Je reste mélancolique à l’évocation de ma nostalgie….
Après cinq crash d’avions dont un de 428 personnes sur Kuala Lumpur et trois assassinats de bébés violés à l’occasion d’une tournante de retraités des chemins de fer français en mal d’amour, j’ai éteint la télé.
Pas que ça me lasse, le malheur du monde…, mais la geuze qui présente le vingt heures n’arrêtait plus de pérorer, il était évident que ça ne finirait pas en gang bang.
Et ça m’énervait.
Je considérais plutôt cela comme une fin en soi tout à fait acceptable.
Et puis, j’avais aussi le choix…
Ca m’excitait, finalement.
C’est scientifique, y a tout un tas de gens qui rentrent dans des états pas pensables dans ce genre de situation.
C’est comme s’ils n’avaient plus rien à perdre, ça les détend un max et les voila capables des pires bassesses.
En plus, ça ne leur cause aucune problème et ils sont souvent plus équilibrés que ceux qui se font tout un évènement de rien du tout.
Mais moi non.
Je préférais encore regarder les actualités avec la geuze du journal en train de faire briller son gloss.
Gang Bang de 20 millions de téléspectateur.
Ejaculation sur la chute du CAC 40.
Branlette sur l’autopsie d’un type retrouvé dans un canal deux mois après sa disparition.
Râles doucereux sur l’ouverture du festival de coutellerie à Vienne.
Je dois changer tout ce bordel.
Je ne peux continuer ainsi, je le sais.
Pendant l’écran de pubs qui a suivi, je me suis détendu en faisant des nœuds.
J’ai attrapé la passion des nœuds à force de les défaire.
J’en ai appris une centaine et je garde toujours des bouts de corde chez moi.
Tout fait l’objet d’un nœud au fond.
Au bout de cinquante nœuds, j’ai décidé de sortir.
J’étais excité comme un fou… et aussi nostalgique.
Je reste mélancolique à l’évocation de la nostalgie….
Je suis revenu chez moi et j’ai donné des croquettes à mon chat Persan.
J’étais à l’heure sur mon canapé avec un plat de nouilles… et je regardais la gueuze du journal de 20h…
Elle avait mis un chemisier noir ouvert d’un bouton.
Il y avait eu un ouragan et on voyait des gens pleurer et d’autres allongés morts dans la boue.
Tout était souillé, marron et puis les caméras sont revenues sur son visage.
Encore une information sur un détournement de fonds de la part du responsable de la Croix Rouge et un viol sur des africaines par des responsables de RSF.
Le Sida était évoqué comme en augmentation.
Des gens avaient été contaminés par une usine nucléaire qui refusait de le reconnaître.
J’étais mal là.
J’aurais aimé arrêter le bruit dans ma tête, le malaise la culpabilité.
Une fois j’ai cassé la télé suite à un reportage ou on voyait un quidam qui avait voulu aider un poubelleux (un ce ceusses qui ramassent les poubelles) et il s’était fait arracher le bras par la machine à broyer.
Il est parti à l’hôpital, son pote bourré s’est trompé et il s’est retrouvé à l’abattoir… et son bras a été haché avec un bœuf.
Le tout finira au rayon surgelé.
Ce soir, c’est le dernier avant le week-end.
Le journal télévisé débute à nouveau sur un générique affriolant.
Encore un enlèvement d’enfants et aussi un attentat à Islamabad, le plus violent depuis le début de la guerre, 400 morts sur un marché à coté d’une mosquée.
Un violeur a pendu à un crochet de boucher une femme blonde.
Ses lèvres sont droites et ses yeux ne laissent trahir ni admiration, ni réprobation, pourtant c‘est bien d’elle qu’il s’agit et de sa vanité.
Elle est apprêtée chaque soir pour se rendre au bal de la mort… et comme les reines cruelles, elle finit toujours par soulager l’apocalypse d’un peu d’art de la douceur.
Mon week-end s’est passé.
C’est tout ce que je peux en dire.
Journée du lundi normale.
Assis devant mon repas du soir, je la regarde.
C’est la star des petites gens.
Un bateau de pêcheurs a encore disparu, il y a des tempêtes sur l’atlantique, 12 marins noyés.
Le phénomène du home-jacking est en hausse.
Des gens sont retrouvés assassinés ou torturés à leur domicile depuis trois mois, ce serait le fait d’un groupe de nains qui sillonnerait l’Europe.
Une femme a été retrouvée pendue à un crochet de boucher.
Un plan social a été annoncé chez Citroën : 120.000 chômeurs en prévision.
L’expo Picasso fait un tabac !
L’essence ne baissera pas avant trois mois.
Un chat a parcouru deux cent kilomètres pour revenir chez son maitre.
