La porte d’entrée, c’est ma sortie de secours…
Lorsque je bouge vers la droite de la pièce, les yeux de loup garou me suivent à droite de la pièce.
Lorsque je bouge à gauche de la pièce, ses yeux me suivent à gauche.
Il me prend pour une balle de tennis, mais il y met un peu plus d’hostilité.
J’ose plus bouger, mais même quand je bouge pas il me fixe, alors autant bouger en espérant semer ses globes oculaires.
Sa moelle épinière semble avoir décidé que dans toute la pièce c’était moi le plus captivant.
Pourtant il y a d’autres trucs à vouloir assassiner dans cette cellule.
Il y a une table d’instruments de torture qui vaut le coup, il y a le fauteuil qui mérite qu’on s’y repose.
Il y a même un tableau très valable, affiché sur le mur.
C’est sympa ce tableau à épier, il est habitué, on peut le regarder d’un air qui veut le bouffer ; c’est fait pour, les natures déjà mortes.
Et puis il y a la porte d’entrée.
C’est particulièrement intéressant la porte d’entrée je trouve, c’est par là qu’apparaissent les nouveautés, des blouses blanches, des médecins patibulaires, des infirmières toutes fraîches.
Moi j’adore la porte d’entrée, c’est ma sortie de secours.
Mais non, loup garou a décrété que j’étais sa star.
Je suis la star de loup garou, il me fusille sans faire de pause.
J’ai essayé de lui parler à deux ou trois reprises en faisant bien gaffe de ne pas le froisser toutefois.
Par exemple au moment d’éteindre la lumière dans ma tête avec l’espoir de le semer dans le noir, je lui ai demandé si ça ne le dérangeait pas que j’éteigne.
J’avais pas mal d’appréhension moi même, je voulais son accord avant de plonger dans la terreur.
Ne pas le brusquer surtout.
Pareil pour la salle de bain qui doit être à coté d’ici : je lui demande si ça le dérange pas que j’y aille quelques minutes.
Il me regarde fixement, j’ai l’impression qu’il me hait.
Il a fixé un apareillage sur mes yeux pour les garder grands ouverts et m’a projeté des heures durant des scènes de la Shoah…
Au bout de plusieurs heures je me suis habitué.
Je fais plus trop attention.
J’ai vaincu l’angoisse.
Il s’est assuré que je n’étais pas mort en dépit de mes yeux qui bougeaient encore.
Il m’avait poussé dans mes derniers retranchements pour être tout à fait sûr que mon livre “Les Protocoles de Sion” étaient effacés de ma mémoire….
Lui, Loup Garou, quelques médecins patibulaires et quelques jolies infirmières m’ont alors trainé dehors, de l’autre coté de la porte…
J’ai vu une trace de sang, le mien, qui me suivait, mais je me sens mieux, il ne me frappe plus !
On m’a installé dans une chambre, je peux y lire un journal officiel, il est dans une langue que je ne connais pas, mais quelqu’un d’autre que moi-même me le pique, je sais pas qui.
Je soupçonne une infirmière, une rousse qui cherche à me psychanalyser.
Mon problème c’est que je ne peux pas fermer ma chambre à clef.
Mais depuis que je le pose sur mes genoux, on me le pique plus.
J’ai redonné tout son sens d’épouvantail à la vie d’un garou qui vient me voir de temps en temps.
Il sourit, me parle des “Protocoles de Sion“, me dit que je ne pouvais pas, appuie sur mes plaies pour bien me le faire sentir…
Shalom…
Il n’y a pas de vie inutile pour tout le monde.
Nietzsche disait que tout ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ; je ne partage pas sa passion du lyrisme et moi ce qui ne me tue pas me laisse en vie.
C’est fait, je me vide de mon temps, plus atrocement encore à le saigner dans l’ennui.
Il fait beau, le jardin est magnifique.
Je ne le ressens pas comme tel, mais supposons qu’il soit magnifique, cela ne me dérange pas.
J’ai une grande tolérance pour les jugements horticoles, même dogmatiques.
L’infirmière m’a demandé de faire des efforts pour brasser des idées sympas, et voici le résultat : toutes ces pétales autour de moi, je suis au paradis.
Les pétales sont des pétards ralentis et arrondis, tous doux et colorés, bourrés de poudre pollen. Des pétards en dépression, et ça leur va plutôt bien à eux.
Je m’arrête.
« Vous êtes sûr que vous ne voulez pas jouer aux dominos avec nous. »
C’est une voix de femme.
Elle s’adresse à moi très sérieusement.
Ce n’est pas une métaphore, ce n’est pas de l’humour, cette histoire de dominos doit être prise au pied de la lettre.
Tout petiot déjà les dominos me gonflaient abusivement.
Un sport sinistre de maison de retraite.
Lorsque je suis arrivé ici, ce me fut présentée comme une sorte de havre.
L’expiation…
Interdit les “Protocoles“, puni, torturé, après avoir été enlevé par des maussades…
Mossad !
Shalom !
