Salauds de pauvres !
La science économique tourne toujours autour des mêmes questions :
– Pourquoi y-a-t-il des pauvres et pourquoi y-a-t-il des riches ?
– Pourquoi ce pays est-il matériellement développé et pourquoi celui-ci ne l’est pas ?
Le jour où les économistes pourront donner la formule qui procure la richesse l’humanité sera soulagée de nombre de ses maux. À la question de l’origine de la pauvreté et de la richesse des nations les courants et les auteurs économiques ont répondu de différentes façons. Exploitation des uns par les autres, conditions naturelles plus favorables, facilité du climat…, les causes ne manquent pas. À lire la science économique on sent bien que chaque auteur approche plus ou moins du vrai, que chaque courant est plus ou moins éloigné de la vérité ; sans toutefois jamais l’atteindre. Ce qui est en revanche compris c’est qu’à l’origine de la richesse il y faut un certain capital. Or…, le capital, ce n’est pas l’argent. L’argent est une des manifestations sensibles du capital, mais ce n’est pas l’essence du capital.
Beaucoup confondent la manifestation avec l’essence, l’argent avec le capital qui est toujours immatériel par nature, car ce n’est pas la matière qui fait le capital mais la valeur de cette matière, valeur qui n’a rien de corporel. La monnaie d’or et d’argent, qui circule dans tous les pays, est très justement comparable à une roue qui, si elle transporte jusqu’au marché toute l’herbe et tout le blé du pays, ne produit pourtant rien de l’un ni de l’autre.
L’argent est donc comparable à une roue, il facilite les transactions, il est une manifestation de la richesse, mais il n’est pas la richesse… et il ne produit pas la richesse. C’est parce que la valeur du capital, notamment dans les entreprises, est exprimé en argent que l’on confond souvent capital et monnaie, alors qu’il est essentiel de distinguer les deux.
Je viens de lire une enquête impressionnante qui a comptabilisé l’ensemble des biens possédés par les pauvres. Ceux-ci, dans leurs différents pays, possèdent des biens : maisons, machines, outils, en petite quantité certes mais qui bout à bout atteignent une somme de $9.300 milliards !
Cette somme représente 40 fois le montant total de l’aide étrangère reçue dans le monde entier depuis 1945. Autant dire que les pauvres sont riches mais que cette richesse leur rapporte peu. Pourquoi ? Essentiellement parce que celle-ci représente du capital mort. Ces $9.300 milliards sont en réalité du capital mort, c’est-à-dire que les populations ne peuvent pas se servir de leurs avoirs, essentiellement à cause de problèmes juridiques : ce qu’ils possèdent est possédé de façon illégale ; ce qui veut dire qu’ils ne peuvent pas le vendre ni établir de transactions avec ces richesses… donc le capital possédé ne produit rien, il n’est pas un facteur d’enrichissement ; il est mort… non pas parce que les populations n’ont pas envie de faire partie de la légalité, où parce qu’elles trichent avec plaisir, mais parce qu’il est trop compliqué de posséder légalement un bien.
Pour mener à bien ses recherches un des chercheurs qui a réalisé enquête, a voulu ouvrir, légalement, un magasin de vente de vêtement à Lima. Il raconte le temps qu’il lui a fallu consacrer pour arriver à cette ouverture. Pour obtenir les papiers nécessaires à l’ouverture légale il a consacré 6 heures par jour, pendant 289 jours. Cela lui a coûté $1.231, soit 31 fois le salaire mensuel minimum ! Le temps et l’argent nécessaire à l’obtention légale d’un bien ne sont pas à la portée des plus pauvres… ils ont les moyens de posséder un bien mais pas ceux de posséder les papiers qui confèrent une assise juridique à ce bien… donc ils restent dans l’illégalité, et leur capital reste mort.
Il y a d’autres exemples qui illustrent cette situation aberrante.
– Au Pérou, pour obtenir l’autorisation légale de bâtir une maison sur un terrain appartenant à l’État il faut 7 ans de démarches administratives… pour être un taxi légal il faut 24 mois de démarches administratives.
