Gatsby et moi…
A lâheure du dĂ©sintĂ©rĂȘt croissant des citoyens du monde pour le cinĂ©ma au profit des sĂ©ries tĂ©lĂ©s, des jeux vidĂ©o et de lâinternet, il est temps de repenser les formes de la littĂ©rature pour les adapter Ă la volontĂ© du peuple malade. Voici donc le scĂ©nario en projet d’une sĂ©rie qui pourrait ĂȘtre produite grĂące aux produits toxiques issus des fonds spĂ©culatifs sur les crĂ©dits hypothĂ©caires Ă risque. Une espĂšce de mĂ©lange “patchworkĂ©” de clichĂ©s US et de “pentasexualitĂ©” faussement libĂ©rĂ©e, avec du no-sens structurĂ© mathĂ©matiquement et des personnages attachants de connerie.
Gatsby et moi…
SĂ©rie Heb-dromadaire en 12 Ă©pisodes.
Saison 1.
Mercredi 7 octobre 2009.
Episode 1. Titre de l’Ă©pisode : La Sagesse et l’AmoralitĂ© des fous amoraux…
ThÚme : Burlesque raffiné !
Préambule :
J’ai repensĂ© la littĂ©rature Ă zĂ©ro, au coin d’un feu imaginaire, j’ai relu toute mon Ćuvre (quelques articles sur GatsbyOnline) et j’en suis arrivĂ© Ă une irrĂ©futable contingence : je suis le pire des meilleurs parmi les mauvais Ă©crivains de ma gĂ©nĂ©ration. J’ai travaillĂ© dur pour y parvenir, je suis un peu incompris aussi, car, finalement, la mĂ©ditation du penseur Ă©chappe toujours au regard dâautrui. Je suis sĂ©vĂšre avec moi, mais c’est pour mon bien, pour me forcer Ă conclure mon oeuvre historique. Pour me distraire, j’ai dĂ©cidĂ© d’entamer un feuilleton littĂ©raire en 12 Ă©pisodes inspirĂ© de l’Ćuvre de Karl Poppers, le cĂ©lĂšbre philosophe des sciences, mais dans un soubresaut intellectuel aprĂšs avoir ingurgitĂ© un Mojito, je me suis dit (sans me contredire) que le poppers ça sert Ă dilater l’anus pour un fist anal… J’ai donc dĂ©cidĂ© de miser Ă fond sur le cul pour le dĂ©but de cette sĂ©rie.
SĂ©quence 1
J’ai rĂ©solu d’Ă©crire toute la vĂ©ritĂ© sur Anamary Del Miguel Saavedra afin d’exorciser une douleur sexuelle latente depuis presque 10 ans de web !
Anamary, au dĂ©part, c’Ă©tait le genre de nana qui avait tout pour plaire. AprĂšs de brillantes Ă©tudes de droit et un corps parfaitement entretenu, Ă peine marquĂ© par les nuits blanches passĂ©es sous amphĂ©tamine Ă Ă©tudier des lois insignifiantes, elle a larguĂ© son petit ami, celui qui l’avait soutenu pendant toutes ses Ă©tudes, pour se trouver un homme mĂ»r, mĂ»r dans sa tĂȘte et dans son pantalon, enfin, dans la poche de son pantalon, lĂ oĂč il mettait son portefeuille.
GrĂące à ça, Anamary Del Miguel Saavedra vit dans une trĂšs belle pĂ©niche amarrĂ©e sur un quai de Seine, 400mÂČ, terrasse, cuisine super Ă©quipĂ©e, art-dĂ©co Ă la pointe de la tendance bon goĂ»t. Sa vie a Ă©tĂ© un combat farouche et sans merci pour obtenir ce confort surdimensionnĂ©.
Dans la vidĂ©o du premier Ă©pisode, sĂ©quence 1, il faudra enchaĂźner des morceaux de sĂ©quences oĂč on voit Anamary, enfant, se battre pour sa survie dans les quartiers malfamĂ©s du port de Cadix ou son pĂšre, marin-pĂȘcheur, vivote en passant des cigarettes chinoises en Espagne via le Portugal et Cuba… puis, sur le plan suivant, on la verra jeune adulte, refiler des faux tuyaux-secrets Ă ses collĂšgues secrĂ©taires pour assurer sa victoire, puis un fondu progressif vers Anamary au volant de sa BMW dĂ©capotable bleue, les cheveux au vent, en route pour un week-end orgiaque Ă Montpelier avec l’inspectrice des impĂŽts locaux. Anamary sourit Ă la camĂ©ra, la maquilleuse intervient, on retourne la scĂšne, le bleu de la voiture ressort mieux avec son fond de teint. Parfait.
SĂ©quence 2
Mon meilleur ami a un fils de 16 ans… et on lâa laissĂ© dans une piĂšce sombre avec la fille de 11 ans du jardinier d’Anamary, enfin, lâactrice de 17 ans qui joue le rĂŽle de la fille de 11 ans, mais le fils de mon meilleur ami nâa pas trĂšs bien cernĂ© la diffĂ©rence car il est trisomique. Ce nâest pas le pire, il est frappĂ© dâune leucĂ©mie aiguĂ« myĂ©loblastique. On a essayĂ© la mĂ©decine chinoise, puis lâARN-fragments, mais la chimiothĂ©rapie lui est devenue indispensable.
Mon meilleur ami sâen f… car il a rejetĂ© depuis longtemps la faute sur sa mĂšre, une vieille prostituĂ©e de 42 ans qui en parait 29 grĂące Ă LancĂŽme. Je suis sensĂ© aimer tout ce beau monde. Le fils de mon meilleur ami mâaide Ă relativiser la bĂȘtise humaine et devenir meilleur Ă©crivain.
Le tĂ©lĂ©phone sonne, câest Rodolphe Trivers, lâadjoint du rĂ©dacteur en chef de ELLE, celui qui mâa infiltrĂ© dans une soirĂ©e V.I.P la semaine prĂ©cĂ©dente.
