Dans “l’Avenir d’une illusion”, Freud qualifie la religion de “névrose obsessionnelle universelle de l’humanité”.
Ainsi, en ne parvenant pas à se défaire d’une relation à une altérité toute-puissante, l’humanité n’accède pas à son autonomie et demeure fixée à un stade infantile.
Empruntée, son identité s’inscrit dans une dépendance qui s’ignore cependant comme telle.
Obsessionnelle est encore cette névrose car elle s’accompagne de l’effectuation impérative de rites, par définition toujours maniaques, destinés à apaiser l’angoisse et qui doivent être indéfiniment répétés… en vain !
Le parallèle entre cette structure névrotique et l’impossibilité pour l’humanité de renoncer à se réfugier dans les illusions et les stupidités, au moment où non seulement elle peut mais doit s’en passer pour des raisons impératives qui engagent son avenir même…, est frappant.
Comment expliquer cette singulière résistance alors que des arguments rationnels commandent une élévation de l’intelligence ?
Longtemps, les humains durent se contenter de ce qu’ils trouvaient, pratiquant le “charognage”, la cueillette, la chasse de survie, ce qui les poussait à détruire “les autres” qui n’étaient pas des créations d’eux-mêmes, universalisant un système, devenant gigantesque, en raison d’une demande pléthorique que servent des avancées scientifiques et techniques.
Une simple affaire d’idées reçues émanant originellement des religions créatrices d’obligations de penser, ne saurait expliquer rationnellement chez certain(e)s la panique, chez d’autres la virulence, que suscite la perspective d’une fin de ce qu’ils vénèrent et amassent dans une fureur de “collectionnite”, alors que ce type de civilisation n’a plus rien à mettre à son crédit.
Les Gourous multimilliardaires qui exploitent les faiblesses humaines, diabolisant ceux qui informent véritablement en affirmant que ce sont des créateurs de “Fake-News”… et en leur opposant la sacralisation “officielle” de leurs désinformateurs présentés comme intouchables représentants de la véritable pensée universelle…, n’en viennent-ils pas à brandir, tel un argument dirimant, la nécessité de conserver les “Grandes Valeurs” de notre civilisation consumériste ?
Pourtant, derrière cette image d’Epinal se profile le bruit sourd des civilisations qui s’effondrent parce que nous contribuons à les éradiquer au nom de notre “civilisation-Chrétienne”…, les Amériques entières firent l’objet du génocide de leur population et de la destruction de leur civilisation au nom d’un Jésus crucifié dont le mythe sanctificateur est la cause des pires massacres et tortures…, derrière les produits “de marque” fabriqués dans des pays qu’on affame, c’est toute l’horreur de l’égoïsme de notre non-civilisation…, toutes choses que les défenseurs de l’Ordre nouveau planétaire laissent dans l’ombre, concourant ainsi à faire de ce terme un pur signifiant qui ne renvoie qu’à lui-même : une tautologie…, car il ne s’agit jamais que d’évoquer un système désormais impassible, livré aux louanges maniaques dont il fait l’objet.
Parmi les curiosités qui accompagnent cette quasi-vénération, ce qui nous singularise, est le fait d’accepter de tuer “les autres”..., un problème philosophique que toutes les sociétés ont tenté de résoudre dans l’invention de messages divins !
Ce ne sont pas les réactions corporatistes, simple défense d’intérêts économiques, qui suscitent l’étonnement, mais celles qui manifestent une angoisse devant l’abîme qui s’ouvrirait si l’humanité cessait de détruire ceux qui ne sont pas “comme nous” et qui génèrent de l’angoisse.
Perdre cette emprise, absolue, qui en aucune autre occurrence n’a atteint un tel point d’acmé, par le nombre de victimes, nos gourous n’en veulent pas.
Le fait que ces “sous-humains”, domestiqués de longue date, souvent bombardés “pour leur bien”... puissent entrer dans une relation d’affection avec les seuls véritables humains que nous sommes (sic !), comme les courageux accueillant quelques rescapés-migrants en cause de nos missions d’éradications le montrent, n’est pas un détail…
D’aucuns l’ont justement souligné : nous tuons des humains qui ont un visage, qui ont des yeux, une intelligence, une conscience, une vie…, or, n’entend-on ou ne lit-on pas que sans les supprimer “nous ne serions plus humains au yeux de Dieu”, qu’un terme mis à cette activité dominatrice serait “la plus grande catastrophe de l’histoire de l’humanité”, que c’est d’ailleurs notre mission divine ?
Les massacres seraient notre éternelle planche de salut ; son terme une catastrophe pour “notre” humanité !
Ces propos au ton millénariste, ces menaces de la “perte de notre identité”, la haine déployée contre ceux qui ne sont pas nous-mêmes ne sont que les dérives de fanatismes religieux et de l’angoisse…, on connaît les liens entre la religion et le sang versé, sorte de pacte dont l’humanité ne peut ni ne veut sortir.
Une certaine exégèse a du reste doté le sacrifice sanglant de très hautes vertus : il serait au fondement des sociétés humaines et contiendrait la violence…, mais la fiction d’un meurtre fondateur ouvre le cycle d’une répétition infinie…
Tout se passe comme si notre humanité allait perdre une identité qui se joue dans un rapport séculaire et meurtrier…, une relation malade, proprement névrotique, qui ne sait faire que tuer et ne parvient pas à envisager un type de relation dont les protagonistes pourraient enfin dire «je»…, une névrose inguérissable.