La Belgitude…
Le terme de belgitude a été forgé, au détour des années 1970-1980, par allusion au concept de négritude exprimé par Léopold Sédar Senghor.
Il recouvre en quelque sorte, avec le sens aigu de l’autodérision qui caractérise les Belges, l’étendue de leur interrogation identitaire.
L’identité belge apparaît comme une identité en creux : elle se définit surtout par tout ce qu’elle n’est pas.
Le Belge n’est ni Français, ni Néerlandais, ni Allemand, tout en étant un peu de tout cela : ancien sujet des Habsbourg d’Espagne puis d’Autriche, ancien citoyen de la République française, puis du Premier Empire, Néerlandais après le Congrès de Vienne, enfin devenu indépendant à la faveur d’un consentement paternel des grandes puissances.
A l’intérieur du pays même, le Belge se définit par ailleurs généralement par d’autres appartenances : ville ou région historique (histoire communale séculaire) et langue.
Malgré cette identité complexe, ou ce manque d’identité, l’histoire de la Belgique est prestigieuse : Puissance économique passée (deuxième puissance économique mondiale en 1850), Godefroy de Bouillon, éloge de Jules César, Charlemagne, destins individuels (Jean-Claude Van Damme, Hergé, etc)…
Le concept de “belgitude” exprimerait la difficulté du Belge à se définir comme tel.
Plus profondément, la difficulté qu’il a à gérer le conflit entre ses tendances centripètes (je suis moi) et ses tendances centrifuges (je suis germain, je suis latin…).
Au quotidien, ce malaise trouve à se consoler dans une espèce de culte du dérisoire dont les termes s’articulent sur une récupération a priori de l’ironie d’autrui : les frites, chicons, Gilles de Binche, etc.
En art et littérature, la belgitude sera donc exprimée par un culte quasi-immodéré du surréalisme.
Tandis qu’au niveau de la vie de tous les jours, elle s’exprimera au contraire par rejet viscéral de tout ce qui transcende la normalité.
L’idée de “belgitude” et sa première grande manifestation dans le numéro de la Revue de l’ULB intitulé “La Belgique malgré tout” a suscité une réplique (au moins implicite), dans le Manifeste pour la culture wallonne, c’est ce que proposent comme analyse les collaborateurs de Histoire de la littérature belge, parue chez Fayard en 2003 : Michel Biron écrit dans ce livre : “Pour les écrivains flamands et wallons, on n’écrit jamais de nulle part.”
Nous ne pourrions mieux définir la belgitude qu’en la disant être un paradoxe né d’un paradoxe : la Belgique surtout à Bruxelles.
Certains pensent que la “belgitude” est un concept totalement artificiel qui a été inventé a posteriori pour tenter de combler le manque flagrant d’unité culturelle en Belgique.
La “belgitude” est artificielle car elle n’a prit que chez les francophones de Belgique, les Flamands ne se reconnaissent pas dans ce mouvement et les “chantres” de la “belgitude” font partie, pour la plupart, de la sphère culturelle belge francophone.
Sous une apparente bonhomie, la “belgitude” relève du chauvinisme (on considère le surréalisme comme typiquement belge) et exalte les points communs entre Flamands et Wallons en omettant tout ce qui les sépare.
Dans cette optique là, la “belgitude” est une négation des identités flamandes et wallonnes.
Voici quelques chantres et icônes de la Belgitude : * Arno * Rémy Belvaux * Plastic Bertrand * Jacques Brel * Jean-Marie Buchet * Jan Bucquoy * Annie Cordy * Raymond Coumans * Michel Daerden * Marcel De Keukeleire * Lou Deprijck * Noël Godin * Paule Herreman * Le Grand Jojo * Bouli Lanners * Roland Lethem * Didier Odieu * Pic Pic et André * Benoît Poelvoorde * Jean-Jacques Rousseau * Claude Semal * Patrice De Bruyne * Sttellla * Urbanus…