Le subversif absolu est devenu la soupe populaire…
Il y a, on peut dater cela d’une vingtaine d’années, un phénomène massif en Europe : celui de la création de musées…
En effet, depuis les années 1990, s’est créé un musée par jour en Europe !
Toutes sortes de musées, évidemment : musée des Arts et Traditions locales, musée de la crêpe, musée de la torture, musée de la charrue…, que sais-je encore…
On a là quelque chose qui est à la jonction entre une exigence touristico-commerciale d’un côté et, de l’autre, nous avons un mouvement de fond lié à l’histoire de l’individualisme moderne, c’est-à-dire cette volonté, face à un monde du déracinement, de retrouver constamment un sens à l’histoire.
Même si l’histoire n’a pas plus de sens que la bétise humaine… On pourrait se dire que cela est formidable, même si on n’est pas passionné par le musée des pommes ou le musée des senteurs locales, et qu’on préfèrerait visiter un musée plus intellectuel à la gloire de tel ou tel artiste : Warhol par exemple.
Quoique, question intelligence, ce n’est pas là, le meilleur exemple !
On pourrait avoir le sentiment légitime que le fait que des gens se précipitent dans des musées (“pendant ce temps, au moins, ils ne sont pas au café”, comme disait ma grand-mère !)…, est une bonne nouvelle, mais, en fait, il faut se méfier.
La vérité, c’est qu’on a remplacé la dimension du sens, qui s’est complètement évanouie, au profit d’une espèce de gigantesque supermarché culturel qui fascine les gens.
D’où le danger.
Quand vous suivez une classe ou un car de touristes dans les allées du musée du quai Branly, vous entendez des remarques, devant un masque dogon ou autre, du type : “Je n’aimerais pas avoir ça dans mon salon”… et on prend pour des oeuvres d’art ce qui est symbole religieux dont nous avons perdu la signification.
Donc ce n’est pas si réjouissant que ça.
Qu’est-ce qui fascine dans l’avant-garde ?
Ce n’est pas du tout sa beauté ni son intérêt intrinsèque.
Une grande partie de l’art contemporain est d’une insignifiance et d’une vulgarité sans nom, mais ce qui fascine c’est qu’il appartient déjà à l’histoire… et, évidemment que Warhol appartient à l’histoire !
Il y a le même phénomène pour les montres ou pour les voitures : vous avez des Bugatti qui coûtent des millions d’euros et des Renault 4L qui ne valent rien…
Dès qu’une chose est consacrée par l’histoire, la jonction entre celle-ci et la mondialisation, fait que ça n’a plus de prix.
Là aussi, ce n’est pas particulièrement réjouissant !
De même que l’intérêt purement consumériste a remplacé la question du sens, l’intérêt pour une oeuvre d’art n’est plus lié au fait qu’elle traduise une grande expérience humaine ou qu’elle apporte quelque chose d’éclairant à l’humanité, mais au fait qu’elle appartient à une histoire.
La mondialisation sacralise tout ce qui est moment de l’histoire universelle.
Du coup, une blague de Marcel Duchamp comme “l’urinoir-fontaine” vaut un Vermeer et un monochrome de Klein un Van Gogh !
Et, disons-le, Malevitch n’a jamais eu une émotion en faisant son carré noir sur fond blanc.
Il a simplement voulu tourner en dérision le modèle de la perspective.
Point.
Donc, le phénomène de massification du musée est une forme d’abrutissement suprême de la société de consommation, qui ne sait même plus qu’elle est dans un paradoxe insondable : le subversif absolu est devenu la soupe populaire…Et, à la question posée : “Quelle est la solution ? , je réponds sans faillir : nous allons au musée comme des moutons en transhumance, par désoeuvrement un jour de pluie !L’objectif absolu serait de redonner la dimension sémantique sans laquelle la visite d’un musée est contre-productive, car elle met dans la tête de fausses valeurs.
