Ma journée aux J.O. de Londres 2012 : 1273,10 €uros…
Tout bien considéré, la plupart des contrariétés que nous subissons dans l’existence sont la résultante de l’action de gens stupides ou mal intentionnés.
Ne négligeons cependant pas la portée de nos propres décisions malheureuses… Mais si l’on ne verse pas dans la mauvaise foi, nos emmerdes ne peuvent que marginalement être imputés à la malchance ou la fatalité, si facilement évoquées à chaud.
Il y a cinq lois fondamentales de la stupidité humaine.
Pour dissiper tout malentendu, je précise d’emblée que la stupidité n’est aucunement un marqueur de classe…, il s’agit au contraire de la chose la mieux partagée, uniformément répartie selon une proportion constante.
Au terme de nombreuses années d’observation et d’expérimentation, j’ai rencontré la même frange d’individus stupides en usine, dans les médias merdias, à l’université et même parmi les prix Nobel.
La règle d’or, c’est que l’humanité se divise en quatre grandes catégories : les gens intelligents, les crétins, les bandits et les êtres stupides.
L’action des gens intelligents leur procure un bénéfice tout en se révélant positive pour leurs semblables.
Celle des crétins leur est préjudiciable mais est bénéfique pour les autres.
Celle des bandits leur vaut un gain mais cause une perte à ceux qu’ils croisent.
Enfin, les gens stupides pâtissent de leurs actions et nous mettent dans le jus.
Armé d’une telle grille sociologique, il est loisible de situer la plupart de nos contemporains et à cette fin, j’ai poussé le vice jusqu’à me rendre aux fumeux jeux olympiques de Londres 2012…
À chacun d’en tirer son occlusion sa conclusion.
4h14 du matin… Quand on aime les JO, il faut se lever tôt !
Le réveil sonne depuis 14 minutes !
Excédé je me lève en maugréant : je n’aurais pas du faire la fête, comme tous les soirs, jusque 2h du matin…
A peine le temps de me faire beau (le rasage, c’est la barbe), de m’ébouillanter sous la douche…, puis de m’habiller en baroudeur olympique…, je mal petit-déjeune à l’anglaise de bean’s coulants agrémentés d’une tranche de lard très gras baignant dans le reste de la purée qui accompagnait mes Chipolatas de la veille…, avant de me précipiter en taxi vers la gare pour sauter dans l’Eurostar…
J’imagine mon arrivée à Londres, face au Tower-Bridge, au milieu d’un feu d’artifice tiré en mon honneur…
Je rêve !
Taxi : 18 €uros
6h18 du matin (je re-précise)… J’arrive à la gare (Bruxelles) !
On m’a quasi ordonné d’être sur place “au moins une demi-heure avant le départ du TGV Eurostar”…
Ayant eu la sagesse et la présence d’esprit de réserver une place, je n’ai qu’à attendre…
Journal du matin : 1,20 €uros
6h56 du matin (c’est inhumain)… L’Eurostar N°9109 s’ébroue…
A 7h34 le train est à Lille…
Et à 7h59 (heure anglaise, soit 8h59 heure continentale), je suis à Saint-Pancras, la gare internationale de Londres où arrive l’Eurostar.
Le prospectus indiquait : 1h51 de voyage
Eurostar Bruxelles/Londres, y compris navette “Javelin” : 159 €uros A/R
8h03… La journée commence mal : un nain volontaire me hurle dans les oreilles avec son mégaphone, le chemin à suivre pour le parc olympique…
Direction “Javelin”, le train rapide qui mène en six minutes, top chrono, à Stratford, l’entrée du parc.
Ce n’est pourtant pas difficile, il suffit de suivre la foule.
Elle est déjà dense à cette heure matinale et l’armée de volontaires emmène la foule tout au bout d’un quai interminable.
Le train démarre, à l’heure.
Six minutes, en effet, pour arriver, mais un bon quart d’heure pour sortir de la gare !
