La Comtesse de Saint-Tropez…
On imagine Saint-Tropez comme un lieu peuplé de millionnaires et milliardaires, d’ailleurs les Tropéziens méprisent les gens de l’autre rive, “ceusses” qui vivotent de l’autre côté du Golfe, aussi ai-je été flatté d’être invité dans le Palais de “la Comtesse de Saint-Tropez”, décrit comme “le château des mille et une nuits Tropéziennes”, les autres villas et maisons n’étant aux dires du peuple, que caillasses accumulées en béton bête, sans âme…
Le “Palais” de “la Comtesse de Saint-Tropez” ne serait fait que de matériaux nobles, surtout de la pierre taillée : fenêtres, portes, portes-fenêtres, perrons, moulures, le genre caserneux pour nouveaux milliardaires, pompeux, prétentiard, oppressant, avec angelots et statues dans la propriété, le style beau paquebot immense et fort, ayant hébergé Philippe Auguste, François 1er, la mère Médicis, Henri IV, Louis XIII, Eddie Barclay et Johnny Halliday…
Six cent cinquante ans pour bâtir ce “monument historique”, tout le monde ayant amené sa truelle au fil des ans, malgré les politiques différentes, les guerres, les révolutions et les monarques communiant dans cette fabuleuse harmonie architecturale, quoique, la gloire, c’est toujours que des cailloux, le reste n’étant que glorioles passagères.
Le “Palais” se trouve le long de la seule route d’accès vers St-Tropez venant du Géant-Casino Rond-point de La Foux à Gassin, je trouve l’endroit avec quelques difficultés puisqu’il est invisible, je sonne, le portail s’ouvre et je remonte l’allée graveleuse (moins graveleuse tout de même que mes écrits) avec ma Jeep Grand-Cherokee, mon Cocker Blacky léchant les vitres et d’avance heureux d’avoir la permission de faire pipi-caca partout dans la propriété…
Le chemin est en terre battue gadouilleuse, la Jeep s’enfonce dans d’énormes trous et congères, le parc qui entoure le “Palais” est envahi par les mauvaises herbes et est jonché de plusieurs tonnelles de fer, de carcasses rouillées (en ce compris deux 2CV démontées), sous lesquelles des objets hétéroclites et des meubles de jardin démantelés tombent en poussière, il y a de la ferraille partouze, des tonnes de ferrailleries, un amoncellement de fers rouillés, qui selon ce qu’on m’a dit crédo de “la Comtesse de Saint-Tropez” : “Vont servir pour la création d’œuvres d’art dans le style de la formidable statue de Bardot par Manara”…
Il y a aussi une piscine abandonnée qui a l’allure d’un bassin verdâtre, empli d’eau pourrie, et à coté de ce cloaque infesté de moustiques, se trouve un cabanon démantibulé habité vraisemblablement par une famille de zombies faisant fonction de jardiniers, devant lequel pendouillent des haillons qui sèchent depuis plusieurs années et est érigé une antenne parabolique, preuve que ces zombies ont la télévision !
Je trouve une place “royale” pour la Jeep, Blacky et moi, après avoir pataugé dans la boue, nous pouvons “admirer” le fameux “Palais” qui n’en est pas un, ce n’est qu’une villa des années cinquante à la façade lézardée, la peinture de tout ce qui devrait être badigeonné n’est plus qu’un lointain et imprécis souvenir. Pour escalader le perron il faut jouer à l’alpiniste inconscient au milieu de détritus, de jouets cassés et d’anciennes machines à laver ainsi que d’autres objets indéfinissables, mais, miraculeusement arrivé, je peux toquer un huis brinquebalant accroché à la porte “principale” déglinguée, tandis que Blacky couine de peur puis se met à hurler “à-la-mort” comme un loup !