Il faut donner les clés aux visiteurs pour comprendre, pour ne pas les rendre bêtes, car l’imposture prend des dimensions colossales, elle rend idiot et peut même coûter très cher aux contribuables !Cela fait des décennies qu’on nous rejoue “Les habits neufs du Grand-Duc” et que tout le monde applaudit à n’importe quelle ineptie de peur de passer pour ignorant, voire franchement imbécile !Mais voici, par l’exemple, à quel point nous en sommes arrivés :
Le phénomène Andy Warhol d’abord, lui dont on n’hésite pas à dire qu’il est l’un des artistes les plus influents du XXème siècle, Andrew Warhola de son vrai nom.
Présenté dans ses biographies comme “artiste et homme d’affaires” le second l’emportant sûrement largement sur le premier.Car pourquoi une telle notoriété et… une telle cote ? “Si on n’a pas de Rolex à cinquante ans, on a raté sa vie” disait récemment le publiciste Jacques Seguela avant… de vendre la sienne aux enchères.
On pourrait facilement extrapoler… et, chez les snobs conserver la citation en remplaçant Rolex par Warhol ! Et pourtant !Illustrateur publicitaire, Warhol, après pas mal d’échecs, adhéra au Pop-Art, mouvement lancé à Londres en 1950 et tenta de rendre la culture populaire et commerciale plus élitiste, ce qui n’est certainement pas la démarche idéale pour faire progresser la connaissance des Arts.En 1963 il va adopter la technique qu’il utilise pour ses oeuvres les plus célèbres et surtout les plus vendues : la photographie sérigraphiée et reportée sur toile.
Les photos étant en noir et blanc, le fond de la toile est coloré et le sujet imprimé avec seulement quelques détails pour le rendre plus neutre, le tout étant ensuite rendu par la technique de la sérigraphie, le motif étant parfois reproduit plusieurs fois sur la toile :
Les figures favorites de Warhol étaient des noms de marque déposés, le signe du dollar ou des visages de célébrités.
Et, tant qu’à faire, des personnes très connues : Marilyn Monroe bien sûr, dont il fut amoureux dans les années 1950-1955, mais aussi Che Guevarra, Liz Taylor, Jackie Kennedy, Mao, la reine Elizabeth et … lui-même.
La culture la plus populaire élevée au statut de Grand Art !
Mieux : pour se distinguer d’autres stars du Pop-Art comme Lichtenstein, ou Jasper Johns, il va se trouver un thème bien à lui : la chose qu’il adorait le plus par dessus tout.
Ainsi, pour sa première exposition majeure, va-t-il peindre les fameuses conserves Campbell’s Soup, une oeuvre qui est, encore aujourd’hui, considérée comme sa marque de fabrique !
Alors, est-ce vraiment un des artistes les plus influents du XXème siècle, Warhol ?
Libre à chacun d’aimer ou non, mais quand même…, Warhol était un opportuniste qui n’avait aucun don pour la peinture, qui n’a fait que des copoages et des sérigraphies modifiées, exactement ce que quantité de gens font actuellement sur leurs ordinateurs avec des programmes de retouche photo…
D’où le supermarché culturel dénoncé !
D’ailleurs, des Warhol, en reproductions, vous en trouverez partout : chez Ikéa ou sur E-bay.
Mais, la connerie humaine étant ce qu’elle est : sans issue…, j’ai par-ailleur tenté une expérience édifiante…
Un expert en Oeuvres d’art est un jour venu chez moi pour expertiser deux canapés Tramonto-New York de l’artiste Gaetano Pesce commercialisés à 10 exemplaires par Cassina début des années quatre-vingt.
Ces canapés étaient, lorsque je les ai achetés, neufs, en 1981, à prendre comme un paradigme de ses pensées sur l’auto détermination du goût conduisant à une répression sournoise du consommateur !
Gaetano Pesce était convaincu qu’être vivant signifiait être différent et que les choses, aussi, devaient être en mesure de jouir de cette prérogative.
Ses canapés Tramonto-New York (1980) confirmaient le rôle de la métaphore… et il affirmait qu’ils étaient des moyens d’expression plutôt que des objets.
