passage éphémère de chaque moment présent, est le seul mode de l’existence humaine… l’autre monde c’est Tchernobyl ou la plupart des gens ne sont rien, un mode de réalisation de l’influx présent, ce qui a été n’existe plus. Quand je traverse la frontière imaginaire, je pense que le monde que je laisse derrière moi est purement physique, tandis que celui dans lequel je suis sur le point d’entrer est une métaphysique, où les routes sont sans piétons, les magasins sans commerçants et les églises sans prêtres, c’est parce que Tchernobyl n’est ni le ciel de Dieu, ni le royaume de César, il est le royaume de Pluton, où passé, présent, et le flux d’avenir fusionnent ensemble et existent dans un mode. ré-inventé. Je pense aussi à ce que vaut la vie humaine suite à la catastrophe…, certaines personnes se bâtissent une carrière, d’autres se battent contre des moulins à vent, tandis qu’il y en a qui érigent des châteaux gonflables et ne voient jamais germer quoique ce soit dans leur jardin. Mais il en existe qui récoltent alors qu’ils n’ont pas semé… Maintenant, il faut relativiser, car toutes les aspirations, les réalisations et les passions, ne sont qu’ombres pâles sur le mur”.
Croyez-vous que les gens vont encore parler de Tchernobyl dans 10 ou 20 ans?
“On ne peut pas oublier Tchernobyl complètement. Parce qu’il s’agit d’un immense territoire, empoisonné par des radiations, il sera toujours là”.
Êtes-vous contre la technologie nucléaire?
“La technologie nucléaire est une condamnation à mort pour le monde, tel qu’exploité elle est très dangereuse dans les mains de l’homme”.
Que voulez-vous dire aux enfants, nés au cours des 15 dernières années ?
“Ne vous sentez pas abandonnés, le monde est en deuil pour vous. Ne regarder pas trop longtemps dans l’abîme de votre malheur pour, comme disait Nietzsche… Si vous regardez longtemps dans l’abîme, l’abîme se penchera sur vous ! La signification de ceci est qu’il faut se limiter à la pensée des choses infinies, comme le temps, l’univers et la bêtise humaine”.