Mon ami de si loin …
Il est né à Peshawar, au Pakistan, dans une famille de réfugiés afghans. Son père étant luthier, il aurait dû recevoir la musique en héritage mais a pris une autre voie. A la mort de sa sœur adorée, il, enfant, a demandé à son père de le conduire jusqu’à une école coranique, une madrassa dans laquelle il a passé une enfance studieuse non exempte de bonheurs.
Il aimait Dieu, et il aimait le Livre. Il voulait tout connaître de l’histoire du Prophète. Il s’est enflammé pour les textes sacrés, a bu comme du petit lait tout ce que disaient ses maîtres.
On lui a parlé du Saint Créateur de l’âme. On lui a nourri la mémoire de légendes magiques. On lui a expliqué que le Prophète était apparu en songe au mollah Omar pour, d’une voix cristalline, où chaque mot sonnait comme un diamant, lui ordonner de rassembler des combattants de la Foi et de chasser les imposteurs d’Afghanistan. On lui a même informé de la gloire acquise aux yeux de Dieu par le frère Ben Laden.
Il a tout cru, tout retenu, tout gravé au plus secret de son cœur. C’était un élève exemplaire….
C’est, portée par la voix discrète d’une mémoire, une voix qu’on imagine être celle d’un vieux sage revenu de tout, Quelqu’un, que vous parvient cette histoire.
Ce jeune homme, ce « il », n’est ni bon ni mauvais mais il a été jeté au monde pour subir la folie des hommes.
Il est afghan, ce qui signifie qu’il a perdu d’avance. Car s’il existe beaucoup de malheurs en ce monde, beaucoup en vérité, nul n’égale celui d’être afghan. Certains vont même jusqu’à dire que le Bien et le Mal jouent aux osselets le destin de l’Afghanistan. Il ne fait aucun doute alors qu’il est assis sur l’un de ceux-ci, roulé en tous sens par des événements qui le dépassent.
C’est sur ce présupposé que Quelqu’un vous entraîne au raz de la vie d’un jeune Afghan qui aimait la musique et les femmes sans avoir eu le temps de les découvrir, un jeune homme parmi d’autres, épris d’absolu, ivre d’images.
L’humour et la noirceur, l’amour et l’horreur, se combinent pour former une vie comme ravie à elle-même par le régime taliban. Une vie dont les habitants, qu’ils soient geôliers ou aristocrates brisés, amoureux ou pauvres bougres, perdent leur identité à force de constater que la barbarie a bel et bien visage humain.