J’ai le cœur en bourre chou et taillé à la hache…

Il ne faudrait jamais entendre du Souchon dans un café d’hôpital.
Ça ne devrait pas être permis.
Parce que du Souchon dans un café d’hôpital, ça fait mal au cœur.
Çà rend le croissant bête.
Y trempe tandis que le palpitant tremble.
Le petit noir devient sombre.
Le hall ressemble à celui d’une gare de province.
Dans un café d’hôpital c’est presque comme dans un café de gare, on attend qu’on vous annonce qu’il faut encore attendre d’attendre…
J’ai le cœur en bourre chou et taillé à la hache.
Une Doudou est devant qui pleure avec ses yeux bleus tout rouges.
C’est peut-être pour ça qu’on dit que la vie ne vaut rien mais qu’elle est belle, puisque même la souffrance peut être esthétique.
On en fait des films.

Gros plan sur les yeux rouges, zoom arrière et contre plongée, mise au point et vue sur le doudou à travers la vitre du café de l’hôpital, le hall, deux ambulances qui déchargent, un pigeon qui vole, le froid, du brouillard au loin et comme une peinture des feux rouges et bleus qui éclatent par paire, signalisation éparse ponctuée par des sirènes.
Du noir, du blanc, du rouge.
Vous en voulez un autre ?
De quoi?
Ben un croissant…
Ben non.
Quatre femmes arrivent.
Elles s’assoient à la table d’à côté, ce sont des bonnes sœurs.
Elles sont en civil mais ça se voit tout de suite.
Elles demandent un chocolat chaud.
Les bonnes sœurs ça marche au chocolat chaud.
Ça sourit quand même une bonne sœur et avec un petit rire à la clé comme une gamine gentille et çà demande un chocolat chaud.
Avant qu’elles ne viennent y’avait un vieux à la place.
Coiffé d’un vieux bonnet en laine, il attendait que le temps passe comme on attend un train toute sa vie.
Il était émouvant, comme un grand-père qu’on aime, on dirait du Souchon.
Ne faudrait jamais entendre du Souchon dans un café d’hôpital.
Ça ne devrait pas être permis.
Parce que du Souchon dans un café d’hôpital, ça fait mal au cœur.
Cà rend le croissant bête.
Y trempe tandis que le palpitant tremble…
– Patrice, on y va, mon examen est fini…
– Ca va maman ? Tout va bien ?
– C’est-y pas Souchon qui chante là ?