Le non avenir de la presse “papier”…
Presstalis en règlement judiciaire, arrêt total de la publicité dans les journaux et magazines, non-paiement du solde éditeurs, plan social massif…
Tout menace de ruine le secteur-Presse que Bercy veut rénover mais sans rien y changer !
La grande cavalerie, la grande escroquerie !
La presse papier devient un panier de crabes aux mains d’escrocs de haut vol (double sens voulu) …
-La presse écrite n’engrange plus de recettes publicitaires “à cause” de la crise du coronavirus et de la décision des grands groupes comme LVMH de stopper les publicités… de plus elle a diminué les quantités d’exemplaires fournis… de 25 à 75% en moins par numéro… et les ventes sont en chute libre (jusqu’à 50%) !
-Les messageries Presstalis sont, une nouvelle fois, en faillite : 500 millions d’euros de fonds négatifs + un milliard d’Euros de dettes !
Bercy veut placer Presstalis en règlement judiciaire d’ici le 26 mars (2020) pour mieux céder une partie de ses actifs aux actionnaires qui l’ont conduite à sa perte…, c’est une escroquerie gouvernementale légalisée “entre amis au pouvoir”… car la loi dispose qu’un actionnaire n’a pas le droit de reprendre l’entreprise qu’il gère s’il l’a conduite à sa disparition… dès lors le tribunal de commerce de Paris va solliciter une dérogation spéciale au procureur de la République pour contourner cette interdiction !
En fait, Presstalis va ainsi mourir pour mieux renaître sous la forme de deux sociétés (l’une consacrée aux quotidiens, l’autre aux magazines), qui vont être créées, se répartissant les actifs qu’elles reprendront à la barre du tribunal.
Le dépôt de Bobigny qui distribue toute la presse de l’Île-de-France, quotidiens et magazines confondus, sera ainsi donné à la première entité…. et le niveau 1 de Presstalis, c’est-à-dire le centre opérationnel, sera donné à la seconde qui ne conservera que la partie administrative et l’informatique, soit une centaine de personnes au grand maximum.
Cela implique l’abandon du siège actuel de Presstalis, toute la logistique sera transférée à des sous-traitants… le centre de Bonneuil, géré par Geodis, se verra confier l’ensemble du traitement des magazines effectué actuellement par les dépôts de presse, les SAD… la filiale de la SNCF récupérera également la charge de travail effectuée par les plateformes de distribution pour le compte des dépôts indépendants… et de son coté, Bobigny verra le nombre de ses effectifs divisé par quatre car la décision a déjà été prise de confier la partie exportation et gestion des magazines à une autre messagerie qui pourrait être les MLP ou la nouvelle société (en montage secret) qui prendra en charge les magazines.
Dans cette dernière hypothèse, les quotidiens nationaux voudraient que cette “new co” des quotidiens détienne, en direct, 50 % des parts de Bobigny… l’issue de ce dossier dépendra de l’acceptation par tous les acteurs du plan conçu par le gouvernement.
Si ces “new co” sont séparées dans la pratique, elles ne le seront pas sur le plan capitalistique, elles devraient, en effet, être détenues à 100 % par une holding qui serait contrôlée à 75 % par les magazines et à 25 % par les quotidiens… une répartition correspondant au chiffre d’affaires que ces deux familles de presse réalisent.
À l’exception du groupe Lagardère qui défend la position des quotidiens nationaux, les magazines ne veulent pas de cette solution élaborée par Le Monde qui permet aux quotidiens nationaux de détenir le quart de la holding et la moitié du centre de Bobigny qui dessert la zone de chalandise la plus importante du territoire !
Le gouvernement Macron, lui, se montre terre à terre… il tient compte du principe de réalité et considère que Le Monde dans les mains de Xavier Niel, Le Figaro dans celles du groupe Dassault, le Parisien et Les Echos dans le giron de Bernard Arnault… constituent de puissants relais d’influence. (Le Monde sait se montrer indispensable au pouvoir et rend des services quand on le sollicite… et c’est à la demande explicite du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle, rattaché à Bercy, que Xavier Niel s’est porté acquéreur de France Antilles, entreprise en cours de liquidation contre le versement de 8 millions d’euros… c’est aussi lui qui a mis la main sur Nice Matin évinçant le groupe Safar, propriétaire de Valeurs Actuelles, jugé plus inconséquent.