Jây avais rencontrĂ© en vrac : la couturiĂšre Stella McCartney, le dessinateur caustique Tronchet, le fils de Pierre Bellemare (câest dans son fauteuil de Paris Match quâune administratrice rĂ©seau mâa tirĂ© ma premiĂšre pipe Ă 12 ans), la rĂ©dactrice en chef de CinĂ© TĂ©lĂ© Revue (que jâai embrassĂ© dans les chiottes contre une vague promesse de m’acheter un Prowler), le boss du rĂ©seau voltaire Thierry Messian (trĂšs hypĂ© en ce moment), Tome&Janry, Robert Del Naja de Massive Attack, Bruno Gaccio, Billy Corgan, Prince Laurent, Mylo, Avril Lavigne (toujours partante pour une ligne de coke), DannyBoon, le rĂ©dac chef de « Pour La Science » Philippe Boulanger, Kamel de Koh-Lanta, Kelly Osborne, le Professeur Jean-Louis Krivine, GĂ©rard Pires⊠et d’autres dont j’ai oubliĂ© le nom…, puis on a bougĂ© dans une limousine louĂ©e avec Laurent Baffie, Adriana Karembeu, Ramzy et le monsieur mĂ©tĂ©o de TF1, on a terminĂ© dans une “after” sponsorisĂ©e par Martini, avec Manu le Malin, le batteur de Kyo, Djibril CissĂ© et le frĂšre de Patrick TimsitâŠ
Jâavais pris note de toutes ces rencontres dans un carnet que jâai perdu ! Ensuite, on me tend un tĂ©lĂ©phone portable et câest Anamary Del Miguel Saavedra qui m’annonce qu’en rĂ©alitĂ© elle n’est pas elle-mĂȘme mais une autre elle-mĂȘme. La sagesse me pousse Ă stopper la fĂȘte et Ă aller lâaider dans l’espoir d’une Ă©jaculation faciale.
SĂ©quence 3
Je monte un rĂ©seau chez Paris Match, on est un samedi de la fin du siĂšcle prĂ©cĂ©dent, l’immeuble est vide, puis lâadministratrice, ĂągĂ©e de 33 ans, malaxe mes coucougnettes Ă qui je faisais prendrer l’air. On monte Ă lâĂ©tage, ce sont les bureaux appartement Ă la chaĂźne LTA, une chaĂźne de tĂ©lĂ©-achat aujourdâhui disparue, Pierre Bellemare en dĂ©tenait 51% du capital, il avait un bureau Ă cet Ă©tage. Lâadministratrice me suce dans la chaise de bureau en cuir de Pierre Bellemare. Elle avale tout en beuglant que c’est acide, puis elle veut que je lui fasse la mĂȘme chose, alors je dit non et on dĂ©goupille des canettes de Pepsi Max quâon boit en silence en regardant par la fenĂȘtre du haut du 10Ăšme Ă©tage…
SĂ©quence 4
Jâen reviens Ă mon meilleur ami qui commence Ă ne plus l’ĂȘtre, il me tĂ©lĂ©phone pendant que jâĂ©cris mon roman. Je dois mâarrĂȘter lĂ , ça fait 30 minutes que jâĂ©cris ! Suite au prochain Ă©pisode. En plus, normalement, un Ă©pisode ça dure 25 minutes. Le camĂ©raman est dĂ©jĂ parti de toute façon, en laissant un mot tout de mĂȘme : “Ce qui importe n’est pas le cri, mais la comprĂ©hension que l’hĂŽte et l’invitĂ© sont la mĂȘme personne. Qui est l’hĂŽte ? Personne d’autre que votre ĂȘtre vĂ©ritable“.
Un Ă©crivain qui s’ignore, pauvre camĂ©raman, tant mieux en fait, ça fait de la concurrence en moins.
Gatsby et moi…
SĂ©rie Heb-dromadaire en 12 Ă©pisodes.
Saison 1.
Mercredi 14 octobre 2009.
Episode 2. Titre de l’Ă©pisode : J’ai ordonnĂ© aux saouls-marins de me donner Ă boire…
ThÚme : Assurance et ergodicité
SĂ©quence 1
J’ai vraiment du mal Ă dormir seul. Quand on est habituĂ© Ă dormir dans les bras d’une amante extraordinaire, une nuit en solitaire devient un vĂ©ritable supplice ! Je comprends ces pauvres vieux qui crĂšvent de chagrin une fois le conjoint endormi dĂ©finitivement sous les racines des pissenlits. Ma mĂšre me disait que respirer un pissenlit ça faisait pisser au lit. Toute ma jeunesse j’ai travaillĂ© Ă trouver une corrĂ©lation entre le pipi au lit et les pissenlits. Quand mon amante extraordinaire m’a quittĂ©, elle avait choisi de partir en pleine nuit, pour que je comprenne clairement bien que, dorĂ©navant, je devrais me contenter de mes seuls draps pour me tenir chaud. Elle m’a quittĂ© parce que j’Ă©crivais au lieu de tenir mon rĂŽle d’homme. Quand elle est partie, je n’ai plus rĂ©ussi Ă Ă©crire une ligne. Je suis allĂ© me perdre sur des forums prĂ©pubĂšres sur internet oĂč j’ai Ă©crit des nouvelles en 12 Ă©pisodes sans queues ni tĂȘtes. Je n’arrivais pas Ă m’occuper de mon autre moi-mĂȘme, je n’arrivais mĂȘme plus Ă m’occuper de moi. Je laissais le four branchĂ© des journĂ©es entiĂšres, la baignoire dĂ©bordait en permanence, je n’arrivais plus Ă me torcher le cul jusqu’au bout, lassĂ© de tout, j’entassais anarchiquement vĂȘtements sales et propres, parfois, je gardais le mĂȘme pull et la mĂȘme trace de freinage sur le slip pendant des mois. Les factures s’accumulaient, je suis restĂ© des semaines entiĂšres dans le noir.
