Nation en déliquescence, notre pays déprime… Vous enragez contre la crise, vous fustigez chaque jour les patrons voyous, les traders gloutons, les banquiers sangsues, les politiques complices et les médias forcément vulgaires ?
Vous êtes en somme victime d’un dégoût général de la société, vous ne croyez plus en rien, votre avenir vous semble sombre et votre passé vous remplit de regrets.
Vous avez besoin de vengeance mais vous ne vous sentez pas l’âme d’un guérillero, l’effigie du Che sur un tee-shirt vous paraît le comble de la rébellion et de l’inélégance…, vous avez bien essayé de vous replonger dans l’œuvre de Marx et vous n’avez rien compris à la dialectique de ce bon vieux Karl.
Jadis la douce voix d’Arlette calmait votre haine lancinante du système…, mais la plus acharnée des passionarias a pris sa retraite.
Alors que faire ?
Vers qui se tourner ?
Vers Jean-Luc Mélanchon, vers Marine LePen ?
Quand notre pays déprime, il se réfugie dans le confort molletonné des années ’50.
Réflexe naturel car la mondialisation est décidément trop laide à regarder.
Elle brûle les yeux…, ça pique, ça gratte, ça schlingue !
Ces millions de produits fabriqués par des sous-développés pour des ex-développés souillent nos étals, obstruent nos téléviseurs et nous donnent la nausée.
Toute cette camelote électronique, ces textiles inflammables et ces ustensiles foireux inondent le marché dans un flux ininterrompu (surtout avant la Noël) avec la bénédiction de nos gouvernements.
Il s’agirait là d’un juste rééquilibrage entre ancien et nouveau monde.
En résumé, nous avons eu notre part de croissance durant les Trente glorieuses, c’est au tour des autres d’en profiter.
Ces biens de consommation ne sont pas bon marché comme le prétendent les économistes qui estiment que le progrès social se résume à posséder trois téléphones portables, deux téléviseurs et de s’habiller tout synthétique.
En réalité, ces marchandises sont excessivement chères, la preuve, elles génèrent des marges considérables à leurs fabricants.
Chères parce que de qualité médiocre, d’une durée de vie limitée, de conception rudimentaire, d’un usage souvent inutile et plus grave encore, elles habituent nos populations à acheter du vent, de l’esbroufe.
Vous me direz : “ce sont là les bases du commerce, son essence même”….
Balivernes, toutes ces saloperies feront sensation à peine une saison, parfois seulement quelques heures, pour le plus grand bonheur des affairistes du soleil levant.
La machine doit sans cesse tourner à plein régime car ces objets ont été conçus pour entretenir notre frénésie d’achat.
Je passe évidemment sur leur mode de production amoral et leurs conséquences dramatiques sur nos emplois, donc sur notre mode de vie.
A ce petit jeu-là, tout le monde est perdant : des peuples producteurs en état de servage et des consommateurs shootés à la nouveauté qui comblent leur vide existentiel par boulimie acheteuse.
Ce système fausse les valeurs et pervertit les âmes… et ne croyez surtout pas que le secteur du luxe soit épargné, quiconque d’un peu sérieux vous dira qu’en matière de vêtements, de chaussures, de confection, de choix des tissus, de finition, nous avons fait un grand bond en arrière.
Ceux qui ont encore un peu de mémoire savent que les écoliers des années 50/60 possédaient une garde-robe certes restreinte (on ne vivait pas sous le diktat des marques) mais de bonne qualité, tous les enfants de France étaient alors habillés sur-mesure !
Les couturières ont disparu de nos villes et de nos campagnes comme les merceries et les cordonniers (les vrais pas les ressemeleurs d’opérette) et ça se voit dans nos rues !
La résurgence des années 50/60 dans la mode, le cinéma, fait revivre une époque qui avait du style.
Nous en manquons cruellement aujourd’hui.
On reconnait une nation en déliquescence à la façon dont les gens parlent, écrivent et s’habillent.
Les années 1990, 2000 et 2010, comme par hasard celles de la mondialisation au forceps, sont affligeantes et indigentes à cet égard, certainement, les trois décennies où les gens ont été le plus mal habillés.
Soulignons que ces années-là ont été marquées par l’obscène télé-réalité et la littérature mnémotechnique, alors qu’à la fin des fifties, tout l’univers était stylisé à l’extrême : au cinéma, les garçons portaient des costumes cintrés et se prenaient pour Maurice Ronet dans Ascenseur pour l’échafaud… ou Eddie Constantine alias l’agent Bob Stanley…, les filles cultivaient cette innocence dévastatrice à la BB dans Une Parisienne…, Twin-set rose largement décolleté, jupe moulante proche de l’implosion, chignon machiavélique et talons conquérants…, classieuse comme aurait dit Gainsbourg.
