Florence Cassez, la Sainte-Vierge de l’enfer…
Le début de l’affaire est assez lent, décousu, s’éparpille en détails parfois inutiles, prend trop de temps à installer les personnages, l’intrigue et les enjeux qui vont suivre….
Une fois qu’elle est enfermée pour 60 ans, tout et n’importe quoi peut enfin commencer.
Ne reste qu’à observer posément la déglingue et les désespoirs de cette jeune femme se tortiller en obsessions et en délires.
Tout à son envie d’être reconnue coupable de rien et de pouvoir rentrer à “sa maison”, elle fanfaronne, parade, voit en grand, puis après doute, rumine, se sent épiée et scrutée… puis pleure…
A l’écouter, son mec ou mac, amant ou gigolo, rigolo aussi, donnait aux pauvres pour bien se faire voir (mais de qui ?) de gens qui traînaient autour de lui, le Robin des bois Mexicain….
C’était pas ça du tout, sûrement pas un poète, mais un salaud qui kidnapait enfants, femmes, hommes, riches, très riches, en échange de rançons millionnaires…
Florence Cassez, la Sainte-Vierge d’Israel…
Il y a sept ans, on arrête Florence Cassez sur une route mexicaine, alors qu’elle porte une arme et se trouve en compagnie de son amant : Israel Vallarta, un des chefs du gang des Zodiacos, spécialisé dans les enlèvements-séquestrations contre rançons et dans le crime organisé (à noter que le beau Israel Vallarta avait été présenté à Florence, quelques années plus tôt, par le propre frère de cette dernière, Sébastien Cassez).
Des otages dont la famille avait payé la rançon sont morts entre leurs mains !
On n’est pas dans une telenovela, mais pour Florence Cassez, oui…
Pourtant, Israel Vallarta n’allait pas la voir dans une chambrette toute rose au bord d’un lac enchanté à 50km de l’Hacienda qui servait de prison à ses victimes, lui ayant raconté avec des fleurs qu’il était représentant en aspirateurs…
Non…
Elle vivait avec lui, armée, dans l’Hacienda…
Une belle vie en somme (double sens), profiter de l’argent qui coule à flots, des érections bienheureuses de son amant replet dans ses facilités…, se la couler douce en ne voyant rien, en n’entendant rien…
Imaginez que vous êtes elle et que vous habitez avec un chef de gang qui ne fait rien de ses journées mais possède de confortables revenus.
Partant de là, comment faites-vous pour ignorer que ce type retient, sous votre toit et parfois durant de nombreux jours, des otages dans l’attente d’une rançon, laquelle va vous permettre de vivre confortablement en vous sentant toute puissante et intouchable ?
Florence Cassez, la Sainte-Vierge prisonnière…
Après, une condamnation à 60 ans de prison, là, pathétique, frippée, sale, en larme que tout est cassé, qu’elle ne jouit plus, qu’elle est condamnée à presque pareil qu’à vie, elle vacille, s’affole, vend son histoire, construit son propre confessionnal en prison, estime même qu’on lui a piqué sa vie, sa possible réussite et sa possible fortune, celle qu’elle croyait mériter.
Jeu de dupes et jeu de cons, comme une vérité vidée de sens à force de dériver, quitte à tout détruire et à tout corrompre… et la foi n’y fera rien !
Je vous salue Marie, pleine de grâce…
En droit français, on dit que les soupçons ne peuvent constituer des preuves.
Soupçonner Florence Cassez, parce qu’elle était la compagne d’un criminel, c’est un peu comme si on soupçonnait Eva Braun, maîtresse d’Adolf Hitler, d’avoir tout mis en œuvre pour anéantir le peuple juif… ou encore Michèle Martin et Monique Olivier, d’incitation à la pédophilie, pour avoir été respectivement les compagnes, dévouées et insouciantes de Marc Dutroux et de Michel Fourniret dont elles ignoraient les activités crapuleuses…
Illusion absolue d’une gloire en toc, amusante et cruelle à la fois où elle se donne en spectacle à une foule franchouille galvanisée, s’exhibant comme accrochée à un filin, d’une façon que personne ne semble trouver totalement ridicule…, qui exacerbe les vaines certitudes d’une starisation accessible à chacun.
