Hier je suis allé au grand dîner annuel du club de la presse Gonzo dont je fais partie en tant que membre encore érectile, comme il ne rassemble que des journalistes couillus, nous avons papoté de ceux (et celles) qui gesticulent dans ce vivier de fous (et folles) alors qu’au dehors c’était la révolution…
La première chose qui nous est apparue, grâce à l’apéritif de bienvenue, c’est qu’il y avait de plus en plus d’épaves alcoolisées dans ce milieu ces temps-ci… même les cyniques ne se sentent plus à l’abri… et on s’est tous dit qu’il fallait trouver des raisons d’espérer, tout en cherchant de nouveaux membres afin de percevoir plus de cotisations…
Les plus malins ont dit qu’ils ne comprenaient plus l’évolution du journalisme, que les nouveaux venus, les p’tits jeunes, plus demeurés que d’autres, reniflent de la coke et tapent des pieds (avec lesquels ils écrivent) dans des clubs opulents qui sont infiltrés par les mecs et nananas des relations presse des grands groupes.
– C’est ce que je ressentais d’expérience depuis longtemps, que même je ne pige pas que vous n’avez rien vu venir… que j’ai dit… ce battement métronomique de beaufs ordinaires signifie leur anxiété, leur perplexité face au monde des vrais, des purs, des authentiques et vieux journalistes expérimentés que nous sommes…
Tout le monde a opiné du bonnet et on a recommandé une tournée d’apéros… quoique j’ai pas vraiment l’habitude de me noyer sous des hectolitres d’alcool ni de me comporter comme un animal sauvage dans un univers clos où tout a un prix (astronomique), surtout le bonheur…
C’est dans ce contexte pas forcément réjouissant que Jean-Christophe Florentin, un éditeur très connu, a dit qu’il fallait élargir le cercle… si, si, l’élargir… et là-dessus, un des participants a expliqué que dans le milieu des bagnoles, en ce compris ses extrémités assez glauques quoique floues, les gens des relations-presse des constructeurs automobiles (les PR), avaient reçu de leurs directions respectives, l’ordre d’inviter un certain quota de bloggeurs dans les présentations des nouvelles zotos… et chacun son tour d’expliquer sa vision des bloggeurs, des web-siteurs et autres… se demandant si c’étaient des gens dignes d’être reconnus journalistes…
J’ai pensé tout bas, que ce qui serait cool, serait de créer une carte de presse spéciale pour les journaleux… ceux qui ne font pas (encore) partie de notre cercle d’érudits et doctes gentlemen, ces p’tits d’jeunes qui se contentent de palper un peu d’oseille en recopiant les communiqués de presse…
L’un d’entre-nous en a profité pour s’inquiéter que certains ne sont plus délivrés qu’en anglais et allemand… ce à quoi, Jean-Christophe Florentin, qui sait manipuler un ordinateur, lui a fait remarquer qu’en cliquant sur les touches adéquates, on découvrait la version française et même d’autres… ces bonnes paroles rassurantes nous ont poussés à finir nos apéros…
J’ai rien osé dire de mieux, mais au fond de ma tête une voix m’a dit qu’il me fallait évoluer vers un meilleur semblant de vie sociale pour me tirer vers un nouvel El Dorado pour vivre une nouvelle saga confuse de démesure, de rêve… que j’avais assez donné (et reçu également)… qu’il était sans doute grand temps de…. mouais, bref… mais était-ce toutefois bien nécessaire ?