Quant au film Mon oncle de Jacques Tati à l’esthétisme pointu, il donnerait des idées (pendant mille ans) à nos designers contemporains.
Et sur nos routes, des DS, des Fiat 500, des Mini, des Floride, des 403, etc…, une féérie locomotive, paradis perdu des carrosseries sensuelles et des courbes enchanteresses.
Ne boudons pas notre plaisir, ce retour des années 50/60 non dénué d’arrière- pensées mercantiles, est tout de même réjouissant : les filles étaient belles, les hommes élégants, les voitures attirantes, les écrivains admirés, les jeunes cinéastes remontés comme des pendules, les ouvriers croyaient aux lendemains qui chantent, les bourgeois profitaient, les mœurs se détendaient, tout ça ressemblait à un âge d’or.
Nous avons les élites que nous méritons.
A société décadente, têtes bien-pensantes…, c’est à démoraliser les parents qui rêvent des Grandes Ecoles pour leurs enfants : Eldorado des futurs planqués et assistés : Fils, qu’importe le sigle, ENA, X ou ENS pourvu qu’on ait l’ivresse des places...
Le système est ainsi fait qu’il produit des générations de bons élèves qui deviendront des gestionnaires serviles, des inventeurs sans imagination et des politiques sans ambition.
Toute cette intelligence transformée en force de régression, ça laisse songeur…
Mais où sont-ils les grands entrepreneurs, les capitaines d’industrie, les penseurs de demain ?
Je ne parle pas ici des garde-chiourmes du libre-échangisme à tous crins, des télégraphistes du patronat, des courroies de transmission de l’ordre économique établi, mais des hommes qui prévoient un autre destin pour notre pays que l’effondrement de son industrie, de sa classe moyenne et de sa culture millénaire.
Naïvement, j’avais cru que ces prestigieuses institutions formaient la crème de la Nation…, des sujets plus brillants, plus visionnaires, plus courageux que la plèbe fangeuse, forcément inculte et réactionnaire…, des Hommes qui nous indiqueraient le chemin à suivre, la voie vers une société plus juste et plus fraternelle.
J’en vois certains sourire, on sait où mènent les peuples éclairés.
Ce n’est pas parce que les exemples de sociétés dites “idéales” ont lamentablement échoué qu’on ne peut pas repenser le monde sur un autre angle que la paupérisation généralisée ou l’apocalypse en guise de viatique.
Toutes ces grandes écoles ont montré leur limite…., le discours dominant de leurs représentants est caduc !
La crise du capitalisme financier et de la social-démocratie attestent leur profonde incompétence.
A part produire des donneurs de leçons, ces écoles n’ont pas prouvé, sur les quarante dernières années, leur réelle efficience ou compétitivité pour employer des mots qu’elles affectionnent tant.
Pour publier des rapports, pour nous dire comment nous allons être moins bien logés, soignés, éduqués, nourris et que c’est pire ailleurs, il y a du monde, ça se bouscule sur le petit écran.
Boursouflés de suffisance, ils défilent sur les plateaux, chiffres à l’appui, graphiques en débandade, pour nous rabâcher la même musique : nous sommes bien trop heureux et nous ne le savions même pas.
Ah, ces irresponsables français, rêveurs, toujours à la traîne de la modernité…
Alors, soyez raisonnables, prenez ce traitement de choc et vous verrez : on vous promettra pas les toujours du grand soir mais juste pour l’hiver à manger et à boire.
Joli programme en perspective.
Si ces élites mondialisées nous déçoivent tant, ce n’est pas par excès de poujadisme mais par comparaison historique…, nous savons qu’il existe une race d’hommes qui transcende les autres, qui innove, qui crée des emplois et qui ne pratique pas une économie de comptables frénétiques à la recherche du dernier petit sou (Revoir Le Sucre de Jacques Rouffio – 1978).
Le moule a été cassé au début des années ’80.
Avant, un entrepreneur était à l’origine d’une révolution technique qui changeait la face du monde, aujourd’hui, nos nouveaux maîtres ont inventé des sites de rencontres en ligne et des réseaux sociaux.
La belle affaire !
Où sont-ils nos pionniers de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électronique, de la construction ?
Notre pays en a terriblement besoin.
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