Un seul escalator pour tout le quai.
J’achète le programme officiel du jour : 6,30 €uros
8h41… Me voilà enfin dans le parc, direction le stade de hockey, à la Riverbank Arena.
Pas de chance, c’est de l’autre côté du parc.
Une bonne demi-heure à pied.
Ce n’est pas vraiment loin, mais je ne suis pas vraiment seul non plus : des milliers de gens m’entourent et m’étouffent : des vieux qui traînent, des jeunes déguisés, des Allemands en habits tyroliens…, bref, la planète en miniature.
La moitié des gens cherche son chemin et retarde l’autre moitié.
Je “me paie” un café (anglais) et une chose infâme pour grignoter : 15 €uros
9H08… OK pour le hockey… Hockey féminin, je précise
Un match pour les neuvièmes et dixièmes places, Afrique du sud-Japon…
Quelques Belges vocifèrent dans les tribunes, je m’inquiète auprès d’un de leur tribu qui me répond qu’ils espéraient voir les Red Panthers…
Ils ne joueront que quelques jours plus tard en douzième position…
Le stade est à moitié rempli (selon Jacques Rogge) et à moitié vide (selon ses détracteurs).
Il bruine, il fait froid, le terrain est gorgé d’eau…, tout le monde peste et rage…
Pourtant, l’entraîneur sud-africain a des lunettes de soleil.
Bizarre !
Le match aussi est bizarre.
L’Afrique du Sud domine toute la partie, mais le Japon égalise en fin du temps réglementaire puis gagne en toute fin des prolongations.
Le Japonais est tenace, c’est bien connu.
Hockey féminin (2 matchs de classement à voir en une heure) : 57 €uros
10h15… Direction l’athlétisme, pour la session du matin…
Pas de chance, c’est de l’autre côté du parc.
Une nouvelle demi-heure à pied dans une foule encore plus dense qu’au matin.
Décidément, c’est mal fichu…
Je rate le 100 m de Van Alphen, au décathlon.
Rien de grave, puisque, lui aussi, il l’a raté : 11.05, 17ième au classement.
Mais la longueur arrive et le Campinois bat son record personnel (7m64) et remonte au ranking.
Après le poids, il est même pointé à la quatrième place.
Même en matinée, le stade est rempli (80.000 personnes) malgré un programme sans véritable star.
Enfin si, il y a Sarah Attar.
Qui ?
La première Saoudienne qui foule une piste des JO.
Voilée !
Elle ne sera pas championne olympique, elle termine la cinquième série qualificative du 800m à… 43 secondes de la première, en 2 min 44.
J’ai l’impression que je pourrais courir aussi vite qu’elle.
Seulement l’impression, sans doute…
Mais à l’applaudimètre, elle cartonne.
J’ai le sentiment que, plus que son voile, c’est son côté amateur qui participe à sa popularité.
En tout cas, le moment est historique.
Athlétisme (session du matin) : 82,40 €uros
12h15… La tour Mittal !
La faim est ponctuelle, comme le programme des Jeux.
Je m’arrête dans ce qu’on appelle ici “le plus grand fast food du monde”…
Vrai ou pas, l’organisation est extraordinaire.
Je commande à une jeune fille, elle m’envoie vers une caisse, je paie et je reçois déjà mon paquet.
Une minute chrono en tout.
C’est Usain Bolt en cuisine ?
Le temps d’ingurgiter tout ça sur une terrasse et déjà, il me faut monter dans l’Orbit.
C’est la “tour Mittal”, à mi-chemin entre l’œuvre d’art et le centre d’observation, conçue par l’artiste Anish Kapoor, d’origine indienne et financée en grande partie par Lakshmi Mittal.
L’ascenseur m’amène à 100 mètres de haut en 30 secondes et la vue est exceptionnelle.
Mais le prix (19 euros) aussi.
En plus, je dois redescendre à pied.