J’envoyais des e-mails de dĂ©sespoir mais je ne recevais jamais de rĂ©ponse, la facture adsl haut dĂ©bit Ă©tant impayĂ©e depuis plusieurs trimestres. AprĂšs plusieurs semaines sans tĂ©lĂ©, je suis devenu has-been, la mode m’a filĂ© entre les doigts, je suis devenu un dinosaure. J’espĂ©rais qu’un miracle allait remettre de l’ordre dans ma vie. La presse allait m’oublier, il fallait que je republie, mĂȘme une merde, j’Ă©tais prĂȘt Ă y mettre le prix. J’ai tĂ©lĂ©phonĂ© Ă une prĂ©sentatrice Ă moitiĂ© cĂ©lĂšbre, sur MTV, elle avait dĂ©jĂ transformĂ© des informaticiens affreux en playboy des campus. J’ai appelĂ© vers 3h30 du matin pour ĂȘtre certain de l’avoir en ligne et d’ĂȘtre le premier de la journĂ©e ! Je n’arrivais pas Ă dormir, mon voisin d’en face faisait pĂ©ter un cd de Metallica trop fort… Elle est arrivĂ©e une heure plus tard avec un pac de 6 biĂšres, habillĂ©e en marcel, lĂ©gĂšrement dĂ©coiffĂ©e, mais toujours pleine de classe. On a regardĂ© “jeu de nuit” sur RTL, j’ai tĂ©lĂ©phonĂ© 62 fois, j’ai Ă©tĂ© trois fois le 10Ăšme appelant, la rĂ©ponse Ă©tait 7, comme le nombre de nains chez Blanche-Neige. J’ai perdu. Puis on a regardĂ© des clips de R’n’B en boucle. C’est vers l’aube que je me suis souvenu qu’elle Ă©tait venue pour faire l’amour… Quand j’ai rĂ©alisĂ©, je l’ai cherchĂ©e, mais elle Ă©tait partie sans laisser d’adresse.
SĂ©quence 2
Vanessa Champetier de Rives, c’Ă©tait le genre de nana qui avait tout pour plaire. AprĂšs de brillantes Ă©tudes de commerce, et un corps parfaitement entretenu, Ă peine marquĂ© par les nuits blanches passĂ©es sous amphĂ©tamine Ă Ă©tudier la macroĂ©conomie, la gestion des ressources humaines et le droit fiscal, elle avait larguĂ© son petit ami, celui qui l’avait soutenu pendant toutes ses Ă©tudes, pour se trouver un homme mĂ»r, mĂ»r dans sa tĂȘte et dans son pantalon, enfin, dans la poche de son pantalon, lĂ oĂč il mettait son portefeuille. GrĂące à ça, elle vivait dans un trĂšs bel appartement Ă Montpellier, 384mÂČ, terrasse, cuisine super Ă©quipĂ©e, art-dĂ©co Ă la pointe de la tendance bon goĂ»t, jacuzzi. Sa vie avait Ă©tĂ© un combat farouche et sans merci pour obtenir ce confort surdimensionnĂ©. Le rĂ©alisateur enchaĂźne des morceaux de sĂ©quences oĂč on voit Vanessa, enfant, se battre pour sa survie, puis, jeune adulte, refiler des faux tuyaux Ă ses collĂšgues pour assurer sa victoire, puis un fondu progressif vers Vanessa au volant de son Opel Tigra, les cheveux au vent. Vanessa sourit Ă la camĂ©ra, la maquilleuse intervient, on retourne la scĂšne, le reflet des jantes ressort mieux avec son fond de teint. Parfait.
La voiture de Vanessa Champetier de Rives rentre en collision avec la voiture d’Anamary Del Miguel Saavedra. Le volant de la BMW dĂ©capotable dĂ©fonce ce qui Ă©tait autrefois la jolie gueule d’Anamary. Une barre de mĂ©tal traverse une cuisse de Vanessa, des Ă©clats de verre lui lacĂšrent la figure, une clavicule et son sein gauche sont broyĂ©s par la ceinture de sĂ©curitĂ©. Le rĂ©alisateur appelle le dĂ©partement casting pour trouver de nouvelles actrices pour les scĂšnes de flashback…
SĂ©quence 3
Quand je suis sorti des toilettes, j’avais changĂ© de tĂȘte, j’Ă©tais devenu un type plus mince, plus jeune, barbu, mais assez mignon quand mĂȘme.
Allez grouille, tu dois encore Ă©crire 5 pages ! J’ai envie de m’arnarquer moi-mĂȘme ! Je fais semblant d’Ă©crire, je tape des mots alĂ©atoirement, je ne me rends compte de rien. EsotĂ©rique, dĂ©sopilant, malgrĂ© moi, je veux, je ne veux pas, pourquoi, et par ci, par-lĂ … et je tourne en rond et voilĂ … et hop, allez, encore 5 pages. Je recopie un paragraphe en faisant copier-coller, j’ai juste changĂ© un prĂ©nom ou deux. Le camĂ©raman a tout captĂ© Ă mon stratagĂšme, mais cela semble l’amuser. Le facteur me tend, par la fenĂȘtre de la cuisine, un dictionnaire pour que j’Ă©crive encore plus de phrases alĂ©atoires. Je suis pensif, j’ai peur de ne pas avoir confiance en moi, je compte insidieusement les mots Ă©crits pour calculer combien ça me fera Ă la fin du mois… un salaire dans l’ombre de mes pensĂ©es tordues. J’ai Ă©crit une phrase vide de sens : “Et l’hĂ©licoptĂšre nĂ©vroleptique s’immola dans la pluie verte, la pilote a commandĂ© un Orangina”.
