L’urinoir “Fontaine” de Marcel Duchamp, le point extrême de l’imbécillité convulsive !
Accrochez-vous bien car avec “l’urinoir” de marcel Duchamp, (plus connu sous le nom “officiel” de “Fontaine”…nous allons atteindre un des sommets de la bêtise humaine, qui est le puits sans fond dans lequel le monde puise ses ressources… !
Au départ, il s’agissait rien moins que d’une grosse farce de la part de Marcel Duchamp pour se moquer du New-York mondain du salon des Arensberg qu’il fréquentait alors, l’idée étant de présenter un objet parfaitement ridicule à l’intérieur d’une exposition.
L’objet en question était un urinoir (“fountain” en anglais) en faïence blanche portant simplement la signature “R. Mutt 1917”, donc un objet acheté, déjà fabriqué (ready-made)…
Difficile en effet de trouver plus ridicule que cet objet qu’on peut trouver dans n’importe quelles chiottes publiques !
Il s’agissait donc de la part de l’artiste d’un simple acte de provocation.
D’autant que, comme il fallait s’y attendre, l’oeuvre fut refusée comme n’étant pas de l’art.
Il se trouva pourtant une dame, Beatrice Wood, pour défendre “la fontaine” en prenant pour argument que “les seules oeuvres d’art que l’Amérique ait données sont ses tuyauteries et ses ponts”.
Finalement acheté par le couple Arensberg, l’objet fut remisé quelque part, puis oublié, perdu, volé puis retrouvé et la farce aurait pu (AURAIT DU), s’arrêter là !
Eh bien non.
La bêtise humaine étant sans limite, la “Fontaine” de Duchamp apparaît aujourd’hui comme une icône de l’art du XXème siècle… et ses répliques, certifiées par Marcel Duchamp dans les années 1960, sont aujourd’hui exposées dans bien des musées dont : le centre Pompidou !
Allons-y, aimables contribuables : à vos poches !!!!
Rebondissement inattendu en 1963 où, dans le cadre de la première grande rétrospective dadaïste au Pasadena Museum of Art de Los- Angeles, on demande à Marcel Duchamp de recréer “Fontaine” et, devant le succès obtenu, il reçoit une commande de vingt de plus !
A la fin des années 1960, l’objet est reconnu comme “oeuvre d’art” et entre dans l’histoire de l’art ouvrant la porte à la théorie du ready-made, où de simples objets deviennent des oeuvres d’art par le choix conscient d’un artiste et, a fortiori, son exposition dans un contexte muséographique.
Il est très intéressant de voir comment est présenté l’exemplaire conservé au Musée national d’Art moderne de Paris :
“Fontaine, de Marcel Duchamp. Musée national d’Art moderne. 3ème réplique. Réalisée sous la direction de l’artiste en 1964 par la galerie Schwarz. Faïence blanche recouverte de glaçure céramique et de peinture. 63 x 48 x 35 cm”…
Encore mieux à LONDRES :
“Fontaine, Marcel Duchamp. Tate Modern, Londres. Réplique de 1964 certifiée par l’artiste et réalisée par le marchand d’art Arturo Schwarz, d’après une photographie de Alfred Stieglitz. Porcelaine, 360 x 480 x 610 mm”…
On ne serait certainement pas plus précis chez Jacob-Delafon !
Et, en tout cas, infiniment moins cher !!!
Bien sûr, les “exégètes” de la pensée de Marcel Duchamp ne manqueront pas avec des commentaires dythirambiques, de faire, d’un banal objet sanitaire, très officiellement, une oeuvre d’art à part entière.
Et si Marcel Duchamp lui-même s’était bien amusé en 1917, il ne vit aucun inconvénient, en 1964, à faire réaliser, sous son contrôle et certifiées par lui, une vingtaine de copies qui auront évidemment changé de prix puisque de catégorie.
Pour mémoire, en novembre 1999, l’un de ces urinoirs a été vendu aux enchères pour la somme de… 1,677.000 millions d’euros ! (petite parenthèse : Nous sommes là bien loin des chiottes ouzbek qu’on aurait du mal à faire passer pour des oeuvres d’art !)
“Duchamp, en mettant fin à l’hégémonie du visuel dans l’histoire de l’art, a, à travers son urinoir, ouvert une nouvelle ère artistique où l’art contemporain puise ses racines : l’art conceptuel notamment reconnaît dès son émergence dans les années 1960 la parenté de Marcel Duchamp. Amateur de jeux de mots, Duchamp valorise l’idée au détriment de la technique, reléguant l’expression “aussi bête qu’un artiste” aux annales de l’histoire : la conception d’une oeuvre devient l’objet d’un processus intellectuel plutôt que d’un savoir-faire et d’une finalité formelle”.
J’aurais aimé pouvoir citer ma source pour ces propos recueillis, mais comme je ne complimente pas son auteur pour avoir écrit de telles âneries, j’ai préféré m’abstenir !