Un paradis expiatoire.
« Vous allez voir, là bas c’est pas pareil » m’a dit la psychiatre.
Cela faisait peu de temps qu’elle me suivait après les tortures, mais elle cherchait déjà à se débarrasser de moi.
Ailleurs était meilleur dans sa bouche.
Il faut dire que j’étais dans un état de gâchette émotionnelle extrême depuis plusieurs semaines.
Les psychiatres pressentaient la roulette russe, m’affirmant en endoctrinement que les “Protocoles” avaient été écrits là-bas, un pamphlet anti-sémite.
J’en avais trop chaud sur la patate si bien qu’ailleurs était meilleur.
Ils étaient très louangeurs avec autrui, je veux dire quiconque.
Ils étaient donc très louangeurs avec quiconque.
Ils voulaient bien me refiler sans problème.
Je pense donc que mon arrivée dans cet établissement fut le résultat d’une erreur collective due au livre dont j’avais abreuvé mon entourage…
Maintenant, j’acquiessais à tout par le simple geste de me gratter la paume d’un index soucieux et moite.
C’était donc ça le paradis.
« Là bas c’est pas pareil » on m’avait dit, comme si d’être admis « là bas » constituait en soi un pas décisif sur le chemin de ma guérison.
J’allais franchir un cap.
Là bas n’est pas ici, au grand soulagement de ceux qui restent.
J’étais le seul individu de sexe mâle et je vivais au milieu de 70 femmes, selon mes estimations, 70 ménopauses domino entrecroisées de tricot.
Un amateur de vieilles cellules aurait adoré vivre au milieu de ces étonnantes bicoques organiques.
Le vivant est capable de figures de style complètement bariolées, surtout la gérontologie.
On voulait me faire croire que j’étais au paradis des martyrs, j’imagine, avec mes 70 chastes promises, un vrai fanatique du martyr moi, au point d’omettre de me départir de mes souffrances, avec mes godasses au seuil de ce lieu sain.
Je m’étais sans doute pris trop tard.
« Il y en a eu tellement des martyrs de Coran ces derniers temps qu’ils ont épuisé les capacités de renouvellement du paradis en virginité », qu’ils m’ont dit en riant, comme si j’étais d’un autre clan…
Coran ?
Shalom !
Je suis pour l’instauration d’un numerus clausus afin d’épargner les arnaques en mon genre.
Venez mes biens chers frères de martyrs, venez vous aussi arpenter ces branlants échafaudages moléculaires, ces fantasques amas biologiques, ces ménopauses juvéniles à jamais.
Les infirmières revendiquaient également leur spécificité d’ange : « Vous allez voir, ici c’est pas comme ailleurs. ».
Ca donnait envie de se flinguer sur place pour leur conférer la modestie, pour leur démontrer que j’étais partout chez moi, et que leurs dominos ne changeaient pas grand-chose au fond de mon cerveau.
J’en ai parcouru beaucoup des ailleurs.
J’ai exploré l’hypothèse environnementale à fond.
J’ai avoué pour avoir la paix, la paix et un bol de lait… “oui, je suis allé en Tunisie, mater une croupe sur un lit de Djerba, oui j’ai vadrouillé le Brésil où ma vie ne tenait qu’à un string, oui j’ai même atterri en Inde pour caresser les klebs pouilleux. Oui, j’ai exploré l’hypothèse environnementale en long en large et de traviole et j’en ai conclu que c’était partout chez moi, partout baignait dans mon liquide céphalo-rachidien. Oui, tout est de ma faute… Oui, tout a basculé à cause de ce foutu livre :” Les Protocoles de Sion“…
Pitié !
Kol nidré !
Shalom !
Je me “suisse” retrouvé entouré d’étoiles, de chandeliers, je me “suisse” même entendu chanter : “La Torah ne m’aura pas“…
Piting d’étoiles…
Ils pouvaient garder l’espoir d’un ailleurs, d’un au delà de la clôture.
Ils étaient dans le camp tandis que j’étais moi, le camp.
Je trimballais ma stupeur sur mon dos partout où j’allais ramper, moi la torture, il aurait pas fallu m’aguicher avec des barbelés électrifiés parce que je serais allé me blottir dedans.
C’est un cadeau à pas faire, pour le confort électrique, pour le confort de pas avoir à se tracasser pour les modalités techniques.
On m’a fait comprendre que si je veux être accepté dans cet établissement, je dois me plier à deux ou trois règles.
Est-ce là réellement ma volonté ?
Je dois notamment prendre part à deux ateliers de mon choix parmi la dizaine qui me sont proposés.
Il y a de l’art thérapie, de la cuisinothérapie (ou culinarothérapie je sais plus trop), du groupe de parole thérapeutique etc.
Au bout de trois jours je n’arrivais plus très bien à distinguer le thérapeutique du non thérapeutique.
J’avais l’impression de bouffer des patates thérapeutiques à midi.
D’ailleurs cette immersion dans la thérapie avait une bonne influence sur mon état d’esprit lexical comme put le constater le personnel soignant.