SĂ©quence 4
“Elle est grosse ta queue” me dit la fleuriste venue donner Ă boire Ă mes plantes. Elle m’Ă©nerve, elle semble prendre plus de plaisir que moi. En pensant trĂšs fort Ă des fantasmes oubliĂ©s, j’ai joui dans sa gorge, elle a tout avalĂ© sans broncher, puis elle est allĂ©e se servir un Pepsi… et j’ai continuĂ© Ă coder une stupide page en javascript. Puis j’ai tĂ©lĂ©phonĂ© Ă quelques amies pour leur expliquer mon viol chez Pierre Bellemare.
SĂ©quence 5
Jâen reviens Ă la fin d’Anamary Del Miguel Saavedra et dont je me suis souvenu de l’appel un matin, aprĂšs une nuit blanche R’n’B devant la tĂ©lĂ©. Malheureusement, les 25 minutes de cet Ă©pisode sont Ă©coulĂ©es. Je me souviens juste que sa voix tremblait, il s’Ă©tait passĂ© quelque chose de grave.
“L’action est trĂšs facile, mais les humains la rendent ardue Ă©tant donnĂ© les restrictions qu’ils s’imposent. C’est ainsi que le moindre souffle de libertĂ© est Ă©touffĂ©“.
C’Ă©tait le mot traditionnel du camĂ©raman. Je l’ai pliĂ© et je l’ai rajoutĂ© dans mon roman, discrĂštement.
Gatsby et moi…
SĂ©rie Heb-dromadaire en 12 Ă©pisodes.
Saison 1.
Mercredi 21 octobre 2009.
Episode 3. Titre de l’Ă©pisode : Carnage dans Gatsby…
ThĂšme : Virulence !
SĂ©quence 1
La cĂ©lĂ©britĂ© mâest tombĂ©e dessus assez rapidement ; aussi abruptement quâune secousse sismique en plein Pakistan, comme un poids supplĂ©mentaire dans ma vie dĂ©jĂ surchargĂ©e. AprĂšs la publication sur internet de mon premier roman, jâai Ă©tĂ© invitĂ© pour parler quelques secondes chez Bernard Pivot. Pour ma premiĂšre vĂ©ritable tĂ©lĂ©, jâĂ©tais lĂ©gĂšrement stressĂ©, jâai essayĂ© de faire lâeffet charismatique AmĂ©lie Nothomb (qui avait dĂ©clarĂ©, lors de sa premiĂšre tĂ©lĂ©, Ă 25 ans, quâelle mĂ©ritait le prix Nobel de littĂ©rature), mais ça a foirĂ©, je faisais plutĂŽt lâeffet soporifique dâun Houellebecq ; trĂšs bon Ă©crivain, mauvais orateur. J’ai quand mĂȘme dit que j’aimais bien les fruits pourris. La rumeur sâest vite rĂ©pandue, les ventes ont commencĂ© Ă dĂ©coller 6 mois aprĂšs la rentrĂ©e littĂ©raire, une Ă©poque oĂč je nây croyais plus ; jâavais dĂ©jĂ retrouvĂ© un job dans le dĂ©veloppement web pour nourrir ma libido. Ardisson me voulait dans son Ă©mission, mais je nâavais aucune actualitĂ©, on a Ă©pluchĂ© minutieusement toutes mes nouvelles, tous mes poĂšmes, toutes les notes que jâavais laissĂ©, Ă©tant jeune, sur les forums.
On a tout compilĂ© dans un ouvrage de 100 pages : Quelqu’un contre le reste du monde. On a sorti ça en vitesse, il y avait encore des fautes dâorthographes Ă certains endroits, mais ce nâĂ©tait plus important maintenant, ce nâĂ©tait plus à ça quâon me jugeait. A un certain niveau, la qualitĂ© des crĂ©ations n’est plus importante. Chez Ardisson, qui commençait Ă devenir un peu sĂ©nile, Ă mon entrĂ©e sur le plateau, il y avait lâex-femme de Nicolas Sarkozy, Patrick Bruel, Baffie et BHL autour de la table. JâĂ©tais dĂ©jĂ un peu saoul. Puis tout est allĂ© trĂšs vite, jâai racontĂ© ma vie, on mâa confrontĂ© avec un thĂ©ologien islamiste que jâai descendu en flĂšche, jâai dĂ©clamĂ©, arborant un sourire lĂ©ger mais indĂ©niablement satisfait, quelques phrases chocs que jâavais prĂ©parĂ©es. Une petite “interview croyance“, puis, je suis restĂ© jusquâau blind test, jâai trouvĂ© in extremis “Black Eyed Peas” et “Janet Jackson“, offrant ainsi deux points Ă lâĂ©quipe de Bruel.
AprĂšs lâenregistrement de lâĂ©mission, on a Ă©tĂ© fĂȘter le tournage, il y avait quelques gens supplĂ©mentaires : Mila Jocovich, Michael YoĂŒn et sa femme ou son ex-femme Elsa Pataky, Larcenet, Jeffrey Eugenides, le mari de Kate Moss, Hugues Bersini, Patrick Besson, Heidi Slimane, Rock Voisine, RĂ©nĂ© Angelil le producteur/mari de CĂ©line Dion, Fred et Jamie, Laurent Garnier, Fred Berthet, Mr Scruff, GĂ©rard Jugnot, AlizĂ©e, Karl ZĂ©ro, Thomas Bangalter de Daft Punk, le sosie officiel de Gregory, MylĂšne Farmer, Isabelle Sorente, le frĂšre de Scorcese, Jordy, ChimĂšne Badi, Philippe Geluck, Beigbeder, Dan The Automator (la tĂȘte pensante de Gorillaz), Sharon Stone, Gino Russo, Nagui, Sophie Marceau, Cyril Drevet (avec un t-shirt Hugo Delire top tendance), Pascal Vrebos, K-Maro, Alicia Key, tous les membres de Franz Ferdinand, Sofia Coppola, Wesley SnipesâŠ
A lâaube, jâai pris le Thalys vers Bruxelles, je devais donner une lecture de mes nouvelles dans une Ă©cole de Uccle Ă 10h30. Totalement pĂ©tĂ©, jâai eu du mal Ă articuler, ma mĂąchoire dansait toute seule, jâai fini par mâĂ©vanouir devant une centaine dâados. Câest passĂ© au JT le soir mĂȘme. Ma rĂ©putation Ă©tait lancĂ©e.
