Le battement d’ailes d’un papillon, ou la théorie du chaos !
Deux mathématiciens ont défini en 1975, sur la fin des années hippies, la théorie du chaos.
Ces éminents individus nommés Li et Yorke se sont attachés à démontrer que dans un ensemble donné l’aléatoire et l’approximatif, quelque chose qui ressemblerait à la vie de votre narrateur (moi), seraient régis par des règles tout à fait ordonnées.
C’est-à-dire : “Faisons n’importe quoi, de toutes façons ça a un sens“… Moi ce genre de théorie, je ne suis pas contre.
D’abord ça facilite énormément les prises de décision.
Whisky ou Vodka ?
Ca m’est égal.
Choisis pour moi, de toutes façons, quand j’en aurai marre du whisky, je passerai à la vodka.
Tiens, déjà ça se vérifie.
En prenant l’exemple d’un ensemble donné où il y aurait donc trois éléments qui seraient de l’ordre du whisky, de la vodka et moi, il est clair qu’étant donné les lois de l’attraction définies par l’inné, le tout finira par se fondre en une seule entité transitoire avant que j’aille pisser et qu’au bout d’un certain nombre de réitérations de la situation, dans beaucoup d’années j’espère, je finisse par muter en cadavre. Cet exemple est très réaliste bien que vous pensiez que ce soit simpliste et réducteur.
Pas du tout, la théorie du chaos est justement une démonstration que les ensembles sont plus grands et plus déterminants que ce qui se passe à l’intérieur.
Une fois que vous aurez déterminé le repère, ce ne sera plus la peine de vous occuper de ce qu’il s’y passe, aucun élément, même le plus perturbateur ne pourra détruire cet ensemble, ni le faire muter par sa propre action. Platon le premier avait induit cette possibilité et Newton l’a fait notablement progresser même si on aura tout de même attendu d’avoir porté des chemises à fleurs aveuglantes et des pantalons grotesques à finition évasée vers le bas pour s’appliquer à prendre en considération ce qui s’avère la plus grande découverte théorique, à mon goût, de l’histoire de la science moderne. Le battement d’aile du papillon au Brésil qui déclenche une tempête au Texas est l’exemple probant de tout cela.
D’abord c’est une image formulée par un américain qui a remplacé beaucoup de métaphores du même ordre prononcées par des européens, voire des asiatiques tout au long du dernier siècle.
Mais bon.
On n’en est plus à une allitération frauduleuse près avec ces braves gens. Ce battement d’aile lambda est censé représenter l’idée qu’un seul mouvement peut tout changer.
C’est extraordinaire.
Et vous me direz si vous avez suivi : “Ben alors… Kezako la théorie du chaos ? “…
Rien de nos agissements n’aurait d’importance et puis soudain un minuscule papillon traître gigotant sur la samba la plus basique nous foutrait le bordel chez les sympathisants du port d’arme en milieu xénopho-paranoïaque de notre ami Bush.
Ca va pas du tout ! Ben en fait si.
Cette théorie se contient en deux phases :
– D’une part effectivement, le moindre geste du moindre élément peut faire muter un ensemble, donc l’aile de papillon en string copacabanesque. – Mais d’autre part le fait que l’ensemble contienne des papillons, donc la terre, fait que n’importe quel papillon pourra être à l’origine de cette mutation, c’est-à-dire un petit cyclone de-ci, de-là… CQFD : la théorie du chaos induit qu’un ensemble contenant des papillons quelque soit leur activité butinatoire développera forcément à terme des évènements sans aucun lien apparent entre eux mais qui seront inéluctables, il suffira juste de laisser ces braves lépidoptères volants se déplacer à leur gré pour que cela ait lieu…, alors imaginez le remuement de trompe de l’éléphant, ça laisse rêveur. Bon en gros tout ça moi, jusqu’alors, je ne m’en étais pas vraiment occupé, j’avais juste entendu parler de la théorie du chaos mais je croyais que quelqu’un plaisantait lourdement sur ma manière d’organiser le rangement chez moi.