Et la météo, dans tout ça ?
Froid le matin, chaud en journée, froid le soir…, avec un ciel menaçant la plupart du temps, sauf à l’athlétisme, en soirée.
Les cieux veulent sans doute voir Bolt sans nuage…
En fait, en Angleterre, on raconte souvent la même blague : Vous n’aimez pas le temps à Londres ? C’est pas grave, dans deux minutes, il aura changé.
C’est exactement ça !
Orbit (visite de la Tour Mittal) : 19 euros
Déjeuner sur le pouce (non compris, le pouce) avec boisson sucrée : 28 €uros
14h30… Le handball…
Je n’ai pas le temps de flâner car il me faut… retraverser tout le parc, une nouvelle demi-heure de marche !
Décidément, c’est vaiment très mal fichu…
Une demi-heure pour aller voir les Experts…, pas le feuilleton, mais les Français du handball.
Notez, le suspense est le même, car c’est à la dernière seconde que les Bleus éliminent l’Espagne, qui a mené au score tout le match.
C’est 22-22, tir de loin d’un Français, le gardien espagnol – héroïque jusque-là – repousse comme il peut… dans les mains d’un autre Français qui marque : 23-22.
Fin du match.
Les larmes sont ibériques, c’est pas souvent en sport.
Notez que le match s’est joué dans… l’Arena Basket et les basketteurs sont partis vers la Greenwich Arena où se déroulaient les épreuves de gymnastique.
Il ne me faut pas chercher pas à comprendre, en Angleterre c’est normal.
Devant l’énorme bulle (qui sera démontée après les Jeux), beaucoup de Français, jusqu’à quelques minutes avant le coup d’envoi, exhibent un carton : “Echange ticket France – Espagne contre Danemark – Suède”.
C’est pas gagné !
Handball (quart de finale Espagne – France) : 63,40 euros
16h00… Le Mégastore…
Prochaine épreuve, 18h40, quart de finale du water-polo.
Vous l’aurez deviné, c’est… en face du stade d’athlétisme, donc, de l’autre côté du parc par rapport au handball !
J’ai l’impression non pas d’assister, mais de participer aux Jeux olympiques.
En face de moi, j’ai l’impression que tout les Pays-Bas sont là.
Une vague orange.
Un camping pas loin ?
Non, c’est la demi-finale du hockey féminin.
Ils seront rentrés heureux, car l’équipe s’est qualifiée in extremis pour la finale.
Pour meubler le temps, une petite visite au Megastore des Jeux.
Un grand hall avec tous les gadgets imaginables, du drapeau au bus à impériale.
Pour rentrer dans le magasin, un quart d’heure de file, au bas mot !
En fait, la file, c’est une institution aux JO.
On fait la file pour arriver à la gare, pour monter dans le train, pour entrer dans le parc olympique, pour entrer dans une salle de compétition, pour prendre le bus, pour entrer au magasin, au resto… pour faire pipi et plus…
Avec, à chaque fois, une armée de volontaires dont la moitié (soyons gentils) ne sert à rien.
Bon, le magasin, c’est fait.
Direction, la Water Polo Arena.
Gadgets-souvenirs inutiles, plus pipi-caca, boissons et gâteries sucrées/salées : 176,75 €uros
18h40… Le water-polo…
D’un côté, une tribune pour la presse, de l’autre, une tribune très abrupte, pour les spectateurs.
C’est rempli aussi.
Au milieu, une piscine avec des Italiens et des Hongrois qui se battent pour un ballon.
Je ne vois pas grand-chose, il me faut l’avouer.
Les arbitres sifflent beaucoup.
Il faut être présent dans la salle pour comprendre à quel point c’est violent : les duels dans l’eau et sans ballon sont souvent musclés.
La salle est acquise à la Hongrie, championne en titre, mais c’est l’Italie qui gagne (11-9).