Comme c’est habité (on m’a ouvert le portail), je suppose que les indigènes du cru, terrés à l’intérieur doivent se dire (sans doute) que ça ne peut qu’être un familier et son chien qui se permettent cette petite séance de tagadagada-tsointsoin, car j’ai la désagréable surprise de constater que j’ai beau frapper l’huis sur la porte, rien ne bouge, tout reste calme, tout est presque silencieux, on n’entend que les aboiements de chiens venant du fond du parc et puis aussi les jappements sopranesques d’un clébard (un teigneux ?) qui gratte au verso de la porte…
Finalement un hirsute coiffé d’un chapeau western en carton bouilli vient ouvrir et nous invite à entrer, les yeux exorbités il évolue dans cette verminerie comme un poiscaille en eau trouble, il porte curieusement un sac à provisions bourré d’ordures comme si ç’aurait été une serviette remplie de documents secrets, les meubles-étagères du couloir sont remplis de pots à confitures ébréchés, de cols de celluloïd usagés, de pompes à vélo rouillées, de revues d’avant 1960 toutes déchiquetées…
Arrivés dans “le salon” dont les murs sont tendus de toile de Jouy en lambeaux représentant des petits polissons Louis XV pleins d’ombrelles et de baisers, on tombe sur des zigs mystérieux, vautrés dans le cradingue, comme l’hirsute, qui, soit papotent entres eux en tapotant sur deux ordinateurs, soit jouent aux échecs en hochant leur tronche, ils se regardent de temps à autre en poussant des soupirs, alors que deux femmes palpent des véroleries abjectes et se mettent à chuchoter.
Un larbin en gilet rayé, vieux, bien maigre, bien anguleux, bien momifié, avec des favoris, le teint jaune et le râtelier mal arrimé (on dirait qu’il a un protège-chailles, comme les boxeurs), vient me saluer, les rayures de son gilet devraient être en travers, ça ferait plus squelette. – Salut et fraternité…, qu’il me lance.
Le larbin amorce une courbette, pas un muscle de son visage parcheminé ne bouge, c’est déjà plus possible pour moi de devoir supporter ça, quand il clabotera, il aura fait le plus gros de son vivant, le monde est plein de gens comme lui qui, à peine adultes, se mettent à mourir consciencieusement, ils se vrillent, se recroquevillent, se déshydratent, s’embaument aimablement, silencieusement, puis leurs têtes de mort remontent à la surface…
L’hirsute au chapeau western en carton bouilli qui joue aux échecs avec une accorte beauté féminine toute en suaves rondeurs, semble visiblement réprouver la familiarité du larbin, sa manière sans-gêne, il a du servir dans la noblesse depuis Philippe le Bel, alors, à force, qu’il est passé de l’autre côté de la grosse veine bleue, c’est fatal, il est devenu snob et s’affirme “LE” chef, certain que ses aïeux, cochers, lingères, cuisinières ou jardiniers ont dû copuler avec les titrés, pendant l’affaire du Chevalier de Jérusalem par exemple, vous pensez bien que les larbins se sont mis à prendre la Bastille dans les alcôves.
Faut être objectif et pas nier l’évidence sous prétexte qu’elle est choquante. Qu’est-ce qui ressemble le plus à un membre du Jockey-Club (excepté un autre membre du Jockey-Club) si ce n’est son valet de chambre ? Troquez le gilet de l’un contre le monocle de l’autre et vous verrez ! Des frangins ! Y a qu’un plumeau qui les sépare. Je suis en train de paumer ma clientèle Tropézienne monoculée en écrivant cela, mais peu importe, la vie est courte et je n’ai plus le temps de ne pas dire via mes écrits ce que je pense !
Dans la “haute” Tropézienne il y a des amateurs, des collectionneurs de médailles surtout dans les membres de “la Bravade”, qui sont tout heureux d’en suspendre une de plus sur leur dressing du salon-placard, ils s’habillent en blanc/rouge et en rubans pour les défilés ou ils tirent du trombone, quand ils marchent ça fait “gling-gling”… et quand ils s’inclinent devant la bannière glorieuse, on dirait qu’on baisse le rideau de fer déglingué d’un magasin.
