Frère Antoine, le Grand Sage de Roquebrune S/Argens !
Là ou se cachait au XVIIIème siècle le « Robin des bois provençal » : Gaspard de Besse, pour y détrousser les voyageurs de passage, ce même lieu abrite un ermite, le seul officiellement connu…
Frère Antoine, 94 ans, vit dans une cavité du Rocher ocre de Roquebrune-sur-Argens depuis 1966…; il a eu un coup de foudre » pour “cette grotte somptueuse”…
– J’avais 43 ans et j’étais habité par une certitude, celle qu’il existe un état de parfait contentement ici et maintenant, qu’en christianisme on nomme Royaume des Cieux…
Né en 1923 en France à Cuillé (Mayenne), Frère Antoine est un religieux cistercien qui vit dans une grotte depuis 1966, sans eau ni électricité.
Il se définit comme « le galopin de Dieu », passe ses journées en méditation et en prières mais aussi à écrire des livres et des chansons.
Sa spiritualité se rattache aux traditions chrétiennes et hindoues mais avec un regard attentif à la pensée stoïque et aux philosophies de la Grèce antique.
Frère Antoine a aménagé son espace vital dans une grotte du massif rouge qui domine la plaine de Roquebrune-sur-Argens, dans le Var.
Il y amène une vie d’une extraordinaire simplicité.
Frère Antoine ne s’est jamais senti à son aise dans les monastères…, il a donc choisi de vivre en ermite dans sa grotte.
Né Louis Chauvel, Frère Antoine a voyagé plusieurs fois en Inde et s’est occupé aussi de projets médicaux au service des plus pauvres.
Au monastère, il souffrait de règles strictes dont il ne comprenait pas la raison d’être, jusqu’à ce qu’une mésaventure, provoquée par une erreur de transcription dans ses papiers militaires, ne le conduise en prison pour désertion…
– J’ai toujours aimé la Terre, le globe, la matière minérale, mais aussi et surtout ses recoins, ses anfractuosités, ses grottes, ses gouffres… C’est en 1962 que j’entreprends ma première expérience de solitude forcée, désireux d’aller voir de plus près le comportement d’un glacier souterrain situé au fond du gouffre du Scarasson, dans le massif du Marguareis (Alpes du Sud), près de la frontière italienne, et ne pouvant descendre et remonter tous les jours pour observer son évolution, je me résous à y aller faire du “camping souterrain”, comme on disait à l’époque.
C’est pour moi une opportunité : rester au fond d’un gouffre à 100 m de profondeur, dans une atmosphère à environ 0 °C pendant au moins quinze jours, personne au monde ne l’avait fait, j’ai donc vécu sans montre ni réveil, dans le noir, excepté une lampe électrique, comme un animal sauvage… Je mange et dors quand j’en ai envie, j’ai froid mais je ne m’ennuie pas, je suis même plutôt heureux hors du monde extérieur, sans lumière naturelle, sans l’alternance rassurante des jours et des nuits, sans bruit, c’est-à-dire dans un silence entrecoupé d’éboulements de glaces et de roches. Simplement en réfléchissant et en dévorant des livres de science. Mon rythme biologique s’est décalé : au début je me réveillais et me couchais un peu plus tard chaque jour, jusqu’à ce que mon rythme s’inverse totalement, puis, continuant sur son élan, finisse par redevenir normal. Un décalage horaire identique au “jet-lag” des pilotes ou passagers effectuant des voyages transméridiens…, notre rythme biologique n’est pas de vingt-quatre heures, comme on le croit, mais de vingt-quatre heures trente… Voir jusqu’où l’homme peut aller, comme Charles de Foucauld dans le désert, loin des tumultes du monde extérieur, avec très peu de stimuli, fait qu’on finit par se détacher des choses et même des personnes qu’on connaît ! Là-haut, c’est assez étrange. Toujours est-il qu’on a tendance à ne plus penser à soi, à son présent, au futur, le fait de penser aux autres renforce le sentiment de solitude. L’isolement rejoint celui des plongeurs ayant participé aux expériences de “maisons sous la mer” du Commandant Cousteau, ou celle d’un Youri Gagarine, premier homme dans l’espace, d’un Paul-Émile Victor au Groenland, d’un Alain Bombard, premier “naufragé volontaire”, d’un Éric Tabarly, l’un des premiers “navigateurs solitaires”… Ces solitaires ont en commun d’avoir, à un moment donné, perdu la notion du temps, la mémoire, le souvenir de ce qu’on a fait. Comme si le temps se contractait, se compressait…
