Le “Brrrrrrrr” du “Brrrrrrrr”…
Un mardi de l’ére glaciaire, juste à côté du glacier, on était assis avec Fernand, un homme des Caves Ernes, à la terrasse du café La Massue, tenu par Alfred Crocsmoignon, dit le manchot, l’astiqueur, ou le zouave, à cause de ma sœur.
On revenait de la chasse au ptérodactyle, près de chez Damart et on en était au 51ème Pastis 51, histoire de tomber sur un chiffre rond, rond comme des queues de pelles.
C’était pourtant l’été.
” Brrrrrr ! ” dit Fernand, pour la saison.
” Frrrrrr ! ” que je lui réponds du tac au tac, parce que la météo j’m’en fous comme du CAC 40, sauf que j’aimerai bien me taper Evelyne Délhiat, la présentatrice de la télé, même sous la pluie, sous le soleil, ou mieux encore, à l’arrière d’un taxi en marche pendant qu’j’aurai filé un gros bifton au chauffeur pour qu’il mate dans son rétro et qu’il roule sans demander d’adresse.
” Brrrrrr ! ” qu’il insiste l’Fernand, parce qu’il peut pas s’empêcher de la ramener et bien que né en Dertal, est frileux et grelottant comme une secrétaire qui ce serait collé un Kiss-Cool à la place du Tampax.
Je lui ai répondu ” Vrrrrr ! ” pour dire quelque chose, sinon il croit que je lui fait la gueule.
A l’époque, les dialogues étaient pas très riches, car on avait pas encore inventé les voyelles.
Mais en gros, on se comprenait.
C’est quand même pas Rimbaud qui va nous donner des leçons avec son sonnet à la noix, A noir, E blanc, I rouge, U vert, 0 bleu : voyelles… et l’Y alors, c’est que pour les Grecs ?
Sans parler de ses histoires à vomir debout, de mouches éclatantes, rire des lèvres belles, suprême Clairon, et l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux, et autres salades fumeuses qu’il devait concocter en carburant à l’absinthe tout en tripotant le chat de Verlaine.
Donc, à l’époque dont je vous parle, y’avait pas de voyelles, et on s’en passait fort bien.
Les femmes étaient moches et poilues et la mienne encore plus, car je n’ai jamais eu de chance, mais au moins, elles obéissaient, pas comme de nos jours où quand tu veux juste toucher la foune de la voisine quand elle se penche pour ramasser le billet que t’as laisser tomber, tu t’entends répondre : ” Prrrrssss ! ”
C’est chiant les féministes, quoiqu’on fasse elles vous répondent : “ Prrrrssss ! ”
Jamais elles changent de CD!
Donc les femmes étaient moches et poilues, alors de temps à autre, pour varier les plaisirs avec Fernand, on disait qu’on partait chasser le ptérodactyle, et on allait se taper un lémurien à poils ras, mais c’est dur à attraper comme bestiole, ça bouge tout le temps et ça donne des coups de griffes, qu’on revient le bas ventre tout zébré, et la bonne femme, quand elle voit ça, elle vous fait une scène de ménage, que ça résonne dans la grotte et même les tricératops au dehors en mènent pas large.
Elle gueule : ” Srrrrrr, srrrrrr !” et puis ” Frrrrp, frrrrp ! ” et bien évidemment ” Prrrrssss, prrrrssss ! “, pour faire comme les copines féministes.
J’ai laissé Fernand radoter ses ” brrrrr, brrrr ” un moment pour aller aux toilettes, à cause du Pastis qui fait aller, quand soudain, un cri retentit sur la terrasse, un cri effroyable, qui vous glaçait les cents, mais que j’avais jamais encore entendu :
” AEIOUY ! AEIOUY ! “…, deux fois.
J’ai sauté au plafond, et je m’en suis foutu plein partout la peau de bête, que ma femme, elle va encore gueuler que je suis un incapable, qui peux même pas s’la tenir droite !
Je l’entends d’ici : ” Prrrrssss, prrrrssss ! ”
Je me rajuste prestement et je déboule sur la terrasse, pour voir mon Fernand en transe comme s’il avait vu un stégosaure en tutu.
D’un air hagard et pas forcément de l’Est, il me montre du doigt, une table en bout de terrasse.
Et là, croyez moi ou non, mais j’ai pas pu m’empêcher de gueuler à mon tour comme Fernand : ” AEIOUY ! AEIOUY ! ” quand j’ai vu la meuf assise à une table près de l’entrée, un sacré canon, à peine velue, qu’on lui voyait les mamelles et tout le saint-frusquin quand elle décroisait les jambes!
Elle était pas d’là région pour sûr !
J’ai laissé Fernand, avec son air de crétin, qui pouvait plus faire un geste et je me suis dirigé vers la table de la créature, en me lissant la banane, style Vince Taylor, avec une démarche à la Mitchum, et le sourire de John Wayne quand il sait qu’il y aura des putes et du scotch !
” C’est quoi votre petit nom ?” que je dis à la d’moiselle.
” Claire ! ” elle rétorque, avec une moue vicieuse de Lolita qui voit passer un car Suzanne, rempli de vieux célibataires en goguette.
” AEIOUY ! ” j’ai fait en lui tendant ma carte avec mon adresse électronique et les horaires où ma meuf est au lavoir.
” Pas mieux ! ” elle a dit en souriant.
C’était dans la poche.