Tchernobyl, c’est en Ukraine…
Située dans l’arrière-cour de la Russie (au Nord et à l’Est), coincée entre la Biélorussie au Nord-Est…, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Moldavie à l’Ouest… et à la Mer Noire ainsi qu’à la Crimée-Russe au Sud (sic !)…, l’Ukraine rêve d’être ouverte sur l’avenir malgré son économie atone : richesse insolente des oligarques locaux et extrème pauvreté de la population…, modernité et traditions…, s’entremêlent en permanence : antiques dévotions et ordinateurs à écrans plats cotoient des putes qui retapent en Ferrari et des fillettes faussement naïves sautillant avec une insouciance feinte, au milieu du désespoir ambiant des quasi-morts, survivant en attente d’une indépendance illusoire…
La pseudo victoire des pro-nazis à Maidan n’est que le début d’un long chemin de croix…, en effet, malgré cette indépendance illusionnée…, l’Ukraine n’entrevoit aucun bout de tunnel : la légitimité du nouveau gouvernement autoproclamé n’est pas reconnue par la Russie…, le rattachement de la Crimée à la Russie n’est pas reconnu ni par l’Ukraine, ni par l’Occident…, les immeubles détruits pendant le coup d’état ne peuvent être reconstruits faute de moyens financiers…, la sécurité des autoproclamés (et non du peuple) est assurée par des militaires sans avenir payés en demi-soldes et par des milices pro-nazies nostalgiques d’un Reich de mille ans…, la dette du pays (impossible à rembourser) est supérieure à 50 milliards de dollars…, le salaire mensuel moyen des rares qui ont un travail est de 250 euros… et la prétendue “aide” que la Communauté Européenne pourrait apporter est illusoire car liée à un régime financier drastique (incluant la vente au rabais des ressources et industries à l’occident), pire qu’en Grêce, imposé par le FMI… et l’avilissement du pays au joug militaire de l’OTAN… et ce n’est pas demain la veille que l’Ukraine sera un pays membre de la Communauté Européenne !
Exepté la Russie, tous les pays donneurs de leçons ont menti au peuple ukrainien…, l’Ukraine ne peut et ne sait donc pas s’ouvrir au monde comme elle le souhaiterait, malgré le soutien diplomatique de personnages politiques occidentaux délirants en discours creux, leur obsession d’en finir avec “le péril russe”…, alors que seul le grand frère russe est en mesure de maintenir le pays à flot…, dans ce contexte de folie : “C’est impossible d’y aller et c’est dangereux”…, m’a-t-on dit…, alors que la Crimée votait son désir d’être ratachée à la Russie… et que je voulais me forger ma propre opinion sur cette improbable nation qui n’en est pas à son premier empoisonnement du monde !
Empoisonement du monde…, en effet, l’Occident a oublié que Tchernobyl, c’est en Ukraine… et les populations irradiées ont été tenues dans l’ignorance des non-dits et mensonges merdiatiques, qu’après la catastrophe nucléaire en 1986, la centrale a continué de fonctionner avec trois des six réacteurs jusqu’en décembre 2000… alors que les villes de Tchernobyl et de Pripiat étaient pratiquement devenues des villes fantômes…, si c’est en URSS que l’accident de Tchernobyl s’est produit, c’est maintenant dans le nord de l’Ukraine, près de ses frontières avec la Biélorussie et la Russie, que l’arche de confinement (payée suite à un chantage orchestré par le gouvernement d’Ukraine, vous le lirez plus loin, par les pays du G7 et la BERD), est en cours de construction dans l’espoir d’isoler les restes de la centrale pendant un siècle.
L’Ukraine compte 15 réacteurs nucléaires électrogènes en service, répartis dans 4 centrales (la cinquième : Tchernobyl, est fermée depuis 2000)…, ces réacteurs appartiennent tous à la filière des réacteurs à eau pressurisée…, ils ont été conçus en Russie (seul pays qui peut les entretenir et les réparer)… et bien qu’il y ait de l’uranium en Ukraine, ils sont alimentés par du combustible produit en Russie (par TVEL) et c’est aussi en Russie que ce combustible est retraité avant d’être re-expédié avec les déchets, en Ukraine.
