Main basse sur la mémoire, les pièges de la loi Gayssot.
Vingt ans après l’adoption de la loi Gayssot, de nombreux historiens, philosophes, hommes politiques de tous bords, dénoncent les dérives qu’elle a engendrées. La mère de toutes les lois mémorielles, votée en 1990, pénalise la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, tels que définis par le Tribunal de Nuremberg. Présentée à l’époque comme un rempart contre l’antisémitisme, son bilan est pourtant aujourd’hui désastreux : atteintes aux libertés, concurrence génocidaire, surenchère victimaire, renouveaux identitaires et racistes, gigantesques détournements financiers. Au plan international, le verrou idéologique institutionnalisé par la loi Gayssot participe également à justifier les guerres coloniales de ces dernières années et à couvrir la politique d’Israël d’une caution inoxydable.
Le 28 février 2012, le Conseil constitutionnel annonce sa décision :
“Le Conseil a jugé qu’en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication”…
Plus précisément, il indique dans les attendus de sa décision :
“Considérant qu’une disposition législative ayant pour objet de reconnaître un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ; que, toutefois, l’article 1er de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide reconnus comme tels par la loi française ; qu’en réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n’en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution”.
Le dernier paragraphe du communiqué de presse mentionne la loi de 2001 et la loi Gayssot de 1990 :
“Le Conseil constitutionnel ne s’est ainsi pas prononcé dans cette décision sur la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien. Cette loi ne lui était pas soumise et, a fortiori, il n’a formulé aucune appréciation sur les faits en cause. De même le Conseil n’avait pas à connaître de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe qui ne réprime pas la contestation de crimes reconnus par la loi”.
Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-647-dc/decision-n-2012-647-dc-du-28-fevrier-2012.104949.html
Un film documentaire de Béatrice Pignède Journaliste et réalisatrice depuis 20 ans de films documentaires au cinéma et à la télévision française, notamment pour France3 et ARTE, dont un long métrage sur le philosophe Paul Ricoeur et un “grand format” sur la propagande au Kosovo (prix Europa 2000) ; journaliste d’investigation et animatrice de l’émission “Arrêt sur Images” (La Cinquième); intervenante spécialisée cinéma et éducation à l’image dans les écoles, collèges, lycées et associations de quartiers; membre de la télé libre Zalea TV; fondatrice de Clap 36, association de promotion du cinéma documentaire indépendant.
Parmi les films de Clap36, Béatrice Pignède a réalisé : Dieudonné sans forme de politesse, Après l’hégémonie, État de guerre, Propagande de guerre propagande de paix, L’irak d’une guerre à l’autre et Chiapas : Voyage en utopie.
Synopsis :
Après le rejet par le Conseil constitutionnel d’une loi pénalisant la négation des génocides reconnus par le parlement français, Clap36 revient sur la mère de toutes les lois mémorielles et présente son nouveau documentaire Main basse sur la mémoire, les pièges de la loi Gayssot. Le film développe l’historique et la logique des lois mémorielles, en interrogeant des historiens, Pierre Nora et Annie Lacroix-Riz, un philosophe, Paul Ricoeur, une juriste, Anne-Marie le Pourhiet, un romancier et universitaire, Jacob Cohen, ainsi que des citoyens engagés politiquement, Alain Benajam, Norman Finkelstein, et Jean Bricmont. Robert Faurisson, celui par qui le scandale est arrivé est également interrogé, ses thèses mettant en doute l’existence des chambres à gaz dans les camps nazis avaient été à l’origine de la loi Gayssot. A travers ce documentaire, la réalisatrice Béatrice Pignède met en relief le caractère désastreux de cette institutionnalisation d’une histoire légale, non seulement pour l’histoire et le droit, mais aussi pour l’idée même d’une République qui ne peut survivre qu’en restant strictement neutre par rapport aux débats entre communautés, aux sacralisations d’événements historiques et au désir de chaque groupe particulier d’imposer à la collectivité nationale son propre devoir de mémoire.
Intervenants :
Paul Ricœur, philosophe français qui développa la phénoménologie et l’herméneutique, en dialogue constant avec les sciences humaines et sociales. Il s’intéressa aussi à l’existentialisme chrétien et à la théologie protestante.
Son œuvre est axée autour des concepts de sens, de subjectivité et de fonction heuristique de la fiction, notamment dans la littérature et l’histoire.
Anne-Marie Le Pourhiet est juriste, professeur agrégé de droit public à l’Université de Rennes 1. Elle est vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel (AFDC) et de la Société des professeurs des facultés de droit. Elle s’intéresse notamment aux atteintes à la liberté d’expression que constituent la multiplication des délits d’opinion et des lois mémorielles. Elle a été auditionnée par la commission des Lois de l’Assemblée Nationale sur cette dernière question.
Norman G. Finkelstein : Enseignant à Brooklyn College, au Hunter College, à l’Université de New York puis à Université DePaul, Norman G. Finkelstein est fils de survivants du ghetto de Varsovie. Il est l’auteur d’une importante étude : L’industrie de l’Holocauste, réflexions sur l’exploitation de la souffrance des juifs.
Annie Lacroix-Riz est une historienne française, spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXe siècle et de la collaboration.
Ses travaux portent sur l’histoire politique, économique et sociale de la Troisième République et de Vichy, les relations entre le Vatican et le Reich. Elle est également connue pour son engagement communiste.
Jean Bricmont est Docteur en sciences, il a travaillé comme chercheur à l’Université Rutgers puis a enseigné à l’Université de Princeton aux États-Unis.
Il est actuellement professeur de physique théorique à l’université catholique de Louvain, en Belgique.
Figure du mouvement anti-impérialiste, il est l’auteur de nombreux articles sur le droit international et le sionisme.
Alain Benajam est membre fondateur du Réseau Voltaire. Longtemps cadre du Parti Communiste Français, il est résolument activiste anti-impérialiste.
Il anime sur internet le blog alain-benajam.com.
Jacob Cohen : Né en 1944 à Meknès, Jacob Cohen obtient une licence en Droit (Casablanca) et le diplôme de Sciences-Po (Paris). Il vit à Berlin et Montréal avant de revenir à Casablanca, où il est maître-assistant à la faculté de Droit, de 1978 à 1987. Il vit depuis à Paris ou il a déjà publié Les noces du commissaire; Moi, Latifa S.; Du danger de monter sur la terrasse; L’espionne et le journaliste et Le Printemps des Sayanim. Il anime le blog jacobdemeknes.blogspot.com.
Robert Faurisson : Enseignant de lettres, Robert Faurisson s’est d’abord intéressé à la critique des œuvres de Rimbaud et Lautréamont. Ses thèses mettant en cause l’existence des chambres à gaz dans les camps de concentration nazis sont à l’origine de la loi Gayssot. C’est aujourd’hui l’une des figures du courant révisionniste.