Les “Colonnes” de Buren…
Quel déshonneur que de voir l’actuel ministre de la Culture “inaugurer” en janvier 2010, cet ensemble contesté et contestable, commandé en 1985 par Jack Lang, ancien ministre de la Culture !
Cet ensemble monstrueux occupe désormais les 3.000 m² de la cour du Palais Royal, petit chef-d’oeuvre d’architecture et haut lieu historique situé dans le premier arrondissement de Paris au nord du palais du Louvre. Il a été construit à la demande du cardinal de Richelieu par l’architecte Jacques Lemercier à partir de 1622.
A sa mort, le cardinal légua le palais à Louis XIII.
Il fut ensuite la propriété de la régente, Anne d’Autriche et Le jeune Louis XIV ainsi que le cardinal Mazarin quittèrent le Louvre pour habiter ce palais qui prit alors le nom de Palais Royal. En 1692, le régent, Philippe II d’Orléans en hérita à son tour.
A la veille de la Révolution française, le palais appartenait à Philippe IV d’Orléans, futur Philippe-Egalité qui le fit reconstruire suite à un incendie survenu en 1773.
Il en fit alors un haut lieu parisien et y installa des boutiques, des théâtres et des cafés ainsi qu’un jardin.
Le palais abrite aujourd’hui le Conseil d’Etat et sa cour est encadrée par le ministère de la Culture et la Comédie Française.
Mais quelle idée saugrenue que de remplir les 3.000 m² de la cour par un maillage de 260 colonnes de marbre (enfin, il paraît que ce serait du marbre, mais, pour ma part, je n’y crois guère tellement ce marbre-là… ressemble à du béton) blanc zébré de noir, de tailles différentes !
Quelque soit l’angle sous lequel on regarde cette cour, on se demande ce que viennent bien faire là ces rondelles ou ces tubes blancs rayés noirs qui dénaturent complètement l’harmonie de la façade intérieure du palais…, mais qui semblent faire la joie des jeunes…, ce qui ne devait certainement pas être le but recherché s’agissant d’un ensemble dont on voudrait nous faire croire qu’il est “sculptural” !.
Car celui à qui cela fut commandé, Daniel Buren, s’est auto-proclamé “artiste peintre et sculpteur”.
D’où vient ce Buren ?
Ses biographes demeurent assez flous quant à ses débuts se contentant de dire de lui : “Sorti de l’Ecole des Métiers d’Art, il aborde de nombreuses techniques telles que le film, la vidéo et le son”, ajoutant car il faut bien ensuite justifier le résultat : “Il oriente, dès les années 1960, son travail vers une économie des moyens artistiques” (sic).
Si l’école des Métiers d’Art est aujourd’hui “École Nationale Supérieure” ce n’était pas le cas dans les années cinquante quand la vénérable institution de la rue Olivier de Serres formait des jeunes gens à des métiers en rapport avec l’art mais plutôt dans un domaine artisanal.
Moins réputés que Boulle ou Estienne, les Métiers d’Art formaient des relieurs, des céramistes, des mosaïstes, des peintres verriers, mais pas des artistes peintres ou des sculpteurs qui sortaient, eux, de l’Ecole Nationale Supérieure de Beaux-Arts, les architectes-décorateurs étant formés aux Arts-Déco de la rue d’Ulm.
D’ailleurs, Buren reconnaît lui-même s’être essentiellement intéressé au film, à la vidéo et au son… ce qui n’a rien à voir avec les arts plastiques.
Et puisque, à propos de cet ensemble, on évoque de la sculpture, le créateur se disant lui-même sculpteur,… peut-être serait-il utile de rappeler ce qu’est la sculpture.
La sculpture est une activité artistique qui consiste à concevoir et à réaliser des formes en relief, soit en ronde-bosse, soit en haut-relief, soit en bas-relief, par taille de la pierre, modelage, soudure ou assemblage.
L’un des exemples les plus connus étant, par exemple : le David de Michel-Ange,
ou le Penseur de RODIN, d’authentiques chef-d’œuvres, conçus et réalisés par de véritables sculpteurs.
Buren, lui, après avoir, semble-t-il, étudié aux Métiers d’Art le cinéma et le son (gag !), va, en 1965 (on ignore totalement ce qu’il a bien pu faire entre 1960 et 1965), mettre au point ce qu’il appelle son “vocabulaire artistique” : des bandes verticales alternées blanches et colorées de 8,7 cm de largeur, répétant ces rayures à l’infini et sur tous les supports, “le choix d’un motif fabriqué industriellement répondant à son désir d’objectivité et lui permettant d’accentuer le caractère impersonnel de son travail”…
Mais où vont-ils chercher tout ça ?
C’est quoi ce “désir d’objectivité” ?
Sinon une formule parfaitement creuse.
Pour ce qui concerne le “caractère impersonnel” du travail de Buren, là, il n’y a pas photo.