Mon site accueillait 20.000 visiteurs par jour, jây faisais des prĂ©publications exclusives, ça avait un succĂšs monstre. Je recevais plein de manuscrits de jeunes auteurs avides de conseil dans ma boĂźte aux lettres. Jâai Ă©tĂ© traduit dans 17 langues. Mon livre et mon recueil de nouvelles Ă©taient lus dans les Ă©coles. Jâai gagnĂ© le prix de Flore du meilleur premier roman, ça a bien reboostĂ© les ventes. Jâai sorti mon album de musique Ă©lectronique expĂ©rimentale dans la foulĂ©e, ça a bien fonctionnĂ©. On me demandait mon avis sur tout. Et puis ? Plus rien. 5 annĂ©es Ă©taient passĂ©es, et le monde mâoubliait. Il fallait me remettre au travail.
SĂ©quence 2
Il fait terriblement froid, mon Ă©charpe est insuffisante, le bonnet est juste lĂ pour dĂ©corer, le froid s’infiltre Ă travers chaque Ă©toffe de tissu. Sur le trottoir d’en face, une silhouette familiĂšre semble me faire signe, une charmante demoiselle se dirige Ă prĂ©sent vers moi. Je lui prends une main. Elle sâappelle LO.
On marche ensemble quelques mĂštres, puis, on va boire un cafĂ©. Je reçois un coup de fil. Je fais part de ma joie Ă peine contenue Ă LO, et je lui propose dâaller chez moi, manger un carpaccio Je vais stimuler son point grafenberg avec mon majeur, pendant que ma langue lĂšche, un vrai petit travail d’horloger. La tempĂ©rature de la chambre dĂ©passe largement les normales saisonniĂšres, je m’attarde sur sa poitrine gĂ©nĂ©reuse dont je malaxe les extrĂ©mitĂ©s longuement.
Je la pĂ©nĂštre sauvagement… Le camĂ©raman avec son sifflet autour du cou, mâencourage en clappant des mains puis fait un gros plan sur la bouche de LO exprimant la jouissance et le plaisir divin. La musculature du camĂ©raman est impressionnante ; ses pectoraux saillants dĂ©jĂ huilĂ©s pour lâoccasion, sa façon de se tenir bien droit et de mettre en avant ses quadriceps et ses abdominaux. Le visage carrĂ©, le regard profond, il soulĂšve LO par les cuisses et commence Ă …
Je prends des notes, le camĂ©raman me filme en train de prendre des notes. Le preneur de son approche le micro pour capter les sons de friction. Un beau travail dâĂ©quipe. LO semble pleurer de joie. Le preneur de son pose sa perche et vient rejoindre le camĂ©raman. Dans un rĂąle de plaisir surpuissant, je gicle par erreur dans la bouche du preneur de son. Le camĂ©raman me met deux doigts dans lâanus et me stimule la prostate, je pousse des gĂ©missements. Sous un oreiller, surprise, jâaperçois le visage de Patrick Bruel, heureux comme un poisson dans lâeau, LO lui lĂšche tendrement les testicules, ses cris de joie sont bientĂŽt Ă©touffĂ©s par lâĂ©norme pĂ©nis du camĂ©raman qui sâinstalle profondĂ©ment au fond de sa gorge. Notre scĂšne est interrompue par Anamary Del Miguel Saavedra en chaise roulante. Elle nous regarde avec sa figure dĂ©formĂ©e. Ses yeux de chienne battue. Elle verse une larme. Je lui demande de bien vouloir attendre dans le salon, je crois que j’ai dit aussi un truc du genre : “Ce n’est pas ce que tu crois ma poule…“. LO indignĂ©e se lĂšve du lit et sâen va consoler Anamary, elle me jette un regard dĂ©sapprobateur avant de la conduire dans une autre piĂšce. En me retournant, je constate que je suis nu et seul sur le lit. Le camĂ©raman, le preneur de son et les autres acteurs me dĂ©visagent. Je me sers un Mojito. J’allume la tĂ©lĂ© sur CNN et j’essaye de suivre les prĂ©visions mĂ©tĂ©os qui ne me font pas re-bander.
SĂ©quence 3
Le fils de mon ex-meilleur ami (voir le premier Ă©pisode), le trisomique, sort avec la fille du jardinier d’Anamary Del Miguel Saavedra, enfin, je nâen suis pas sĂ»r, mais il subsiste en moi quelques doutes. Elle semble inconsciente des choses. J’ai demandĂ© Ă mon ex-meilleur ami dâĂ©loigner sa progĂ©niture dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e de chez moi. Il a fait semblant de ne pas mâentendre. Je lui ai lancĂ© un regard Ă©loquent. Je suis parti me branler aux toilettes, Ă mon retour, il nâĂ©tait plus lĂ .
