L’Ukraine et la fin de l’Occident…
Il y a vingt ans, à savoir au milieu des années 1990, la Russie sortait à peine des ruines de l’ex-URSS…, sous l’impulsion de Boris Eltsine et son entourage, composé de jeunes réformateurs d’inspiration occidentale, qui étaient, en cette époque-là, aux manettes décisionnelles (Egor Gaidar, Boris Nemtsov, Grigori Iavlinski, Andrei Kozyrev, etc.), la Russie, affaiblie par une transition douloureuse, mais absolument nécessaire, d’un système à l’autre, mettait clairement le cap sur l’Occident.
Elle tentait d’intégrer dans son mode de fonctionnement l’économie de marché, la démocratie, l’Etat de droit, la liberté de la presse, la société civile…, ainsi, sa Constitution de 1993 a été inspirée, à bien des égards, par la Constitution de la Cinquième République française, les juristes français ont largement contribué à sa rédaction, au même titre que les économistes américains participaient largement à la reconstruction de l’économie russe, dévastée par le communisme et dépendante de l’Occident.
Sur le plan géopolitique, pendant cette “parenthèse enchantée” de l’après-guerre froide, la Russie faisait tout pour intégrer les institutions occidentales qui rimaient alors, pour les dirigeants russes, avec un nouvel horizon d’avenir pour leur pays…, en 1996, la Russie est devenue membre du Conseil de l’Europe, et en 1998 : du G-7…, difficile à imaginer aujourd’hui, mais pendant cette période Moscou voulait même adhérer à l’OTAN !
Toutefois, ces années 90 ont été perçues par la majorité des Russes comme celles d’humiliation : tant sur le plan intérieur, à cause des privatisations massives qu’ils considéraient comme “un hold-up”, sanctionné par l’Etat…, que sur le plan extérieur : les Russes, frustrés par la chaotique situation économique dans leur pays, avec son cortège des inégalités explosées au grand jour, se sont rendus compte que l’occident ne les aidait pas, mais s’emparait peu à peu de son économie et de ses ressources, l’Europe étant manœuvrée par les Etats-Unis…
Le travers séculaire propre à l’âme Russe de la forteresse assiégée, une sorte de psychose obsidionale, a alors rapidement de nouveau montré l’Occident, dans leur tête, sous son “vrai jour” : un ennemi qui ne pense qu’à encercler et mettre la Russie à genoux…, l’Europe, de la faute de ses dirigeants, à ce moment, à perdu la Russie…, l’Europe s’est trompée et a été trompée par l’Amérique…, cette faute impardonnable, s’assimilant pour les Russes à une tromperie…, fut le terreau nourricier de la fulgurante ascension d’un jeune officier du KGB, Vladimir Poutine, qui s’est positionné comme “réparateur de l’humiliation du peuple russe” en bâtissant son commerce électoral sur trois piliers : reconstitution d’un Etat fort et dominateur ; patriotisme pour “rendre la fierté” aux Russes et, enfin, la mise en valeur de l’Eglise orthodoxe pour “donner du sens à la vie”, le tout sur fond de reconstitution de l’identité nationale “déchirée”.
Cette démarche s’est révélée politiquement gagnante, et propulsé Poutine au pouvoir en 2000…, pouvoir absolu, dont il a accumulé tous les leviers, actuellement, ayant, de surcroît, toutes les chances d’y rester jusqu’à 2024, selon la Constitution qu’il avait aménagée, entre temps, en rallongeant un mandat présidentiel jusqu’à 6 ans (au lieu de 4 ans initialement), avec la possibilité d’être réélu en 2018.
L’Europe de son coté, sans vraie vision d’avenir autre que de faux espoirs distillés par l’Empire nommé “le Nouvel ordre mondial” est devenue une entité transnationale fragile, tiraillée par ses dissensions internes… et sans grand impact sur les vrais enjeux globaux…, pour la majorité clairvoyante des think-tanks proches du Kremlin, l’UE est devenue un “ovni de la globalisation”, en voie de disparition, un peu comme l’ex-URSS.
Dans ce contexte, les oligarques et une partie des classes moyennes russes, qui se sont renforcées, ces dernières années, grâce à leur pouvoir d’achat en constante augmentation, considèrent l’Europe plutôt comme un lieu de villégiature et d’éducation pour leurs enfants, une réminiscence d’un certain art de vivre à l’ancienne, et non, comme un acteur géostratégique global, à la taille de leur pays.
Même si tous les acteurs du changement sont interdépendants, même si tout est lié, et que le malheur des uns ne fera jamais le bonheur des autres, car l’ensemble de la population de notre planète est désormais rythmé par une inévitable communauté de destins, les USA agissent et forcent leurs vassaux (leurs pays esclaves) à fonctionner selon leurs vues et objectifs : dominer le monde, même s’il faut en détruire une grande partie.