Un travail tellement impersonnel que, en fait, Buren ne fait rien lui-même, les éléments étant fabriqués “industriellement”.
A voir ses colonnes on pourrait imaginer qu’il faut y voir un hommage au talent des architectes grecs de l’Antiquité, ce principe de l’alternance de bandes verticales claires et foncées se retrouvant dans le fût des colonnes doriques !
Mais par un subtil jeu d’ombre et de lumière sur un matériau de qualité ce qui n’est certes pas le cas avec les sinistres colonnes de BUREN que rien n’anime !
Eh bien même pas !
L’inspiration de Buren fut provoquée (c’est lui-même qui l’affirme) par… une toile de store rayée !
Il est vrai que Buren a l’art traditionnel en horreur !
Quel échec pour l’école de la rue Olivier de Serres dont l’enseignement, dans les années cinquante, était entièrement basé sur les arts traditionnels !
Mais attention, ce serait un peu court que de reprocher à Buren de ne faire finalement que des bandes rayées.
Et lui-même met définitivement fin à toute contestation en affirmant : “Je n’expose pas des bandes rayées, mais des bandes rayées dans un certain contexte”.
Voilà en effet qui change tout !
Pour comprendre, laissons la place aux spécialistes, ces soi-disant critiques d’art qui peuvent écrire n’importe quoi à propos de n’importe qui et qui arriveront à vous justifier les démarches les plus folles.
“Ce travail en commun (à une époque où il était associé à Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni dans le groupe BMPT) est pour Buren l’occasion d’examiner non plus seulement les limites physiques de la peinture, mais également les frontières politiques et sociales du monde de l’art”.
Ne riez pas…, cela figure effectivement dans la biographie de Buren par Arte, telle qu’on peut la trouver sur le net.
Il faudra tout de même qu’on m’explique le rôle politique et social des colonnes du Palais Royal sinon que, sur ce qui est censé représenter une oeuvre d’art, n’importe qui peut s’asseoir et faire le pitre !
Certes, mais s’il ne s’agissait finalement que de doter ce vaste espace d’un mobilier urbain, n’eût-il pas été préférable de s’adresser à Decaux plutôt qu’à Buren ?
L’État aurait alors fait l’économie de quelques millions d’euros pour un résultat sans doute moins choquant.
Mais que dit-on encore de Buren ?
“Il décline une infinité de possibilités à partir de ces bandes puisque chaque travail s’exprime in situ suivant le lieu où il est programmé et réalisé. La précision, la rigueur et la radicalité sont, chez l’artiste, poussées à l’extrême. Il commence à utiliser les bandes alternées comme outil visuel, explorant toutes les potentialités de ce motif en tant que signe. Le choix de différents supports … et le passage de la surface plane à la troisième dimension. Buren s’affranchit du cadre imposé au tableau et aux cimaises. Ce glissement de la peinture au papier peint et à l’affiche lui permet d’intervenir n’importe où”…
Je vois mal, pour ma part, qu’on puisse trouver “une infinité de possibilités” à partir de bandes alternées qui plus est sont de la même largeur à savoir : 8,7 cm !
Sur le site du Palais Royal, à l’évidence, les colonnes sont toutes façonnées de la même façon, seule la hauteur pouvant changer.
En fait de création artistique, on nous propose ainsi une sorte de boudin débité au mètre : “Et pour une telle surface, vous en voulez combien ?”
Ce qui est tragique c’est que, sans doute de peur de passer pour des incultes, tous ceux qui pouvaient intervenir dans la décision ont finalement laissé faire.
Jack Lang en premier qui a été chercher Buren (en vertu de quels critères ?) et lui a passé commande.
Le ministre de la Culture avait-il compétence en matière d’arts plastiques ?
Plus que douteux quand on connaît sa carrière partagée entre le droit et… le théâtre.
François Léotard, devenu à son tour ministre de la Culture ensuite qui, malgré l’arrêté de Jacques Chirac, maire de Paris ordonnant l’arrêt des travaux et les nombreuses réactions négatives dont celle du Conseil d’Etat, va capituler et ordonner l’achèvement des travaux.
Christine ALBANEL enfin qui, alors qu’elle était ministre de la Culture et en bonne position pour faire détruire cette horreur, a, elle aussi, capitulé et ordonné des travaux de rénovation qui auront coûté à son administration la modique somme de 5,3 millions d’euros.
En effet, en décembre 2007, Buren va avoir le culot de manifester son indignation face au délabrement de son œuvre, envisageant de demander sa destruction (hypocrite !) si des restaurations n’étaient pas effectuées rapidement…
L’œuvre en question, terminée en 1986, n’avait alors que 21 ans.
Peut-on imaginer les ayants droit de Michel-Ange, s’il en existe encore, s’indignant du mauvais état de ses œuvres, par exemple, le David cité plus haut, lequel porte allègrement ses cinq siècles sans la moindre trace de délabrement ?
