Rencontres Meetic !
Beaux, Intelligents et Riches. Marre des dragueurs à 2 € !
Marre des cas sociaux !
Jeune femme, 33 ans, cherche messieurs beaux, intelligents, riches, pas pris…
La jeune femme, c’est moi.
Les messieurs beaux et tout ça, ce sont ceux que www.GatsbyOnline.com m’a chargée d’approcher, via Meetic…
Etape 1 : Inscription
Tout d’abord, il faut remplir une fiche.
Taille, poids, niveau d’études, religion : chaque aspect de ma vie doit trouver son tiroir.
Puis viennent les questions subjectives : êtes-vous romantique ? quel est votre trait de caractère le plus marqué ?
Pour trouver sa moitié, il faut aussi un pseudonyme.
Mais tout est pris !
Il est donc conseillé d’ajouter un numéro à son choix.
C’est ainsi que je vais devenir Juliette_029.
Je décide par ailleurs de ne pas joindre de photo avec mon annonce.
Etape 2 : Sélection du cyberamoureux
Une fois inscrite, je reçois une sélection de beaux jeunes hommes.
Je navigue d’une fiche à l’autre, et je suis étonnée de la qualité des annonces.
Soit un Cyrano quelconque leur souffle les phrases, soit mes cyberamoureux sont assez cultivés.
Je fais le premier pas avec un brun ténébreux qui se prétend artiste.
Mon interlocuteur est assez à l’aise, on discute, on marivaude un peu.
J’invite ?
J’invite !
Et mon prince des ténèbres disparaît de la circulation.
L’aventure m’arrivera plusieurs fois.
C’est ainsi que me planteront sans scrupules un clone de Rahan, un père divorcé et un “crapaud” très drôle attendant sa bonne fée.
Je dois faire peur, à moins qu’il ne s’agisse de leurres pour attirer le client…
Ces échanges à l’aveugle laisse une impression assez troublante.
Quoique tous n’ont pas les mots pour me faire rêver.
L’un deux, à qui je réponds (pour rire et pour voir) que je suis très laide, me lance un magnifique : “Va te faire m…, paumée“…
Toi-même!
Vient le moment où un homme accepte enfin de me rencontrer.
Mon Christian du jour m’écrit qu’il n’est pas riche.
Je ris.
Il ajoute qu’il est un cas social.
Je re-ris.
On se donne rendez-vous le lendemain dans un jardin public.
Pour nous repérer, nous envisageons la rose à la boutonnière, le jeu de piste sur portables, l’écharpe blanche volant au vent. Finalement, chacun décrit son blouson…
Etape 3 : Le rancard
Assise sur un banc, je le vois arriver.
Je le reconnais sans hésiter.
Un gros motard hindou…
Nous allons boire un verre quand même.
En un quart d’heure, il va tout me dire de son passé, de sa dépression et de ses problèmes de santé.
Il s’apprête à payer sa consommation, je prends l’addition.
Puis je lui annonce que j’ai un train à prendre, ce qui est vrai.
Je lui révèle qu’il se vend très mal, il me l’accorde, se confie à nouveau.
On se fait la bise, je ne lui dis pas à bientôt, je pense que ça l’angoisserait encore plus que moi.
Le lendemain, mon nouvel ami m’envoie un message adorable.
Il a rencontré une autre fille juste après moi, à qui il n’a pas parlé de ses malheurs (pourquoi donc?).
Il n’envisage pas de me revoir, sauf si je m’installe comme psy.
Etape 4 : Ce n’était pas le bon…
Retour devant mon ordinateur.
Cette petite chasse à l’homme commence à m’amuser.
Je corresponds depuis quelques jours avec un certain Vingtcoeur.
Me voyant connectée, le monsieur m’invite à chatter.
Je vais ainsi me retrouver à correspondre avec trois hommes à la fois.
Je me sens à la frontière de la schizophrénie et de l’immoralité.
Au fait, chatter, c’est tromper ?
Je réussis à obtenir un rendez-vous avec Vingtcoeur.
On se retrouve à la terrasse d’un café.
Grand, mince, élégant, un petit côté lord Sinclair, il m’explique immédiatement qu’il est un habitué d’Internet.
Il me parle de ses enfants adorables, de son divorce réussi, de son entreprise prospère, des belles histoires d’amour qu’il a vécues grâce à Meetic.
Il choisit ses rencontres selon quatre critères : le niveau d’études, le poids, la taille et l’âge.
Il a dû sauter une ligne sur ma fiche, car je sens bien que, physiquement, il a déjà vu mieux.
Il avoue éliminer les “vieilles” (je cite) de plus de 45 ans et les jeunettes qui n’ont pas les mêmes aspirations que lui.
Ah ! au fait, je ne vous ai pas dit, mais il a 48 ans, mon beau mec.
Mon pro de la rencontre me paraît très disert.
