La vie est fragile et mince comme une feuille d’automne, que le moindre souffle de vent pourrait emporter.
Le temps peut être généreux, emplit d’harmonies mélancoliques et de rythmes bizarres qu’on traduit en rires, avec une pointe d’amertume, de cruauté parfois. Que se passerait-il si le Grand Mickey créateur frappait à ma porte et me prouvait que sexe, amour, création, c’est-à-dire le carousel humain qui fait la ronde autour du sexe que l’homme érige au centre de son destin, ne sont rien du tout ? Qu’y aurait-t’il d’autre à chercher que de l’effondrement et de la tristesse d’avoir perdu du temps de vivant pour rien ? Tout et rien à la fois. Tant pis si la jouissance amoureuse n’est rien, tant pis si les créations sont vaines… Ca m’a amusé, rendu heureux, et malheureux parfois. En tous cas, cela fit bouilloner mon sang.
Le Grand Mickey n’a pas à choisir un chemin que je devrais suivre, de toute façon il se trompe si souvent et commet des conneries pires que les miennes. Mais s’il a raison, s’il me reste assez de temps, s’il m’en laisse suffisamment, j’irai peut-être voir là où il me conseille de regarder. Mais, cela m’étonnerait qu’il y ait quelque chose de plus palpitant, d’agréable, d’aussi délicieux, d’aussi sérieux que la folie du temps qui passe et que la partie d’échecs qu’est la vie toute entière ! Douter, donc penser, donc être…Douter est au début de cette équation de pensées dont on réduit l’axiome à un trop facile et lâche “Je pense donc je suis” ! Mais si je meurs, et que les nécrologues titrent que je m’étais gonflé le cou avec ma quête de la création et que dès-lors tout est bon à placer dans mon cercueil pour qu’on n’en connaisse plus rien… Je serais mort deux fois. Je m’en moque par avance, parce que je sais que mes pensées sont, malgré ce que pensent certains, entrées en alchimie avec les neurones de quelques humains qui, comme moi, se sont trompés de quètes et ont galopé derrière quelque chose qui n’existait pas. Toutefois, si je n’étais qu’une bête instinctive comme tout homme, si tout n’était qu’un leurre inventé par le Grand Mickey de l’Univers pour peupler son royaume de fous et folles et nous faire agir à sa guise, ne serais-je qu’un jouet ? Basta, je suis persuadé que même si on se trompe on ne met pas son destin en danger quand on lui paye un tour de montagnes russes amoureuses ! Sans doute que diverses associations politiquement correctes vont utiliser la haute technologie pour nous implanter dans le corps des minipuces d’ordinateurs qui nous rendront virtuellement idiots et dociles, convenables… Sans doute qu’on nous fera avaler des trucs transgénico-chimiques qui nous transformeront en gentils légumes domestiqués ne rouspétant ni ne pétant jamais plus… Quand la société aura réussi à nous jouer ce nouveau mauvais tour en affirmant que c’est pour notre bien, on croira alors que le travail est le plaisir suprème, on rigolera des générations passées qui aimaient marivauder, rire, geindre, contester, baiser. On aura été manipulé…
Imaginez que dans 30 ans, les savants se penchent sur Hamlet et décident de guérir ce personnage de Shakespeare. Hop, son complexe d’Oedipe disparu avec une pilule bleue. Son “Etre ou ne pas être“, hop, une puce électronique dans l’oreille et ça deviendra : “Quel est le plus court trajet pour aller au boulot ?“… Qu’est ce qu’on va bâiller en regardant cette pièce dans nos lunettes numérico-spatiales. Calquer sa vie sur le puzzle sans nom qu’est le destin de l’humain dont les plus malins savent que le seul dérisoire espoir consiste à attendre Godot. Sortir du lot des moutons de Panurge. Souffrir de constater que des cons de pacotille surfent aux postes des pouvoirs grâce à des ruses puantes. Camoufler sa tristesse sous des déclarations drôles et cyniques sur l’état de la société, les rapports humains, la littérature, la création. Dénoncer l’infantilisation d’un monde qui se chloroforme des choses sorties des esprits mercantiles, gadgétisés jusqu’à gangrener le réel désorganisé. Etre un vrai humain, c’est avoir des problèmes et la faculté de les résoudre. Ce n’est pas parce que ce monde-là sera ennuiant et aliénant qu’il ne va pas nous tomber dessus, car une société formatée sur un modèle d’homme brave et tranquille, sans pulsions, est le rêve absolu de tous les tyrans de courant d’air absolus. Je ne veux pas d’un interrupteur technologique qui finisse avec certitude mon infini incertain. Jamais en matière d’art ou d’amour, on ne peut arriver à la perfection. C’est ce qui rend la pratique si passionnante. Tenter de mettre en ordre le désordre de la vie. On réalise un rêve, et un quart d’heure plus tard on pense déjà : “Tiens, il doit exister quelque part dans un recoin de mon cerveau un rêve encore mieux“… Et on est reparti vers une nouvelle aventure avec l’innocence d’un gamin qui se moque d’attraper une claque parce qu’il va mordre dans un nouveau gâteau.
En amour, qu’on soit homme ou femme, on est tous naïfs comme ces explorateurs qui partent en baskets pour atteindre le centre de la terre. Mais si cette naïveté se perd, les meilleurs d’entre nous deviendront des morts vivants qui se mettent à jouer avec la guerre, le racisme, l’intolérance et l’exploitation des plus faibles. Je continue à vivre parce que je m’illusionne encore de moi et la capacité de vivre mes naïvetés qui ne me privent pas d’espoirs. L’humain n’est qu’un grand paquet d’illusions, sans elles c’est le désespoir, comme si on pensait au suicide en sortant du ventre de sa mère. Mais, écrivant cela, je sens comme une grande dépression m’envahir…