Les végétaux sur les dalles de marbre, les discours, toujours les mêmes surtout ceux du Maire… et les flammes dites sacrées ! Sacrées, mon œil ! Le gaz, tout couennement (instruisez vous en allant sur Google voir les dérivés du carbone), le gaz sifflant, puant, inflammable, avec ses tuyaux et ses robinets, pensez-y : y a des robinets aux flammes sacrées, ce qui n’empêche pas messieurs les truffes de venir danser autour de leurs trucs incantatoires et après ça, y en a qui se foutent des Noirs. J’ai honte, j’ose le dire et l’écrire : honte en plein, depuis le sous-sol jusqu’au grenier !
Parmi ceux qui me lisent en ce moment, y en a qui un jour seront soit à la tête du pays soit à la tête de Saint-Tropez, c’est mathématique, faudra, que les ceux-là dont je cause n’oublient pas de rétablir la dignité de l’homme en supprimant le culte des massacres et des massacrés, qu’ils fassent d’ores et déjà un nœud à leurs tire-gomme pour pas oublier, le moment venu ils déclareront que c’est terminé une fois pour toutes la danse du scalp, les héros, faut pas leur marchander l’oubli, ils le méritent trop, une minute de silence de temps en temps, c’est mesquin, c’est dérisoire, au silence complet ils ont droit, je l’affirme.
Et si une bombinette n’a pas encore soufflé la flamme, faudra prolonger le branchement jusque chez un économiquement faible, peut-être que j’en choque, mais j’ai besoin de le dire. C’est tout de même pas ma faute si, quand c’est rouge sang, je dis que c’est rouge sang et quand c’est rose concon, je dis que c’est rose concon, voilà tout. C’est pas un délit, j’ai pas envie de faire comme les autres : mettre des lunettes à verres bleus pour crier bien haut que tout est couleur d’azur et aussi céleste que le beau temps ! La philosophie de la pantoufle ça donne pas envie de se contempler dans une glace…
J’en reviens au Palais de “la Comtesse de Saint-Tropez”… Un poste TV se trouve dans la salle à manger/salon, une vioque qui fait office de cuisinière laisse les portes entrouvertes pour le mater depuis sa cuisine, pas fière, elle vient fourbir dans l’encadrement de la porte, dans sa cuisine, elle n’a droit qu’a une antique TV Pathé-Marconi qui crachote encore avec des images N/B troublées.
Je devine que c’est une sournoise, du genre duraille à dépister qui débute ses rares conversations par des insignifiances genre migraine ou boutons anodins, d’ailleurs elle me parle de ses ennuis de santé, j’imagine son foie, sa rate, ses claouis ou ses éponges reproduits en couleurs sur une planche dépliante, enrichis d’une excroissance inconnue, ou d’une fissure bien méandreuse, on en ferait un dépliant pour les visiteurs, y aurait des flèches pour montrer les ravages et ça raconterait comment ça lui est venu, les causes et les effets, les symptômes et la contagion.
L’humanité a essayé tous les décès possibles, elle espère en dénicher un de plus, tout le corps médical devrait être mobilisé pour enquêter sur le dérèglement de ses organes. Ce qui la botterait, ce serait que sa rate se mette à distiller du mercure, par exemple, ou bien son foie de l’ambre, comme l’intestin des cachalots, bref, elle voudrait être un cas, un vrai, intéressant jusqu’à la mort et ensuite inventoriée de fondement en comble pour le salut de l’humanité inquiète.
En ce moment, la tévé ne fait pas dans le médical, elle en est aux informations et un présentateur raconte un accident de chemin de fer, naturellement, feu le mécanicien était père de six enfants, à croire que c’est une des conditions requises pour briguer ce dur emploi. La vioque, ça l’enhardit ce déraillement, elle traverse le salon pour augmenter le son et se rapprocher de la catastrophe, la visionner plus à son aise, elle plaide son manque de lunettes, hier soir son vieux est rentré naze et les lui a balancées par la fenêtre alors qu’ils allaient bouffer du merlan, c’est gestapiste comme manières, vous ne trouvez pas ?