En cas de problèmes financiers ou de mauvaises relations avec ses fournisseurs habituels (à 95% la Russie), comme c’est le cas actuellement pour le gouvernement pro-nazi et pro-européen (sic !) de Kiev, qui ne paie ni le gaz ni l’uranium russe…, celui-ci aura beaucoup de difficultés pour obtenir de l’énergie… et pour assurer la sécurité de ses centrales, même si elles sont plus récentes que celle de Tchernobyl… et, étant donné la forte proportion du nucléaire dans la production d’électricité, il semble très difficile à l’Ukraine de se passer de ses centrales alimentées par la Russie… ET du gaz russe…
L’Ukraine était dirigée par des escrocs minés par la corruption passive et active… et les nouveaux maîtres de l’Ukraine, autoproclamés…, ne visaient par leur coup d’état, qu’à s’embrigader à leur tour avec les mêmes escrocs européens et américains, précédement évincés par les pressions de Vladimir Poutine… pour à nouveau se partager des milliards de dollars…
Ce n’est bien sur qu’un exemple parmi d’autres de l’imbrication de multiples faits de chantage et d’escroqueries perpétrés par les oligarques nationaux et par les membres “éminents” des gouvernements ukrainiens qui se télescopent au pouvoir, en prodiguant les indéfectibles “bienfaits-éternels” via les rétro-commissions opérées en faveur “d’éminents” membres des gouvernements occidentaux…, il est temps de le souligner à l’attention de ceux (et celles) qui veulent (enfin) se faire une idée réaliste de la situation…, surtout que c’est avec l’argent des européens que les escrocs vont jouer en Ukraine !
De 1986 à décembre 2000, jusqu’à 9.000 personnes ont travaillé à la centrale…, aujourd’hui, même à l’arrêt, elle emploie encore environ 3.500 personnes pour sa surveillance…, jusqu’en 1986, les travailleurs habitaient pour la plupart à la ville nouvelle de Pripiat construite en même temps que la centrale…, en raison de l’évacuation de Pripiat après la catastrophe, les travailleurs habitent désormais Slavutych, une ville située à 45 km à l’est de la centrale en Ukraine…, elle a été construite pour remplacer Pripiat…, après 1986, un travail à Tchernobyl était attractif malgré les doses élevées de radioactivité, en raison des salaires exceptionnellement élevés et d’un rythme de deux semaines de travail/deux semaines de congés…
Montrer, au delà des clichés merdiatiques biaisés, ce qu’est l’Ukraine aujourd’hui par le biais d’automobiles abandonnées et toujours radioactives…, voilà le fond de cet article… et en le réalisant, ce qui m’a marqué, c’est la relative facilité avec laquelle j’ai pu voyager, sentant que le pays reste en attente vis à vis de l’extérieur… et cherche à se présenter sous son meilleur jour pour pouvoir pomper un maximum d’Euros dans les poches occidentales….
La normalisation des relations entre l’Ukraine et l’Europe ainsi que la Russie, semble être une gageure dans un avenir proche : les pro-européens considèrent toute réunification avec la Russie comme une potentielle menace pour leur identité nationale… et les pro-russes considèrent toute rapprochement avec l’occident comme une catastrophe financière.
L’avenir est complexe à prédire…, d’une part l’Ukraine est dépendante de la Russie, en particulier vis à vis de son approvisionnement en gaz et matériaux nucléaires pour ses 4 centrales… et d’autre part concernant son financement : car son économie dépend des subsides russes…., si l’Ouest du pays veut inventer une indépendance dépendante (sic !) de la Communauté Européenne à tout prix…, en a-t-il les moyens ?
