Quelqu’un du temps passé… #1
C’était un temps bon enfant ou Bourvil chantait les crayons, ou Roger Pierre et Jean Marc Thibault entonnaient “A Joinville-le-Pont, pompon“, ou Fernand Raynaud hésitait à acheter des oeufs cassés ou pas cassés… Une époque telle un p’tit bal perdu dans un pré ou l’on cueillait aussi bien les fleurs des champs – les notes d’André Claveau, Luis Mariano, Patachou, Guétary, Eddie Constantine ou Annie Cordy – que les fleurs du mâle des Ferré, Aznavour, Bécaud et Brassens…, débutants. On était alors zouave de l’humour, on était zoulou du ciboulot, ça dépendait de l’heure, des amours, des emmerdes, de ce qu’on avait bu ; mais pas d’un parti pris.
On ne le gardait pas pour soi, cette bohème du samedi soir, on la partageait entre potes dans des cabarets à fantaisies ou à chanteurs. Il suffisait de franchir la porte d’un music-hall, même minable, pour que la vie en rose, que la vie en grise, que la vie en vive dans un manège à moi qui restait toi… Beaucoup de rires, de rêves, d’illusions, d’aspirations.
Papa venait de cet univers-là.
Qui n’existe plus.
Ou alors, une fois tous les cent ans, en un casino de province appelé “Never- more”, tel un brigadoon d’années d’après-guerre qui enseigne à ne pas se prendre au sérieux.
Quand je suis né, il est devenu ma vedette.
Sa voix ronde montait dans le grave quand la tendresse le chatouillait, une tendresse bourrue.
Au fil du temps, entre la “Deuche” et le “Tepaz”, il se mettait en cravate pour monter au turbin, avec sa silhouette quotidienne, son air bonhomme, sa manière de boire une bière, de taper sur l’épaule d’une commère ou de hocher la tête face à la misère du monde, le cœur sur la main, dur quand il fallait pour ne point se fondre dans le gris des réalités.
Je ne me plains pas qu’il est parti de l’autre coté du miroir, il m’a fait vivre et ça c’est magnifique.
En passant au travers, hier même si c’est longtemps, il m’a dit qu’au fil du temps qui passe, il me suffirait de regarder le miroir pour le voir de plus en plus nettement…
Je suis triste, parce que les vociférations débiles de la rue ont brisé le miroir, et c’est grand chagrin…