Sa misère fait un brin de conduite à l’accident de chemin de fer, elle est en contrepoint tout en postillonnant blanchâtre ses drames de la semaine : rapport aux ouatères dont la cuvette est fêlée depuis si longtemps déjà que l’odeur de la merde est devenue celle du “Palais”. D’autres trucs encore, toujours de sa voix dolente, y a de la mousse à ses commissures, son visage blême est celui d’une chouette, ou de sa cousine germaine, il est ponctué par deux yeux noirs, plus pointus que des cothurnes, je me chatouille en douce afin d’adresser ce qu’il est convenu d’appeler un gracieux sourire à ce cauchemar.
Elle possède les plus belles verrues qu’il m’ait été donné d’admirer : des noires, des grises, des à aigrette, des à un poil, des en archipel, des craquelées, des proéminentes, des aplaties, cette brave cerbère, c’est à elle toute seule un jardin exotique. Sa cuisine est obscure, malpropre et malodorante, de la farine de lin bouillonne à grosses bulles pâteuses sur son fourneau.
— Ça se mange ? que je demande en désignant la casserole émaillée où floflotte l’étrange alchimie…. — Mais non mon pauvre, que lamente la Vioque, je me prépare un cataplasme de farine de lin, avec beaucoup de moutarde, ça fait du bien pour les bronchites…. Elle tousse un petit coup, afin de démontrer.
— J’ai un début de bronchite, me révèle-t-elle, c’est la saison, ces derniers jours il en tombait comme qui la jette et pour aller d’ici à la porte d’allée, je me trempais comme une soupe…. Elle découvre deux chaises aussi bancales qu’elle-même et m’en propose une à coté d’une petite table à la toile cirée luisante de graisse, chargée de reliefs rances et de revues bien-pensantes, servant de pivot à ses activités réduites, elle espère me bloquer pour que je l’écoute, son gros chignon sur le sommet du crâne, son fichu noir et ses bas de laine noire me donnent envie de vomir, je décline prestement l’invitation et je m’aventure dans une exploration plus approfondie des lieux.
Il y a des portes à droite et à gauche, je vais ouvrir pour voir les intérieurs, c’est vide, pelé, mité, pourri…, on dirait la carrée de la Belle au hautbois dormant.
Force m’est de me rabattre sur l’escalier, puisqu’il ne me reste plus que le premier étage comme champ d’investigation pour enfin être face à face avec “la Comtesse de Saint-Tropez”.
Je m’engage donc dans l’escadrin, ce qui est moins glorieux que de s’engager dans les troupes aéroportées, c’est moins glorieux, mais beaucoup plus dangereux car, à peine ai-je gravi quelques degrés que ça se met à crachouiller moche, un monsieur accroupi sur le palier du premier nous canarde, moi et Blacky, joyeusement avec des amandes grillées !
Son tir s’arrête, il ricane, puis d’un pas de rhumatisant stoïque, il me conduit jusqu’à une double porte enrichie de moulures fromageuses…, il toque d’un index dont la jointure est cornée à force…, il ouvre et je m’avance vers une bergère (Louis XV) dans laquelle se tient une personne, ma foi, plutôt agréable : “la Comtesse de Saint-Tropez” est une quinquagénaire d’une quarantaine d’années (sic !), comme dirait un fabricant de locutions pléonasmatiques…, elle pourrait même être une trentenaire de trente ans…, elle me dévisage et me sourit en me présentant une main que je m’empresse de baiser.
Elle ressemble à une morille déshydratée, elle a tellement eu de mal à survivre au long de son existence que ça n’a rien d’étonnant, cette sécheresse intégrale (sans doute vaginale également), les chagrins, les, tracas, les avanies, les traitrises, elle en a toute une collection ! Comme elle compatit toujours, ça l’aide à poursuivre sa route dans sa vallée de larmes en expiant…
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas mis le paquet, la comtesse, tous ses atours qu’on m’avait vanté, tous ses diadèmes qui en faisaient selon la rumeur populaire une vitrine de Van Cleef a elle toute seule, elle n’en a nulle part : ni au cou, ni au front, ni aux dix doigts et partouze ailleurs c’est le vide, rien sur le buffet, ni à la pointe des boîtes à lait, ni aux poignets, ni aux avant-bras, ni à la ceinture, ni aux oreilles, ni dans les tifs, elle ne miroite pas, elle ne scintille pas, elle ne néone pas, elle n’embrase pas, elle n’irradie pas ni n’étincelle, elle ne flambe rien du tout, elle ne postillonne même pas des reflets, c’est un feu d’artifice éteint, toute la lumière elle se l’a gobée avant par capillarité.