L’Ukraine a déjà escroqué l’occident en utilisant l’argument de la pénurie pour refuser de fermer la centrale nucléaire de Tchernobyl tant que l’Occident ne l’aidait pas à financer son remplacement…, or Tchernobyl ne contribuait en fait que pour 0.6 % à la satisfaction des besoins énergétiques du pays…
Au moment où l’exploitant de la centrale ukrainienne de Tchernobyl demandait officiellement au Comité
d’Etat pour la sûreté nucléaire de l’autoriser à remettre en route la deuxième tranche de Tchernobyl, Philippe Vesseron, directeur de l’Institut français de protection et de sûreté nucléaires (IPSN), et son homologue allemand du GRS, Adolf Birkhofer, ont curieusement lancé un véritable cri d’alarme à la conférence de Vienne à l’Agence internationale atomique…
Pour eux, les problèmes de sécurité sur ce site ne faisaient que s’aggraver : des infiltrations d’eau considérables dans le sarcophage de la tranche 4 accidentée, une contamination inquiétante des eaux souterraines sur le site, etc…, quant à la remise au niveau des tranches 1 et 3, elle était, disaient-ils : “techniquement et économiquement irréalisable”…, quelques jours plus tard, Sergeï Shoigu, le ministre russe des risques majeurs estimait publiquement (The Moscow Times du27 avril) à six mille, le nombre des morts recensés depuis l’accident de Tchernobyl…
Pourtant, malgré ces mises en garde, le gouvernement ukrainien, maintenait son refus de fermer ce site…, au-delà de l’assertion selon laquelle la sécurité était acceptable et qui ne convainquait plus personne, c’était l’argument de la pénurie que brandissait l’Ukraine : “Nous ne pouvons en aucun cas nous passer de cette production d’électricité, tant que l’Occident ne nous aide pas à finir de construire et à mettre en route des centrales de remplacement en trois tranches nucléaires, qui, au mieux, pourraient démarrer en 1996″… et de présenter la facture aux Occidentaux…
Ce chantage à la pénurie, qui a rendu les membres du gouvernement Ukrainien multi-milliardaires, reposait sur l’affirmation propagée un peu partout et curieusement non démentie par les milieux énergétiques occidentaux pour cause de rétro-commissions…, que la production d’électricité de la centrale de Tchernobyl était rigoureusement indispensable à l’Ukraine…, de là à faire entendre que la fermeture de cette centrale aurait des conséquences du même genre mais malheureusement plus sûres sur la population ukrainienne qu’un nouvel accident, toujours hypothétique…, il n’y avait qu’un pas !
L’analyse du bilan énergétique de l’Ukraine montre que cet argument était totalement fallacieux…, sa comparaison avec celui de la France, pays de la même taille et d’un nombre d’habitants analogue, met en évidence trois points majeurs :
– Alors que la France, avec 55 millions d’habitants, consommait 143 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole) d’énergie finale en 1990, l’Ukraine, avec 52 millions d’habitants, en consommait 178. Lorsqu’on sait que le produit intérieur brut français, c’est à dire le volume des biens et des services…, est plus de deux fois supérieur à celui de l’Ukraine, on constate qu’il faut 2,8 fois plus d’énergie finale à un Ukrainien moyen qu’à un Français moyen pour produireune unité de PIB !
– L’électricité (avec 19,6 Mtep) ne représentait que 11 % de cette consommationfinale d’énergie.
– L’électricité nucléaire produite par l’Ukraine, qui par ailleurs exportait 29 TWh (terawatts-heure) vers les pays voisins…, étaitde 76 TWh en 1990. La centrale Tchernobyl produisait 11,5 TWh, c’est à dire 15 % de l’électricité nucléaire et moins de 4 % de l’électricité totale produite par ce pays en 1990. Cependant, comme la production d’électricité totale thermique a décru sensiblement au cours des trois années suivantes, la part du nucléaire a augmenté dans la production d’électricité de 26 % à 33 %.
La production de Tchernobyl représentait donc 5 % de la production d’électricité du pays…, le rapprochement de ces deux derniers chiffres est instructif : puisque la centrale de Tchernobyl contribuait pour 5 % à la production électrique du pays et que la consommation d’électricité représentait 11 % de la consommation finale totale d’énergie, la centrale maudite ne contribuait en fait que pour 0,6 % à la satisfaction des besoins finaux d’énergie des Ukrainiens !
Voilà ramené à de plus justes proportions quel était l’enjeu de la poursuite ou de l’arrêt de la centrale : un enjeu énergétique tout à fait mineur, un risque énorme non seulement pour l’Ukraine et la Biélorussie mais pour l’Europe toute entière…, mais ces chiffres montrent aussi qu’il existait une issue à ce faux dilemme : puisque l’intensité énergétique du PIB Ukrainien était 2,8 fois plus forte que celle du PIB français, cela signifie qu’il existait un potentiel considérable d’économies d’énergie dans les différents secteurs, en particulier dans l’industrie et dans le chauffage des locaux, où le gaspillage énergétique était… et est resté… énorme.
