Les beaufs, les vaches et la fin du monde…
J’ai toujours bien aimé les vaches.
Des grosses bêtes avec des regards doux et tristes.
J’ai toujours aimé, au détour d’une balade, croiser leurs grands yeux mouillés.
Je crois que, parfois, je me reconnais un peu en elles, coincées derrière un barbelé, les papattes dans la boue et l’herbe humide, à regarder passer la vie sans rien y comprendre.
A attendre une fin qui chaque jour est un peu plus proche.
Une vache, c’est incroyable comme ça se laisse faire : on lui dit de sortir et elle sort, on lui dit de rentrer et elle rentre, on lui dit de ne plus bouger et elle ne bouge plus… et elle donne son lait, comme ça, sans faire d’histoires, sans rien connaître à l’économie, sans rien connaître à la politique agricole commune, sans rien connaître à l’Europe et sans savoir que le désespoir de celui qui la trait, le poussera à le répandre par hectolitres sur le bitume d’une autoroute.
Pourtant, il m’arrive souvent de penser qu’une vache, c’est vachement plus fort qu’un homme.
Une vache, ça doit bien peser dans les 600-700 kilos, sans compter le lait et parfois, il m’arrive de me dire que si toutes les vaches du monde avaient soudain envie de manger de la viande, que si toutes les vaches du monde décidaient de ne plus partager, qu’elles se disaient que leur lait, c’est pour leur petit veau… Même dans les bureaux cossus et inaccessibles des commissaires européens, on aurait du souci à se faire.
Parfois, quand je vois les profs, je me dis que c’est un peu comme ces vaches que j’aime bien.
Comme les vaches, ça vit dans l’inconfort de ces établissements scolaires qui se décomposent lentement, faute de moyens et surtout faute d’attention (j’ai connu des profs qui prenaient sur leur week-end pour repeindre leur classe à leurs frais).
Comme les vaches, les profs c’est plutôt docile : ça rentre quand on leur dit de rentrer, ça sort quand on leur dit de sortir, ça se tient tranquille…
Et puis ça donne…
Pas du lait évidemment, mais du savoir…
Chaque jour de chaque semaine de chaque année…
Et comme le lait, ce savoir, tout doucement ça fabrique des petits adultes qui seront pompier, astronaute, acteur, musicien, vendeur de chaussettes ou bien encore ministre bien assis dans un bureau inaccessible, cossu et fraîchement repeint aux frais de la communauté.
Il m’arrive souvent de me dire que le jour où les profs en auront marre, on aura tous du souci à se faire.
Et si c’est le même jour que les vaches, nos enfants que nous aimons tant, finiront maigres, déminéralisés, démoralisés et finalement assez crétins.
En un mot la fin du monde.
Et peut-être qu’alors, il faudra que dans les bureaux de ministres et les bureaux de commissaires, on commence à vraiment travailler.
Mais il sera peut-être trop tard…