Quand vous voulez faire une affaire, vous payez toujours 33 % de la transaction, en corruption, sous forme extorsion, en avocats, en taxes…
Si la corruption consiste à obtenir un service par l’octroi de faveurs, en général financières, à ceux qui sont maîtres du processus de dispensation du service…, extortion (ou racket) consiste, pour ceux qui sont maîtres du processus de dispensation du service à ne le fournir qu’en contrepartie de dessous de table (communément nommés pots-de-vin)…
Vous l’aurez compris, la différence se joue sur pas grand-chose…
On corrompt le fonctionnaire chargé de donner son avis sur un permis de construire…, mais ce même fonctionnaire peut aussi prendre l’initiative d’exiger un “avantage” financier pour établir ce permis de construire, faute de quoi il va faire trainer le dossier durant un temps infini…
On peut faire un cadeau à celui qui peut faire accélérer l’instruction d’un dossier ou favoriser un recrutement ; mais on peut également être victime d’un racket de ce même fonctionnaire qui monnaie son service alors qu’il est payé pour ce…
On glisse un billet dans les documents d’identité pour que le policier ferme les yeux sur une infraction, ou lors d’un contrôle technique…, mais n’est-il pas plus fréquent qu’on vous demande “un don” pour fermer les yeux…
Certaines corruptions et extortions ne sont pas financières…, ce sont les plus difficiles à traquer : l’octroi d’honneurs, l’entrée dans certains cercles restreints, l’admission dans une catégorie sociale en vue… font partie des moyens d’une corruption non pas ponctuelle mais endémique : petits services rendus, bienveillance sur certains écarts, protections.
On quitte là cependant la corruption ou extortion pour entrer dans les phénomènes de réseaux et de relations, dans les pratiques mafieuses et les collusions de fonctionnaires, encore plus redoutables.
Celles-ci sont différentes de la corruption et de l’extorsion (racket), dans la mesure où elles coexistent avec le fonctionnement bureaucratique normal en le court-circuitant ou en le neutralisant.
Un mafieux ne corrompt pas un juge : il se débrouille pour qu’aucun témoin ne parle…, ou il fait tuer le juge.
La corruption et extorsion ne doivent pas être confondues avec les délits d’initiés, où il est fait usage d’informations privilégiées pour obtenir un avantage…, par exemple, le consultant qui utilise ses informations pour jouer sur les cours boursiers d’une prise de participation qu’il expertise commet un délit d’initié.
La corruption et extorsion sont différentes aussi des abus de biens sociaux qui sont des détournements pour le profit de divers individus des ressources d’un collectif (association, entreprise, machine de l’État).
La corruption est donc caractéristique d’un État de droit avec les fonctionnaires duquel on prend des accommodements.
L’extorsion est tout aussi caractéristique d’un Etat de droit, dont les fonctionnaires monnaient les services légaux qu’ils doivent donner aux contribuables…
Quelles sont les causes de la corruption et l’extorsion ?
Évidemment l’appât du gain, que ce soit du côté du corrupteur ou de celui du corrompu…, du maître-chanteur et de sa victime…
Le corrupteur tout comme le maître-chanteur veulent obtenir un avantage… et le corrompu tout comme la victime veulent améliorer leur situation.
Les militaires qui montent des contrôles routiers la nuit dans certains pays d’Afrique et exigent un paiement des automobilistes qui désirent aller plus loin, veulent améliorer leur salaire…, exactement ce que font certains fonctionnaires qui exigent un paiement pour la délivrance d’un permis de construire (ou autre) et divers employés de contrôles techniques qui demandent “un gros billet” pour faciliter l’obtention de documents en ordre…
Celui qui trouve la réglementation foncière ou routière ou quoique ce soit d’autre…, trop contraignante, cherche à mettre de l’huile dans les rouages…, ce qui suggère tout de suite deux remèdes à la corruption et à extorsion-racket…
Le premier consiste à contrôler l’appât du gain chez les corrupteurs potentiels (tout le monde, donc), soit très en amont par l’éducation, soit par la crainte de la répression.
On apprend à l’enfant à être honnête et on punit le corrupteur pris la main dans le sac.
Le second consiste à contrôler l’appât du gain chez les corrompus potentiels (ceux qui sont en position de dispenser des avantages) en agissant sur les mêmes ressorts.
En inculquant une éthique professionnelle d’honnêteté au fonctionnaire, en contrôlant régulièrement ses actions (inspection de l’administration), en sanctionnant les délits, en faisant aussi en sorte qu’il ne soit pas tenté par le gain.
Des policiers, des juges, des fonctionnaires, des employés…, misérablement payés sont inévitablement des cibles pour la corruption, à moins qu’ils ne soient des maîtres-chanteur en puissance !
La relation entre corruption, extortion et organisation administrative de l’État de droit, soulève un problème intéressant.
Si on laisse de côté les motivations de lucre et d’avidité, un facteur important de corruption/extortion active, est la complication administrative.
Plus c’est compliqué, plus on est tenté de demander des coups de pouce qui faciliteront les choses… et plus les fonctionnaires seront tentés de proposer de faciliter les choses.
Sauf que la complication est à elle-même son propre remède, le corrupteur ne sait pas qui corrompre, le maître chanteur ne sait pas si sa victime n’est pas un enquêteur… et il leur faut monter toute une trame pour s’assurer d’une issue favorable.
Il est donc plus sensé de faire appel à des spécialistes des rouages administratifs et légaux que de corrompre ou que d’accepter une extortion (un chantage).
Sauf que cela a un coût, celui de leurs conseils.
Et comme par ailleurs, la complication de l’organisme d’État doit elle-même être financée, il y a aussi un coût, cette fois en taxes et en impôts.
Ce qui mène à ma conclusion que vous devez toujours garder en tête : Quand vous voulez faire une affaire, vous payez toujours 33 % de la transaction, soit en corruption ou sous forme extorsion, soit en avocats, soit en taxes…