Avec la même efficacité énergétique qu’en France, l’Ukraine n’aurait consommé en effet que 64 Mtep au lieu de 178…, il suffisait donc d’engager à faible frais les mesures d’économie d’énergie les plus faciles et les plus rapides à mettre en oeuvre pour réduire la consommation d’énergie finale du million de tep d’énergie que représentait la centrale de Tchernobyl…
Cela représentait un effort deux fois plus faible que l’effort annuel d’amélioration de l’efficacité énergétique réalisé en France pendant les dix années qui ont suivi la crise pétrolière de 1973…, l’Ukraine aurait alors économisé assez de charbon ou d’hydrocarbures ainsi que de gaz russe pour alimenter ces centrales thermiques, actuellement arrêtées faute de combustibles, sans avoir besoin de la production de Tchernobyl.
En proposant, dans un premier temps, de renforcer la sécurité des centrales nucléaires existantes… et, dans un second temps, d’en reconstruire de nouvelles pour remplacer les plus dangereuses (sic !), les gouvernements occidentaux cédaient en fait au chantage… et sont devenus co-responsables des énormes risques encourus, sans pouvoir les assumer pleinement…
Ils auraient été mieux inspirés, pour sortir de l’impasse, de proposer à l’Ukraine de financer immédiatement un programme d’économie d’énergie…, mais dans ce cas, les pontifes au pouvoir en Ukraine, en France, en Allemagne et en Angleterre, n’auraient pu empocher les milliards d’euros du chantage… qui perdure actuellement avec la fausse révolution de Maidan qui n’est qu’un coup d’état destiné à encore pomper un maximum d’aides financières….
Tchernobyl, qui a rendu l’Ukraine tristement célèbre dans le monde entier, utilise également depuis lors Tchernobyl comme “attrait touristique”…, ce qui est assez contestable et contradictoire…, néanmoins, depuis que la revue influente Forbes a appelé la centrale nucléaire de Tchernobyl comme étant “la place la plus exotique sur la Terre pour les voyages”…, cette zone d’aliénation se sert de la demande considérable (à vrai dire, surtout parmi les amateurs du tourisme morbide extrême), pour en faire de l’argent cash…
Avant de partir pour la place du plus grand accident technogène du XXième siècle, même le touriste expérimenté se met à réfléchir aux risques possibles…., alors que les opérateurs touristiques qui organisent les voyages d’excursion à la centrale nucléaire de Tchernobyl, affirment que tous les itinéraires touristiques sont faits pour ne pas admettre la contamination : “Le niveau de l’irradiation radioactive, n’est pas plus important que ce qu’une personne reçoit d’habitude lors d’une traversée de l’océan Atlantique en avion à réaction…, il n’est pas nécessaire de mettre des vêtements spéciaux protecteurs pour la visite”…
Un train vieillot lambine parmi les bois de bouleaux entre Slavutitch et Tchernobyl, au nord-ouest de l’Ukraine…, trois mille cinq cents personnes travaillent à la centrale accidentée et vivent à Slavutitch, ville nouvelle construite à la fin des années 1980, en bordure de la zone interdite, un cercle de 30 kilomètres de rayon autour du site nucléaire.
La ligne traverse une langue de territoire biélorusse…, mon guide m’a précisé qu’il était interdit d’ouvrir les vitres pour prendre des photos…, mais les vitres sont bloquées et la fin d’après-midi maussade…, quelques travailleurs de la centrale répondent de manière évasive aux questions : “Pas de problème, le boulot va bien, la vie est normale”…
La silhouette massive de la centrale surgit dans le crépuscule embrumé…, le train entre en gare…, au bout du quai séparé de la voie par des vitres, un couloir aux parois de tôle ondulée, éclairé au néon, conduit à un hall où sont installés des portiques pour mesurer la contamination radioactive…, je suis à moins de 5 kilomètres du point où, le 26 avril 1986 à 1 heure 23 minutes 40 secondes, l’explosion du réacteur n°4 allait libérer une quantité de radioactivité colossale, contaminer très fortement un territoire plus grand que le département des Landes, dévaster la vie de millions de personnes et amorcer la désintégration du système soviétique.