SĂ©quence 4
A la fin de la soirĂ©e V.I.P dans laquelle Vanessa Champetier de Rives, devenue demi tĂ©traplĂ©gique, mâavait infiltrĂ© le slip de sa seule main encore valide, jâai reçu un coup de fil d’Anamary, enfin, câest ce qui Ă©tait affichĂ© sur le gsm quâon mâa tendu, je ne lâavais pas prĂ©cisĂ©. En fait, ce nâĂ©tait pas elle au tĂ©lĂ©phone, câĂ©tait une de ses amies. Elle mâa expliquĂ© qu’Anamary Ă©tait Ă lâhĂŽpital, jâai entendu les mots “grave“, “urgent“, “voiture“⊠Jâai couru comme un fou dans la rue, jâai pris un taxi, mais jâavais envie de gerber, alors je lui ai demandĂ© de me ramener chez moi. Câest LO qui mâa rappelĂ© le drame le lendemain alors que j’Ă©crivais une connerie dans le Forum de GatsbyOnline. Appel dont je me suis souvenu 24h aprĂšs. Le plus triste dans lâhistoire, câĂ©tait que sa voiture Ă©tait rentrĂ©e en collision avec une autre fille connue du milieu, Vanessa, semi-tĂ©traplĂ©gique maintenant plongĂ©e dans un coma Ă©thylique pour un sĂ©rieux bout de temps. Jâai notĂ© tout ça. La fille du jardinier d’Anamary et lâactrice qui jouait son rĂŽle ont pleurĂ© en mĂȘme temps quand jâai annoncĂ© la triste nouvelle. Je nâavais quâun mouchoir, jâai hĂ©sitĂ© Ă le tendre vers la fille du jardinier ou son clone, finalement je lâai remis dans ma poche, il me servira tĂŽt ou tard. Le fils de mon ex-meilleur ami sautait sur place frĂ©nĂ©tiquement en riant. Le camĂ©raman souriait.
SĂ©quence 5
Un terrible accident. Anamary Del Miguel Saavedra fait pitiĂ© Ă voir dans son lit dâhĂŽpital. Son nouveau mec semble dĂ©goĂ»tĂ©. Il me prend en apartĂ© dans le couloir. Il a la mĂąchoire toute rectangulaire comme Mitch Leery, le pĂšre Ă Dawson. Son costume est magnifique, je le jalouse gentiment dans ma tĂȘte.
– Je ne pense pas que je peux continuer Ă vivre avec elleâŠ, tu comprendsâŠ, son visage est tellement…
Jâai mis une main sur son Ă©paule : “Oui, je comprends, je vais la reprendre, LO sera ravie de la revoir, ça ne me dĂ©range pas, je te comprends, je suis son premier mec aprĂšs tout, jâassume et puis je lâaime encore un peu tu sais”⊠On sâest remerciĂ©, jâai annoncĂ© la nouvelle Ă Anamary, qui ne savait plus parler, elle avait mordu et sectionnĂ© sa langue dans la douleur atroce qui avait suivi son accident. Le rĂ©alisateur a introduit une montĂ©e de doux violons pendant que le camĂ©raman zoomait sur les yeux humides d’Anamary. Puis la camĂ©ra sâĂ©loigne et zoome sur ma main qui sert trĂšs fort celle de Vanessa. Mon rĂ©veil a sonnĂ©, les 20 minutes sont Ă©coulĂ©es, lâĂ©pisode prend fin. Je tente dâempĂȘcher le gĂ©nĂ©rique de monter le long de lâĂ©cran, mais il est trop fort, je suis balayĂ© dans les tĂ©nĂšbres du fond dâĂ©cran comme une vulgaire poussiĂšre. Le camĂ©raman se roule une clope en marmonnant des trucs pas assez amplifiĂ©s en postprod pour que je puisse les retranscrire ici.
Gatsby et moi…
SĂ©rie Heb-dromadaire en 12 Ă©pisodes.
Saison 1.
Mercredi 28 octobre 2009.
Episode 4. Titre de l’Ă©pisode : DĂ©stabilisation circonflexe…
ThĂšme : L’amitiĂ© intemporelle !
SĂ©quence 1
Je prends le petit dĂ©jeuner avec LO, en arriĂšre-plan, un jeu tĂ©lĂ© du temps de midi. Au menu : trois petits pains, deux piccolos, une boisson chaude (cafĂ©, thĂ© ou chocolat chaud), Choco Pops, un jus de fruit, de la confiture, du beurre, un yaourt nature, du fromage et des Ćufs brouillĂ©s au bacon, ainsi que d’autres aliments disposĂ©s e maniĂšre disparate en Ă©quilibre sur le coin de la table. LO est dĂ©shabillĂ©e dans un polo moulant signĂ© Narsico Rodriguez et un training Kappa, un sifflet pendu au cou. Je suis vĂȘtu de mon traditionnel peignoir Galliano, un peu vĂ©tuste, mais toujours furieusement Ă©lĂ©gant, et de mes pantoufles Valentino. Je lui parle de mon Ćuvre, de mon avancement misĂ©rable de ces derniĂšres semaines.
– “Il faut trouver une solution pour la suite de la sĂ©rie, on ne peut pas miser sur le cul tout le long… et puis, avec lâorgie de la semaine derniĂšre, je crois quâon est vraiment allĂ© au bout de la question, le public obsĂ©dĂ© sera ravi⊠mais il faut autre chose”… me dit-elle.
LO a la tĂȘte plongĂ©e dans son bol de Choco Pops, elle se redresse lentement en marmonnant, le lait se dĂ©livrant de ses narines : “Je pense quâil est temps de faire intervenir les forces du MAL⊠Elle a raison, il faut passer Ă la vitesse supĂ©rieure maintenant. Je me prĂ©pare une biscotte au miel en pensant Ă la phrase pleine d’intelligence et de sagesse qu’elle vient de prononcer. Il y avait du progrĂšs ces dernier temps ! On a rangĂ© un peu la pĂ©niche d’Anamary Del Miguel Saavedra, on a enfermĂ© Anamary dans la cale humide avec les rats, on a taillĂ© une petite fente dans la porte pour faire glisser un peu de nourriture ; LO va nettoyer les excrĂ©ments d’Anamary tout le dimanche. On n’a pas encore pensĂ© Ă lui changer ses vĂȘtements, je pense mĂȘme qu’elle est nue.. La fille du jardinier d’Anamary, accompagnĂ©e de lâactrice qui joue son rĂŽle, a un sujet sĂ©rieux Ă aborder avec moi, elle est venue spĂ©cialement de Fleury-MĂ©rogis pour m’en parler. Le son de tĂ©lĂ© s’Ă©vanouit en un fade out subtil. Je crois entendre des rires enregistrĂ©s : “Pourquoi mon pĂšre m’a-t-il appris les mathĂ©matiques, la musique, plusieurs langues, et m’a violĂ© analement, si câest pour me placer dans une institution de couture ?”… Mon sourire de bienvenue disparait brusquement : – “Ecoute, la culture est superflue quand on a un pĂšre cĂ©lĂšbre, ne tâinquiĂštes pas, ton avenir est assurĂ©”. … Elle passe un coup de fil Ă son ami trisomique qu’on a placĂ© dans une institution, pour Ă©viter que son pĂšre qui est mon ex-meilleur ami, le frappe ; toute forme de promiscuitĂ© avec cet ĂȘtre dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© et inutile provoque chez moi des spasmes violents.
