John Kerry à la manière de Colin Powell…
Le 5 février 2003, Powell, alors secrétaire d’Etat dans le gouvernement Bush, prononçait devant les Nations unies un discours tristement célèbre.
Pendant deux heures, photos, cartes et bandes sonores à l’appui, le chef de la diplomatie américaine avait plaidé en faveur d’une guerre contre l’Irak.
Il avait affirmé que les preuves qu’il présentait montraient que l’Irak disposait d’armes de destruction massive (ADM) qu’il était sur le point d’utiliser contre le monde. Les médias et les politiciens des deux partis avaient acclamé la prestation de Powell en déclarant que l’ancien général avait apporté la preuve écrasante que l’Irak possédait d’énormes programmes d’ADM. Six semaines plus tard, les bombes pleuvaient sur l’Irak alors que débutait l’invasion américaine.
Le discours de Powell était un tissu de mensonges. Pas la moindre de ses affirmations relatives à un concentré d’uranium yellowcake (gâteau jaune) du Niger, à des tubes d’aluminium ou à des laboratoires mobiles d’armes n’était vraie. A l’époque, le WSWS avait écrit que le dossier en faveur de la guerre était une farce diplomatique regorgeant de cynisme et de tromperie… fondée sur un mensonge colossal, à savoir que l’invasion imminente concernait des armes de destruction massive irakiennes et la menace présumée que Bagdad représentait pour la sécurité des Etats-Unis et la paix dans le monde. Cela s’avéra effectivement être une farce diplomatique fondée sur un mensonge colossal.
Le discours prononcé dix ans plus tard par Kerry ne fut pas moins malhonnête et pas moins cynique. En effet, en comparaison, la présentation de Powell était un chef-d’œuvre, riche en détails. La totalité du dossier de Kerry contre le régime syrien consistait en une dénonciation morale générale des armes chimiques. En décrivant des images bouleversantes de victimes des présumées frappes à l’arme chimique contre Ghouta, il a dit : Le massacre aveugle de civils, le meurtre de femmes, d’enfants et de passants innocents par des armes chimiques est d’une indécence morale.
Le gouvernement des Etats-Unis ainsi que ses alliés en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne ne sont nullement en position de faire la leçon au monde sur l’indécence morale de la guerre chimique ou sur toute autre sujet. Une documentation complète des crimes de guerre et des atrocités commises par l’impérialisme américain et européen remplirait plusieurs volumes. Washington a empoisonné des villes irakiennes entières avec de l’uranium appauvri et du phosphore blanc. Avant cela, les Etats-Unis avaient largué sur le Vietnam 75 millions de litres d’Agent orange, une arme chimique qui avait touché des millions de gens. Les Etats-Unis sont l’unique pays au monde à avoir utilisé l’arme nucléaire contre des villes sans défense, pas une fois mais deux fois, sur Hiroshima et Nagasaki. Avec les puissances impérialistes européennes, qui ont été les premières à utiliser du gaz toxique, ils sont collectivement responsables de la mort de millions de personnes. Bien qu’il invoquait l’indécence morale des tueries aveugles à l’arme chimique, le gouvernement Obama a continué de financer la junte militaire égyptienne qui avait massacré ces derniers mois des milliers de manifestants non armés qui étaient descendus dans la rue.
Kerry n’a pas été capable d’avancer le moindre fait, en dehors de ses propres allégations atroces, pour justifier l’affirmation que les forces du président syrien Bachar al-Assad avaient perpétré une attaque chimique à Ghouta. Au lieu de cela, il a dit : Notre compréhension de ce qui s’est déjà produit en Syrie repose sur des faits, informée par la conscience et guidée par le bon sens… Des armes chimiques ont été utilisées en Syrie. De plus, nous savons que le régime détient ces armes. Nous savons que le régime à la capacité de le faire au moyen de roquettes.
De tels arguments ne prouvaient rien du tout. Bien que Kerry ait préféré le taire, ce n’était un secret pour personne que les milices de l’opposition soutenues par les Etats-Unis avaient accès à des armes chimiques et qu’elles les ont utilisées. Des groupes de l’opposition ont affiché sur YouTube des videos où ils se vantaient de leur capacité à fabriquer du gaz toxique. Des responsables de l’ONU avaient déclaré à maintes reprises que des enquêtes menées en Syrie avaient montré que c’était des forces d’opposition et non le régime d’Assad qui étaient responsables des attaques chimiques. La CIA, qui a été transformée en une organisation paramilitaire mondiale lourdement armée, a accès à de telles armes et les rendent accessibles à l’opposition.
L’affirmation de Kerry selon laquelle les accusations qu’il portait contre la Syrie étaient fondées sur le bon sens, était fausse : le bon sens, appliqué à la situation en Syrie, laissait précisément penser le contraire. L’opposition était en déroute car elle était en train de perdre la guerre ; son unique espoir était une intervention militaire massive de la part de ses partisans aux Etats-Unis, en Europe et au Moyen-Orient. L’attaque aux armes chimiques, précédemment décrite par le gouvernement Obama comme une ligne rouge à ne pas franchir, fournissait le prétexte souhaité pour cette intervention.
Dans une autre déclaration “remarquable”, Kerry avait reconnu par voie détournée que Washington n’avait pas l’intention de fournir des preuves pour concrétiser les allégations proférées contre Assad. Il avait déclaré : Comme Ban Ki-moon l’a dit la semaine passée, l’enquête de l’ONU ne déterminera pas qui a utilisé les armes chimiques, mais seulement si de telles armes ont été utilisées, une estimation qui est d’ores et déjà claire et nette pour le monde entier.
Ceci revenait à dire, qu’indépendamment de ce que l’enquête apporterait quant à l’identité des assaillants, Washington s’en servirait comme prétexte pour attaquer le gouvernement syrien.
Après avoir exigé que la Syrie accorde un accès illimité pour enquêter sur la présumée attaque, Kerry avait répondu à l’acceptation de cette demande par le gouvernement syrien en déclarant que cela n’avait, de toute manière, pas d’importance vu que c’était arrivé trop tard pour être crédible.
Toutes les demandes ne visaient qu’à ouvrir la voie à la guerre. A part ouvrir le pays à l’occupation étrangère, il n’y avait rien que le gouvernement syrien puisse faire pour satisfaire les ultimatums de l’impérialisme américain.