J’imaginais qu’elle devait rutiler sous les cailloux rares, que ses rubis flirtaient avec ses émeraudes, ses opales avec ses saphirs et ses diamants avec tout le toutim, qu’il lui sortait des yeux de la lumière à dix millions d’euros et que le reflet de son décolleté serait une fontaine magique, une enseigne ! Fée ! Magicienne ! Orient ! Fatima ! Lourdes ! Ali Babette ! Joyeux Noël ! Le Châtelet : Bérézina, Waterloo morne plaine ! J’espérais un grand final magique, un éblouissement, une insolation, le faste intégral, la force de frappe transformée en féerie, nada, rien, une pauvrette en loque !
— C’est à quel sujet ? demande-t-elle d’une voix aigrelette mais cordiale, riche d’un accent Provençal. — Je voulais vous rencontrer pour un reportage dans “Saint-Tropez-Vice” et “GatsbyOnline”… — Entrez donc !… Nous pénétrons moi et Blacky dans sa tanière. Me voici dans la place, je m’avance dans un morne quadrilatère poussiéreux ou tout part “en couille”, un délabrement…
Plus je gamberge, davantage je me rends compte que mon destin aura franchi la vie à gué, en se déplaçant sur des fortuités, des rencontres imprévues (et qui pis imprévisibles), le principal intérêt de ma putain de vie, c’est qu’elle est extravagante, je ne compasse jamais, fais fi de toute routine, hais l’autosatisfaction, m’insurge contre la soumission, abolis l’esclavage, mortifie les imbéciles, détracte le faux-cuage, n’emprunte jamais aux riches, ne prête pas aux pauvres, bouffe les culs inodores, ne me laisse pas pleurer dans le gilet par les gens de cœur, n’embrasse pas les causes perdues, baise les femmes malheureuses, me fais sucer par les dames comblées, consomme des calories excédentaires, demande beaucoup à la vie, gagnerais à être méconnu, meurs à petit feu et sais suffisamment de saletés sur les autres pour pouvoir me faire une idée approximative du monde.
Vous rendez-vous compte de ce qu’on arrive à faire sur le tas de cailloux de la planète Terre ? Une boule de matière en fusion qui s’est refroidie et il en sort des êtres à sexes divers, des Ferrari immondes et inutiles, des bouteilles de Château Yquem, plus une chiée monstrueuse de gens, d’animaux, d’objets, d’œuvres d’art, de coups d’État, de chaudes-pisses, de montres Cartier, de tampons périodiques, de feuilles d’érable ou d’impôts.
“La Comtesse de Saint-Tropez” est toutefois une femme accorte, bouche faite pour le “oui”, fines rides avant-coureuses autour des lotos histoire d’annoncer ses profitables heures de vol, enrichissantes au plan de l’expérience, son corps semble est entretenu comme son “Palais” : régime strict, body-mon-cul, la lyre, mais bon, comme sa robe est relevée, je sens que mon pantalon me serre, je pourrais rester des heures à la regarder, en rêvassant du paf, il ne faut jamais négliger sa félicité physique, c’est elle qui conditionne le caractère ; elle rend davantage apte à supporter les autres et leurs mesquineries.
– Le plus dramatique, chez les peuples sous-développés, c’est qu’ils se couchent tard…, qu’elle me dit tout de go… – On pourrait penser le contraire…, a priori, les hommes confortables roupillent, comme si l’argent les fatiguait à bloc, tandis que les dépouillés draguent jusqu’à pas d’heure dans leurs quartiers misérables. Peut-être, après tout, que pour profiter de la vie faut avoir l’estomac comme une chambre d’écho…, trop d’hommes ne se sentent bien qu’au milieu des autres hommes.., ils ont besoin du grouillement…, il faut qu’ils se sentent troupeau.