New York était alors dans une phase de décadence, à l’approche de son coucher de soleil, que Pesce avait imaginé et qui s’avèrera prophétique avec le 11 septembre 2001.
Les canapés Tramonto-New York sont constitué d’un assemblage de divers éléments qui agissent comme des sièges, les bras ( les blocs de gratte-ciel de New York) et à l’arrière ( le soleil rouge ) ; ces éléments sont maintenus ensemble par des “U” en métal.
La structure portante de l’assise est faite de panneaux multi-couches et d’un cadre en hêtre avec sangles et un cadre en acier à ressorts ( la partie semi-circulaire du dos ).
L’expert m’a affirmé qu’ils valaient maintenant, ensemble, la valeur d’une Mercedes SLS full option.
“Le canapé Tramonto-New-York de Pesce”, m’a-t-il dit, “fait référence à Duchamp. Gaetano Pesce disait que le public n’avait toujours pas compris le message que Duchamps avait voulu transmettre en exposant un urinoir au musée. Cet artiste extrémiste Italien affirmait que les artistes continuaient de créer pour une élite, des oeuvres éloignées des préoccupations quotidiennes… et, qu’empêtrés dans les problèmes techniques ou esthétiques, les designers, eux, ne réalisaient pas d’objets à forte valeur culturelle ajoutée. A mi-chemin des deux conceptions, Pesce, qui comparait son travail à l’art du minestrone, a inventé la double fonctionnalité, combinant symboles et pragmatisme… Intitulée “Le Temps des questions”, la rétrospective organisée Gaetano Pesce qui fut organisée en 2006 au centre Georges-Pompidou était à l’image de ce créateur, nourri de la contre-culture des années ’60. C’est lui qui l’avait conçue et scénographiée sous la forme d’un parcours en point d’interrogation, reflet d’une époque instable engluée dans les incertitudes. Il suffisait de déambuler dans ce bric-à-brac savamment ordonné et ou un canapé Tramonto-New York tronait en plein centre, en vedette, pour constater que le maître, considéré par ses détracteurs comme le pape de l’antidesign, cultivait délire et anticonformisme”…
Papotant de ces choses et d’autres…, alors que j’étais assez impressionné qu’un seul de mes canapés puisse avoir été une Star du centre Pompidou, même en 2006, et valoir une demi-Mercedes SLS (comme j’en ai deux, pas de soucis, je la voudrais gris métal avec intérieur rouge)…, nous sommes arrivés dans mon bureau ou il est tombé en pamoison, admiration et dévotion devant mon bureau Pop-Art…
A écrire vrai il en était “gaga”… et il s’est écrié : “Vous avez un bureau d’Andy Warhol ! Ca vaut une fortune !”…
J’ai répondu que j’étais l’heureux propriétaire de ce bureau unique au monde, dans la pleine ligne du Pop-Art que j’avais eu grand plaisir à faire réaliser dans les années ’70 et qui ne m’a jamais quitté depuis.
Convaincu par sa propre bétise que j’avais commandé ce bureau directement à Warhol, il a alors téléphoné de son GSM à une demi douzaine de personnes, puis, en finale, m’a dit que sa valeur était d’au moins 50,000.000 millions de dollars !
Je lui ai demandé ce que vaudrait la copie d’un bureau de Warhol, et combien s’il s’agissait du bureau créé par un artiste en devenir mais encore arrivé nulle part…
Sa réponse me fit descendre de 50,000.000 de dollars à 50.000 euros…, ce qui n’était pourtant pas négligeable…
Après m’avoir supplié de lui promettre que ce bureau lui serait réservé pour une vente grandiose à Paris…, il s’en est allé…
Piqué par la curiosité, j’ai bricolé une photo “Warholienne” (ce qui n’est pas compliqué) et je l’ai envoyée sous le sceau du secret le plus absolu à quelques experts de “haut-niveau” et quelques galeristes d’art qui ne chient pas ailleurs que dans des wc en or massif…
Le prix de 50,000.000 de dollars fut confirmé…, comme quoi une photo peut tout…, d’autant que je laissais sous entendre que j’avais également le tableau ad-hoc qui, lui était évalué à au moins 10,000.000 million de dollars !
