Il s’agit de ce dont on ne sait pas si ce fut jamais…
De l’amour, on a beaucoup conté les commencements, et il en est de mémorables récits, qui font de grandes pages de littérature.
A-t-on aussi souvent dépeint les conclusions amoureuses. Elles ne sont pas très édifiantes, aussi jette- t-on souvent un voile pudique sur ces misérables fins de comètes. Ou alors, il faut beaucoup de talent pour transformer en objets d’art ce qui coûte si cher aux âmes et aux corps. Il est quelques notoires exceptions à cette discrétion, chez les meilleurs.
Considérations désabusées, «Faire l’amour, c’est très exactement du contraire qu’il s’agit, d’un amour qui se défait, que l’on défait, d’une défaite en somme, d’un désaccord, d’un désastre, infinitésimal et gigantesque.
Tout n’y est pas en demi-teinte, entre chien et loup, effleuré d’une plume des plus fines, sans ruptures, presque sans coutures, fluide comme un long solo de saxophone dans la nuit, d’une mélancolie qui semble ne pas pouvoir s’éteindre.
L’amour, serait-ce comme une note qui se tient, au-delà de la limite du souffle, dont on a peur qu’elle se brise, jusqu’au point final, avec la même intensité, la même densité ?
Quand le rideau tombe, en amour, on s’aperçoit qu’on a été capté de bout en bout, en un suspense dont seuls les mots sont les gages, souverainement placés comme les pierres dans ces jardins secs dont les Japonais ont le secret.
Dans cet univers de la ligne claire, le flou, l’approximatif ne pardonnent pas. C’est comme de jouer du xylophone dans une cathédrale : pas question de frapper à côté, les vitraux en trembleraient. La réussite de l’amour se situe là : dans la hardiesse des conditions mises à son accomplissement, et dans la maîtrise avec laquelle elles sont remplies.
Il s’agit de ce dont on ne sait pas si ce fut jamais…
On vit très mal cette fin de règne, celui de l’amour, on est dans un monde qui se délite, un tournant d’époque, cadastrant un présent qui ne sait pas où il va, qui ne pose plus de gestes, qui de toute manière ne les achève jamais et ne parviennent pas à ponctuer leur histoire, en ce sens qu’une ultime étreinte est refusée, par un effet d’interruption constant et comme inéluctable. Pas de point final à ce qui, un temps, rapprochait. Car l’amour ne s’éprouve pas, ou alors par son manque, irrémédiable.
C’est l’humeur d’un temps, un déclin affectif du monde, une confusion d’égale « désapétence » de vie en un semblable désenchantement.
Le plus curieux, c’est que, vous qui me lisez, soyez subjugué à ce point par cette description d’un plaquage où l’homme/femme, est odieux, et la femme/homme désarmée. C’est dû à une adéquation totale entre un propos et son expression, comme on la constate devant certains paysages.
C’est bien et c’est tout ce qu’il fallait dire…