Patrice De Bruyne, Gatsby, Chromes&Flammes…
– N’avez-vous que des circonstances aggravantes pour justifier votre être ?
– Je me situe comme un des derniers rêveurs vivants librement, écrivain surréaliste de quelques romans… Quelqu’un, le roman du web… Je ne me souviens plus du titre… Liens d’amours… Par qui ce scandale… Dictatucratie… Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens… Quelqu’un contre le reste du monde… Il m’est aussi arrivé, dans une autre vie d’être également l’éditeur de magazines automobiles, dont le célébrissime Chromes & Flammes que j’ai finalement réédité pour 6 numéros et actuellement GatsbyMagazine. La vie m’a fait devenir, à cause de ce capharnaüm d’histoires, une sorte de collectionneur de voitures déjantées, sans double sens (quoique) et éditeur du plus fantastique site-web planétaire www.GatsbyOnline.com, m’y dévoilant parfois personnellement et prouvant de ce fait que, nanti ou pauvre, connu ou inconnu, chaque être n’en est pas moins homme avec ce que cela implique de vulnérabilité et d’enthousiasme.
– A travers l’écriture, tenteriez-vous d’accentuer le trait de cette évidence et aborder les aspects interdits les plus secrets de votre existence… ?
-Je suis devenu mon propre autoportrait, poignant, comme l’aurait imaginé un peintre cubiste, en désarticulant ma vie pour mieux la reconstruire à travers le prisme des bonheurs et des malheurs qui l’ont jalonnée. Dès les premiers mots de mon livre Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens dont le titre se réfère au massacre de Béziers dirigé contre la religion Cathare en 1209, tout cœur de lecteur et lectrice se met à battre au même rythme que le mien lorsque je l’ai écrit avec un verbe vif, cru, précis, nourri d’autodérision. Mes phrases courtisent l’intimité d’un tête-à-tête avec moi-même, avec Quelqu’un d’autre et un autre moi-même, pourtant le même, ceux qui sont partis, ceux qui sont toujours là. Je me regarde frontalement, sans baisser les yeux, le ton adopté est celui de la confidence désabusée d’amertume caustique teinté d’autodérision.
– Mais le chuchotement qui sied à ce genre d’attitude n’a pas cours ici, sur le web, généralement !
-J’ai décidé de ne rien cacher et je le prouve, balançant autant sur moi-même que sur ceux que je croise, avec humour…
– Mais, avec votre livre “Quelqu’un contre le reste du monde”, l’exercice se veut-il thérapeutique ?
– J’ai voulu plonger immédiatement chaque lecteur et lectrice dans l’expression charnelle d’une existence hors du commun que la patine de la vie a laissé tour à tour joyeuse, brutale, effilochée, blessée, parce qu’au paraître, un vécu est venu se mêler.
– Une porte ouverte à l’identification ?
– Les impressions priment la chronologie, mais le lecteur ne perdra jamais le fil. Car si j’ai pris la plume pour la reposer aussitôt, la reprendre, l’oublier, la reprendre encore dans une urgence afin d’aboutir à cet ouvrage du troisième millénaire que j’ai tapoté sur mon clavier d’ordinateur, j’ai voulu tisser une cohérence narrative autour de mon autre moi-même, mes rencontres, l’art dans toutes ses formes, en ce compris l’art de se moquer du monde. De mes aventures d’affaires, en passant par mes doutes, mes acouphènes du matin et quelques migraines, j’ai tenté de me raconter en blanc et noir avec un fil rouge.
– Sans nul doute une question de survie ?
– Sans fausse pudeur et avec une pointe d’humour salvatrice, j’y ai tout expliqué, parce que c’est ce tout qui m’a construit et déconstruit. Les fils rouges du passé et du présent s’enchevêtrent pour conduire vers un futur, cela n’empêche pas les aveux, les ratages et des regrets ! Sur cela s’impriment étroitement, intimement mes temps d’enfance, des aventures, des anecdotes aussi.
– On y trouve aussi des rêves.
– Dans les espaces de lumière comme dans les zones d’ombre, on croise des personnalités fortes, rarement anodines.
-Cet ouvrage confirme-t-il une double vie ?
– Oui mais l’art de la photographie est mêlé à l’art de l’écriture, car il faut apprendre à redistribuer les cartes m’avait appris mon père. J’ai eu des hauts, des bas, mais je continue à distribuer les cartes pour devenir ce que nous sommes, disait Nietzsche…
– Reste votre pensée motrice.