J’ai rétorqué, lorsque ce fut mon tour, que nous étions toutes et tous des connards de bloggeurs en puissance, que c’était un moyen de continuer à vivre, à se prouver et à montrer qu’on existe encore, qu’on sait encore écrire ce qu’on pense, qu’on peut toujours s’exprimer et plus encore, mais que même… faut être réaliste, soit c’est pour lécher les culs afin d’avoir sa pitance… soit c’est pour enfin s’éclater, vomir dans la soupe, dans le brouet de conneries, voire le renverser sur la tête des irresponsables gens des relations-presse qui se servent des journalistes et journaleux pour vendre les merdes des firmes qui les payent en prenant le marché automobile en exemple…
– Si les PR/RP veulent inviter certains bloggeurs aux présentations presse de leurs bagnoles, c’est pas pour rien… c’est pour les acheter sans sortir le moindre cent d’euros… les bloggeurs seront tellement gonflés de reconnaissance, qu’ils n’oseront plus jamais écrire ce qu’ils pensent de crainte de ne plus être invités… c’est le même schéma qu’avec vous, si vous écrivez comme moi, vous ne serez plus invités… vous n’aurez donc plus de matière première à raconter… les constructeurs sentent que tout change et veulent avoir la mainmise sur les bloggeurs… Ce que je suggère, c’est par contre de sélectionner les meilleurs et de leur donner une carte de presse, ce serait pour eux une reconnaissance de la profession… Les PR sont pour moi une tribu de sodomites prise de démence, pétant les plombs lorsque leurs objectifs ne sont pas atteints… ils sont occupés à détourner les bloggeurs…
Cela n’induisait pas de laisser se débattre mes quelques rares potes dans le lugubre labyrinthe des rêves brisés… dès-lors, avant de clôturer cette discussion et de passer à table, on a décidé de marquer le coup, avec une bonne excuse, en ne décidant formellement rien…
Dans ce Dernier Resto avant la fin du Monde, cinq étoiles au firmament de la merderie gastronomique d’autres restos, on a eu droit à des mets délicieux : scampis à l’ail, suivis d’une sole meunière (une pour chacun, je précise), le tout arrosé d’un p’tit vin blanc… avec je ne sais plus quoi en dessert alcoolisé, un café et un pousse-café… le tout pour 40 euros, c’était bonheur de savoir se l’offrir…
Même si je suis plutôt du genre pragmatique, j’ai toujours eu une affection coupable pour la bonne chaire ayant été dans une école Jésuite dont le père a tenté de me sodomiser… il n’y a pas que l’univers journalistique, sa sub-culture et ses références dans la vie d’un journaliste Gonzo comme moi… le dernier bastion du “rien à foutre lifestyle” !
Puis, je suis rentré, cool et relax en me demandant à quoi tout cela allait servir, autre qu’un “papier”…, celui que vous lisez en cet instant magique…
Les RP ont donc bien intégré dans leur cerveau consumériste que les bloggeurs faisaient la tendance, du coup, les rôles vont être inversés et ils vont se croire tout permis… c’est que les bloggeurs sont loin de l’archétype “Cheveux gras, mauvaises dents et lunettes rafistolées par un bout de Scotch au milieu, jean trop court dévoilant des chaussettes blanches ou à motifs fantaisie” comme Bart Simpson ou Bob l’éponge… que nenni… il leur faudra jouer selon leurs règles, à l’extérieur : des heures passées à se prendre régulièrement la gueule avec des imbuvables ayant injecté tout leur fun dans des réponses débiles.
A trop jouer sur leur statut d’incompris délaissés par le système, ces pauvres hères, c’est le comble, vont se faire phagocyter par lui (par le système, je précise), satisfaits de cette reconnaissance comme effet de mode à part entière… ils vont devenir des caricatures d’eux-mêmes, suffisants et élitistes, paradoxes ambulants, aussi imbuvables que les bobos qu’ils détestaient.
Ce qui me ramène à cette histoire, pour le meilleur ou pour le pire… tous ceux qui n’ont pas compris la nature de ce contrat tacite qui va se passer ne se sont pas fait bannir à perpétuité du système, ils y font les gros titres, quelques coups d’éclats et ne chercheront jamais à ressembler à autre chose, pour plaire.
C’est la raison pour laquelle GatsbyOnline tient depuis si longtemps, parce que j’ai avec ces gens un lien plus fort et plus profond via des textes “autres”… voilà, l’information essentielle est délivrée : Le journalisme “à-la-con” se meurt de crever de conneries.
Vous pouvez fermer cette page, retourner aux photos de vacances de vos amis Facebook, reprendre votre vie où vous l’aviez laissée, ça vous fera une conversation de 30 secondes pour la prochaine fois où vous rencontrerez un vrai journaliste : Les derniers types capable d’écrire du Gonzo-journalisme disparaissent de la terre… ce qui sous-entend que le style déjanté va lui aussi disparaitre, que bientôt il ne vous restera plus que des conneries formatées à lire… mais pour ce que les gens lisent, finalement… autant dire qu’il ne restera plus grand chose.
On se sent indestructible… sauf qu’un jour, paf… on est détruit, devenant instantanément vieux… putain, c’est dur… on est vieux quand on comprend que notre vie ne sera qu’un long témoignage de la disparition des êtres et des choses que l’on aime.
Quoique l’on fasse, toutes nos joies se perdront un jour ou l’autre et le bonheur n’est qu’un sursis avant la souffrance et la mort… désolé, bande de cons, mais c’est la réalité.
Mes grand pères, nés en 1900 et quelques, ont vu mourir des amis sur deux guerres, leurs parents, la religion à laquelle il croyaient… le pays de leur enfance… les derniers grands artistes européens… une certaine idée de la vie… et l’Europe comme centre merveilleux du monde… ils ont aussi vu naître les voitures, le cinéma, l’aviation civile, le métro et les mini jupes (qui les mettaient tellement en joie)… de bien maigres consolations finalement !