Car le choix d’un urinoir dans le but de faire une blague devenant “un processus intellectuel”, tout de même, il fallait y penser !
Enfin, on en apprend tous les jours et j’aurai désormais la satisfaction, en allant au supermarché du coin acheter mon papier-cul de savoir que j’ai utilisé un processus intellectuel ce qui, sans aucun doute, m’aura rendu plus intelligent.
Mais l’affaire suit son cours et le Pop Art réactivera dans les années 1960 le concept de ready-made, devenu un medium courant par la suite, poursuivant le processus de désincarnation visuelle de l’objet d’art entamé par Duchamp.
Ainsi, un des urinoirs, créés par Marcel Duchamp durant sa vie, peut être maintenant vu au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou à Paris depuis 2002, un autre est visible à l’Indiana University Art Museum et, un autre à la Tate Gallery à Londres.
On a d’autre part beaucoup spéculé sur l’énigmatique signature “R. Mutt”… mais je vous passe le détail de ces interprétations toutes plus farfelues les unes que les autres et Duchamp ne s’est jamais expliqué à ce sujet.
En décembre 2004, La Fontaine de Duchamp a été élue comme le modèle le plus influent du XXème siècle par 500 personnalités parmi les plus influentes du milieu britannique de l’art.
L’apothéose en sorte !
Quel chemin parcouru pour une modeste latrine destinée à une plaisanterie de potache !
L’art se sort-il grandi par cette péripétie ?
A vous de juger.
Mais, attendez…
Ne partez pas encore car, dans le genre burlesque, on va encore jouer les prolongations.
Et ce grâce à un certain Pierre Pinoncelli, peintre et artiste comportemental français qui se fera connaître par des happenings spectaculaires et provocants auxquels il va se consacrer exclusivement à partir de 1967.
Le 25 août 1993, au Carré d’Art de Nimes, il va uriner dans la Fontaine de Marcel DUCHAMP, puis lui donner un violent coup de marteau.
Il sera pour cela condamné à un mois de prison avec sursis et à 286.000 francs de dommages-intérêts !
Le 4 janvier 2006, il va de même attaquer au marteau un urinoir de Duchamp figurant dans l’exposition Dada au centre Georges-Pompidou à Paris, l’ébréchant légèrement.
Il sera condamné en première instance à trois mois de prison avec sursis et à 214.000 euros de dommages-intérêts !!! (une somme multipliée par cinq par rapport au précédent jugement de 1993) et, en appel, à trois mois de prison avec sursis, le musée n’obtenant, cette fois, pas de dommages-intérêts.
Je vous livre cependant son plaidoyer car il ne manque pas de bon sens au point que, dans cette affaire, il semblerait même que Pinoncelli soit le seul à être demeuré quelque peu lucide :
“L’esprit dada, c’est l’irrespect… C’était un clin d’oeil au Dadaïsme; j’ai voulu rendre hommage à l’esprit dada” (Pour mémoire, Dada est un mouvement de révolte né pendant la première guerre mondiale dans les milieux intellectuels et artistiques occidentaux, mouvement qui s’est traduit par une remise en question radicale des modes d’expression traditionnels).
Pinoncelli accusait par ailleurs le directeur du musée national d’Art moderne, Alfred Pacquement, qui s’était porté partie civile, de diriger une institution qui représentait : “le point extrême de l’imbécillité convulsive”…
Lors de sa défense devant le tribunal correctionnel de NIMES, il avait déclaré : “Il s’agit d’achever l’oeuvre de Duchamp, en attente d’une réponse depuis plus de quatre-vingts ans ; un urinoir dans un musée doit forcément s’attendre à ce que quelqu’un urine dedans un jour, en réponse à la provocation inhérente à la présentation de ce genre d’objet trivial dans un musée. L’appel à l’urine est en effet contenu ipso facto – et ce dans le concept même de l’oeuvre – dans l’objet, vu son état d’urinoir. L’urine fait partie de l’oeuvre et en est l’une des composantes. Y uriner termine l’oeuvre et lui donne sa pleine qualification”…
Propos finalement pleins de bon sens !
Honte aux juges qui, en appel, ont rendu un arrêt mi-chèvre mi-chou ne donnant au fond satisfaction à aucune des deux parties.
Il est vrai que le directeur du musée réclamait, en dédommagement, des millions d’euros pour une porcelaine qui, dans le commerce vaut environ… 300 euros !
En tout cas, cette affaire d’urinoir qu’on aurait plutôt vu évoquée dans “Clochemerle” que dans les tribunaux de la République avec mise en cause de l’Etat par l’intermédiaire de ses musées dits “nationaux”, n’est pas faite pour nous rassurer sur l’aspect pédagogique que pourrait procurer une visite de ces musées dont Luc FERRY pense qu’ils sont devenus “des supermarchés culturels dénués de sens”.
J’ai du mal à penser qu’il ait tort !