J’aime bien cueillir une Comtesse au débotté, vous ne sauriez croire combien elle semble vulnérable, à merci, ses idées font la colle et ses gestes sont mous, elle subit encore l’effroi de la nuit, l’homme est fait pour la lumière du jour ; seuls les tourmentés, les refoulés, les anormaux s’épanouissent dans l’obscurité. Elle est extrêmement séduisante, cette Comtesse, une sensuelle, son regard pudique donne envie de la choper par le menton pour lui regarder le fond de l’œil afin de voir si on s’y trouve.
Elle me tend un verre de Pétrus 1948, je m’en empare en lui emprisonnant les doigts, elle a un sourcillement, mais marque un temps avant de se dégager, est-ce le feu vert ? Je lui harponne la taille de mon bras en faucille… Elle se tortille. — Mais je vous en prie, regimbe-t-elle. Laissez-moi ! En voilà des manières !..— Je sais, je sais, mais c’est plus fort que moi… réponds-je sur le même ton.
Voilà qui scelle nos accords… Elle doit se croire enlacée par Bouddha, mes doigts ubiquitent à tout va, je lui ai pas plutôt largué le grand pectoral que je lui trifouille déjà le moyen adducteur, mon index gauche lui délimite l’omo-hyoïdien tandis que mon médius droit lui met en évidence la symphyse pubienne, je suis le Paganini de l’anatomie féminine. En quarante secondes elle est au point de fusion…
Son grand plumard est capitonné, pareil à une nacelle, y a même un ciel de lit en voile. Une lampe d’opaline répand une lumière ocre, sur la table de chevet une photo “du Comte de Saint-Tropez” (j’ai vu sa bouille dans Var-Matin) à l’époque où il a coulé au large de l’ile de Porquerolles, ce qu’il était beau, bien avant de se noyer il a dû brandir ce cliché devant le nez de ma conquête-éclair pour la décider, probable. Les maris, dans le fond, ne sont que des serruriers qui laissent les portes ouvertes derrière eux, on n’a plus qu’à se donner le pêne d’entrée.
Elle est pas faite pour l’intégral veuvage, le régime ermite, la reconnaissance lui sort du système glandulaire, elle me crie qui je suis, ce que je crois être, ce qu’il n’y a pas de raison que je ne sois pas, ce que je pourrais devenir avec un peu d’entraînement et ce qu’on pensera de moi plus tard ! Les entrechats à l’horizontale, elle les exécute en véritable maîtresse de ballet, quelle sarabandeuse, ma doué ! Aussi je lui exhibe tout, c’est normal, avec une connaisseuse, je lui montre à quel point les techniques ont évolué depuis qu’Adam hait Eve et que Caïn cahat. Elle n’en revient pas de ce progrès réalisé au fil des siècles pour aboutir à la furia. Et, après le final, elle gît, les bras en croix. — Oh ! chéri…, qu’elle me gazouille, la figure dans l’oreiller.
Et je lui caresse la nuque (il faut toujours redevenir très pudique après une séance intensive)… Ah ! Lectrices, lecteurs, remerciez le ciel de me lire, à tout Seigneur, tout tonneuR et ensuite, remerciez-moi de vous confier de tels secrets (Les dons en nature sont acceptés). Sans moi, mes amies et amis, mes ladies et mes gentlemen, vous croupiriez dans la sotte ignorance où vous laissent les journaux, les radios, les télés et les pouvoirs publics.
Dans cette époque où la vérité porte un loup, mes aventures se hissent à la hauteur d’une institution, vous vivez au sein d’une toile d’araignée de secrets, on vous tait les grands événements pour vous aveugler avec des babioles : les guérillas, les alcôves de vedettes, les salons de l’auto, les salauds de l’autan, les gadgets, constituent la poudre-aux-yeux-d’or dont on vous aveugle, mais courageusement, avec un froid déterminisme, une persévérance digne des loges (maçonniques et autres), dans mon coin, je continue de tout révéler. Ma force vient de ce qu’on ne peut pas m’acheter et quoi qu’encours-je, coac en courge, je poursuivrai mon œuvre d’information.