– Je me voyais en Gatsby le Magnifique, déboulant en Mercédes SSKL. L’autre soir, sur le web, une femme m’a abordé pour me demander comment il fallait faire pour que je puisse lui faire rencontrer le Quelqu’un qu’elle voit en moi, m’a rappelé une phrase d’une pièce de Jean Genet : Le balcon. Dans un bordel, on entend off des coups de feu au loin, un personnage dit : “Encore des gens qui rêvent” !
– Vous êtes quelqu’un de spécial !
– Me croyez-vous photographe de mode agité, flambeur, qui roule en grand carrosse, drague, vit dans le futur, déclenche la foudre en tournant autour d’une fille ?
– On voit ça dans certains films.
– Et puis on me découvre ! Pas d’ambiguïté, je suis né dans l’art et la mécanique. Mon grand-père paternel était antiquaire, De Bruyne était fort connu au Sablon à Bruxelles avant-guerre, il chinait dans les églises en grand équipage, une Hispano-Suiza avec un chauffeur noir en gants blancs… Mon grand-père maternel était un artiste de la mécanique, surtout des motos qu’il vendait et réparait, la grande époque des avant-guerre, FN, Gnome&Rhone, Saroléa, Velocette, sans pour autant dédaigner les automobiles, surtout les Amilcar, quelques Citroën, Delage, Delahaye et même Bugatti.
– Mazette !
– Pour ma part, après St-Luc en architecture, je me suis lancé dans l’édition de magazines de décoration et d’architecture en sus de la construction de maisons avant-gardistes. De fil en aiguille (mon père était Maître-Tailleur sur mesure) je me suis retrouvé éditeur et publiciste, y développant entre-autres passions, celle de la photographie !
– Vous avez une certaine notoriété, en dactylographiant votre identité sur Google, on lit que vous avez fait beaucoup de choses.
– Sans faire partie du fameux carré respecté des photographes de mode les plus célèbres au monde, ni sans avoir révolutionné le noir/blanc et la couleur, je suis passé à la postérité avec un de mes magazines : Chromes&Flammes qui a durablement marqué les années quatre-vingt (500.000 exemplaires mensuels en 5 langues et diffusion planétaire). Mais maintenant, je suis ailleurs avec un site-web totalement déjanté et la publication de quelques livres très underground en sus de GatsbyMagazine…
– Vous devez être mondain, alors ?
– Je fuis les mondanités, je ne travaille pas comme un forcené ni ne m’embarrasse de peccadilles, mais je sais passer des heures voire des jours à créer des textes et réaliser des photos.
– De quelle façon ?
– Je suis un partisan de la simplification qui n’aime pas les complications inutiles ! Ma vie est de ce fait hors du temps car pour chacun, le temps n’existe pas vraiment. Lisez mes textes pour comprendre !
– C’est un mélange de raffinement, de modernité et de nostalgie flottant dans un univers hypnotique et Gonzo.
– Textes et photos sont souvent des autobiographiques qui contiennent mille souvenirs, mille rêves.
– Qui êtes-vous ?
– Né en 1949 à Tournai d’un père Français, j’ai la nationalité Hexagonale. La grisaille et la monotonie du plat pays que chante Jacques Brel, qui l’envahissent l’hiver, ont usé mes yeux verts qui analysent tout sans cesse, mais sans le mystère, on se perd. Je me suis installé plein sud à Saint-Tropez et c’est le bonheur. Adolescent la littérature et la poésie m’ont nourri : Pétrarque et Leopardi, Eugenio Montale, Kerouac et Ginsberg, surtout le style Gonzo de Hunter Thomson et le génie de Ferdinand “Celine” ! En 1968 j’avais tenté d’étendre la révolution dans mon lieu d’étude, mais ce fut un échec… Pour me dépasser, j’ai ouvert une agence de publicité, transformée, sitôt mes études terminées, en maison d’édition destinée à publier des idées nouvelles en décoration et architecture. J’étais prêt pour le grand saut.
– Pas simple comme parcours !
– La culture est un style qui fuit la faute de goût et permet de se transcender, ce fut le cas me concernant jusqu’à la création des magazines Chromes&Flammes, en passant par diverses créations de campagnes publicitaires pour British American Tobacoo, Cristal d’Arques, Pirelli…
– Une évolution ?
– Une révolution entre deux mondes, donc nulle part, entre le passé et le présent. Un pied en Belgique, l’autre en France, puis un maelström de voyages, principalement aux Etats-Unis, en Floride, à Hallandale au nord de Miami Beach ou j’ai crèé divers magazines dont TopWheels… Après plusieurs années, j’ai revendu le tout et pris une année sabatique. J’en suis sorti pour recréer d’autres magazines tels Auto-Folies, Autorama, revendus également après un an… Puis, l’opportunité s’est présentée d’importer en Europe la marque Excalibur, ce qui m’a fait entrer dans le monde des automobiles hors normes, puis de collection… De là, viendra la création d’un site-web totalement déjanté : www.GatsbyOnline.com et plus tard, cette folie créative va donner naissance GatsbyMagazine.