Quand, ce jeudi 5 mars 2020, les éditeurs des magazines, convoqués par le CIRI, ont découvert ce plan, beaucoup ont compris qu’il leur était imposé… la plupart ont été satisfaits de découvrir qu’une nouvelle messagerie consacrée aux magazines allait voir le jour, car ils sont nombreux, à l’exception du groupe Prisma-Bertelsmann et de Marie-Claire (qui ont déposé un Recours au Conseil d’Etat afin d’annuler l’interdiction ARCEP aux éditeurs de quitter Presstalis)… à croire que le concurrent de Presstalis, les MLP (30 % du marché), ne pourra pas absorber tous les titres en cas de disparition de celle-ci. L’hostilité de ces magazines au plan gouvernemental s’est encore renforcée quand ils ont appris que Le Monde restait redevable d’une ardoise de 4,6 millions d’euros correspondant à la contribution volontaire de 2018, tout comme Czech Media Investment (CMI de l’oligarque Daniel Kretinsky) qui doit encore 2 millions d’euros.
Ces éditeurs ont-ils les moyens financiers de leur indépendance ?
Comme ils ne veulent pas et ne peuvent pas prendre en charge les 100 millions d’euros que va coûter le plan de licenciement de près de 750 personnes chez Presstalis (voire d’un millier si l’on intègre les salariés et intérimaires des filiales et des sous-traitants), ils semblent condamnés à accepter ce plan… ils sont d’autant plus tenus par le gouvernement qu’ils repoussent toute idée de liquidation directe… c’est le CIRI finance qui décide de manière dictatoriale…, c’est toujours la même loi qui veut que ce soit le payeur qui soit le donneur d’ordre.
Bercy joue parfaitement ce rôle en déliant les cordons de la bourse… le CIRI débloque 25 millions d’euros pour payer la sur-commission des marchands de presse, ce complément de rémunération portant sur le deuxième semestre 2019 et le premier trimestre 2020… si l’État ne l’avait pas fait, les diffuseurs de presse auraient pu bloquer tout le système en refusant de vendre les titres… mais le CIRI qui est passé maître dans la maîtrise du rapport de force a fait savoir aux éditeurs que cette somme leur était exigible.
Bercy et l’hôtel Matignon sont persuadés que la résistance des magazines au projet disparaîtra dès que la procédure de mise en règlement judiciaire sera déclenchée car, sans aide financière des pouvoirs publics, Presstalis partira en liquidation directe. et quasi toute la presse fera de même !
L’État mène donc sa barque et assure qu’il fera “comme toujours, son devoir”, c’est-à-dire qu’il apportera 50 % des sommes nécessaires à la mise en place du plan social, soit 50 millions d’euros… une partie de cette somme étant prélevée “EN FORCE” auprès des éditeurs.., le gouvernement Macron fait, là encore, preuve de pragmatisme politique : il aide ceux qui le suivent dans sa démarche et pénalise ceux qui s’en abstiennent.
Les quotidiens et les magazines, quant à eux, devront compléter la part de l’État en apportant cash les 50 millions d’euros restant à payer… et comme les éditeurs ne pourront pas apporter cette somme en cash, il est déjà prévu qu’ils règlent obligatoirement cette créance en s’acquittant d’une nouvelle contribution exceptionnelle représentant près de 7 % du chiffre d’affaires annuel de Presstalis…, celle-ci restant, en plus et tout comme la rémunération des marchands de presse… due par les éditeurs même s’ils quittent, à la fin du gel des transferts le 17 juin 2020, la nouvelle société pour la concurrence (MLP).
Avec un incroyable cynisme, Presstalis a déjà informé les éditeurs captifs (retenus prisonniers et esclaves) que des prèts pourront leur être consentis pour s’acquitter de ces montants obligatoires, ce qui devrait aider à accentuer leur naufrage !!!
Quand l’épidémie de coronavirus ne concernait encore que la Chine, Bernard Arnault a immédiatement décidé que le groupe LVMH cessait tout investissement publicitaire dans les médias… il a été immédiatement suivi par le groupe Kering de François Pinault… ce qui est un moyen efficace de précipiter les éditeurs en faillite pour faire table rase de tout ces “emmerdeurs-critiques” et éventuellement les racheter pour rien… depuis, tous les annonceurs ont suspendu sine die leurs achats dans les médias !
La situation ressemble à celle de 1991, où la publicité avait, en raison de la guerre du Golfe, déserté la presse… et n’était jamais revenue.
L’enfer ne fait que commencer car 2020 sera l’année noire de la presse papier qui verra des centaines de titres disparaître et les plans sociaux catastrophiques se multiplier… rares sont les éditeurs qui y échapperont car il faut ajouter à la perte des recettes publicitaires un manque à gagner sur la vente “kiosques, librairies et grands-magasins…, car depuis une semaine (début mars) il n’y a plus de remontée d’argent du produit de la vente qui doit revenir aux éditeurs !
Le montant de ces encours dénommés “le solde” reporté avait été chiffré dans un document de travail gouvernemental à 135 millions d’euros… mais il pourra être très largement supérieur si le délai qui sépare le redressement judiciaire de la reprise des actifs atteint deux, voire trois semaines !