L’activité rejetée, sous forme de gaz rares, d’iode 131, de césium, de strontium et de plutonium, est estimée à 560 fois les rejets d’Hiroshima et de Nagasaki pour le césium et 6 fois pour l’iode…, le panache de gaz et de particules chaudes est monté à des centaines de mètres d’altitude…, les particules les plus lourdes sont retombées dans un rayon de 100 kilomètres mais les éléments plus volatils sont allés beaucoup plus loin : 70% des rejets se sont abattus sur la Biélorussie, dont 23% de la surface est contaminée.
La radioactivité s’est concentrée sur certaines zones, en fonction des pluies qui l’ont fait redescendre au sol, donnant une contamination en taches de léopard…, le cercle de 30 kilomètres de rayon autour de la centrale correspond à une limite administrative, mais la zone la plus atteinte se prolonge au nord, au-delà de la frontière biélorusse…, plus loin, les régions de Gomel en Biélorussie et de Briansk en Russie sont aussi très touchées.
Le compteur Geiger s’agite dans le bus qui m’emmène à l’hôtel, un préfabriqué jaune situé dans le vieux village de Tchernobyl, à une douzaine de kilomètres de la centrale…, un spécialiste de radio-écologie, m’expose l’état peu appétissant des végétaux et des animaux : “Dans les régions les plus atteintes, on trouve des céréales contaminées à 100.000 Bq par kilo, 1.000 fois la limite autorisée. De même pour les herbes, les prairies, les fourrages ou les légumes. Les champignons peuvent atteindre le million de Bq par kilo. Les animaux d’élevage, boeuf ou porc, sont moins touchés, mais le gibier, les cervidés, notamment, qui mangent des mousses et des lichens, sont très contaminés”…
Des millions de personnes, surtout en Biélorussie, vivent dans les territoires contaminés et n’ont d’autre choix que de consommer les légumes de leur potager et les produits de leur cueillette ou de leur chasse…, il est possible de limiter les dégâts en modifiant les cultures : les carottes “pompent” moins de radioactivité que d’autres légumes, certaines variétés de pommes de terre sont préférables à d’autres, etc…, mais la cuisine traditionnelle repose sur le sarrasin, les choux, le gibier et les champignons, les plus nucléaires des végétaux !
Sur la route toute droite qui va à la centrale, un panneau en caractères cyrilliques ukrainiens indique Kopatchi…, c’est un des villages rasés par les liquidateurs, ces jeunes militaires ou kolkhoziens que l’Etat soviétique a chargés d’éliminer les conséquences de la catastrophe, de les liquider (plus de 90% étaient des hommes)…, une de leurs missions consistait à creuser des tranchées dans lesquelles ils poussaient au bulldozer les maisons des villages les plus touchés.
A Kopatchi, hormis le panneau, il ne reste plus aucun signe d’habitation humaine…, ce ne sont que tumulus couverts d’herbages et de plaques de givre, sur lesquels sont plantés des pancartes portant le signe rouge en forme d’hélice qui indique le danger radioactif…, les liquidateurs ont effacé du paysage des dizaines de villages, des bois, des forêts. La radiation, elle, est restée.
A l’approche de la centrale, on aperçoit la tour de refroidissement tronquée qui devait servir aux tranches 5 et 6, en construction au moment de la catastrophe…, ces ouvrages n’ont jamais été achevés, pas plus que les six autres tranches qui devaient faire de la “centrale Lénine” le plus grand centre de production d’électricité nucléaire du monde…, les restes du chantier sont entourés d’un cortège de grues immobiles…, une forêt métallique de pylones et de lignes désormais inutiles prolongent les bois de bouleaux.
Le bus s’arrête au pied du monumental sarcophage de métal et de béton qui recouvre le réacteur n°4…, il a été construit en six mois, en 1986, dans des conditions dantesques : des ouvriers de toute l’URSS ont participé à la construction…, il a fallu vidanger le réservoir qui se trouvait sous le réacteur, ce qui nécessitait de plonger pour ouvrir la vanne.