J’avais déjà beaucoup moins envie de flinguer tout le monde, je voulais désormais administrer une balle thérapeutique à tout le monde.
Elles aimaient pas trop mon humour, j’ai remarqué ces immaculées !
« On ne plaisante pas avec ces choses là » ronchonnaient-elles.
J’étais leur outil de travail après tout, ça se comprend leur réaction.
J’étais du genre à les foutre au chômage technique avec mon humour déjanté.
Une noyade dans le suffixe, c’est tout ce qu’elles avaient à me proposer, du coup ça me donnait pas très envie de m’attarder.
Mais pour aller où ?
Etant donné qu’on m’avait juré que c’était là ce qui se faisait de mieux en psychiatrie et qu’il me semblait avoir effectivement fait le tour des molécules, ça me donnait pas très envie de m’attarder dans mon corps non plus.
Je voulais foutre le camp de partout et surtout de moi-même.
Comme je tardais à faire mon choix dans cet embarras de thérapies, on m’a collé d’office en musicothérapie et en groupe de parole.
« On a pensé que c’est ce qui vous convient le mieux » m’a-t-on dit.
Une patiente m’explique que ça convient pile poil aussi au musicothérapeute, il a besoin d’atteindre un quota de patients pour justifier son existence budgétaire.
S’il y a un papier où il importe d’exister dans une vie administrative, c’est le budget.
Etes vous budgété ?
Convergence d’intérêts.
Aucune vie n’est inutile pour tout le monde.
Musicothérapie, dépressifs en riff.
Je fais des riffs sur mon xylophone, et sur ma droite une mémère ferme les yeux, comme pénétrée par mon instrument.
Qu’est ce que je fous là bordel ?
Comment j’ai pu atterrir là ?
On est quatre dans cet atelier.
Deux mémères, le loup garou qui me surveille et moi.
Je fais vibrer les hordes de bigoudis sur la tête de ma voisine.
Elle prend un air étonné : « Ah bon, vous n’avez jamais fait de musique ? »
Elle veut me faire un compliment, ça part plutôt d’une bonne intention, mais j’ai quand même envie de lui suggérer d’aller se faire foutre avec son tam tam.
Restons calme…
Ce qui m’étonne le plus c’est de voir loup garou en face de moi, je n’imaginais pas qu’il soit transplantable.
Ca donne un look saugrenu à cet atelier, j’aime bien, j’ai l’impression qu’on a déposé ma baignoire sur une chaise en face de moi et qu’on lui a mis un xylophone sur les genoux à elle aussi.
Mais je dis rien, les autres se sont aperçus de rien on dirait, et faut pas compter sur moi pour trahir le garou.
J’improvise avec mon talent inné, je riffe ding dong pour ma groupie à bigoudis.
Elle a pas l’air déprimée du tout.
Elle glousse, toute contente, comme en colonie de vacances.
Le midi en sortant de table elle commente la qualité de la bouffe avec deux autres ménopauses, il paraît que c’est pas valable comme l’année dernière, mais l’an prochain le cuistot de l’an passé revient, elle a bon espoir.
Elle entrevoit le bout du tunnel diététique.
Une maison de repos, avec des activités tropicales, une existence de mémère bien remplie.
A quoi ça rime ?
Ils espèrent me guérir avec leur xylophone ?
Je riffe tel Kurt ding dong sur mon xylophone ; je riffe tel Kurt bang bang en attendant le final.
Peu après mon arrivée, une fille est venue me voir.
Anamary.
J’étais assis à feuilleter le journal.
C’était mon exercice intellectuel quotidien.
Je préférais qu’on évite de me déranger.
Nous sommes tous passés par cet état de nouveauté un jour ou l’autre dans notre vie, je comprenais.
Ce n’est pas un reproche à ce stade de mon récit.
« Well, vous étiez si bien à Paris en partouzes sur ma péniche, qu’est ce qui vous a pris d’éditer ce livre ? » qu’elle m’a demandé.
J’ai adopté un air approprié, quasi imperceptible, qui lui a pourtant fait comprendre du premier coup que c’était un coup du Mossad, encore faut-il connaître les raccourcis maussades de la vie.
Elle me regardait, comme on regarde un petit vieux poilu qui flageole sous les médailles, et moi je dois dire que je m’en foutais tout autant qu’un onze novembre, si c’est pas moins encore, un 11 septembre par exemple, à New-York, au hasard !
Elle m’a branlé par pur plaisir après m’avoir enfilé la camisole de force et invité les infirmières à partouzer sans que je puisse participer, le sexe en l’air, l’air con…
Ca monte, puis ça descend, le palpitant ramolli, exténué de pomper, j’ai regardé…
Anamary est finalement partie, les infirmières sont restées, regardant mon sexe que nulle main ne pouvait apaiser…
Comme thérapie de groupe, c’était pas très sain.
Par la suite j’ai rencontré d’autres infirmières lubriques qui s’enorgueillissaient de leur nullité dans leur discipline de prédilection.