En une heure, les Transalpins viennent de qualifier deux équipes masculines pour les demi-finales : le volley et le water-polo.
Water-polo (quart de finale Hongrie – Italie) : 57 €uros
19h30… L’athlétisme…
Retour au stade.
Cette fois, c’est juste à côté, il faut seulement traverser une grande place, où les gens mangent et boivent.
Sur la piste, gesticulent les décathloniens et les femmes de la longueur et du 400m haies…, mais le public n’a qu’un seul athlète dans le viseur, le seul, l’unique : Usain Bolt.
Il court dans la deuxième série et se promène sous les vivats.
J’ai l’impression qu’il marche lors des derniers mètres !
Rendez-vous jeudi soir pour la finale.
En attendant, on s’amuse avec les finales du 200 m femmes et du 110 m haies.
Athlétisme (session du soir) : 190 euros
22h00… Le retour…
Direction Saint-Pancras.
Avec la file à la sortie du stade, dans la gare, dans le train, à nouveau dans la gare, etc.
Et avec, encore, un nain volontaire qui crie dans un mégaphone.
Pas le même qu’au matin, mais plus insupportable.
Bilan : épuisé par la foule, les files, les kilomètres avalés… et aigri par les €uros dépensés…, une journée complète dans l’Olympe du sport est ruineuse…
Les spécialistes disent que c’est la magie des jeux, moi j’écris que c’est du consumérisme puissance mille et plus…
Croyez-moi, sur place, on ne voit quasi rien des épreuves, qui plus est : on n’y comprends strictement rien…, on en voit bien plus en TV confortablement installé chez soi… et ce gratuitement…
Tout ce que j’ai compris en finale de cette journée, c’est que j’ai vécu une vaste fumisterie !
A 650 €uros/jour/personne pour survoler quelques épreuves, plus les nuitées, les repas et les transports, tout suivre durant 15 jours revient aux environ de 15.000 €uros…
En couple c’est 30.000 et en famille ça devient impayable (si ça ne l’était déjà pour les citoyens “normaux”)…
Je me tââââte et palpe mon porte-feuille…, ratiboisé comme un gland !
Mais, mon ticket de retour était inclu dans l’aller…
Arrivé à Bruxelles, je décide re reprendre la soirée précédente là ou je l’avais abandonnée (lâchement)… et je demande au taximen de me déposer “Chez Lulu”…
Aux J.O. on glande, chez Lulu on bande…
Taxi : 32 €uros
Bar “Chez Lulu” : 168 €uros
Lulu : 200 €uros
Le prix de ma journée au parc olympique…
– Taxi de mon chez-moi Bruxellois à la gare du midi (Bruxelles) : 18 €uros
– Journal du matin (censuré) : 1,20 €uros
– Eurostar Bruxelles/Londres (y compris navette “Javelin” : 159 €uros A/R
– Programme officiel du jour : 6,30 €uros
– Grignotage du matin : 15 €uros
– Hockey féminin (2 matchs de classement à voir en une heure) : 57 €uros
– Athlétisme (session du matin) : 82,40 €uros
– Orbit (visite de la Tour Mittal) : 19 euros
– Déjeuner avec boisson sucrée : 28 €uros
– Handball (quart de finale Espagne – France) : 63,40 euros
– Gadgets-souvenirs inutiles, plus pipi-caca, boissons et gâteries sucrées/salées : 176,80 €uros
– Water-polo (quart de finale Hongrie – Italie) : 57 €uros
– Athlétisme (session du soir) : 190 euros
– Taxi de la gare du midi (Bruxelles) à “Chez Lulu”, sans tours ni détours : 32 €uros
– Bar “Chez Lulu”, consommations diverses : 168 €uros
– Lulu : 200 €uros
Total : 1.273,10 €uros
Amen…
L’olympisme n’a rien à voir avec la glorification du sport !
