Le bruit de ma pelle est obsédant et intolérable à certaines oreilles chastes…
Harassés, lessivés, déglingués, me voici enfin à l’hôtel Machin-Chose, un batiment qui donne l’impression d’avoir implosé pour laisser place à un modernisme glacé de verre et de métal…
Tout n’est pas noir.
L’hôtel, s’il strie les yeux par son intérieur brillant tel du papier métallisé, possède un bar, dans un bizarre style Art déco futuriste, où un piano rappelle que Trenet avait raison : oui, oui, le piano de la plage a un la, un joli “la-ssitude”…
A cinq heures de l’après-midi, point trop fréquenté, l’endroit a un charme fragile de Métropolis d’une autre époque… et fait mentir l’imbécile qui a dit que la nostalgie était la putain du souvenir lorsque, à des moments indécis, des souffles chauds, suintant des murs, rappellent que le lieu fut fréquenté par des artistes : Andie MacDowell, Adjani, Isabella Rossellini, Meryl Streep, Emma Thompson… dont les jupes sont une tente pour les rêves.
Et même si on n’y rêvait pas, on s’en ficherait car les filles en jonquille, qui y sirotent un Bloody Mary à la manière de Lauren Bacall, ont les jambes et les petits seins des hôtesses de l’air de la première génération des vols commerciaux.
Alors, avec un peu d’imagination, ce bar devient pour moi le Nick’s Café de Bogart dans Casablanca.
J’y vois un poète anarchiste s’asseoir au piano et plaquer quelques terribles accords…, sans malheureusement jamais aller au bout de son intention musicale supposée ; alors, il enchaîne avec le thème d’Autant en emporte le vent, mais je devine que ses doigts caressent autre chose, entre le chagrin et le feu d’un compagnonnage disparu qui, insidieusement, chante mélancoliquement le début d’une fin qui n’a jamais débuté et ne finira donc jamais…
Dans l’espace du bar, tout un chacun-chacune peut faire son cinéma… et y convoquer, sans qu’ils se sentent dépaysés, ces acteurs qui ont pris tellement d’âge…, qu’ils en sont morts, à défaut de l’être bientôt…, inéluctablement : Marcello Mastroianni, James Stewart, Yves Montand, Paul Newman, Robert Redford, Eddie Constantine, Peter O’Toole, Marlon Brando, Maurice Ronet et, surtout, Clint Eastwood qui se déplacent tels des fantômes chaque fois qu’on s’offre à soi-même un ticket de whisky sour pour les faire rejouer…, comme si l’avenir n’allait plus jamais arriver.
Qui, d’ailleurs, a envie d’aller de l’autre côté…, sur la plage des regrets de ce qu’on n’aura pas fait dans le temps imparti avant la péremption inévitable ?
Avec deux sous-interrogations : quelle sera notre identité au-delà de cette frontière et notre différence individuelle, qui ira en s’amplifiant, sera-t-elle acceptée par une société de plus en plus surveillée par Big Brother ; c’est le dilemme ; c’est le propos des “merdias” qui nous voient déjà obligés de devenir les assassins les uns des autres pour survivre ; c’est le message ironique du présent article ; c’est l’éternel To be or not to be de Hamlet revu et corrigé par les censeurs ; c’est la question sans réponse que tout le monde se pose : nos quatre éléments vitaux, la terre, l’eau, l’air et le feu sont menacés par la sottise humaine qui scie la branche métaphysique sur laquelle elle est assise.
Seul, je tente de ridiculiser les sots qui font de l’âgisme et veulent faire passer les anciens jeunes pour des inutiles et des sans-idées.
Accepterons-nous longtemps la conjuration des imbéciles et devrons-nous vivre dans une société où le mensonge est protégé et la vérité punie ?