Elle pratiquaient à grande échelle, parfois du haut d’un escabeau, ça justifiait qu’elles utilisent des abréviations empruntées aux statisticiens, et je suis sûr que parmi elles certaines jouissaient vraiment.
Dans les mois qui ont suivi on m’a lancé comme ça des défis, à deux ou trois reprises, avec plus ou moins d’agressivité. « Fais voir ton engin… » qu’on me disait et l’on venait coller sa main contre mon sexe pour en estimer la turgescence.
Je sais que ça partait d’un bon sentiment à la base, c’est du moins ainsi que je l’interprète rétrospectivement à la lumière des deux ou trois fois où elles ont réussi à me violer.
Les médecins n’avaient pas l’air trop inquiets pour moi.
Un jour Lorenza m’a appelé.
J’étais en train de prendre conscience que j’avais épuisé toutes les sources de divertissement de l’étage.
Je lui avais juste écrit un mail quelques semaines plus tôt pour lui dire que j’avais une envie dingue de crever l’abcès…
Le 9 septembre, jour de commémoration j’y étais.
J’y étais bien même, aucun doute, il suffisait de regarder autour de moi, j’étais entouré de blouses blanches et de pyjamas bleus, il manquait juste une toute petite touche en prévision du 9 et moi j’étais volontaire pour m’occuper du sillon, j’allais faire gicler mon patriotisme plein les murs de ma chambre.
Je n’avais rien demandé à Lorenza, promis.
J’ai toujours assumé mes giclées comme un gland sauf qu’elle prend de l’avance en prévision de mes prochaines dérives.
J’arrive pas à spermater suffisamment vite pour suivre le rythme.
J’ai un clandestin dans le cerveau mais je le surveille de près, et je vous assure qu’il a intérêt à se tenir à carreau maintenant parce que le jour où mes molécules faibliront j’emploierai mes nano molécules.
C’est après que Lorenza eut raccroché que ça m’est revenu, quand je me suis rendu compte que les psychiatres avaient empoché mon fric.
L’un d’eux m’a demandé comment j’allais, naturellement.
C’est la procédure dans les hôpitaux.
Je lui ai répondu naturellement aussi, sans donner de précisions vestimentaires.
C’est l’avantage de la radio sur la télé, on ne voit pas votre pyjama bleu estampillé Saint Anne.
Il me manquait juste le cerveau qui va avec pour la lecture mais je recevais des visites parfois, et des chocolats je crois.
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai trouvé ça bizarre.
J’avais payé tous mes frais d’inscription, 3.000 euros en tout.
Ca changeait quoi ?
J’en ai conclu qu’ils magouillaient.
D’ailleurs ils le faisaient dans l’intérêt de la démocratie à qui ils fournissent des esprits critiques par paquets entiers, sans aller jusqu’à un état aussi critique que le mien toutefois et bien que ce fût pour une noble cause ces magouilles, je m’en foutais copieusement.
On réussit parfois à obtenir une minute de silence pour rendre hommage à un mort.
A ma connaissance on n’a par contre jamais obtenu de trêve des magouilles même pour les rois des magouilleurs tout en haut.
Le roi est mort, vive la magouille.
Je pensais à ça souvent dans mon pyjama bleu, je pensais à tous ces couples partout dans le monde qui étaient en train de baiser avec des molécules plein les synapses aux bons endroits, des éclaboussures, je pensais à ça en regardant le trou de cigarette qu’avait laissé le taré d’avant moi dans mon étoffe bleue.
Ca n’a jamais empêché la terre de baiser que je crève, l’expérimentation le prouve.
il y a des gens comme ça, on ne se rend pas compte qu’on devrait leur dire d’aller se faire foutre pendant qu’il en est encore temps et lorsqu’on s’en rend compte il est déjà bien trop tard.
On est condamnés à le regretter jusqu’à la fin de ses jours.
Mais, j’avais suffisamment à faire avec les infirmières…
Prenons Cécile par exemple.
Elle n’en a pas encore le diplôme, mais elle porte déjà la blouse et personnellement j’estime que c’est la blouse qui fait l’infirmière, et non le diplôme.
Cécile est étudiante de seconde année en IFSI.
C’est un inhibiteur féminin sélectif de la recapture de la sérotonine, une jolie protéine harmonieusement repliée sur elle-même aux bons endroits wonderbras.
Elle a une cote du tonnerre auprès des petits vieux qui aiment tout particulièrement quand c’est elle qui les torche.
Elle suit ses cours dans un bâtiment à cent mètres de là et de temps en temps elle fait son stage ici.
C’est une filière intégrée : le site de formation se trouve directement sur le site de production, ce qui permet de faire l’impasse sur le métro et donc l’économie de patients supplémentaires.
Bref, Cécile m’a un jour demandé de remplir un questionnaire…
Elle voulait que je dorme moins, que je m’occupe les neurones…
Je faisais des nuits de 18 heures, les journées ne me paraissaient pas trop longues ainsi.