L’entrée de l’olympisme dans l’ère du sport-business date des Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, à l’occasion desquels le comité d’organisation parvint à générer 157 millions de dollars de revenus de marketing, soit dix fois plus qu’à Montréal en 1976.
En 2008, à Pékin, les revenus du sponsoring dépassaient 1,2 milliard de dollars !
Le sport est devenu un prétexte pour créer de l’argent sur le dos des crédules et des imbéciles…
La création, en 1985, du programme de sponsoring “TOP” (lire “A Londres, les sponsors font plus que jamais la loi“), par lequel plusieurs grandes entreprises internationales sont autorisées à utiliser les symboles olympiques, a permis au CIO (Comité international olympique) d’accroître considérablement ses revenus.
“Mais avant d’être concrétisé par ces programmes, le marketing existait déjà. C’est Pierre de Coubertin qui a emprunté la voie, en créant la marque olympique et en définissant son identité”, précise Alain Ferrand, professeur à l’université de Poitiers et auteur de “Le Marketing Olympique” (Ed. de Boeck, 2012).
C’est d’ailleurs le baron qui a le premier protégé l’appellation, dès 1913 avec l’idée d’en tirer profit…, alors qu’il ne possédait aucun titre sur l’Olympisme…
Ce fut une manière habile et mécréante de spolier la Grèce d’un de ses patrimoines…, une sorte de colonialisme !
Dès la naissance des JO modernes, la “marque olympique” fut associée à trois valeurs suprêmes : l’excellence, le respect et l’amitié, tout comme les missionnaires promettaient le bien-être éternel aux populations indigènes obligées de croire et de travailler (pour des médailles et des colifichets) exclusivement au seul profit des colonisateurs…
En ce sens Pierre de Coubertin était un “bon chef blanc”…
C’est sur ces trois piliers que le CIO, qui s’est donné pour ambition de tirer un maximum de profits en régentant le sport dans sa généralité, prétend vouloir améliorer l’état du monde par le sport, et capitalise depuis plus d’un siècle !
“C’est un capital-marque (brand equity) très puissant, fondé sur des valeurs très attractives pour n’importe quelle entreprise. Malgré la situation difficile du marché du sponsoring, le CIO est en position favorable face aux sponsors”, assure Alain Ferrand…, “Les Jeux Olympiques jouissent en effet d’une légitimité historique incomparable. En 2010, le Comité national olympique américain a comparé les images renvoyées par les sportifs selon le grand événement auquel ils participent : le sondage montre que les athlètes olympiques sont, de façon écrasante, les plus considérés. Pour le grand public, ils illustrent plus que les autres l’excellence, l’éthique, l’effort, la générosité et le désintéressement”….
On ne peut être plus cynique !
L’affaire a marché au-delà de l’imaginable, grâce à un des fondements de l’humanité : sa bêtise et sa crédulité…
Maintenant, comme dans une religion dont Pierre de Coubertin est le Pape, si pas le Messie, voire Dieu…, l’olympisme et ses symboles bénéficient d’une notoriété incomparable à l’échelle de la planète.
On estime que 4,3 milliards d’individus dans le monde ont regardé au moins une minute des Jeux de Pékin en 2008 à la télévision.
Le CIO cherche bien évidement à entretenir et à accroître cette visibilité en pénétrant de nouvelles régions du globe quand c’est possible : à Rio de Janeiro en 2016, l’Amérique du Sud accueillera ainsi ses premiers JO.
Pour renforcer son emprise, le CIO table aussi sur une organisation multipliant le nombre d’acteurs intéressés au succès du mouvement olympique, dont il est la structure centrale.
“Une partie des revenus que perçoit le CIO sont distribués aux comités d’organisation, aux comités olympiques nationaux et aux fédérations internationales, histoire d’entretenir l’ensemble. Ces parties prenantes sont autant de relais de la marque olympique sur la planète”, relève Alain Ferrand…, “De cette façon, tout le monde contribue à sa renommée, y compris les grands sponsors du programme TOP. Des groupes comme Coca-Cola, McDonald’s ou Procter & Gamble (voir l’interview d’un des dirigeants de P&G), implantés partout dans le monde, accroissent la notoriété des symboles olympiques en les mettant en avant, dans un jeu gagnant-gagnant”.