Elle sourit à l’évocation de la bête.
Le monde est sous le charme, anesthésié, repus, fracassé.
L’audience est en hausse.
J’étais en train de réfléchir à la possibilité que la réalité ne soit que la perception du réel et non le réel, un concept encule-mouche à haute teneur en psycho-philosophie pour les nul… et cela, je le faisais en buvant un grand verre de Mojito.
Il y avait de la bossa nova en fond sonore, de la TV sortait comme une odeur de moules carbonisées, ça schlinguait les remontées d’égouts.
Et ça n’avait eu aucune importance car toutes ces nouvelles apocalyptiques débitées en tranches de jambon, englobaient en général une déplorable concentration de folies et dans chacune d’elles je perdais un peu de mon âme et de ma tranquillité.
J’avais l’impression que la présentatrice du 20 heure se faisait plus de mecs et de nanas que Paris Hilton et Britney Spears réunies…
Ce que je f…. là était relativement obscur.
Je me disais qu’il était temps de cesser de croire au Père Noël, qu’il y avait encore un avenir dans ce bordel qu’était le monde.
Pour le découvrir, cet avenir, il fallait que je découvre en moi suffisemment de poussées d’adrénaline incontrôlables qui m’auraient fait casser la gueule aux hordes de crétins qui me faisaient c… les uns après les autres.
Enfin on fait avec ce qu’on a, comme on dit.
Il y a des gloires qui se défont en un jour et c’est encore une preuve de cette triste réalité.
Mais tout cela n’est plutôt rien, juste un quotidien disons : un peu atypique, un peu mobilisateur par rapport à la banalité de celui des autres.
Certains n’en auraient pas voulu ou seraient devenus fous.
Comme moi j’étais déjà devenu fou par procuration à voir toutes les conneries du monde !
J’ai décidé de sortir…
Au bout de quelques mètres de marche vers nulle part, j’ai vu arriver un gros bus sur un tas de gens à l’arrêt.
Le véhicule n’a pas ralenti et est venu percuter toute l’assistance comme une boule de bowling géante.
Ca a fait splash.
Et puis un bruit de ferraille énorme car l’abribus avait été défoncé.
Tout ce que j’ai trouvé à dire c’est : Hé bein. Pas cool !
Il y avait du sang partout et ça hurlait. Camille se tournait vers le raffut.
Putain c’est quoi cette merde…, que j’ai crié !
“C’est le bus, il a foncé dans le tas et il a explosé tous les gens qui attendaient là. Putain mais il est con le conducteur“…
Ah mon avis, il devait y avoir une autre explication…
Franchement on tient combien de temps à se demander le pourquoi du comment ?
Des voitures de flics, de pompiers, de journalistes affluaient au milieu de la masse des curieux.
Bizarrement je ne me sentais pas concerné par tous ces gens bien organisés.
Un bus dans la gueule c’est inamical.
Tout ces gens là, tournoyaient de façon sordide.
Avec l’odeur du sang, j’avais envie de me prendre un autre Mojito pour tenir le coup.
Je gardais le silence… et pour ma prochaine vie je me disais que je souhaitais faire conducteur de bus.
Ensuite quelqu’un d’autre que moi-même s’est approché de moi : “Vous êtes celui qui a vu l’accident ?“…
Ben ouais, ben, en fait y a ce gros bus qui a foncé direct dans les gens, ils se sont fait dézinguer sans broncher…, après le bus a tapé dans l’abribus… et il a calé dans un gros soubressaut… et il a fait un petit saut… et je crois qu’il a écrasé une tête en retombant, car ça a giclé sous sa roue… “Ca va, ça va. Passez les détails ! Il est mort d’une rupture d’anévrisme Monsieur !“…
Ouais ben ça change rien il aurait pu faire gaffe….
Ensuite, je me suis retrouvé dans un train, je sais pas comment…
Dans ce train, je suis allé au compartiment bar.
J’avais l’impression que c’était fait pour moi ce nouveau monde.
Le service était impersonnel et faussement accueillant.
A quatre euros les 25 cl de bonheur, ça pouvait.
Je me suis attaché à regarder défiler des paysages mornes en leur échappant inéluctablement.
Je me sentais encore sauvé, le train avançait tellement vite que je n’avais aucune chance de voir le réel, si ce n’est la réalité, me rattraper avant au moins trois heures.
Et, au bout de trois heures, je me suis retrouvé devant mon ordinateur, occupé à tapoter des conneries, dont celle-ci !
Piting !
Je me ressert un dernier Mojito avant de…
De quoi faire ?
Piting !
Je reste mélancolique à l’évocation de la nostalgie qui s’échappe de ma mélancolie…
Je zappe !