Dans tous les cas de figure, la presse papier va donc perdre entre 15 et 50% du produit des ventes annuelles, en plus de ne plus engranger le moindre euro en publicités et en plus de devoir payer des sommes mirobolantes obligatoires !
C’est “le casse” du nouveau siècle, qui outre “faire de la place” va permettre aux seuls grands éditeurs amis du gouvernement Macron, de subsister, ce qui sous entend une presse enchainée, aux ordres, comme dans les années 30 en Germanie…, du grand spectacle du gente “Marche où crève” !
Pour tenter de sauver les meubles et limiter les pertes, de nombreux éditeurs ont déjà pris l’initiative, suivant l’exemple du groupe Prisma-Bertelsmann, de réduire entre le quart et la moitié des volumes de papier mis en vente dans les kiosques et chez les marchands (librairies, grands-magasins)… et ils envisagent de passer entre 50 et 75% si la situation perdure.
Cette politique de la terre brûlée a des conséquences directes sur les revenus des diffuseurs de presse comme ceux des imprimeurs qui pourraient recourir rapidement au chômage partiel, voire au dépôt de bilan !
C’est toute la filière presse, dans son ensemble, qui crève…
Les ouvriers des messageries Presstalis l’ont compris et ont commencé, depuis vendredi dernier à bloquer les circuits de distribution : Le Parisien et les quotidiens nationaux ont par exemple été bloqués en province… car les syndicalistes savent qu’ils ne pourront pas s’opposer à la disparition de Presstalis et veulent préserver autant de postes qu’ils peuvent, et de l’autre, assurer aux ouvriers licenciés qu’ils pourront bénéficier d’une rémunération jusqu’au jour où ils liquideront leur retraite : ce qui suppose de réévaluer à la hausse les 200.000 euros qui avaient été prévus, en moyenne, par la gouvernance de Presstalis pour chaque ouvrier licencié…elle passerait alors à 300.000 euros en prime de départ… une revendication exorbitante dans le monde du travail mais au regard des 196 millions d’euros que l’Etat a versé à Presstalis depuis deux ans, elle prend pour le personnel sa totale justification !
Pour les éditeurs qui eux ne sont plus payés des ventes de leurs magazines et doivent OBLIGATOIREMENT payer de force solidairement pas loin de 10% du chiffre d’affaire de Presstalis, c’est totalement indigeste, mais comme le Gouvernement Macron les considère comme des emmerdeurs et comme ne valant moins que rien si ce n’est à devoir payer, c’est la fin…
Les ventes au numéro moyenne (chiffres acpm) démontrent une baisse globale entre 10 et 50% !
Les quotidiens nationaux
Le Monde (35 828 exemplaires -10,4% ) , Le Figaro (24551 ex., 37329 ex. -13,47% avec les suppléments magazines), Libération (12984 ex. -12,37%, Aujourd’hui en France (82366 ex. -12,76%) Le Parisien Aujourd’hui en France (136 844 ex. -11,7%), L’Equipe ( 98438ex. -13,47%), Les Echos (7848 ex. -11,42%).
Les magazines du groupe Le Monde
L’Obs. (19349ex -6,2% ) Courrier International (11241ex. -14,05% ), Télérama (44503 -3,41%)
Les suppléments du Figaro
Le Figaro Magazine (74187 ex. -10,21%) Figaro Madame (78027 ex. -8,95%)
Czech Media Investment de Daniel Kretinsky
Télé 7 Jours (371352ex. -8,13% ) Elle (74862ex. -6,72%) Marianne (34038ex. -7,82%)
Prisma Berteslmann
Gala (77820ex. -16,08%) Voici (161 220ex. -13,44%) Géo (29044 ex. -15,05%) Télé Loisirs (267222ex. -9,64%), Femme actuelle (210589 ex.-9,27%)
Groupe Lagardère
Paris Match (154009 ex. -14%), Le JDD (81959 ex. -12,52%)
Reworld
Télé Star (287324 ex. -8,21% ) Closer (101408 ex. -16,82% ) Grazia (34759 ex. -17,22%) Sciences et Vie (36032 -13,19%), Biba ( 81173 ex. -20,16% ) AutoMoto (15065 ex. -16,98%)
Marie Claire
Marie Claire (135793 ex. -9,23%), Cosmopolitan (117812 ex. -9,07%)
Le groupe Perdriel
Challenges (7930 ex. +5,4%), Sciences et Avenir (23086 ex. +11,71%)
Et aussi
Maxi du groupe Bauer (155961 ex. -10,29%)
Le Point (42082ex. -12,61%)
L’Express (18880 ex. -17,72%)
Mitro (2612ex. -45%)
Chromes&Flammes (34.854ex. +17,6%)
La tendance se confirme, avec les mêmes volumes de baisse, sur le premier trimestre 2020 (il faut donc multiplier le % par 2).
Extrapolé de l’article de EMMANUEL SCHWARTZENBERG/Médiapart
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