L’intelligence artificielle, une précarisation de l’emploi plus qu’une destruction…
Entre prévisions catastrophistes et optimisme souvent intéressé, l’impact de ces technologies sur les travailleurs est difficile à prédire. Au-delà du risque d’aggravation des inégalités, c’est surtout notre dépendance qui doit être interrogée. Quand on lui demande si l’intelligence artificielle (IA) va détruire nos emplois, le robot-logiciel GPT-3 reste prudent : “Cette question est très controversée et dépend largement des applications de l’intelligence artificielle”.... Pour une réponse plus détaillée, et surtout plus intéressante, on se tournera plutôt vers les humains qui planchent depuis longtemps sur ces enjeux, En 2013, une étude publiée par l’université d’Oxford semait un vent de panique. Après avoir analysé 702 métiers, ses auteurs ont conclu que 47 % des emplois aux Etats-Unis seraient automatisables d’ici à vingt ans, grâce à des robots, des logiciels ou des intelligences artificielles. Parmi les métiers les moins à risque, on retrouvait les assistants de service social, les orthoprothésistes ou les stomatologues. Parmi les plus à risques, les télémarketeurs, les réparateurs de montres ou les agents de bibliothèque.
Presque dix ans après ces prédictions fatalistes, et parfois critiquées, économistes et sociologues du travail tentent toujours d’estimer les conséquences de la généralisation des intelligences artificielles dans nos vies. Certains de ces travaux cassent nos clichés. En 2020, Michael Webb, économiste de l’université de Standford, supposait que contrairement aux robots et aux logiciels, qui peuvent concurrencer des métiers moins qualifiés, l’intelligence artificielle menace davantage les emplois à hautes compétences, car elle ne se contente pas d’effectuer des tâches répétitives. Les travailleurs les plus âgés, qui ont accumulé le plus d’expérience et qui s’adaptent moins vite, seraient particulièrement vulnérables à ces bouleversements. Par ailleurs, en 2019, l’OCDE donnait une estimation moins dramatique que les économistes de l’université d’Oxford : “Seulement 14 % des emplois existants présentent un risque de complète automatisation, et non pas près de 50 % comme le suggèrent d’autres recherches”. Par ailleurs, 32 % des emplois pourraient profondément changer, sans pour autant disparaître.
Il est donc difficile d’estimer l’impact réel de l’intelligence artificielle sur le futur marché de l’emploi, entre les pessimistes, qui craignent une explosion massive du chômage, et les optimistes, qui croient en la destruction créatrice (discours largement nourri par l’industrie du numérique) ou en l’avènement d’une société sans travail. Pourtant, certains spécialistes arguent qu’on se trompe de sujet. “Ce n’est pas l’intelligence artificielle qui menace l’emploi, c’est le capitalisme et la course effrénée aux hyperprofits”, tranche Antonio Casilli, professeur de sociologie à l’Institut polytechnique de Paris. “Les investisseurs cherchent à réduire le coût de la masse salariale par différentes méthodes. Par exemple, en licenciant en masse puis en réembauchant des personnes en free-lance pour ne pas payer de cotisations sociales. On assiste aussi à la fragmentation de métiers qui, avant, étaient professionnalisants et liés à des compétences fortes. Désormais, il s’agit de microtâches séparées. Ce qu’on voit aujourd’hui c’est moins du chômage de masse qu’une situation de précarisation généralisée”.
Dans son essai “En attendant les robots” (Seuil, 2019), le chercheur s’attaque justement à la “prophétie lancinante” de la fin du travail provoqué par les machines. Il y souligne que les intelligences artificielles sont des dispositifs qui demandent énormément de travail humain pour fonctionner, au-delà des développeurs informatiques qui les créent. C’est ce qu’on appelle le “digital labor”. Des activités (rémunérées ou non) conçues pour enrichir des plateformes numériques, les nourrir de données, et donc leur donner de la valeur : Livreur Deliveroo, travailleur du clic (qui fait des petites tâches répétitives comme de trier ou d’annoter une base de données) ou même internaute qui s’amuse à discuter avec GPT-3, entraînant ainsi l’IA pour améliorer gratuitement ses performances : “C’est un travail qui n’est pas considéré comme du travail, sans protection ni reconnaissance. Or, ce phénomène de digital labor s’accélère, particulièrement avec la crise sanitaire et encore plus dans les pays en développement. L’intelligence artificielle aggrave donc déjà les inégalités économiques et sociales, mais pas forcément comme on le croit. “Dans ce débat sur l’intelligence artificielle et l’emploi, il faut se poser cette question : quand on parle d’automatisation, de quoi parle-t-on vraiment ?’ s’interroge Antonio Casilli : “Souvent, cela veut dire remplacer des personnes visibles par d’autres invisibles, qu’on sépare du reste du monde par un écran”…
2 commentaires
Le métier de journaliste est-il susceptible d’être remplacé en partie par des robots rédacteurs/recopieurs de communiqués de presse ?
Dans la majorité des cas, ce ne peut qu’être bonheur tant leurs gribouillis sont indigestes. Pour les “autordinaires” destinées aux miséreux et misérables, ces gens n’ayant aucune capacité ni à lire ni comprendre ce qui dépasse les 3 lignes d’une légende-photo, que ce soit réalisé par des robots où des cloportes-imbéciles, ne changera en rien leur univers… Dans la non-majorité des cas restants, les gens ne lisent généralement pas ce qui est écrit mais ce qu’ils ont déjà préalablement assimilé, de sorte que si quelques termes dans une phrase de 6 mots correspondent à ce qu’ils ont déjà en tête, cela suffit à amplifier leur bonheur dans leur réassurance. C’est ainsi que les Porschistes s’écrient à la lecture “hachée’ de ces types de commentaires issus des communiqués de presse : “Tout le monde pense que la 928 est une merveille”… Il n’en faut guère plus pour que les valeurs s’envolent ! Chacun ayant été ainsi arnaqué, par la suite pense ne pas avoir eu de chance d’être tombé sur le seul mauvais modèle parmi des milliers… Ces gens croient toujours qu’acquérir et entretenir ce type d’automobile, leur procurera bonheur et sexe mais, si c’est brièvement le cas dans la période arnaque réciproque de l’amour… compte-tenu des couts de ces voitures et de leurs pannes elles sont aussi la cause des séparations douloureuses et ruineuses car l’homme reste alors seul avec son auto-amour qui ne fait qu’amplifier sa ruine…
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