Qui connaît Serge Haroche ?
Le monde n’est que catastrophes économiques, sociales, écologiques…, que nous est-il encore permis d’espérer en 2013 ?
Je vous invite à penser les violents bouleversements qui s’enchaînent et nous accablent, sans que nous en comprenions toujours les ressorts.
On peut commencer rapidement par une crainte.
Et ma crainte touche aux questions d’emploi.
En France du moins, le chômage croît avec rapidité et on peut être inquiet sur l’organisation d’une société qui a tout misé sur le travail.
Le plus grand génie du XXIe siècle sera celui qui inventera une société qui serait organisée autour d’un autre type d’occupation…
Ensuite, on peut continuer et souligner que les gouvernements ont manqué de prévoyance dans la crise économique que nous traversons…
C’est vrai que l’on a manqué de prévoyance mais tout le monde a trempé dans cette affaire.
Et est-ce qu’on pouvait vraiment tout prévoir ?
Ce n’est pas sûr.
Plus fondamentalement, cela porte sur deux choses : sur le gouvernement, c’est-à-dire la politique… et sur l’économie.
Aujourd’hui toutes les questions à l’ordre du jour tournent autour de ces deux notions.
Nous vivons une bascule entre deux mondes… et dans cette bascule, je crois que les questions les plus graves se passent ailleurs.
Lors des tremblements de terre, on voit des lézardes mais, à des kilomètres de profondeur, il y a des plaques tectoniques qui sont la cause de ces séismes.
J’ai tendance à penser qu’aujourd’hui, la crise économique, ce sont des lézardes superficielles et contemporaines, mais qu’il y a des causes profondes qui travaillent.
Si l’on prend du recul, on s’aperçoit qu’il s’est passé des événements dont on n’a pas beaucoup parlé et qui sont pourtant décisifs.
Prenez le nombre des paysans en France, il est passé de 70-75 % en 1900 à 1,8 % en 2000.
C’est un événement millénaire.
Ce n’est plus le même monde…
Si vous regardez l’espérance de vie, vous constatez que, vers les années 1850, elle était de 30 ans pour les femmes alors qu’elle est aujourd’hui de 85 ans.
Ce n’est plus la même femme ; ce n’est plus le même corps ; ce n’est plus le même mariage…
Nous étions un milliard en 1930 ; on est 6,5 milliards aujourd’hui.
Ce n’est pas la même humanité.
Jusqu’en 1800, 3 % de cette humanité habitait en ville ; en 2050, ce chiffre atteindra 70 %.
Là encore, ce n’est plus le même monde.
Si vous faites la liste de ces événements majeurs, on voit très bien quelle est la cause profonde de la bascule d’aujourd’hui…., bascule qui, du coup, n’est pas seulement économique mais du fait de l’évolution humaine…
C’est ça la crise, à mon avis.
La société a profondément changé, avec des contraintes : la démographie, l’agriculture, la médecine, la science en général…, qui ne sont pas du tout ni politiques ni économiques.
Je m’habitue donc à penser que ce n’est pas forcément en regardant la politique et l’économique qu’on a les réponses aux questions qu’on se pose.
Si l’on s’obsède sur les questions politiques, on reste dans la société du spectacle… et celle-ci nous empêche de regarder lucidement l’état profond des changements.
M’est avis que la finance, les banques et leurs larbins des gouvernements qui tiennent le pouvoir sans rien vouloir en lâcher, entretiennent les spectacles stupides pour que la société reste primaire…
La politique est omniprésente… et fait tout ce qu’elle peut pour que les citoyens ne pensent pas… et s’abrutissent dans le travail qui n’est que de l’esclavagisme…
Les gens inversent les valeurs, les syndicats qui font partie de ce système, revendiquent le droit au travail…, c’est comme exiger de pouvoir être esclave !
Et toutes et tous, ainsi conditionnés, finissent par avoir peur de ne plus travailler…, alors que ceux et celles qui ne travaillent pas touchent des revenus de chomâge, des pensions, des retraites… qui ne leur donnent évidemment pas envie de se révolter…
Et tout décline…
Quand on vit une bascule entre deux mondes, on s’aperçoit que les institutions sous lesquelles nous vivons ont été décidées et construites au moment où le monde n’était pas ce qu’il est devenu.
Et tout d’un coup, vous suspendez une institution qui a été construite “avant”… et vous vous apercevez que les choses ne changent guère !
Impressionnant, n’est-ce pas ?
Voyez les prémices de ce nouveau modèle qui n’est pas centré sur l’économie ou la politique…
La septième puissance économique du monde, ce sont les ONG !
Les organisations non gouvernementales manipulent aujourd’hui des milliers de milliards et occupent des millions de volontaires et de bénévoles.
C’est gigantesque.
Or, cette septième puissance économique du monde est complètement hors économie.
Cette nouvelle, d’une puissance colossale, ne figure jamais dans les médias.
Et c’est quand même très intéressant de voir que la plupart des protections dont les gens bénéficient ici et là ne viennent ni de la politique ni de l’économie courantes, mais de ça : des ONG, des associations humanitaires, des entreprises “non-profit”, du volontariat, des choses comme ça.
Et c’est quelque chose qui a crû de façon gigantesque récemment.
Il y a là un phénomène social profond.
Les phénomènes sociaux profonds sont à mon avis les plus intéressants, aujourd’hui, à noter.
Et le phénomène profond, c’est l’individu nouveau…
En tenant en main son portable, qui a à peu près toutes les performances, l’individu nouveau tient en main l’espace avec le GPS…, les correspondants avec le téléphone… et finalement tous les renseignements possibles avec le web….
L’individu nouveau est né dans les années 85-90, est passé dans tous les stades de l’éducation… et il est maintenant dans le marché du travail.
Il aura le pouvoir dans cinq à dix ans… et il porte en lui un autre monde que celui de ses prédécesseurs.
Nous sommes à l’orée d’un nouveau monde : il n’y a pas de doute là-dessus : la science ou les ténèbres
L’événement à retenir de 2012, ce n’est pas une performance d’acteur ou d’actrice, ni un film, ni un gaol, encore mpons les jeux olympiques ou la rélection d’Obama…, non, c’est la découverte par le Cern du bozon de Higgs (Particule élémentaire dont l’existence avait été décrite expérimentalement dans les années 60 par le physicien britannique Peter Higgs mais aussi par les Belges François Englert et Robert Brout)…
Ça vous étonne que je dise ça ?
Mais regardez : la France a eu cette année un prix Nobel de physique.
Quand je lis dans les journaux la liste des choses importantes qui se sont passées en France, il n’y figure jamais.
Tout le monde connaît Michael Jackson mais qui connaît Serge Haroche ?
Il y a à peine 50 ans, si vous aviez le prix Nobel, vous deveniez immédiatement un héros national ; aujourd’hui, cela a disparu du spectacle, comme s’il n’y avait pas de science…
Or, tout l’Occident est fondé sur les découvertes scientifiques, les avancées technologiques, etc.
J’en conclu que la société du spectacle est en train de s’orienter vers les ténèbres et pas vers la lumière… et de nous y attirer….
Parce qu’à défaut de la connaissance, on peut toujours essayer l’ignorance, mais elle a démontré son impuissance !