Ne vous laissez pas aller au smic érotique…
Faire durer les élans érotiques après plusieurs années de vie commune, est-ce possible ? A priori, le quotidien et les folles étreintes ne font plus bon ménage.
Mais combien d’entres vous internautes, amants amantes, époux épouses, concubins concubines, avez-vous l’imagination qui vous permettra de surmonter la routine ? Au commencement de l’amour, il y eu le choc des corps, l’incandescence des sens, se nourrissant du manque et de l’attente. Puis vient la vie commune, la tranquille assurance d’avoir l’autre tous les jours dans son lit… sans efforts ni surprises. Au risque de voir s’éteindre doucement le désir…
Jeanne, belle jeune femme de 30 ans, trois ans de vie commune avec son amoureux, égraine, un peu désabusée, l’histoire de son couple déjà déserté par le désir : “Tombée raide dingue de lui en cinq minutes, un mois après, on vivait ensemble, six mois de passion, et je me force, et puis”… elle fait la moue : “Maintenant il faut presque que je me force” !
Gageure que de pouvoir tricoter cette permanence de l’autre qu’assure le quotidien avec ce manque suffocant de l’autre dont se nourrit le désir ? Question impossible, éternelle que nous nous posons tous, nous savons la difficulté qu’il y a à manier durée et intensité. Les scientifiques nous affirment que cette perdurbation délicieuse liée à l’amour excède pas trois ans… Un des atouts du désir, c’est la nouveauté. Or, la permanence conjugale émousse la nouveauté : “Goûter chaque jour du même plat, fût-il un mets princier fait que nous sommes submergé par un rêve de diversité et parfois nous décide, pour remettre du désir dans notre vie, de se faire disons-le “voir ailleurs”… Les sites adultes sont d’une vérité accablante… Cette drôle d’échappée conjugale a, entre autres mérites, celui de nous plonger au Coeur de la question…. Quelle solution ? Impossible de se résigner à voir s’étouffer le désir pour l’homme avec lequel on vit.
Aller le raviver dans les bras de l’amant, l’éternelle solution ? “Foutaises” ! Lance Jeanne, du haut de son passé d’infidèle : “On n’échappe jamais à la routine, même avec un amant ! A force de pratiquer l’adultère, on finit par se lasser, à chaque fois, c’est le même scénario de duperie et de mise en scène de la séduction, c’est une impasse”… Et puis, en allant désirer ailleurs, on évite de désirer dans le couple, on prend le risque d’abîmer le contrat avec l’autre et avec soi. Alors quoi ?
“La sagesse devrait nous enseigner de ne jamais nous marier avec l’amant”, réponds, lucide, Lorenza. On peut aussi ne pas partir vaincue, et se dire qu’érotisme et fidélité ne sont pas forcément contradictoire… Même si cela tient du miracle ! Vouloir faire coïncider la structure économique qu’est le mariage avec ce haut lieu de l’amour qu’est la relation érotique est une ambition incroyable ! Qu’une femme puisse jouir avec son mari au bout d’un certain temps, c’est même étonnant ! Mais si on arrive à faire coïncider mariage et désir, c’est sublime, et ça mérite de faire un effort. Il faut d’abord être intelligent, penser le quotidien en y mettant humour et caresse, afin d’épargner le désir, c’est facile à dire mais pas si simple à mettre en acte…
Laure, la quarantaine et une solide expérience de mère, de femme et maîtresse de maison, a décidé de maintenir le cap du désir : “J’aime la cuisine commune, la parole commune, le lit commun où on peut tout réparer, lieu de tendresse et d’agressivité, d’apaisement et de retrouvailles. Pour moi, le quotidien est tout sauf la chronique d’une mort annoncée du désir… Au contraire, c’est à partir de ce moment-là que ça devient intéressant, parce qu’il va falloir être plus malin, se battre contre la fatigue, les enfants, les soucis. Pour moi, c’est un challenge de recréer le désir, et ce n’est pas parce que je vis en couple que je ne me sens pas en précarité amoureuse. C’est un défi de tous les jours de garder l’autre, ça se travaille” !
Exemple ? Quand trop d’inertie menace son désir, elle “fout le bazar” elle manie la jalousie, déstabilise, frise la crise du couple… C’est une manière d’installer du désordre pour recréer de la tension…
N’oubiez pas que le quotidien constitue les 9/10ième de la vie, sans laisser aller de manière régressive, on peut essayer de la travailler dans le sens des sensations et des émotions, on rêve de passion, mais on a un tel besoin de réassurance qu’on préfère, pourquoi pas, l’accumulation des petits plaisirs.