Jouissant d’une vue imprenable de sa terrasse ombragée par des branchages, Frère Antoine vit à l’année dans sa grotte, où il reste finalement rarement seul…
– Des randonneurs viennent me voir et dorment régulièrement dans des cavités voisines. Mais ils doivent être discrets et surtout ne pas faire de feu car ils deviennent visible à des kilomètres à la ronde. Dormir dans ce massif protégé est illégal. Si vous écrivez un article, des journalistes vont revenir ! J’avais fait une émission télévisée avec Jean-Luc Delarue en 2000 sur le thème « Jouisseurs et Ascètes ». A côté d’échangistes, j’avais disserté de solitude, de méditation et de prière. Rigolant de tout, j’étais sorti « content » de mon expérience parisienne sans penser que je serais envahi de curieux sitôt revenu dans mon rocher. Il y a des gens qui rentraient dans ma grotte, prenaient des photos et partaient, mon antre était devenue invivable. J’ai quitté les lieux durant trois ans pour un autre ermitage. A mon retour, les vitraux étaient cassés, je les a remplacés par du plexiglass. A l’entrée, j’ai écrit : « La grotte du frère Antoine n’est pas une curiosité touristique mais un lieu de rencontre fraternelle »….
Frère Antoine vit de ce que les gens lui apportent au jour le jour…, certains sont de passage, d’autres sont devenus des habitués depuis plusieurs décennies.
Sa caverne est des plus dépouillée : des matelas, quelques livres, un réchaud au gaz et quelques couverts.
Il vit sans argent, sans compte en banque…, il n’a pas d’eau courante mais récupère l’eau de pluie grâce à deux trous aménagés dans la roche en haut de sa grotte.
– Vous avez des toilettes ?
– Non, personne ne vient me faire chier…, rigole-t-il.
Quelques bougies servent à éclairer sa grotte à la tombée de la nuit mais il s’en sert peu, son rythme étant celui du soleil.
Frère Antoine ne paie pas de loyer, le propriétaire privé du terrain où se situe son logement ne lui en a jamais demandé.
Dans la forêt, autour d’une grosse pierre rectangulaire, il a installé des cailloux et laissé un petit mot : « Ici repose… »
Lorsqu’on soulève la pierre qui cache la suite, on peut lire : « un gros caillou »…
L’humour de Frère Antoine est parfois particulier.
Frère Antoine dit « ne jamais s’ennuyer », riche d’une vie intérieure profonde…, mais le religieux a une autre passion ; l’écriture !
– J’écris par pulsion. Certains ont des pulsions dogmatiques, financières ou sexuelles. Moi c’est l’écriture. J’ai publié huit ouvrages que je griffonne à la main. Madame Rachel Guimbaud, Lyonnaise de 35 ans, fait le lien entre l’éditeur et moi. Elle réécrit mes textes sur ordinateur, passe me voir et récupère mes manuscrits tous les mois depuis six ans. C’est à chaque fois une rencontre. Malgré mes 94 ans, je reste très lucide sur le monde dans lequel on vit même si c’est parfois décapant. Je suis venu chercher la joie à Roquebrune-sur-Argens…, avoue-t-il dans un grand sourire.
Frère Antoine prend soin de vous, de nous, de toutes et tous, de là-haut… et vous, nous, toutes et tous, devrions prendre soin de lui…, aussi…, si vous croyez…, et si c’était…
Pendant que je médite sur l’allégorie de la caverne (Platon), Frère Antoine entre en méditation avec lui-même, quand à savoir : “Que serions nous devenus si nous étions restés sur le paradis terrestre et si nous n’avions pas été précipités dans la matière ?”…
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https://www.youtube.com/watch?v=mO0vPpV6Lz0
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