Je décide de lever le voile: je suis journaliste…
“C’est génial !”
Il se décide alors à me dire toute la vérité.
Que je suis sa quatre-vingt-sixième rencontre grâce au Net, que sur ces rencontres, il comptabilise trois belles histoires, mais aussi quarante “coucheries” (le terme est de moi, le sien était un peu moins élégant).
“Si la fille n’est pas séparée depuis trois ans, elle n’a pas fait le deuil de son histoire, et cela ne peut être que physique“, m’explique-t-il.
Il affirme aussi rencontrer pas mal de dames mariées insatisfaites.
“J’ai découvert que les femmes aussi avaient des besoins sexuels“…
Ce n’est pas un dragueur, c’est un sociologue !
Je paie nos consommations, pour me faire pardonner non seulement d’être petite, mais aussi journaliste.
Etape 5 : Un crapaud…
Mon Calimero et mon James Bond n’étant peut-être pas représentatifs de la faune cyberlove, je décide d’en essayer un dernier.
En me promenant sur le site, il me semble reconnaître le “crapaud” qui m’avait échappé la dernière fois.
Je l’interpelle: Alors, toujours à la recherche d’une fée ?
“Je ne comprends pas, de quelle fée parles-tu ?“…
Aïe, je me suis trompée de crapaud…
Ce n’est pas grave, je noie le poisson et entame un Tchat endiablé…
Après une conversation qui ne restera pas dans les annales de la littérature, nous nous donnons rendez-vous dans un café des Champs-Elysées.
Le monsieur étant très occupé, je ne pourrai le rencontrer que dans une quinzaine de jours.
Samedi matin, dix jours plus tard…
Je n’ai eu aucune nouvelle de mon crapaud ; je quitte malgré tout enfant, mari et courses hebdomadaires pour me rendre dans un bar assez sordide, sur la plus glauque avenue du monde.
Je cherche du regard ce qui pourrait ressembler à un faux crapaud.
Personne.
Mon faux crapaud m’a fait faux bond.
Troisième rendez-vous, troisième café.
J’espère au moins que mon crapaud que j’appellerai désormais lapin, m’a abandonnée pour la femme de sa vie…
Etape 6 : Epilogue…
Longtemps, les annonces matrimoniales ont eu la réputation d’attirer les incasables ou les pervers.
Et voilà qu’Internet a tout révolutionné.
Non seulement c’est devenu chic de se rencontrer sur la Toile, mais choisir l’autre sur des critères précis peut se conclure en happy-end.
Hier encore, on confiait frileusement son célibat à une agence matrimoniale et on scrutait à la loupe le doux sabir des petites annonces dans les journaux : H. 48 ans. lib. cult. ch. J. F. pr fond. fam.
Aujourd’hui, avec 14 millions de célibataires dans l’Hexagone, vieux garçons et catherinettes se sont décomplexés, pour le grand bonheur des professionnels du marketing.
Le célibat a cessé d’être ce qu’il fut longtemps : un sacerdoce ou une malédiction.
Il est devenu un marché, et même une mode.
Dans cette ère de déification de l’indépendance, où le célibataire est roi, avec ses salons annuels, mais aussi ses agences de voyages et ses journaux spécialisés, jamais la solitude n’aura été aussi ouvertement combattue… ou exploitée.
Ainsi, dans les grandes villes, lieux et formules de rencontres se déclinent à l’infini.
Furieusement tendance il y a deux ans, le speed-dating est déjà en cours de ringardisation.
Désormais, on libertine silencieusement en s’écrivant des mots doux dans les quiet parties, on se rencontre dans le noir (blind parties), à bord d’un bus typiquement londonien (bus dating) ou sur une péniche, lors d’une dégustation de vin ou entre deux bouchées de sushi…
Chaque mois, chaque semaine, de nouveaux concepts importés du Canada, de Chine, des Etats-Unis ou du Brésil réinventent l’art du flirt et du badinage.
Aux Etats-Unis, Internet serait en passe de détrôner le lieu de travail pour rencontrer sa moitié.
Chez nous, ils sont plus de 4 millions d’internautes à cliquer de la souris pour rencontrer l’âme soeur.
La plupart du temps, c’est un peu comme en discothèque : gratuit pour les filles, payant pour les garçons (environ 20 € par mois).
Et si l’on en croit les statistiques, 5% des inscrits connaissent, in fine, une issue des plus heureuses.
Qui sont-ils, ces attrape-coeurs du virtuel ?
Le Web, c’est l’auberge espagnole, tout est possible.
De l’aventure d’un soir au mariage, du libertin zappeur à la romantique transie, il y en a pour tous les goûts.
En recoupant différents sondages réalisés par des sites Internet, on peut dresser un portrait-robot des cyberlovers : ils sont âgés de 30 à 45 ans, urbains, ont fait des études poussées, sont de grands consommateurs de loisirs et de culture, sportifs de surcroît, et pour les hommes, mesurent plus de 1,75 m !