Après avoir remonté le temps au gré des grands moments, des petits scandales, des belles émotions et des turbulentes contestations… que j’épingle avec délectation au fil de mes “papiers” virtuels dans GatsbyOnline.com…, je jette un oeil sur le programme, les clés de la liberté en poche…
Depuis le temps ou j’ère dans les mots en phrases, réalisant des textes oubliés, sous-estimés, parfois retirés…, des légendes naissent, des histoires d’amour deviennent éternelles, des gens partent à la conquête du monde, des inconnus entrent dans la cour des incontournables..; et des pays pauvres deviennent grands au milieu du luxe et du faste…
Je suis par moment, un fossoyeur.
Ma pelle ponctue mes récits d’un bruit régulier, plak, plak.
Et chaque fois que j’enterre un corps, je m’ensevelis moi-même un peu plus dans l’oubli de ce que pourrait être la vraie vie.
Car Grand Chef Chacal et son père Big-Brother règnent aveuglément, dans tous les sens du terme, sur nos pays où, bien entendu, on finira par brûler les livres (on a réellement brûlé-autodafé mon livre prophétique sur les évènements du 11 septembre 2001 et leurs suites : Les Protocoles de Sion…, en plein Parlement Européen, justa avant de célébrer une fête Juive dans les travées du dit Parlement, avec bougies et chants, dont Kol-Nidré)…, ce qui dispense désormais de les interdire.
Si on laisse faire, les rêves n’habiteront plus nos nuits.
Sinon le bruit de ma pelle, obsédant et intolérable à certaines oreilles chastes.
Et, en catimini, le bruissement de mes mots sur une page, puis une autre.
“De toute manière, tout va bien”, disent les chefs d’Etat à la tribune de l’ONU, puisque nos valeurs sont stables et que le pétrole et le gaz, sources de richesses pour l’Occident, coulent à flots de sang…, celui des volés, des exploités…
Le sang coule la plupart du temps, à l’abri des regards, qui de toute manière se détournent.
La peur de constater des choses désagréables est plus forte que l’envie de savoir.
C’est pour cela que je pratique l’écriture comme on charcute des chairs à vif… et tant pis pour la douleur.
Ou tant mieux si elle éveille de temps à autre chez vous, lecteurs…, l’impression de partager ne serait-ce qu’un peu la situation réelle d’un monde de cinglés.
La littérature est pour moi une manière d’attaquer frontalement quelques sujets de société qui dérangent.
Une même nuit nous attend tous…, après laquelle viendra peut-être le moment de respirer.
Puisque la même nuit attend aussi les dictateurs de nos dictatucraties, qui ne pourront échapper sans cesse à ma pelle de fossoyeur d’imbéciles.
Jugé diaboliquement immoral par divers censeurs et épouvantails qui ne tiennent droits qu’en cause du balais qu’ils se sont chacun (et entre eux)…, enfoncés dans le cul…, j’aime créer la polémique.
Le monde est rongé par l’ennui, l’alcool et la pluie, il ne se passe pas grand-chose que les gens peuvent maîtriser…, abreuvés de faits divers en chiens écrasés, afin de leur faire oublier les réalités et enjeux…
J’en ai relevé un assez croquignolet : “En fuite après avoir tué à coup de bêche son ivrogne de père, le berger devient le héros du village. Cet Œdipe des campagnes logeait dans un troquet au milieu de bouteilles de whisky, ou il collectionait des maillots de cyclisme et des crucifix”…
Sans doute que les femmes qui lisent de telles nouvelles dans la presse régionale, sont séduites par les héros au bâton de berger !
Pas étonnant que les vrais héros devienent objets de tous les mépris, accusés de lâches et de menteurs.
Il n’est que de lire divers forum populaires, ou de se retrouver dans divers bistrots…, les jurons fusent au milieu des rires gras et des beuglements…, quoique ce parler rude et pesant prend parfois des envolées lyriques par l’invention de métaphores loufoques et d’images fantasques.
La vie est un spectacle mené à un train d’enfer dans un décor rustique fait de bric et de broc où les gens s’amusent de leurs turpitudes…
Après eux…, les mouches…