La génération née à la fin du XXe siècle, voit disparaître les plus belles inventions d’un siècle auquel elle n’a jamais appartenu… oui mais… bien sûr mais… mais… comme le dit la sagesse populaire : On sait ce que l’on perd, jamais ce que l’on gagne… et aujourd’hui, je ne vois pas trop ce que nous avons gagné à être l’Humanité du XXIe siècle.
Hier encore, un film me répétait de long en large que Google rendait la vie des gens meilleure… peut-être avez-vous tapé GatsbyOnline dans Google, peut-être êtes-vous tombé sur ce texte de cette manière… j’ai du mal à croire que votre vie ne sera pas meilleure désormais !
Le journalisme est l’épine dorsale éthique et morale de la société, quand tout le reste dans ce monde échoue, le journalisme est l’épée et le bouclier de la société et la grande terreur des corrompus et salopards… le peuple croit qu’un journaliste est un archange qui a juré de protéger ceux qui sont lésés et d’abattre ceux qui affament et trompent… mais qu’en est-il vraiment ?
Il fut un temps ou les gens croyaient en ces calembredaines, c’était juste ce que Hollywood et les bandes dessinées nous disaient ce qu’étaient les journalistes, maintenant, les nouveaux sont comme tout le reste des autres, c’est juste un autre emploi.
Pourtant les journalistes sont placés très haut dans le statut social idéal de nos sociétés, là-haut, avec la police, les pompiers et les présidents… toutefois, la vérité est que le journalisme s’est désintégré, c’est devenu un autre bon moyen de passer le temps en gagnant de quoi survivre entre la circulation tôt le matin et quelques bières avec des copains, avant de rentrer.
Il fut un temps (bis) ou c’était un métier prestigieux, ceux qui en étaient étaient des personnages mythiques, mais maintenant ils vont à la mangeoire des cochons, juste en bas, ramasser les restes pour faire un peu d’argent pour nourrir la famille et entretenir au minimum vital une maîtresse… sans s’inquiéter que Superman était un journaliste quand il ne combattait pas le crime.
Ce n’est plus un travail de dur labeur, ou les journalistes étaient armés de stylos et blocs-notes, arpentant les rues pour avoir des nouvelles de ce qui se passe dans le monde… en concurrence avec la police pour démanteler des crimes majeurs… pour trouver la vérité là où les autres ne peuvent pas comprendre… et pour décortiquer les hommes politiques et hommes d’affaires qui saignent les citoyens jusqu’à la graisse de leurs boyaux…
Ces jours sont révolus, à part quelques-uns qui, en remerciement, sont poursuivis en justice pour avoir filmé et/ou décrit les réalités du monde… les autres font du copié/collé… avec quelques finitions personnelles, car s’ils écrivent ou disent ce qui se cache derrière, ils n’en reçoivent plus, ils ne sont plus invités, donc ils ne savent plus être journalistes…
C’est comme ça que les gouvernements, les nôtres, notre soi-disant démocratie et son cortège de valeurs consuméristes, les industries, particulièrement les secteurs “vitaux”… font la pluie et le beau temps… cachent les réalités… lobotomisent la population… font croire à tout et n’importe quoi… que ce soient aux armes de destruction massive de Saddam, aux délires sexuels de Kadhafi, au bonheur de boire du Cola, de se tartiner le visage et le corps de crèmes animales… ainsi que mettre en tête des beaufs ahuris d’acheter une nouvelle voiture à crédit…
Il fut un temps (ter), il fallait aller “à l’école” pour être journaliste, il fallait être créatif, intelligent… et il fallait savoir comment bien écrire, il fallait travailler de longues heures sans cesse en compétition avec d’autres journalistes créatifs et intelligents pour réaliser, ligne par ligne, un bon “papier”.
Encore une fois, ces jours sont révolus… la majorité des nouveaux journalistes sont des journaleux, ils travaillent comme dans une usine, à la chaîne, sont permutables, réversibles, interchangeables, sans aucune vision globale du monde ni même de leur univers… plus aucun ne cherche, plus aucun ne pose des questions pertinentes, indiscrètes, ne cherche à découvrir le dessous des cartes…
Maintenant les interviews sont minutés, les questions préalablement posées, tout est sous couvercle… l’audacieux qui ose poser une question dérangeante est rabroué, sa carrière annéantie… et il n’obtiendra par ailleurs aucune réponse, sauf un sourire entendu !