Florence Cassez, la Sainte-Vierge télégénique…
Florence Cassez est LA cause du moment d’un microcosme parisien qui l’utilise politiquement.
Elle incarne depuis des années pour de nombreux(ses) journalistes l’héroïne “so frenchy”, tombée par amour pour un voyou.
Certes, le propos n’est pas nouveau, il existe des tonnes d’histoires où une femme sombre dans la folie, se déconnecte du réel ou le réinvente à sa façon.
Mais sa fable replète à un charme étrange, ni complètement agréable ni complètement fâcheuse, juste un petit plaisir éphémère, à l’instant.
Vécue ou fantasmée, on ne saura pas, elle reste seule dans un halo de lumière, folle au bord d’un gouffre aux chimères qui, soudain, vient de s’ouvrir à ses pieds, système du paraître et de la bêtise ou elle s’y livre avec une ferveur aveugle, fuyant sa vie pour s’en reconstruire une autre.
Je vous salue Florence, pleine de grâce, le saigneur est avec vous…
Florence Cassez n’est cependant pas une otage, ni une militante des droits de l’homme ou des femmes, ni une volontaire d’ONG.
Elle n’est surtout pas une femme qui aurait souffert en ayant défendu une cause que l’on estime juste.
Coupable ou innocente, aucun journaliste français ne s’est encore coltiné, que je sache, les 14.000 pages du dossier, si elle s’est retrouvée en prison, c’est parce qu’elle avait choisi de partager la vie d’une crapule…
Florence Cassez, la Sainte-Vierge Canonisée…
Après 7 ans, elle a été libérée pour ce qu’on nommerait ici un vice de procédure…
Et la voilà débarquant, presque fraîche, redevenue vierge, reçue par Laurent Fabius, celui du sang contaminé…, chargé de recevoir en grande pompe une ex-prisonnière de droit-commun, comme une otage libérée…
Du délire !
Les images sont encore fraîches : en 2008, Nicolas Sarkozy serrant dans ses bras Ingrid Betancourt, notre dernière otage madone télégénique ; avant elle, Florence Aubenas… qui semblait sortir d’un hôtel de luxe plutôt que d’une sinistre cave…, on est libre de se poser des questions sur la possibilité d’une machination, se faire enlever soi-même et attendre la rançon…
Qui ne s’est jamais, un soir, attablé à une terrasse (couverte en hiver) pour observer les passants, écouter les conversations voisines à la sauvette, épier un couple d’amoureux sur le trottoir d’en face… et imaginer toutes sortes d’histoires sur des visages inconnus ?
Parce que le bistrot est un fabuleux laboratoire sociologique, microcosme fourmillant et révélateur ou on croise et décroise : bobo, SDF, intellectuel de gauche, curé, psy, fasciste, artiste, soûlard, polyglotte, savant, historien, metteur en scène… et bien d’autres encore !
Florence Cassez, la Sainte-Vierge libérée…
C’est un vivier ou qui sait regarder et écouter, prospèrent à la fois : le phénomène parallèle de boboïsation et de paupérisation…, le portrait déboussolé de la deuxième génération de l’immigration…, les absurdités de l’administration.
Pauvres, riches, étudiants, chômeurs, c’est avant tout un portrait de l’homme, dans toutes ses déclinaisons, glorieuses ou pathétiques, que nous sert le bistrot anthropologique.
Patron, un autre s’il vous plaît !
Florence Cassez libre, c’était une excellente nouvelle.
La justice mexicaine tirait la leçon d’une instruction bâclée, sous influence, d’une arrestation mitonnée comme un grand spectacle hollywoodien.