Ca m’en touchait une sans faire bouger l’autre comme on dit.
J’étais donc peinard avec mon mojito sur le canapé à me demander pourquoi TF1 diffusait autant d’épisodes des experts par semaine.
Ca me semblait louche tous ces détectives récurrents qui pactisaient ouvertement avec l’ennemi alors que je les appréciais bien quand même.
Enfin je vous épargne la digression, de toute manière elle n’avait aucun sens et je m’étais presque endormi en m’obstinant à vouloir la poursuivre.
Et puis un pote est passé avec son DVD d’Effet Papillon…
Et il a tenu à ce que nous regardions ce moyen long métrage.
A la suite de ce visionnage, il a commencé à me parler de la théorie du chaos en me justifiant que j’étais le parfait exemple de cet état de fait.
Je me suis dit s’il recommence à me gonfler avec le ménage, je l’embauche à la vaisselle illico presto. Mais en fait non, il tenait à souligner que mon nihilisme avéré qui avait quand même amené une copine à me quitter, mes clients à ne pas acheyter… et la maréchaussée gazeuse à me coller plusieurs prunes pour défaut de contrôle technique de mes véhicules…, les enfants ne me crachaient pas dans le dos dans la rue mais certains animaux semi domestiqués tentaient parfois de me mordre, était simplement une conséquence prévisible d’un repère social permettant de réaliser l’objectif majeur humain : survivre et que j’en étais une des variations probantes. Il avait vu le cas en cours de sociologie et la théorie du chaos était observée de près par l’ensemble des recherches en tous domaines et notamment chez l’homo discountus, fier successeur de l’homo sapiens. A deux doigts de périr d’ennui paraphrasant Phoebe de Friends : “Mais comment peut-on raconter des choses pareilles par plaisir“…, je lui lançais une série de malédictions mentales afin qu’il quitte mon lieu de résidence très rapidement.
Il est connu que l’inutilisation de certaines capacités amène le développement d’autres et mon attitude prolongée de minéral statique ne pouvait qu’agir sur des développements mentaux surdimensionnés.
Effectivement cet homme finissait par prendre congé.
Bon je lui avais un peu forcé la main en lui disant : “Ben moi je vais aller prendre un bain“…
Ce qui représente une bonne entame à la rupture d’un instant social à moins qu’un malentendu terrible amène votre interlocuteur à imaginer que c’est une invite.
Si mon interlocuteur est féminin, rouquine à forte poitrine, là, vous voyez un peu le genre, je dis : “vive les malentendus“. Néanmoins cette andouille m’avait mis une puce à l’oreille.
D’abord, je cherchais un sujet pour écrire une petite nouvelle et je voulais faire mon intéressant, ça semblait applicable.
Et ensuite, je trouvais formidable d’avoir quelque chose de nouveau à me mettre sous la dent pour expliquer la débilité légendaire des êtres humains.
Un constat que je partage avec bon nombre de mes congénères, une masse incluant Florent Pagny et feu Albert Einstein qui a quand même établi des constats fabuleux dont celui-ci : “Il n’existe que deux choses infinies, l’Univers et la connerie humaine… mais pour l’Univers, je n’ai pas de certitude absolue“… C’est à ce moment que j’apprenais tout ce que je viens de vous raconter en gros.
Il était évident que la Chaos theory détenait le germe d’une posture factice et héroïque qui pouvait permettre à un dissocié notoire de passer pour un génie ou un fou lors de rassemblements à faible potentiel de convivialité tels que les repas de famille et les pots de départ en entreprise. Pour ma part, je n’en étais plus à un coup d’éclat près et adopter cette philosophie ou une autre n’apporterait guère à mon personnage.
Mais ça pouvait servir pour ceux qui cherchaient encore un positionnement.
Je me suis dit que de venir vous en toucher deux mots avait peut-être un intérêt. Et au pire, si vous trouvez que c’est n’importe quoi, rien de grave, la théorie du chaos se chargera de trouver matière à lui donner un sens. Sur ce, je vais me recoucher…