J’avais tout et je n’ai rien fait.
Arranger les arrangements. Rompre ce matelas d’angles vifs, cet amas de labyrinthes qui empêche de maudire mon existence d’épervier, dégustant le malheur des autres dans mon laboratoire, observatoire des métiers, espèce écartée de la liberté, séparée de la misère par des terres sans racine, sans arbre porteur de valeurs qui s’infiltrent dans nos chairs.
Je suis cette montagne que l’on impose au relief. Je suis cette façade aspirant l’air, refusant l’envol. De là-haut, j’observe la patrie ; ces chauvins, champions du monde, retrouvant leur ego par une tête bien placée dans un carré d’herbe en plein été. Qui sont-ils ces nombrils sur pattes retrouvant une raison de vivre à travers une équipe médiatisée, médiaformée, médiapayée, médiàvomir ? Envieux de cette cymbale qui les éloignent de leur fleuve tranquille, ils ressassent les exploits de leur héros au nom de marque éphémère, lucrative, et spéculative.
Je les surpasse.
Je les bénis d’être plus bas sur terre. Dans ma sphère, les lumières croisent mes objectifs. La liberté fascisante me rapproche de leur immobilisme morbide. Je suis comme cette masse sans nom, mais je me distingue en la nommant. Ma trace est tracée dans ce tracas de trames d’existences prémâchées. Je me hais de connaître déjà la fin. Je me hais d’assimiler la société pour éviter le risque de vivre ou de mourir. Et je te hais, toi, ignoble lambda, monsieur X ou monsieur Plus, qui, tantôt à mal au dos, tantôt joue au polo, tantôt me stimule, tantôt me nargue. J’ai perdu mes racines, câlines, mousselines. Je me délecte dans cet amas luxueux que m’offre le statut défini de ma naissance, sans effort, sans prestige, juste de l’absence de choix, de l’absence de moi.
Je suis ce spécimen prédéfini, animal de laboratoire, observé, noté, testé pour être amélioré. Je suis toujours plein d’avenir, potentiel actif, actif positif, positif alcoolique, alcoolique sournois, sournois amant, amant créatif, créatif perdu, perdu avec revenu, revenu à chaud, chaud comme la braise, braise de feu, feu et de lumière, lumière éteinte, éteinte sans avoir pu poser son pas dans cette boue humaine qui forme l’humanité.
J’avais tout et je n’ai rien fait.