Mort d’un petit lapin…
Une seconde plus vite ou un seconde moins vite et le petit lapin effrayé passait entre les roues, devant la Jeep ou juste derrière…
Mais non, c’était pile à la seconde, j’ai vu ses yeux effrayés, j’ai donné un coup de volant, ultime, et paf…, en passant au dessus de lui, je me suis dit “Pourvu que je ne l’ai pas touché”
.J’ai freiné, regardé dans le rétroviseur et je l’ai vu gesticuler, le ventre en l’air, au milieu de la bretelle d’autoroute.
Je me suis arrêté et suis descendu.., quelle tristesse de voir ce petit animal, symbole de toutes les enfances, lutter pour survivre alors que….
C’est pas juste, c’est pas bien…
Je lui ai gratouillé le dessus du ventre, il s’est arrêté un instant, j’ai revu ses grands yeux, puis j’ai regardé ses pattes arrières broyées…
Je m’en suis voulu, je m’en veux encore…, quoi faire ?
Rien à faire, et c’est le plus terrible…, rien…, voir la vie s’en aller, même celle d’un petit lapin des champs est grande tristesse.
Des voitures sont passées, sans ralentir, que claxonner, et encore, comme si on ne pouvait pas s’arrêter pour regretter !
Je ne pouvais pas l’abandonner, je ne pouvais le soigner, pas moyen de revenir en arrière, c’est le pire…
Ah ! Revenir en arrière, aller un peu moins vite, ou un peu plus vite.
Epargner une vie, celle d’un petit lapin qui gambadait insouciant au soleil couchant.
Je m’en voulais, je m’en veux encore.
Je n’ai pas voulu le voir souffrir, même si, pour ce, j’ai souffert moi-même.
C’est triste…, on a toutes et tous tant de responsabilités et on ne fait pas assez attention.
J’ai tué le petit lapin…, horrible ce que j’ai fait, même pour qu’il ne souffre plus.
J’aurais du tenter de le sauver, prier alors que je ne crois en rien, maudire le ciel, le réconforter, mais je ne parle pas lapin.
On s’est regardé et j’avais les yeux humides.
C’est affreux d’écraser un petit lapin.
Je l’ai pris, du moins ce qu’il en restait, je l’ai déposé dans l’herbe de sa prairie, caché, recouvert…
Connerie.Je suis reparti, j’ai allumé la radio, on y parlait de Beyrouth, de bombes au phosphore, de roquettes, d’explosions, de mort et de dieux….
C’est quoi ce monde de fous ?
A tous les lapins, petits et grands, je regrette…
Si Juifs , Arabes et autres, pouvaient regretter aussi, les petits lapins, les enfants et les gens pourraient espérer à un monde moins fou.
N’empèche, une seconde en plus ou en moins…
La vie ce n’est que ça, et la vie s’en va…
Patrice est triste ce soir.