Je transpirais dans mon sommeil et lorsque je me réveillais il faisait déjà nuit.
Je croyais qu’il était 6 heures du matin.
C’était d’ailleurs exact d’un point de vue boréal.
Quatre heures plus tard, extinction des lumières.
Je menais une vie de lapon, à la différence près qu’on n’avait pas eu la clémence de me castrer.
Ca me rendait dingue de dormir 18 heures d’affilée.
Je passais ma vie à dormir.
Ca me rendait dingue, encore plus dingue qu’à l’origine.
Ca me rend dingue !!
Ca me rend dingue bordel !!
Encore plus dingue qu’au début !
Je ne veux pas dormir ma vie !!
Je ne veux pas dormir ma vie…
Les semaines passaient, j’engrangeais les rêves et je les foutais à la corbeille au petit matin vers 18h.
Les infirmières savouraient bien mon sommeil, elles, parce qu’au moins lorsque je dormais je ne les faisais pas chier.
J’avais plus de mal déjà dans mon sommeil, malgré toute ma bonne volonté d’emmerdeur du peuple.
C’était plus ergonomique pour elles des malades allongés, c’est souvent comme ça avec les crazy-sitter ; ensuite elles font rentrer l’amant en douce pour faire des choses tout azimuts, je dis rien, mais je considère que la vie à cet âge-là elle n’est pas faite pour dormir ni pour crever.
Elle est faite pour baiser justement à cet âge là !
Là-dessus je n’ai pas peur d’être dogmatique et c’est personne qui m’empêchera de le clamer ! Mes nuits laponnes c’était la mort en pointillé, avec ce qu’il faut de réveil pour la constater. J’aurais préféré une extinction de conscience définitive, sans les repas en barquette et les pilules jaunes ou mauves.
Je pris le petit questionnaire de Cécile assez à cœur, dans la perspective de sa blouse blanche.
C’était comme dans les magazines, on pouvait choisir le genre de taré qui nous agréait le mieux. Mes goûts personnels me poussaient vers des traitements dynamisants, je fuyais les neuroleptiques.
Par exemple si la question c’était : « Vous mettez vous souvent en colère ? Souvent, de temps en temps, jamais. », il fallait cocher « jamais » afin qu’ils vous donnent des pilules qui vous mettent en colère de temps en temps, parce qu’il n’y a rien de plus sain que de se foutre en rogne une fois de temps en temps et que moi cela n’avait pas dû m’arriver depuis trois ou quatre ans.
Je posais Loup Garou sur la chaise près de moi et je lui lisais les questions pour voir ce que ça donnait le test de personnalité sur lui.
Sur lui ça donnait l’inverse de moi, ça donnait : « toujours » car il souhaitait rester bien calme avec des neuroleptiques.
Tout doux le garou.
Je me demandais s’il était aussi appréciateur des formes de Cécile que ne l’étaient les petits vieux de l’étage.
C’est elle qui venait lui faire sa toilette de temps en temps, ils se retiraient tous les deux dans la salle de bain.
J’entendais les râles de plaisir du jet d’eau au fond de la baignoire et tout se terminait dans un cri orgasmique de robinet mal huilé.
Ca n’avait pas l’air de les effrayer trop tout compte fait ces infirmières, de se retrouver en tête à tête avec loup garou au fond d’une baignoire.
Il avait atteint l’ataraxie dont parlent les philosophes, la vraie, celle du chou-fleur léonard et pas celle qui porte le titre d’une section de www.GatsbyOnline.com.
Je voulais tellement la baiser certains jours, mais sans le vouloir assez pour faire preuve d’un minimum d’efficacité.
L’enviable confort des lilas, des sapins, l’insouciance morale du règne végétal…
Le questionnaire de Cécile comportait 600 questions.
C’est un peu court pour résumer une personne.
Du coup je me répandais au dos de la feuille, je me lançais dans des subtilités ; je n’avais que ça à foutre de toute manière, être subtil, contrairement au correcteur.
Je suis hélas incapable d’être subtil 600 fois d’affilée.
Aussi lorsque Cécile me demanda d’un air enjoué si le questionnaire m’avait plu, j’ai donné un petit coup de menton approbateur en direction de la corbeille.
Ca voulait pas dire que je ne l’avais pas trouvé intéressant, mais je me lasse des croix à la fin, c’est mon gros défaut dans les questionnaires.
Elle me fit part d’abord part de sa déception, d’autant que c’était un exercice « évalué », comme elle me l’avoua sur un ton dramatique.
C’est drôle, elle semblait penser réellement que j’allais m’apitoyer ; son attitude m’avait sincèrement surpris.
Vraiment oui, j’avais été très surpris par son intonation.
Je la mettais simplement dans les conditions réelles d’avoir un zéro.
Si moi je crevais elle pouvait bien se faire tuer par ses parents de son côté non ?
C’était du perdant-perdant, et encore, je trouvais qu’elle restait gagnante dans l’histoire.