Dans le jargon marketing, c’est une application de ce que l’on appelle la “cocréation de valeur”.
Si le parc olympique est drapé à l’effigie des sponsors du Comité international olympique, les enceintes où se déroulent les épreuves ne contiennent que des publicités commerciales camouflées (les chronomètres Omega par exemple).
L’expérience a été tentée pour la première fois à Paris en 1924.
Le marketing olympique repose donc sur l’idée d’un partenariat avec les groupes privés autour de ces “valeurs”.
En fait de “valeurs”…, Coca-Cola et McDonald’s sont partout, le message d’universalité et de progrès par le sport est sublimé par des marques qui sont l’exact contraire du sport….
Donc le CIO profite du sport pour vendre de faux symboles consuméristes et les présente comme des sponsors.
Le comité vend de l’espace publicitaire comme de l’image véhiculée par ses propres emblèmes, dont il a habilement réussi à multiplier le nombre.
A côté des fameux anneaux, le mouvement olympique commercialise également l’usage des logos du comité d’organisation, de la ville-hôte, des mascottes, ainsi que le relais de la flamme olympique, sponsorisé à Londres par Coca-Cola, Samsung et Lloyds.
Pierre de Coubertin avait compris dès le départ que les Jeux Olympiques allaient devenir une religion qui rapporterait très gros, mais tout cela devait être habillement concocté.
La règle 7 de la Charte olympique affirme que le CIO est propriétaire exclusif des emblèmes, symboles et expressions faisant référence aux Jeux Olympiques.
Le niveau de protection est très élevé, les pays accueillant les JO doivent adapter leur système législatif aux exigences du CIO !
Il est impossible d’utiliser le logo ou le mot “olympique” dans un périmètre défini par la loi.
A Londres, une “brand police” a même été mise en place pour veiller au respect de ces obligations.
En dehors des périodes de Jeux, le CIO s’appuie sur les comités olympiques nationaux pour défendre ses intérêts.
Dans cette volonté farouche de protéger la “marque olympique” peuvent également se comprendre les exclusions d’athlètes pour ne pas obéir aux prescrits du CIO… c’est à dire que les sportifs peuvent tenter de glaner des médailles, mais que le CIO est seul habilité à toucher tous les droits et profits….
Comme dans une religion, tout le monde veut montrer une capacité collective à agir contre ce qui nuit aux valeurs olympiques.
C’est une façon de protéger la marque tout comme on protège une religion…, la famille olympique se montre ainsi cohérente avec les idéaux revendiqués, pour montrer aux sociétés qu’il n’y a pas tromperie sur l’image vendue…
Passez muscade, laissez-nous gagner de l’argent et croyez en nous”…, c’est ce que dit le CIO…
Et comme ça rapporte des centaines de milliards, tout le monde qui y participe applaudit bien fort…
Amen…
A l’intérieur du Parc olympique, les 33cl de Heineken sont facturés 4,20 livres.
Ce qui met la pinte (le format préféré des gosiers britanniques) à plus de 7 livres.
Un prix qui ne passe pas du tout en Grande-Bretagne, où la bière est vendue en moyenne 3,17 livres, selon la “British Beer and Pub Association”.
Si le brasseur néerlandais peut se permettre ce tarif, c’est qu’il jouit de l’exclusivité commerciale sur les sites olympiques.
De même que Coca-Cola sur les boissons non alcoolisées et McDonald’s (qui a ouvert pour l’occasion son plus grand restaurant au monde) sur la nourriture.