SĂ©quence 2
On doit introduire les forces du mal, jâai commencĂ© Ă plancher sur un nouveau personnage dâĂ©pouvante. Je peux Ă©crire n’importe comment, de toute façon.
Je suis remontĂ© dans mes souvenirs dâadolescence, dans mon Ă©cole secondaire, il y avait un Ă©ducateur, un pion, insignifiant, habillĂ© tout en noir, avec de longs cheveux sombres et gras, la mine ravagĂ©e par lâalcool ; il est mort et, deux jours aprĂšs, personne nâen parlait plus. Sa mort fut aussi discrĂšte que sa vie. Il nâexistait pas. Son histoire et son nom Ă©taient inconnus de tous, il errait dans lâĂ©cole comme un fantĂŽme, dans sa veste usĂ©e de vieux motard, le regard Ă©ternellement Ă©puisĂ© par la vie. JâĂ©tais adolescent et je me foutais de ce type qui inspirait tout ce que jâĂ©tais sĂ»r de ne pas devenir : un alcoolique puant, cĂ©libataire, qui nâavait trouvĂ© quâun ridicule job dans une Ă©cole perdue dans une rĂ©gion Ă©conomiquement malade. Parfois, il tenait lâĂ©tude, endroit oĂč Ă©taient tassĂ©s les Ă©lĂšves qui nâavaient pas cours, pour cause de prof absent, de retenue, dâheure de battement dans lâhoraire. Son autoritĂ© Ă©tait fantomatique, ses injonctions, sensĂ©es interpeller la foule et imposer le silence, se perdaient dans lâair, se faisaient absorber, sans conviction, par les murs qui semblaient le fuir.
Le pion, dans lâĂ©cole, nâavait de toute façon aucune force coercitive. LâobĂ©issance quâon lui accordait ne fluctuait que selon lâhumeur du groupe. La seule punition possible Ă©tait une note dans le journal de classe, une retenue au pire. Dans le bulletin, des points Ă©taient accordĂ©s Ă la conduite en classe, cette cote nâavait aucune importance. Le fantĂŽme noir mâavait surpris en train de parler, je me foutais sans doute de sa gueule et des vibrations cosmiques de moquerie avait sans doute atteint ses tympans, par une mauvaise combinaison stochastique de rĂ©percutions du signal sonore dans la piĂšce. Il avait pris mon journal de classe. A la fin de lâĂ©tude, il me lâa rendu, il avait dessinĂ© une ligne, Ă la mauvaise date en plus. Une ligne rouge. Une ligne tremblante et rouge, une ligne fatiguĂ©e, qui nâavait aucun sens. CâĂ©tait deux semaines avant sa mort. Avec quelques potes, on lui avait donnĂ© un nom : il Ă©tait The Vampire, Ă prononcer avec un accent amĂ©ricain difforme, patate chaude calĂ©e contre le palais : Zssse VannePaĂŻrwe. Le camĂ©raman zoome vers mes mains. Il Ă©tait temps de lui Ă©crire une vie.
SĂ©quence 3
The Vampire pouvait vivre le jour, contrairement aux autres vampires. CâĂ©tait grĂące Ă lâalcoolisme. AprĂšs avoir bu du sang dâalcoolique, The Vampire, enfant, a pu bĂ©nĂ©ficier de pouvoirs inĂ©dits grĂące Ă sa configuration gĂ©nĂ©tique qui laisse, bientĂŽt 10 ans aprĂšs sa mort, perplexe les plus brillants des scientifiques contemporains. Il pouvait vivre le jour mais il Ă©tait devenu dĂ©pressif, en Ă©change, en plus du manque de sang, il Ă©tait perpĂ©tuellement en manque dâalcool.
AprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©jectĂ© de plusieurs groupes de mĂ©tal (tâas le look, mais tâas vraiment pas de talent man), The Vampire Ă©tait bien seul et sans diplĂŽme. Il avait dĂ©vorĂ©, sans conviction, ses parents, puis est parti tenter l’aventure dans la campagne. The Vampire sâest lancĂ© dans lâenseignement, Ă la recherche dâun sang adolescent pur pour lui redonner sa vraie puissance de vampire d’autrefois. Le rĂŽle de prof Ă©tait trop limitĂ©, il nâaurait accĂšs quâĂ quelques classes de lâĂ©cole, ce qui aurait rĂ©duit ses recherches. Il est donc devenu pion, pour avoir accĂšs Ă tous les Ă©lĂšves de lâĂ©tablissement. Sur plus de 1000 Ă©lĂšves, il trouverait sans doute le bon, lâĂ©lu. Manque de chance, Ă la suite d’une cuite mĂ©morable, The Vampire est mort, carbonisĂ© dans sa maison. On a rien retrouvĂ©, exceptĂ© un enfant de 5 ans, qui avait survĂ©cu aux flammes. L’enfant Ă©tait trĂšs beau et ressemblait The Vampire, la police a dĂ©duit que c’Ă©tait son fils, aucune opĂ©ration de logistique ADN n’a Ă©tĂ© requise par le juge et le mĂŽme a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© dans un orphelinat oĂč il a subi de nombreux attouchements sexuels et plusieurs formes d’harcĂšlement moral.