Il ne s’agissait, en somme, que d’un petit rôle secondaire dans mon énorme catastrophe personnelle.
Finalement elle laissa tomber relativement vite.
D’autres infirmières se montrèrent moins lucides.
Le temps reste, et moi je passe.
Noël arriva.
Ils se mirent à délocaliser les patients dans leurs familles pour quelques jours.
L’idée me parut bonne, cela me donnait envie de sortir moi aussi, pour le réveillon.
Je me disais que ça me ferait le plus grand bien d’aller de par les rues, en cette période de guirlandes.
C’est beau de vadrouiller sur les quais au milieu du réveillon, je connaissais des coins.
Je suis allé voir au bureau au sujet de cette perm’.
Mon infirmière préférée était justement de garde : « Oh vous, non… On préfère pas que vous sortiez » m’a-t-elle dit, un peu gênée, « on préfère que vous restiez auprès de nous. »
C’était mon infirmière préférée et j’étais plutôt content qu’elle veuille que je reste auprès de nous à Noël.
J’imaginais déjà les discussions que nous aurions, comme cela nous arrivait parfois.
Le soir du réveillon je l’ai cherchée partout comme convenu, mais on m’apprit qu’elle n’était pas « de contrainte ».
Elle avait préféré rester auprès des siens, les siens à elle, dont elle prenait soin bénévolement autour de la cheminée, des bouteilles et de la dinde.
De dépit, j’en ai visité d’autres dans le couloir, ceux que je connaissais le moins.
Il n’en restait déjà plus beaucoup des exotiques, hormis celui où l’on avait installé le petit sapin, un des sites les plus dynamiques de l’hôpital, toujours des choses à voir par là bas, garanti.
Ce sapin, je ne sais pas où il avait débuté son existence mais toujours est-il qu’il la terminait à mes cotés dans un pot, accablé de guirlandes.
Un drôle de destin, je connaissais ça.
On l’avait chargé c’est dingue, à croire que ça coûte rien les guirlandes dans la fonction publique. A croire que c’est au nombre de guirlandes qu’on guérirait tous les timbrés du couloir.
Il suffoquait là le sapin, aux côtés de la télé si bien qu’on hésitait tout du long sur lequel concentrer son attention, entre le suspens des guirlandes et celui de Michel Drucker.
Le Drucker reste et moi je passe.
L’installation de notre conifère avait suscité une petite polémique au sein de l’équipe thérapeutique ; une infirmière débutante avait pris l’initiative de l’orner avec de longues lianes chatoyantes ; de vives discussions s’étaient ensuivies pour savoir si l’un de nous ne risquait de gâcher la fête pour cause de pendaison.
Il lui faut deux gros souliers au père Noël au moins, pour faire tenir un cadeau de ce volume dedans, un cadavre au plafond.
On fit venir la psychiatre de garde qui en vérifia la solidité, discrètement.
Ca tenait, discrètement, et on l’enleva.
Au moins le sapin put respirer un peu plus à son aise, il vivrait quelques heures de plus.
Nous fûmes condamnés à la même peine.
Avec les autres je dois dire, nous étions verts, tous.
Que nous ayons spontanément songé à discerner un nœud coulant dans cette cravate à conifère, c’est bien naturel ; on n’avait pas réellement de mérite, nous avions chaussé les lunettes de souffrance pour.
J’imaginais difficilement en revanche qu’un individu sain puisse pousser le sens de la métaphore à cet extrême, dans cette profusion de guirlandes.
Ca m’avait bluffé.
C’est une vieille qui avait eu le réflexe.
Chapeau la vieille…
Hein ?
Pas vous ?
Moi je dis chapeau la vieille…
Elle était loin d’être pourrie encore, hein ?
Comme quoi c’est formateur de nous côtoyer quotidiennement quelques décennies, ça l’avait rendue bricoleuse comme tout, une vraie Mac Gyver capable de stopper un cœur avec deux bouts de ficelle.
Et moi qui pensais vivre dans un paradigme inaccessible au commun des mortels, qui regrettent leur condition de mortel eux sensément…
Noël…
C’était une ambiance bizarre.
Il restait très peu de patients, quelques-uns qu’on avait préféré garder auprès de nous, eux aussi, et d’autres que leurs familles préféraient abandonner là pareillement plutôt que d’appesantir le dîner.
C’était le cas de cette bonne femme un peu épaisse, j’ai jamais su son nom ni même son poids.
Tout le monde était d’accord pour qu’elle sorte mais son mari ne l’était pas trop pour qu’elle rentre, ce qui fait qu’elle restait coincée dans un entre-deux de clochard.
En conséquence elle avait choisi de rester à l’hôpital pour les fêtes.
Elle positivait, c’était un choix.
C’est toujours un plaisir de passer Noël « en compagnie d’un charmant jeune homme » avait-elle glissé, toute finaude en me regardant.
J’ai vérifié partout autour et le type le plus jeune de ceux qui restaient à l’hôpital pour le réveillon devait avoir cinquante balais, du coup je prenais la menace bien au sérieux.