Avec l’évolution de la technologie moderne, avec Internet, n’importe qui peut devenir un journaliste… et la plupart des grandes nouvelles, les informations importantes depuis moins de dix ans, ont été apportées, révélées, par des gens ordinaires via une technologie pas si ordinaire… les personnes qui utilisent des choses usuelles, comme les GSM et leurs nombreuses applications, ils viennent avec… et filment et photographient, puis publient via un ordinateur portable qu’ils branchent dans un Fast-Food… par exemple, la mort du roi de la pop, Michael Jackson, a été révélée en première mondiale par un petit site-web qui fut détruit par sa propre technologie, trop de gens s’y sont connectés en se “passant le mot”…
Les réseaux sociaux sont devenus des outils supplémentaires pour faire face à des journalistes professionnels qui ne le sont plus vraiment, ils sont utilisés pour diffuser des informations rapidement, que n’importe quel journal ou télévision et de radiodiffusion ne peut réaliser… ni censurer en modifiant les réalités…
La vérité est que la technologie est comme la vieille parabole du lièvre et la tortue : le journalisme, le lièvre, est allé dormir… en raison de cette augmentation de la technologie et de l’augmentation de son accès, les “vieux” journalistes sont désormais en concurrence avec le moindre pignouf lambda.
Lors de la réunion du club de journalistes dont j’ai fait état, j’ai remarqué qu’un grand nombre ne maitrisait pas les nouvelles technologies, incapables de comprendre qu’un Samsung Galaxy III (en exemple) prend des photos d’excellente qualité et les envoie à la seconde pour générer une info en ligne avec un commentaire…
J’en suis là, alors que j’ai débuté en un temps ou on écrivait les articles à la main ou sur de vielles machines à écrire, qui étaient ré-écrits sur des Linotypes qui réalisaient des textes en plomb que des ouvriers plaçaient “à l’envers” sur des pupitres dans des cadres de fer qui servaient ensuite à l’impression typographique…
Puis est venu l’Offset, on œuvrait de même façon mais en finale on réalisait des films qui servaient à préparer des plaques en aluminium qu’on fixait sur des rouleaux…, ahhhhhhhhhhhhh, si l’ordinateur eut alors existé…
Maintenant, curieusement, si la technologie est là, les compromissions journalistiques ont rendu le journalisme suspect, à force de copiés-collés, à force d’utiliser les communiqués de presse et d’accepter ouvertement d’être amis avec les gens des relations presse, le journalisme s’est en partie coupé des gens, surtout des jeunes qui ne lisent plus la presse et se désintéressent totalement des journaux télévisés qualifiés de “vendus” au système… Claire Chazal s’est d’ailleurs, vue renverser un pot de merde sur la tête, par un citoyen lambda excédé des pitreries lobotomisatrices de la vedette TV…
Il fut un temps (quater) ou les journalistes étaient respectés… maintenant, ils sont souvent haïs par presque tout le monde… ils se font agresser verbalement et parfois même physiquement, la plupart du temps les gens préfèrent manger leurs propres excréments que d’obtenir de l’aide et traiter avec des journalistes… cela a beaucoup à voir avec ce que le journalisme, laissé à lui-même, est devenu.
De nos jours, il est rare de trouver un grand morceau de bravoure de journalisme comme un retour au bon vieux temps… maintenant, il s’agit de la couverture de maltraitance d’animaux… d’événements débilitants… de chiens écrasés… de marroniers saisonniers… ou ce que les célébrités font comme conneries et surtout les sports, jusqu’à l’indigestion….
Ces pseudos scandales minables, monopolisent les titres au lieu des histoires d’héroïsme, ou de grandes controverses qu’un journaliste a découvert… les journalistes, pour la plupart sont devenus incapables de trouver des histoires passionnantes, ils attendent les communiqués de presse de la police, des services d’urgence, des sociétés de relations publiques de l’industrie… et des partis politiques… il faut attendre longtemps, très longtemps pour obtenir un commentaire pertinent… et encore, généralement c’est une fausse analyse pré-formatée !
Certains sont même devenus par eux-mêmes des scories affichant des chiffres et des commentaires vaseux d’hommes politiques, qui utilisent les journalistes pour se faire connaître ou pour organiser des rivalités amères dans la presse.
Je connasse des journalistes qui vont même jusqu’à accepter (ou demander) des pots de vin, soit pour que l’article soit mielleux, soit pour que toutes les vérités ne soient pas publiées… c’est contradictoire mais vrai… et les entreprises médiatiques se font payer pour publier des histoires arrangées… ils semblent avoir oublié le code de déontologie qu’ils ont lu quand ils étudiaient pour devenir journalistes et quand ils ont commencé à travailler… certains ont même pris l’habitude de publier des faits pas trop précis et en les suivant avec une page d’excuses !