– C’est très original, là… Vraiment inattendu !
– J’aime les critiques et plus encore les polémiques, étant débiteur du goût des autres. Avoir eu des hauts et des bas, laisse surpris d’être encore là, mais sans peur, n’attendant plus que le téléphone sonne, ayant trouvé ainsi un moyen formidable de jouer à cache-cache avec la vie.
– En lisant GatsbyMagazine et www.GatsbyOnline.com on peut dire que votre champ d’action va du Gonzo au Glamour jusqu’au Porno chic avec énormément de Trash…
– Oui, ça sonne bien, cette définition est à garder, pour l’instant du moins, car il est très dur de décider d’un champ d’action artistique, mais une chose est sûre toutes les formes d’expressions m’intéressent.
– Vos articles disent explicitement quel regard vous avez, quoique vous cultivez l’ambiguité.
– Il est vrai que la presse en général se spécialise très vite dans un style bien défini, on devrait les appeler des journaleux binaires de presse merdiatique… Mais leurs merdias ne m’intéressent pas. Je préfère agrémenter la vie en saisissant l’instant magique et intemporel.
– Il y a un côté terriblement déjanté dans votre travail, dans le bon sens du terme évidemment, êtes-vous d’accord avec cela ?
– Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Dans tous les sens du terme. Ça laisse des traces à tout jamais.
– Vous êtes très sensible aux formes et aux mouvements qui vont vers la fusion dirait-on ?
– Heureusement, sinon je changerais de vie. Je réponds la même chose que Hugh Heffner, que ça dépend de tout et de rien… J’ai un fond utopiste. Mais en fait… et là je vais vous dévoiler un secret d’intérêt mondial : les fantasmes que j’ai en tête sont simplement des prémonitions de ce que l’on peut réaliser si on s’en donne les moyens.
– Vous avez le sens de la démesure !
– Mon style est multiculturel, j’ai vécu en France, en Belgique et 5 ans aux Etats-Unis… Mes influences pourront peut être révéler mon style.
– Par quoi avez-vous envie de terminer cet entretien ?
– Je crois que l’Internet est l’une des créations parmi les plus importantes de toute l’histoire de l’Humanité, il faut toutefois faire attention à ceux qui détiennent le pouvoir sur le monde, car ils n’ont aucune envie d’être utile, juste d’être futile et domestiquer le monde pour le réduire à un marché aux esclaves. La grande déglingue du monde !
Les pays émergeants vont devenir des pays détergents, contribuant ainsi à l’appauvrissement occidental…
– Et ? Quoi d’autre à dire ? A moins qu’à écrire ? Une vidéo ?
– Rien de trop ! L’abonnement numérique à www.GatsbyOnline.com incluant l’accès total au site et aux liseuses, permet également de lire sur écran la version “augmentée” de GatsbyMagazine à plus de 300 pages !
– C’est un prix incroyable !
– Oui, incroyablement incroyable.
– Et ?
– Rien d’autre. Le monde est petit… et c’est un super double sens !
6 commentaires
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Qui aurait envie d’interagir avec Kant ou Aristote ? Lorsque je vois vos capacité d’écriture et la puissance de réflexion qui va avec, c’est parfois humblement plus satisfaisant de lire, et de tenter de comprendre tout ce qui a été écrit.
Vous m’impressionnez, mon cher Gatsby, et je ne suis sans doute pas seul.
Je dois ajouter qu’il y a quelques semaines/mois, à un moment, la fréquence de parution des articles a diminué. Vous allez rire, mais je vous imaginais malade ou décédé, et je regrettais déjà de n’avoir jamais essayé de plus interagir !
C’est pour ça que vous êtes formidable, un lecteur rare, chaque jour je loue le Saigneur en le remerciant qu’il vous pousse à m’écrire ! Soyez béni !
Je pense que vous connaissez mieux que moi le monde des médias ! De mon point de vue, il y a le nombre de visiteurs du site, les abonnées, ceux qui lisent en papier, les lecteurs actifs, les lecteurs silencieux… donc pour un lecteur qui s’exprime, probablement des centaines ou des milliers qui vous lisent sans rien dire ?
C’est ce que je visais en réponse, en fait vous êtes le seul qui utilisez la possibilité de placer un commentaire !
Après Gatsby par Gatsby, il faudra écrire Gatsby vu par ses lecteurs !
Quels lecteurs ? Vous êtes le seul ! Je pense. Je devrais aller voir le compteur pour mieux en connaître…
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