Gommant à la fois les frontières et les timidités, la Toile devient un vaste terrain d’expérimentation et de métamorphose.
Julie, 35 ans, institutrice en banlieue parisienne, divorcée, ne passe pas une journée sans flirter sur le Web.
A son actif, des centaines de contacts, et huit rencontres.
“C’est une invention géniale: je peux être en chaussons avec des bigoudis et draguer, rougir, rire devant mon ordinateur, exactement comme lors d’un rendez-vous galant. Peu importe si ça marche. L’essentiel est de se donner les moyens de découvrir l’autre“.
La Toile offre ce sentiment du risque zéro et de la maîtrise totale, d’autant que tout est mis en place pour que l’homme idéal surgisse de l’ordinateur.
Il suffit de pianoter les critères du prince charmant pour entrer en contact avec une multitude de fiches lui correspondant.
Les artifices du virtuel fonctionnent si bien que, selon un sondage effectué par Match.com, 80 % des internautes croient au coup de foudre en ligne.
Mathias, vendeur de bois à Nantes, est tombé éperdument amoureux de Karina, une étudiante mexicaine, sans l’avoir jamais rencontrée pour de vrai.
Sur leur site personnel, il raconte : Après six mois de dialogue quotidien sur le Net, je ne vivais plus que pour elle.
A tel point qu’il lui fait sa demande en mariage confortablement installé derrière son clavier, l’écran bardé de caméras.
“J’ai répondu oui sans hésiter“, se souvient Karina.
Aujourd’hui, ils filent le parfait amour en France. Bien réel, cette fois.
Mais gare aux dérapages : dans les méandres de la Toile, les comportements compulsifs sont légion.
Le cyberadultère, tromper en chattant sur le Net, est tellement pris au sérieux qu’il se plaide déjà, aux Etats-Unis, devant les tribunaux.
Et ils sont de plus en plus nombreux à être atteints du syndrome de “rencontrophagie“, même si les rencontres post-virtuelles, dans le monde réel, s’annoncent souvent très prometteuses, beaucoup se reconnectent illico pour éprouver à nouveau ce sentiment grisant d’avoir des centaines d’histoires potentielles à portée de main.
Bientôt, nos téléphones portables équipés d’écran et de mini-caméra nous permettront de draguer le monde entier depuis notre siège de bus.
On parle même de créer des espaces célibataires dans les musées, les bibliothèques, les restaurants.
Et l’on se souviendra alors avec nostalgie du temps où un regard croisé au hasard d’une rue nous laissait en pâmoison.
Enorme. Incroyable.
Sur la planète Web, aujourd’hui, un milliard de personnes communiquent chaque jour !
Jamais de parfait(e)s inconnu(e)s n’ont eu autant de chances de devenir vos ami(e)s.
Chez vous, bien calée dans votre fauteuil, grâce à votre clavier, du bout des doigts, vous pouvez échanger des recettes de quiches avec une Néo-Zélandaise et partager votre passion pour la poésie avec un infirmier togolais !
Le monde a rétréci.
Et le proverbe “Loin des yeux, loin du coeur” est en train de boire la tasse.
Une révolution relationnelle et un sacré pied de nez à nos sociétés occidentales qui, dominées par le culte de l’apparence et du profit, s’enfoncent dans une grave crise du lien social.
Loin des yeux, près du coeur, des amitiés comme on n’en avait jamais vues se tricotent ainsi, par courriel, sur les chats, les forums de discussion ou au travers des blogs, carnets de bord visibles dans le monde entier.
Des amitiés virtuelles étonnantes et contradictoires, à la fois lointaines et proches, intimes et désincarnées, attachantes et désengagées.
Vous n’adressez pas la parole à votre voisin, mais, en deux temps et trois clics, vous discutez avec une personne dont vous ignorez tout.
C’est la magie Internet.
Un univers où les amitiés se construisent à l’envers.
Nos amis du Web, sans corps, ni visage, ni identité sociale, connaissent nos goûts, nos passions, reçoivent nos confidences.
Contrairement à ce qui se passe dans la vie réelle où nos univers intérieurs, le plus souvent, se cachent et se dissimulent, sur le Net, ils s’étalent.
Et ces relations étranges revendiquent une authenticité, une profondeur que l’on peine à trouver parfois dans certaines prétendues amitiés vraies.
Mais tout n’est pas toujours beau et rose sur la Toile.
La rapidité et la facilité n’ont pas que des avantages.
Gare au zapping relationnel, d’un seul clic, celui ou celle que vous pensiez être votre confident peut décider de disparaître à tout jamais.
Alors que, plus encore que dans la vraie vie, l’amitié Internet a besoin de temps pour que la confiance et l’attachement finissent par se construire.