Au passage, n’espérez pas régler ces achats en Mastercard ou en AmEx sur le site olympique : à défaut de cash, les commerçants n’acceptent que la Visa, également sponsor officiel de l’événement…
De l’autre côté de la Manche, la toute-puissance des sponsors pendant les JO fait chaque jour un peu plus polémique, à mesure que l’on découvre les privilèges accordés à quelques marques.
Le patron des Jeux, Sir Sebastian Coe, a ainsi provoqué la stupéfaction en déclarant, quelques jours avant la cérémonie d’ouverture, que les spectateurs arborant un T-shirt Pepsi ne pourraient pas rentrer sur le site.
“C’est important de protéger les sponsors, parce que c’est en grande partie eux qui payent les Jeux”, a justifié l’ancien athlète, qui passe son temps, en conférence de presse, à défendre les mécènes des JO.
Il faut dire que leur contribution à l’organisation des Jeux n’est pas du tout symbolique.
Les 53 sponsors officiels, habilement répartis en plusieurs catégories selon le niveau de leur engagement financier (“partenaires olympiques internationaux”, “partenaires olympiques de Londres 2012”, “supporters olympiques de Londres 2012”…) ont contribué à hauteur d’environ 2 milliards de dollars aux JO !
Les 11 grandes entreprises ayant le statut de partenaires privilégiés (Coca-Cola, Acer, Atos, Dow, GE, McDonald’s, Omega, Panasonic, P&G, Samsung et Visa) ont ainsi déboursé 957 millions de dollars (environ 790 millions d’euros) cumulés pour accéder à ce statut.
Des sommes qui leur assurent le droit d’utiliser la marque Jeux Olympiques le temps d’une olympiade, soit 4 ans, en l’occurrence de 2009 à 2012.
Du coup, le Comité international olympique (CIO) veille scrupuleusement à ce que la marque “JO” ne soit pas violée.
Le parlement britannique a voté une loi spécifique il y a six ans, comme l’exigeait le contrat passé avec le CIO, pour sanctionner tous ceux, multinationales, restaurants ou boutiques, qui voudraient utiliser sans en avoir les droits l’imagerie olympique…, à commencer par les 5 anneaux de couleur, à la renommée planétaire.
Une histoire déjà célèbre est celle d’un patron de bar de l’Est londonien, contraint par la loi du CIO de rebaptiser son “Olympic café” en “Lympic Café”.
Dans peu de temps, le CIO décidera sans doute de faire payer Audi pour utilisation du logo olympique (gag !)…
Mais ce que redoutent le plus les organisateurs, c’est ce que l’on appelle l’ambush marketing, c’est-à-dire le marketing sauvage ou déguisé.
En clair, que des grandes marques internationales concurrentes des Coca-Cola, Adidas, Samsung et Panasonic parviennent à se faire de la publicité sur les écrans du monde entier pendant la retransmission des Jeux à la télévision, par exemple en distribuant à un virage du stade olympique des drapeaux à leur effigie lors de la finale du 100m…
Le site de micro-blogging Twitter, où les athlètes sont de plus en plus présents, s’est entendu avec le CIO pour empêcher les marques n’ayant pas le statut de sponsor officiel d’acheter de la publicité avec des mots-clés (hashtags) renvoyant directement aux JO, comme #london2012.
Le Comité a également publié une note à destination des athlètes, dans laquelle il leur interdit de faire la promotion, sur les réseaux sociaux, de marques ou de sponsors, sous peine de perdre leur accréditation.
Pourvu que la star de l’athlétisme Usain Bolt n’envoie pas sur Facebook une photo trop serrée de ses chaussures Puma, son équipementier personnel…
Les onze principaux sponsors bénéficient encore d’un privilège étonnant, celui de ne pas payer d’impôts ni de taxes sur le site olympique, transformé en paradis fiscal le temps des compétitions.
L’exigence vient là encore du CIO, qui demande aux villes hôtes des Jeux de dérouler le tapis rouge à ses partenaires.
Amen (bis)