– Aux Philippines, pour bâtir une maison sur un terrain légal il faut entre 13 et 25 ans de démarches…, cela explique pourquoi les gens construisent leur maison de façon illégale…, mais après ils ne peuvent plus la faire revenir dans la légalité.
L’illégalité n’est pas la cause de la pauvreté, elle en est la source. Le secteur extra-légal est ainsi un grand pourvoyeur de richesses, mais ces richesses ne peuvent pas irriguer l’économie réelle, elles se trouvent coupée de l’économie du pays. Le problème de la pauvreté est donc d’abord un problème juridique.
Si l’Occident est économiquement riche c’est parce qu’il a su créer des structures juridiques capables de favoriser la création des entreprises, l’esprit d’initiative, l’investissement et les échanges. Cet esprit juridique positif n’existe pas dans les autres pays… et en Europe, il est raboté par d’incessantes nouvelles lois qui compliquent toutes les démarches administratives… ainsi que par une inflation constante des pourcentages dédiés aux taxes et frais… Savoir d’avance qu’on va être plumé, ratiboisé par le fisc, n’est nullement un incitant pour créer des commerces, des entreprises, ni pour s’endetter pour les faire fonctionner en donnant pour garantie obligée aux banques, tout ce qui fut économisé par des familles entières durant plusieurs générations !
L’absence de droit tout comme l’incertitude des arrêts et jugements qui s’emmêlent dans des jurisprudences alambiquées et souvent contradictoires d’un tribunal à l’autre… en sus de l’arbitraire fiscal et des risques d’affaires liés à une mauvaise conjoncture économique, fait que les citoyens sont de moins en moins suicidaires à se lancer dans des entreprises… Tout cela amène à une économie souterraine, à des transactions “au noir” et à la corruption, au favoritisme, au détournement d’argent… autant de facteurs qui appauvrissent les pays. Tout ceci n’est qu’une réflexion de ce qu’est le capitalisme débridé et la pauvreté qu’il engendre. La pauvreté des nations n’est pas une chose inéluctable, le changement des institutions, des mentalités et des caciques politiques qui prennent le pouvoir comme des barbares un château…, permettrait d’apporter un grand essor.
C’est pourquoi une ultime question se pose : pourquoi est-ce en Occident que le système juridique permettant le développement et l’essor du capitalisme a pu voir le jour ? Ma réflexion et son argumentation sont pertinentes mais elles sans doute trop matérialistes, je pense qu’il suffit de changer les structures pour changer les sociétés ; en cela je me retrouve à penser comme les marxistes ! Si les conditions du développement juridique ont été créées en Occident c’est parce que c’est ici que régnait la liberté.. quoique… la liberté qui est toute relative, est au fondement du capitalisme et la liberté a besoin de conditions anthropologiques et religieuses pour naître et voir le jour. Ce qui fait la différence essentielle des pays occidentaux par rapport aux autres pays c’est qu’ils ont eu la Grèce, Rome et le christianisme, qui est l’accomplissement épanoui des deux civilisations…, or nous en sommes à tuer la Grèce en oubliant qu’elle fut le berceau de notre monde, à étrangler l’Italie en lui imposant la rigueur des barbares du Nord qui avaient détruit il y a un peu moins de 2.000 ans la civilisation Romaine… et les excès de la religion catholique ont amené à un rejet des pompes papales…
La liberté ne peut pas fleurir partout ; il est rare de voir des forêts croître dans les déserts. Le fruit politique de la liberté s’appelle la démocratie… et, outre qu’elle est galvaudée par les Etats-Unis qui virent vers une dictatucratie mondiale sans crainte d’atomiser ou gazer des populations civiles (Les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, l’agent orange déversé par millier de tonnes au Vietnam et au Cambodge) ou d’en déstabiliser voire renverser les gouvernements démocratiquement élus… l’on voit bien qu’elle n’est pas adaptée à tous les peuples et à toutes les nations (nous avons détruit quantités de pays et de population au nom d’une démocratie importée de force et transformé ces pays en déserts et zones de pauvreté)… Avant de changer les structures il faut commencer par changer les hommes, par changer leur forma mentis. Tout ne se réduit pas à l’économie, la culture est première…