Le quotidien peut développer une relation vivante à l’autre, il tue peut-être la passion dévorante, mais pas les petites passions caressantes… Passons sur le cortège des conseils en tout genre, alliant techniques de retrouvailles (dessous sexy, ambiance bougie, surprise week-end, on connait par cœur) et recommandations pour éviter les agacements de la vie quotidienne… et arrêtons-nous un moment sur le creusement de la différence des sexes, puisque le désir repose sur le regard de l’autre…
Quand cette jeune femme regrette que son mari ne la voie plus vraiment, quand elle appelle de ses voeux qu’il lui dise : “Mets plutôt une jupe, j’ai envie de voir tes jambes” , c’est de la relation “sexuée” qu’elle demande. Arriver à capter le regard de l’autre, le provoquer avec son propre désir, silencieux, voire inquiétant…. Bref, c’est exercer l’art du couple, qui consiste à “être instruit du fait de laisser le manque et le péril d’immiscer ! Autrement dit, c’est :“faire planer le doute, distiller de l’inconnu, dont le bénéfice secondaire est d’instiller un peu de peur” ! Peur d’une rencontre toujours possible, évidemment… Le sexe est, et doit demeurer, un évènement, sans jamais perdre son statut d’exception. Plus la rencontre sexuelle a été fulgurante, moins il sera difficile de raviver ce fameux désir enfuit… La qualité de survie du désir dans le couple est la mesure de l’inventivité des débuts de la passion, si la couple s’est contenté à ses débuts d’un “smic érotique”, il y a peu de chance qu’il enrichisse son patrimoine amoureux… Combien d’amants prennent leur temps, se mettant en scène, jouent de leur corps comme on fait du théâtre ?
Il ne s’agit pas de se contenter d’explorer les ressources de la peau, il faut aller à la fête érotique : “Mettre du sublime là où il n’y que du charnel, donner de l’intelligence à ce qui ne serait que de l’instinct, aller au-delà du pur fonctionnement des organes”… C’est compliqué, la sexualité ! C’est une affaire d’intelligence, de culture, de créativité… Pas question pour autant de céder aux injonctions de la post-modernité échangiste, en croyant réveiller de manière mécanique la vitalité sexuelle par le recours à l’imaginaire pornographique ? Pour relancer le désir, voilà qu’on invite les couples à tout faire, même ce qui était jusque-là tenu pour pervers ! Comme si on pouvait vous dire : “Vous devriez essayer la sodomie, le SM, le gang-bang, regarder des films X et vous filmer pour sauver et servir l’institution morale du couple et de son mariage” ! Pourtant, les jeux érotiques ne sont pas anodins et supposent une disposition qui relève d’une certaine culture du désir… Et puis faire de l’érotisme une fête, tournoyer autour du désir, le chercher, le saisir, c’est aussi prendre le risque de “l’aventure d’amour” , comme le dit Méluzine, prête à tout pour sortir de la spirale de la baisse du désir, elle suit son compagnon dans un club échangiste, elle y va à reculons, certaine de n’y trouver que du dégoût, mais curieuse de se mettre à l’épreuve et d’étonner son “mec”. Et là suprise ! Elle découvre qu’elle aime. Se laisse approcher, désirer, caresser par des inconnus. Le désir des hommes anonymes pour elle l’érotise, comme le regard tout nouveau de son mari sur elle, du coup ré-érotisé… Sous le désir des autres, elle retrouve le sien !
Ni un exemple, ni un modèle, une histoire qui nous rappelle qu’il n’y a pas d’ordonnance ni de solution faite ! Voici, peut-être, le fin mot de l’histoire, le seul conseil valable, ne pas se résigner, à condition d’agir en toute liberté… La sexualité est une magnifique expérience humaine, mais encore faut-il que, en usant le désir, le quotidien n’ait pas érodé le sentiment amoureux. Voilà le fond du problème. N’aurions-nous pas tendance à confondre érosion du désir pulsionnel et érosion de l’amour ? Tant que l’amour est là, tout est possible. Reste à faire le tri, difficile, compliqué, ambigu, entre ce qui relève de l’amour profond. Derrière le sexe se cache, toute nue, la vérité du couple…