A Sainte Anne je me suis retrouvé dans un groupe plus en rapport avec mon niveau de connaissance du plaisir.
Nous prenions tous des pilules avec simplement des différences de couleur.
C’était les cours du crépuscule, pour différer la nuit.
On faisait des expériences de chimie, tous, avec application, pour apprendre que la vie est belle. Les infirmières adoptaient un ton didactique de maternelle, elles se mettaient au niveau du plus modeste et me parlaient comme à un demeuré pour s’épargner la peine d’avoir à changer de registre constamment.
Dans certaines matières je peux affirmer sans me vanter que j’étais dans les meilleurs, en énurésie par exemple.
Il ne restait quasiment plus que des vieux.
Lorsque je marchais dans le couloir, étant donné que je ne voyais pas mon visage, j’avais tout ce qu’il fallait pour me croire à l’hospice : les émotions ternes et, désormais, un bain de rides alentour.
Je regardais ma poitrine et j’en concluais que j’étais un vieux svelte.
Un vieux svelte, au relief maîtrisé du côté du nombril.
Je jouissais de ce fait d’un avantage certain pour mettre la main sur la télécommande.
Noël est une fête cathodique, je voulais ce poste.
J’arrive à faire des trucs peu communs quand on me donne une télécommande avec des téléspectateurs, j’arrive à les zapper en mode humeur de chien.
Faut juste connaître les codes.
Marcel était un de ces vieux, et pas le moindre.
Marcel, un repère dans une vie pavillonnaire.
Je savais en le croisant que je touchais enfin au but, que dans cinq mètres tout au plus j’allais pouvoir obliquer sur la droite et m’engouffrer dans les chiottes, une autre planète déjà.
Il arborait un air fier le Marcel ; il donnait l’impression de penser que ce morceau de carrelage qu’il affectionnait tant était la meilleure place du couloir.
On aurait dit qu’il se foutait de nous, parce qu’il avait chopé la place du chef.
Mais j’étais pas jaloux ; je nous trouvais globalement tous au fond de la piscine, à deux carrelages près.
Du sien il surveillait le tunnel, un tunnel long de 50 mètres.
Notre cadre de vie ; mon horizon de vie.
Un futur de 50 mètres.
Planté sur ses jambes, deux ciseaux émoussés, rouillés au niveau des hanches, Marcel ne parvenait plus à découper l’espace.
Il avait renoncé à décrire ces trajectoires et ces figures absurdes qui caractérisent pourtant l’activité animale à la surface de la terre.
Plus le moindre motif.
Il avait cessé de vaquer à ses directions.
Je suppose que ce sont les infirmières qui le déposaient sur son morceau de carrelage tous les matins avant que je ne me lève ; puis elles repassaient le chercher le soir en rentrant du boulot puisque c’était sur leur chemin pour sortir du couloir ; sympas les infirmières dis donc, parce que sinon il aurait dormi sur place.
Elles connaissaient ses préférences, le gâtaient sur le bon carrelage.
Marcel, on le repérait tout de suite.
Toutes les personnes qui me rendaient visite me demandaient : « C’est qui ce truc ? »
Il n’y avait pas de réponse toute faite.
Il pouvait stationner des heures, immobile à l’exception de ses yeux qui faisaient le trajet pour suivre les corps d’un bout à l’autre du couloir, comme Loup Garou, mais en plus pacifique et sénile.
Tant qu’il y a de la station, il y a de l’espoir.
On sentait que ça lui plaisait plus que tout, ce déplacement des vessies, des chambres aux chiottes et retour.
Marcel restera dans mon souvenir comme un insatiable observateur des vessies en déplacement, un « loospotter » ; il était curieux comme un badaud confronté au manège de pompiers en intervention.
Je me suis demandé si c’était de l’envie.
Ses couches lui faisaient un gros cul dans son pyjama.
Or j’ai lu que les fesses féminines, grâce à un judicieux remplissage par du tissu graisseux (phénomène dit de « globulisation des fesses »), ont gagné en volume et en harmonieux arrondissement au cours de l’hominisation.
J’ajouterai que les couches Pampers confèrent artificiellement au porteur une silhouette stéatopyge semblable à celle qu’arborent certaines statuettes préhistoriques, les fameuses Venus.
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler, enfin, que les Hottentots valorisent culturellement l’outrance de l’indice fessier.
De temps en temps Marcel tombait, ses jambes farceuses le lâchaient, sans crier gare.
Les infirmières se contentaient d’un commentaire pragmatique sur l’utilité des couches, ces casques à coccyx.
J’ai toujours eu du mal à regarder les gens dans les yeux, mais avec Marcel j’arrivais bien.
Je remontais le couloir et d’aussi loin que je pouvais je plongeais mon regard dans le blanc de ses yeux.
J’y allais sauvagement comme avec mon bol de lait, je lui rentrais dans le lait des yeux.
Un jour, j’ai failli l’exterminer, à l’improviste.