Dans 4 cas sur 6, on m’a directement proposé de vendre à une société off-shore qui aurait alors vendu les “oeuvres” via une maison internationale de ventes aux enchères, avec un système de retour de commissions et autres assistances à la vente…
J’ai eu ainsi la confirmation que ce n’est pas l’œuvre qui importe, mais le renom de l’artiste et la capacité d’atteindre par ce biais, des sommes rocambolesques que des milliardaires peuvent ainsi détourner de l’ogre fiscal…
Que des experts internationaux étaient prèts à avaliser “l’oeuvre bureautique d’Andy Warhol”, était également sidérant !
J’ai toujours le bureau…, si un collectionneur décide de me payer 50,000.000 millions de dollars, je puis assurer que j’y réfléchirai avec force !
Mais le pire reste à venir car il va me falloir maintenant vous parler de ce que je qualifie “d’insignifiant et d’une vulgarité sans nom” avec quelques exemples stupéfiants tant ils démontrent que la stupidité humaine n’a décidément aucune limite.
Le “carré noir sur fond blanc” de Malevitch, oeuvre élevée au rang d’immortel chef-d’oeuvre décrété par d’éminents critiques qui tiennent absolument à nous faire passer pour les rois des cons…, le voici :
Non, vous ne rêvez pas : le carré noir sur fond blanc est considéré comme un chef-d’oeuvre de la peinture contemporaine !
Ai-je tort de parler d’imposture ?
Et, dans le même style, Yves Klein a peint des monochromes qui ne sont que des panneaux peints d’une couleur uniforme.
A noter que l’un d’entre eux se trouve exposé au Centre Pompidou (les contribuables français l’ont payé fort cher !) avec ces étonnantes précisions :
Yves Klein et Martial Raysse
Niveau 4 – section 3
Elément 2 sur 7
Art contemporain
Peinture (monochrome)
Avec quelques détails autant savoureux que complémentaires :
Artiste : Yves Klein
Date 1960
Dimensions : 1,53 m x 1,99 m
Matériaux : Résine synthétique sur toile marouflée sur bois. Pigment pur
Acquisition : Achat (1974)
Nouveau Réalisme.
Enfin, grâce aux précisions fournies par le musée, nous ne mourrons pas complètement idiots !
Encore que, entre Yves Klein et Martial Raysse, tous deux cités comme étant les auteurs de ce chef-d’oeuvre, on aimerait savoir qui a fait exactement quoi !
Pas de problème de couleur puisqu’on nous précise qu’il s’agit d’un “pigment pur”, la seule difficulté technique semblant être dans le marouflage de la toile, travail purement artisanal !
On croit vraiment rêver !
Quant à l’ineffable Malevitch, il aurait pu se contenter de son carré noir sur fond blanc pour exprimer ses nouvelles théories à partir de 1915 à savoir qu’il ne cherchera plus dans ses tableaux une réalité tangible et concrète, mais dépassera en quelque sorte les cubistes en imposant : “la décomposition du visible (sic) !Il va alors réaliser de la non-figuration qui sera un système en soi : “La forme simple du carré en est la partie primitive, le cercle et la croix, des éléments de base. Le motif n’est pas résolu et ne s’évapore pas en lignes de couleurs ; nous nous retrouvons dans un monde d’éléments en apesanteur, structuré, un art hors de la représentation”…
Mais où vont-ils chercher tout ça ?…
Son art (puisqu’il faut bien, semble-t-il, appeler quand même ça de l’art), va atteindre son apogée en 1918 avec le fumeux : “Carré blanc sur fond blanc” !
Je ne pense pas qu’il soit utile de vous en donner ici une reproduction.
Mais il serait malséant de condamner les seuls “artistes”, une telle imposture n’étant évidemment possible qu’avec de nombreuses complicités : critiques d’art, organisateurs d’exposition, directeurs de musées, voire ministres en charge de la Culture !