SĂ©quence 4
LO dĂ©coupait des carottes dans son petit tablier rose. Je faisais semblant dâĂ©crire pendant quâon me filmait. Le preneur de son Ă©coutait un album de Dead Can Dance sur son Ipod. Lâactrice qui jouait la fille du jardinier d’Anamary Del Miguel Saavedra est rentrĂ©e accompagnĂ©e dâun jeune homme, vĂȘtu de noir, mal coiffĂ©, une longue chevelure noire et des mĂšches lui tombant devant les yeux. Il avait quelques traces d’acnĂ© sur le front et un duvet immonde en guise de moustache : “Je vous prĂ©sente mon petit ami, Leandro, il a 16 ans, et il joue dans un groupe de black death mĂ©tal core”… Jâai dĂ©gluti. LO mâa jetĂ© un regard complice, a retirĂ© son tablier et a commencĂ© Ă se craquer les doigts. Jâai bien respirĂ© avant de lui dire : “Tu nâes pas un peu jeune pour avoir un petit ami ? 11 ans, câest pas un Ăąge ça pour”⊠“On a fait lâamour hier, et il mâa demandĂ© en mariage, il est gĂ©nial, jâadore le sentir tout dur en moi”… LO a poussĂ© un gĂ©missement sourd. La fille du jardinier d’Anamary Ă©tait en pleur repliĂ©e dans un coin de la piĂšce. Lo et moi, on foutait des coups de pieds dans la gueule de Leandro, son nez a fini par cĂ©der.
Je lui arrachĂ© des cheveux avec les dents. LO serrait les poings en bavant : “Allez, encule-le, vas-y”…. “Non LO, on a dit plus de sexe dans ma sĂ©rie”âŠ
On a foutu le conard Ă poil et jâai commencĂ© Ă lui donner des low kicks bien puissants dans les testicules ! LO retenait les bras de lâado pour Ă©viter quâil se protĂšge : “Sale ado de merde, tous les mĂȘmes, je vais tâapprendre”⊠Je lui perçais ses boutons dâacnĂ© avec une fourchette tout en broyant ses couilles avec mon genou, de toutes mes forces. Il avait maintenant 2 boules gĂ©antes entre les jambes, toutes bleues. Jâen ai transpercĂ© une avec la fourchette en hurlant de joie, un mĂ©lange de sang, de graisse et de truc blanc rĂ©pugnant s’en Ă©chappait comme le pus de ses boutons. Le gosse a commencĂ© Ă avoir des spasmes, il gerbait un machin vert, il a gerbĂ© sur les cuissardes de LO, qui, Ă©nervĂ©e, lui a dĂ©boĂźtĂ© la mĂąchoire dâun coup de pied dâune rare violence. Le mĂŽme a rampĂ© jusquâĂ la porte qui donne sur le jardin, il sâest roulĂ© dans la pelouse en hurlant comme un porc quâon Ă©gorge, avec sa sale voix dâado merdique ; on le regardait les bras croisĂ©s faire son cinĂ©ma. Il hurlait. Puis sa tĂȘte a explosĂ©. Jâai poussĂ© un cri dâeffroi quand un de ses yeux sâest Ă©crasĂ© mollement sur le mur Ă quelques centimĂštres de moi. LO restait calme, dressĂ©e fiĂšrement sur le pas de la porte, une carotte en main, trop sexy, nue, en cuissardes, sans son tablier rose…
Le caméraman avait une érection, mais ce détail étant insignifiant, on le coupera au montage final.
SĂ©quence finale
Le sort de ma transformation d’Ă©crivain mĂ©connu en Ă©crivain reconnu requiert un transfuge dâinformation Ă travers le temps, une information portant une trace de ma prĂ©sence passĂ©e, câest lĂ que jâai eu lâidĂ©e d’Ă©crire cette sĂ©rie mort-nĂ©e… Il suffirait pourtant qu’on en parle ne serait-ce quâune fois quelques annĂ©es plus tard, pour que je sois sĂ»r de remplir la condition ultime : passer Ă la postĂ©ritĂ©. Je mây attendais, dans ma forme prĂ©cĂ©dente, les Mojitos me permettant de prĂ©dire lâavenir : je savais que j’allais devenir Ă©crivain, condition primordiale, qui du fait de mon grand malaise intĂ©rieur, nâhĂ©siterait pas Ă vivre en moi. Quel plan dĂ©moniaque, je nâavais rien compris de ce que je pensais, mais cela semblait terrifiant. LO serrait les dents et les poings en me regardant : “Quelle histoire tordue et mal Ă©crite, tu aurais pu trouver plus simple” !!! Je soulĂšve les Ă©paules en guise de pardon. Elle prend un rĂąteau, bien aiguisĂ©, Ă deux mains, et se dirige en hurlant vers la cale ou se trouve toujours Anamary Del Miguel Saavedra, nue… LâĂ©quipe technique filme alternativement LO et mon visage effrayĂ©. Le preneur de son enregistre la respiration haletante d’Anamary. La fille du jardinier d’Anamary sâenfuit en pleurant. Anamary hurle comme un t-rex de Jurassic Park mais Ă un volume 1000 fois plus Ă©levĂ©. Les hublots de la pĂ©niche volent en Ă©clat, les effets spĂ©ciaux sâactivent et le ciel devient sombre, les nuages dĂ©filent Ă toute vitesse, la foudre sâabat tout autour. L’eau rentre Ă gros bouillon…, la pĂ©niche coule, il y a des bulles partout… Glou, glou, glou….
Puis je crie : Fin de lâĂ©pisode. Tout le monde sâarrĂȘte de jouer sauf Anamary Del Miguel Saavedra qui continue de hurler. “Câest son string qui lui serre trop, je pense”… dit le camĂ©raman avant de se faire dĂ©capiter d’un coup de griffe…