Je ne pense pas qu’on m’aurait fait le moindre reproche de toute manière ; tout le monde attendait qu’il s’éradique selon son propre mouvement naturel de moribond.
C’est juste que parfois la nature se montre inférieure à la civilisation, surtout dans l’accélération des décès, les réallocations des ressources pour parler écolo.
Je traversais alors une période étrange : je voulais exterminer tout le monde comme ça, à tout propos, au seul motif que j’allais moi, surtout, bientôt crever le premier, et que la vie d’autrui dans ces conditions me tenait déjà moins aux couilles.
Je devenais égoïste sachant que j’allais disparaître et plus pouvoir profiter utilement de l’altruisme de tout un chacun à mon égard.
Au fur et à mesure que je survis, j’ai tendance à réviser mon jugement.
Je redécouvre la noblesse de l’altruisme des autres ; je m’adapte à mes perspectives.
Mon existence seule justifie la vôtre…
Que mon cerveau pète les plombs et c’est tout l’univers qui taille en vrilles.
Une simple balle dans mon crâne, et ce sont les espèces toutes entières et la terre qui s’évaporent, et le soleil aussi et peut être bien même la Maison Blanche comme dans Independance Day.
L’univers a son talon d’Achille planqué dans ma petite boîte crânienne.
Je pourrais si je le voulais vous ôter à tous la petite existence merdique que vous êtes parvenus à vous tailler dans mes neurones.
Ce jour là je marchais dans le couloir, et au moment de doubler ce légume de Marcel, je fus saisi d’une sorte de myoclonie barbare.
Mon bras s’est tendu, ma main s’est ouverte, comme des serres, à quelques centimètres du visage du vieux.
Il a regardé droit dedans dans les lignes de ma paume, un résidu de philosophie pour s’enquérir si j’avais bien envie de pisser ainsi qu’il paraissait.
Mes doigts vibraient d’intensité, tellement j’avais mis de haine, d’éradication là dedans.
Je voulais butter tout le monde sincèrement, à commencer par cet enfoiré de Marcel qui avait eu l’honneur de vivre toute sa vie !
Pour venir mourir de son beau gâtisme, ici, sur un bout de carrelage devant moi !
Et aussi, je crois, j’étais pas mal ému par ma propre charité.
Je me demandais si j’aurais moi-même la chance de dénicher une personne empathique, qui voudrait bien me casser la tête pour m’épargner ces semaines de délibération suicidaire.
J’arrivais pas à décider moi-même parce que, semblait-il, la mort est tout à fait irrévocable, ce qui me rendait indécis.
J’avais tendance à croire que ma générosité à l’égard de Marcel était un acte exceptionnel, imputable à ma propre situation, ce cauchemar stagnant qui me rendait empathique.
J’avais le sentiment que ces connards de cathos, en érigeant la bipédie au rang de l’absolue dignité, avaient sapé pour longtemps toute possibilité de réflexion morale profonde sur ce qui fait le sens d’une existence à deux jambes : le cerveau.
La frontière entre l’homme et le chou-fleur me paraissait ténue, indistincte.
C’était grosso modo la même choucroute à trop y penser.
Je me méprenais.
On en trouve beaucoup en fait, des gens charitables et exterminateurs, mais en général ils traînent pas trop dans les hôpitaux.
J’ai épargné Marcel, et aujourd’hui je m’en veux d’avoir été magnanime…
Je m’en veux terriblement.
J’ai parfois ce soupçon : « Et si, moi aussi j’avais été magnanime ? Au nom de quoi me serais-je permis ce genre de sentiment ? Qui étais-je, moi le merdeux paroxystique, pour épargner les êtres que j’aurais légitimement pu déblayer vu ce qui leur est arrivé ? Qui étais-je moi pour faire le magnanime sur le dos de Marcel au lieu de l’achever comme on doit avec les klebs à deux pattes ? »
J’en ai bouffé suffisamment de la pitié et du magnanime pour plus vouloir l’infliger à quiconque, et si Marcel je l’ai laissé pourrir à son rythme poussif, j’espère seulement que c’est pas un abus de magnanimité…
J’espère seulement que je ne l’ai pas épargné, mais que c’est tout connement que je ne pouvais pas, que j’avais pas cette force, ce pouvoir…
Aussi je jure solennellement, moi, de ne plus jamais me montrer magnanime moi, et toutes les fois que j’estimerai être en mesure d’exterminer, je le ferai.
Et pas une personne au monde pourra venir se plaindre que prétendument je lui aurais accordé la vie !
Pas une !
J’ai vu ce qui se cachait derrière la pitié.
Ca m’a converti pour de bon, et rendu impitoyable.
Je suis un homme.
Je suis un homme.
Je suis un klebs à deux pattes avec un cerveau tout à fait comme les autres.
Je suis un homme à genoux…
J’étais guéri, j’étais devenu maussade…
Mossad !
Shalom !
Drinnggggggggggg, drinnggggggggggg….
Putain de réveil…
J’ai encore cauchemardé !