“EN MOI, TOUT EST TOUJOURS HUMAIN, TROP HUMAIN ET MA FOLIE CROIT AVEC MA SAGESSE”…
NIETZSCHE
A l’heure où reviennent les fantômes, il est utile de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur sur le parcours singulier d’une aventure qui désabuse. Après avoir creusé un sillon original, je me retrouve au cœur d’un cyclone dont je suis l’œil. J’y développe la thématique de la rupture. Rupture provoquée par la perte d’un idéal, par la méfiance envers les rouages d’une société trop policée pour être honnête, par un défi aux conventions sociales, par les mensonges de l’Histoire transformant les massacres en légendes. Mais l’immense rupture, celle que je ressens dans mon corps, mon âme, ma réflexion intime, c’est celle qu’il y a entre le bien et le mal tels que compris par un individu qui a bâti ses règles de dignité, et entre le bien et le mal tels que définis par les sociétés, qu’elles soient d’Etat ou de simple pouvoir local, et qui fluctuent selon les puissants qui les tordent à leur profit. De cette fluctuation, de cette collision entre une éthique individuelle et les tics légiférés du plus grand nombre, naît une terrible confusion entre ces « bien » et ces « mal », dont le coït, obligatoire dans le vécu en groupe, donne des règles de vie ambiguës dont je ne cache pas que je pourrais personnellement en être atteint. Je ne suis pas un ange. Je ne suis pas le docteur Hippocrate des hypocrites. Je sais que la réalité tourbillonnante de l’être est la somme de ses contraires. De ces chocs, qui ne laissent aucun héros intact, naît un tremblement qui marginalise.
La vie n’a qu’une règle : on n’en sort jamais intact. On peut déjà être mort avant d’être mort cliniquement. Tué par le regard des gens éliminant ceux qui gênent. Tué par un credo d’individualisme forcené. Tué par une lâcheté personnelle. Tué pour avoir raison quand il vaut mieux avoir tort. Tué parce qu’on accepte ses faiblesses, qu’on les avoue, les regrette face à des sociétés dont les yeux mentent. Tué car, même si on a choisi, après réflexion, de diriger sa vie vers l’Ouest, la chance, la malchance, une faiblesse, une mauvaise décision la font dériver vers l’Est. Parfois, je découvre la faille de divers individus, ce qui me force à naviguer entre le bien et le mal dans une société qui exige un comportement réglementé des citoyens, société qui ne respecte pas ces mêmes règlements, fait que toute une communauté peut être atteinte d’un « cancer » généralisé venu d’un « mélanome » que les gens ont décidé d’ignorer au départ. De ce choc entre le bien et le mal, l’homme n’a que le choix de l’ambiguïté…. car si, en apparence, la vie du web est belle et apaisante, elle cache sous sa surface une pourriture qu’on aurait pu éviter grâce à plus de générosité et de justice. Si bien que j’ai souvent affaire à des pseudos fantômes en quête de vengeance.
La nostalgie du passé se déploie alors dans mes écrits. Sauf que je ne pioche pas dans le nunuche grenier à jouets d’hier mais dans l’effrayante cave du temps passé où est caché un arsenal qui permettra d’expulser une colère profonde contre un monde qui traite hommes et femmes avec la brutalité qui prévaut aujourd’hui, la noirceur apparaît d’autant plus qu’elle est colorée de pittoresque. Toute la richesse de l’esprit est là. Nos racines d’humains aussi… La philosophie n’aime pas le sexe, alors que l’amour, lui, est dans la racine même du mot philosopher ( philosophia = amour de la sagesse). La philosophie ne veut rien avoir à faire avec cette sagesse qui nous vient du corps. Or, le sexe c’est l’amour plus le corps et puis c’est le désir. La philosophie a du mal aussi à répondre à la question du désir : elle nous parle soit du désir de dieu, soit du désir de l’absolu, mais du désir en tant que pulsion, non. Faire croire que le sexe n’implique rien d’autre que nos organes est non seulement un mensonge mais aussi un anesthésiant, car cela revient à nous empêcher d’être « entiers ». Le sexe est tout sauf une pure mécanique des peaux et des organes. Il est même tout le contraire. Faire l’amour est le dernier des mystères absolus qui implique l’être tout entier. C’est là où un être de raison peut se trouver en situation d’éprouver contre sa volonté la plus grande jouissance ou le plus grand dégoût. On y fait l’expérience d’un dessaisissement total, d’un choc à la raison dont on peut avoir du mal à se remettre. S’y trouvent mêlés le plus grand abandon, le plus grand événement.
C’est le manque et l’obsession créée par ce manque qui peut nous faire oublier de penser, mais en tant qu’acte, le sexe est un moteur incroyable de la pensée. Eprouver une relation sexuelle forte, ça ouvre à la vie. Pourquoi ? Parce qu’on est dans une émotion qui nous bouleverse, qui nous met hors de nous. Ce « hors de nous » est un accroissement de notre être, un nouveau rendez-vous avec soi-même… Vivre son désir, c’est devenir un individu libre et vivant. Or il y a beaucoup d’individus qui se promènent dans l’existence en étant moitié vivants et moitié morts. Quand on n’éprouve pas grand-chose, on est plastifié. La vie passe et on n’y est pas vraiment. C’est ce à quoi nous conduit aussi une société fondée essentiellement sur les valeurs de consommation. Acheter, consommer, en lieu et place d’être vivant. Le vivant vrai, lui, brûle… Etre aimé et aimer nous rend vulnérables. Le sexe, dans tout ce temps qu’il prend pour aimer, désirer, caresser, pénétrer… veut le vrai. Dans la rencontre sexuelle, dans le plaisir des sens, il y a cette quête de vérité : savoir si la rencontre avec l’autre se fait ou ne se fait pas…Autrement dit si « ça ne ment pas », on a tous une très grande nostalgie fulgurante donnée par l’état amoureux naissant. Ces moments de vérité totale que l’on a éprouvés alors entre amants sont inoubliables, ils sont de l’ordre de la révélation. Quand c’est là, c’est in questionnable et on le sait.