Le ministre était, lui, en droit de s’étonner du mauvais état d’une œuvre qui avait coûté si cher, des colonnes n’ayant aucune raison d’être érodées ou fendues après une vingtaine d’années si elles ont effectivement été taillées dans le marbre.
Sinon il y a longtemps qu’il ne resterait absolument rien des temples grecs d’il y a 3.000 ans d’ici, comme, notamment, le Parthénon.
Buren se disait prêt à demander la destruction de ses colonnes ?
La réponse à lui donner était évidente : “CHICHE !”
Au lieu de quoi on a entreprit la rénovation complète de l’ensemble : nettoyage des colonnes, certaines étant, fendues, ayant dû être recollée (je n’ai jamais entendu dire qu’on eût “recollé” une colonne en marbre), revêtement de surface entièrement refait, réseau de circulation d’eau et dispositif de fontainerie repris, l’ensemble de l’installation électrique (mise hors d’usage par un court-circuit) rénové, un nouveau dispositif d’éclairage (totalement encastré), ayant été mis en place en surface.
Le tout pour 5,3 millions d’euros à la charge du ministère de la Culture plus 500.000 euros fournis par un généreux mécène.
Si le sieur Buren veut vraiment faire dans le social, qu’il se demande combien de logements sociaux on aurait pu réaliser avec un budget de presque six millions d’euros !
D’autant que, vraisemblablement, il faudra renouveler l’opération tous les vingt ans !
Maintenant, que faut-il penser de Buren qui se dit “artiste peintre et sculpteur”?
Même si je suis architecte (avant de devenir éditeur) et également lauréat de l’Académie des Beaux-Arts, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’être diplômé d’une école prestigieuse pour se prétendre artiste.
Sinon, ne le seraient ni Van Gogh ni Cezanne !
La seule condition est de concevoir une œuvre d’art et la réaliser.
Ne peut être artiste celui qui ne crée pas.
Mais ne peut l’être non plus celui qui, ayant imaginé une oeuvre, n’est pas capable de la réaliser lui-même.
Or Buren ne taille pas lui-même ses colonnes qui sont fabriquées par des procédés industriels.
Mais au moins, ces fameuses bandes verticales alternées, les a-t-il inventées ?
Même pas puisqu’il reconnaît lui-même en avoir eu l’idée en regardant un store.
De plus, même si ces rayures sont répétitives et systématiques chez Buren, il n’est pas le seul ni même le premier à les avoir utilisées.
Ainsi trouve-t-on des chemises rayées avec alternance de bandes claires et foncées :
Mais également des pyjamas qui ne sont pourtant pas de marque “Buren”.
Et Buren n’a certainement pas imaginé le célèbre maillot de la Juve : Et encore moins (et c’est heureux pour lui), une certaine tenue qui est encore aujourd’hui la honte du régime nazi :
Alors que reste-t-il finalement de ce petit bonhomme qui arrive pourtant à faire plier des ministres ?
Un imposteur c’est certain.
Une outre pleine de vent ?
Certainement pas, car l’imposture en art a toujours un corrélat : le fric !!!
Dans cette affaire, honte aux politiques qui se sont laisser berner aux frais du contribuable (à moins qu’ils préfèrent qu’on croit qu’ils se sont fait berner alors qu’ils auraient reçu la moitié de ce que Buren a touché pour ses blocs de béton industriels, peints)…, mais honte également à ces bonnes âmes soi-disant “écolos” qui rappliquent généralement tout de suite dès que, selon eux, on touche à l’environnement ou à la nature !
Car où sont-ils ceux qui auraient dû bondir à l’idée qu’on dénature un monument à la fois superbe exemple de l’architecture du XVIIème siècle et, de plus, chargé d’histoire et qui ont loupé là une belle occasion d’obtenir que, dans cette cour de 3.000 mètres carrés, on plante des arbres pour faire un parc d’agrément qui aurait, comme c’est le cas dans la plupart des châteaux de la Loire, ouvert une magnifique perspective sur la façade du palais le mettant ainsi en valeur au lieu de le dénaturer.
Et, sous les arbres, on aurait pu mettre des bancs.
Mais, hélas, nous vivons une triste époque où l’imagination n’est pas au pouvoir !
Sauf quand Greenpeace a eu l’idée géniale d’utiliser les colonnes de Buren pour dénoncer la déforestation du monde, en y appliquant des auto-collants…, c’était bien là, un moyen original d’arrirer l’attention !
Post Scriptum : Buren demeure parfaitement énigmatique sur un point : Pourquoi ses bandes font-elles toutes 8,7 cm de largeur ?
J’ai recherché une équivalence dans d’autres systèmes de mesure comme celui utilisé par les anglo-saxons sans trouver de réponse.
Mais la réponse est beaucoup plus simple qu’on ne le croit : Cette mesure ne correspond tout simplement… à rien !
Sauf à la largeur des bandes vues sur le store qui a inspiré Buren et qui aura, au fond, fait sa fortune.
D’où une certaine reconnaissance.