Toutefois, l’argument de supériorité morale de l’Occident ne tient plus…, les Occidentaux sont de moins en moins crédibles dans ce registre dominé par une Amérique qui se croit tout-puissante et devant être omniprésente jusque dans l’espace…, une Amérique qui est persuadée être le seul pays capable d’offrir pour l’éternité, une vision sans complexe et à très long terme, y compris dans le domaine des valeurs morales et religieuses inscrites sur ses dollars…, alors que l’Europe peine, depuis la chute de l’empire nazi, à dessiner un horizon cohérent et industrieux.
Le monde occidental s’articule, en synthèse, autour de cinq points clés :
1) Confronté au spectre de son déclin, l’Occident tente d’imposer à l’ensemble de la population de la planète “un nouvel ordre mondial” qui malgré ses apparences de libéralisme globalisé ressemble plutôt à une dictature anonyme que j’ai nommé : “Dictatucratie”.
2) Ce nouveau “projet civilisationnel” de l’Occident fait table rase du christianisme comme système de valeurs, en bouleversant les notions du bien et du mal de la condition humaine, tout en permettant à la religion Juive de s’imposer partout, protégée par des lois mémorielles et liberticides calquées sur l’inquisition Moyen-âgeuse.
3) La mise en place du “nouvel ordre mondial” signifie le démontage définitif des États-nations et la disparition de la souveraineté territoriale, dans une architecture géostratégique en devenir, sous la botte d’un gouvernement mondial.
4) La famille, telle qu’elle a été façonnée par des siècles précédents (“la cellule fondamentale de l’Humanité”, selon Karl Marx)…, sera bientôt amenée à disparaître en Occident… et les termes même “père”, “mère”, “homme”, “femme” finiront par être interdits par des lois iniques. La preuve est que la plupart des pays de l’Union européenne pratiquent déjà des “techniques juridiques visant à priver les parents biologiques de leurs enfants”, à ériger en vertu morale les mariages de même sexe…
5) Le “nouvel ordre mondial” prévoit l’apparition d’un nouvel individu, enfanté par les technologies numériques et les réseaux sociaux, qui le manipuleront et surveilleront en permanence, en le privant de tout raisonnement autonome, comme si c’était un malade sous l’effet de psychotropes…, face à cette “thérapie géopolitique”, véhiculée par un Occident crépusculaire, qu’est-ce qui peut apporter une “alternative globale” ?
La Russie et la Chine, voient l’Occident consumériste, individualiste, dépravé, vautré dans les vices, dévoré par une crise économique sans précédent, une continuation de la disparition de la Rome antique et la mise à sac de Constantinople…, ce postulat est apparu au XVIe siècle, sous le tsar Ivan IV, pour transcender toute l’histoire de ce pays (notamment sous la forme d’une “âme russe”, impénétrable à la raison)…, dans ce contexte général aux allures qui peuvent paraître surréalistes, les paroles occidentales et particulièrement européennes sur les valeurs initiales de l’Occident (liberté, dignité, justice, etc.) ne sont absolument plus crédibles.
Le discours pseudo-moral des Occidentaux est maintenant associé, dans la psyché collective Russe, à la lumière de la révolution de Maïdan à Kiev : comme un putsch perpétré par des néo-nazis payés à coup de centaines de millions de dollars par les USA…, c’est une ingérence étrangère dans les affaires intérieures Russes, une agression.
Les fourberies Occidentales en Syrie, après la mise à sac de la Libye, confirment le renoncement moral et la faiblesse de l’Occident… et la séance de danse à la Maison Blanche du couple Obama et de François Hollande, quelques jours après la révélation de ses escapades libidineuses en scooter chez sa maîtresse comédienne, lors de la récente visite du président français aux Etats-Unis, pour les Russes et les Chinois, ressemble au tableau au Musée d’Orsay du peintre Thomas Couture “Les Romains de la décadence”.
Les dérobades occidentales devant les atrocités, commises au grand jour par les USA un peu partout dans le monde, signifié “la fin de l’Occident”…, en tout cas, d’une certaine idée de l’Occident, qui suppose une éthique solidaire valorisant l’être humain, un corpus de valeurs partagées autour de la vie et dignité humaine comme priorités non négociables.
Gardons ceci toujours à l’esprit : l’Occident qui renie ses valeurs fondatrices, c’est l’Occident qui se renie…, qui signe son propre arrêt de mort… et sort des radars de l’histoire… en permettant aux autocrates sans aucun état d’âme de remplir le vide…