Elle admettait que le doute doit profiter à l’accusé(e).
Que l’idée même qu’un(e) innocent(e) possible pourrisse en prison est insupportable.
Donc, on était ravi.
Enfin, on le fut pendant quelques heures.
Jusqu’à ce que le conte de fée tourne à la farce.
Pour ne pas dire au cauchemar.
Tout à coup, il sembla que la vie s’arrêtait, que l’actualité se mettait en congé, prenait ses RTT comme on dit en France : plus de guerre au Mali, plus de danger terroriste, plus de fermetures d’entreprises, plus de chômage, plus d’accumulation des déficits publics…
Une seule information, préoccupation unique de nos grands médias, servie du soir au matin jusqu’à plus soif : le retour de Florence Cassez…, omniprésente, superstar, à la fois Jeanne d’Arc, George Sand, Marie Curie, Simone de Beauvoir, Jeannie Longo et Sainte Vierge Marie.
Si on la loupait, on avait droit à sa mère, à son avocat, au président de son fan-club.
Florence Cassez, la Sainte-Vierge Elyséenne…
Avait-elle été innocentée ?
Non.
Condamnée non plus.
C’était justement cela la grandeur de l’acte : même un peu coupable, Florence Cassez devait profiter du trouble que certaines méthodes judiciaires mexicaines avaient fait naître dans les consciences.
Les médias français ne s’arrêtèrent pas à ce détail.
Ils l’innocentèrent totalement.
Mieux, ils la canonisèrent : en 24 heures, quand, pour Jeanne d’Arc, il avait fallu attendre cinq siècles.
Ce n’était même plus une victime, c’était une héroïne.
À côté d’elle, Mère Teresa faisait pâle figure.
Deux présidents de la République, celui d’hier et celui d’aujourd’hui, se disputèrent même sa compagnie, s’exhibèrent en sa présence et s’arrachèrent le mérite d’avoir obtenu sa libération.
La conséquence ?
Je vais vous la résumer.
Je suis tranquillement attablé dans un bistrot : à la table située à ma gauche, un quidam fustige l’indécente instrumentalisation par les médias de la libération de Florence Cassez.
Sa table explose en acclamations.
A la table située à ma droite, un homme se lance dans une dénonciation similaire de l’obscénité, à cette occasion, de nos radios et télévisions.
Nouveau triomphe.
Florence Cassez, la sainte-Vierge déflorée…
Jamais, absolument jamais, je n’avais constaté une telle hargne, rageuse, vengeresse, incandescente, dirigée contre une dérive médiatique, qu’à l’occasion de cette grotesque affaire.
Or, trois jours plus tôt, le quotidien Le Monde avait publié un sondage qui témoignait de l’ampleur de ce rejet qui s’apparente presque à un vomissement.
Les médias plus détestés encore que les banques.
Les journalistes plus mal vus que les politiciens.
Et alors ?
Comment les intéressés ainsi montrés du doigt, objets d’une telle exécration affichée, réagissent-ils ?
Quelles leçons en tirent-ils ?
Aucune réaction.
Aucune leçon.
Aucun examen de conscience.
Aucune autocritique.
On est content de soi.
On continuera comme avant.
Jusqu’au naufrage final…
Terrifiant aveuglement.
Vous êtes écœurés, vous ne pouvez plus supporter ces couches de saindoux servies sur de la couenne.
Tant pis, on vous en resservira.
Et aussi du manichéisme d’airain, du panurgisme en boucle, de l’exclusion compulsive des différences, de la diabolisation hystérique des mal-pensances par les tenants d’une pseudo orthodoxie normative.
Florence Cassez, la Sainte-Vierge des beaufs…
Comment 55 % des Français ont-ils pu voter dans un sens quand 95 % des médias les incitaient à choisir le sens contraire ?
Comme disaient les juges de l’affaire Dreyfus : la question ne sera pas posée.
La bulle se recroqueville.
Halte au feu !
Ça va finir mal.