Au Musée de Tchernobyl, à Kiev, on voit un des scaphandres marrons utilisés…, difficile d’imaginer que des hommes ont plongé dans l’eau radioactive revêtus de cet équipement rudimentaire et non étanche…, qui fait penser à Tintin…, il fallait remettre en état le réacteur n° 3, car l’Etat soviétique voulait montrer au monde qu’il avait dominé l’accident…
Des milliers de jeunes hommes sont monté sur le toit du bâtiment 3, en septembre 1986, vêtus de tabliers de plomb de 35 kilos censés protéger leur moelle épinière…, la consigne était de jeter une pelletée de débris radioactifs et de redescendre en courant, le tout en quarante secondes pour ne pas recevoir une dose mortelle…, certains ont échangé ces quarante secondes contre deux années de service militaire…, presque tous y ont laissé leur santé, parfois leur vie.
L’ingénieur Oleksander Korneyev se présente comme “l’habitant du sarcophage”…, il connaît l’installation comme sa poche…, il explique que 200 personnes travaillent actuellement sur le sarcophage, qui a des problèmes de fuites et d’infiltrations d’eau…, plus de 3.000 autres personnes sont employées pour maintenir la centrale dans un état plus ou moins sûr.
Le niveau des rejets radioactifs est encore relativement élevé…, il est difficile aux travailleurs de la centrale de respecter les doses autorisées…, jusqu’à fin 2000, date où le réacteur n°3 a été définitivement arrêté (les deux autres l’avaient été avant), il y avait 10.000 travailleurs…, d’où une crise de l’emploi à Slavutitch…
Devant la voie d’accès au sarcophage, les dosimètres indiquent un débit de dose d’environ 6 microsieverts par heure (µSv/h)…, un habitué des lieux, affirme que : “ça crache deux fois plus qu’il y a dix ans, les travaux sur le sarcophage provoquent des rejets”…
On la voit de loin, à peine franchi le poste de contrôle : une grande roue aux nacelles d’un jaune éclatant dans le ciel ensoleillé…, Prypiat était une ville nouvelle construite dans les années 1970, au bord de la rivière du même nom, pour les travailleurs de la centrale Lénine…, une ville modèle de 50.000 habitants, dotée d’équipements de pointe, avec de larges allées ornées de doubles rangées d’arbres…
Les familles se promenaient dans le parc d’attractions, les enfants jouaient, les chiens couraient dans les rues…, un rosier pousse dans la pierre…, des immeubles vides, carcasses de béton aux fenêtres béantes, aveugles, comme les orbites sur le crâne d’un squelette…, la grande roue immobile domine une place investie par les arbres, comme une clairière bétonnée…, à côté, un manège d’autos tamponneuses, toutes rouillées.
Au début, Prypiat est restée quelque temps telle que les habitants l’avaient laissée, intacte mais déserte…, l’évacuation a été ordonnée le 27 avril 1986, suite à une situation radioactive défavorable.., on a dit aux gens de prendre des affaires pour deux, trois jours, de fermer les fenêtres et le gaz…, ils sont partis avec les bus prévus pour le défilé du 1er mai…, beaucoup ne sont jamais revenus.
Plus tard, il y a eu des pillages…, des militaires ont patrouillé, le visage couvert d’un masque à gaz…, ensuite, on a entouré la ville d’un grillage…, il faut une autorisation pour entrer, sauf le 26 avril où tout le monde accède librement à la ville morte…, les autres jours, visite virtuelle : sur un immeuble, une grande pancarte invite à se rendre sur le site www.prypiat.com…, plus loin, accrochés à un réverbère à jamais éteint, une faucille et un marteau sculptés dans le métal étincellent dans le soleil.
Quelque chose doit être enterré sous le talus : le dosimètre fait un bond spectaculaire…, je suis dans les environs de la forêt rousse, une pinède dont les arbres avaient pris une teinte remarquable après l’accident…, elle a été entièrement rasée et enfouie dans des tranchées…, mais était-ce utile ?
Voilà ce qu’en dit Valéry Kashparov, directeur de l’Institut ukrainien de Radiologie agricole, qui travaille avec l’IRSN sur un site pilote appelé EPIC (Experimental Platform of Chernobyl) : “Ce n’était pas forcément une bonne idée d’enterrer les arbres. Le plus gros de l’activité n’était pas dans les troncs mais dans la litière. Les arbres plantés en 1989 sont beaucoup plus contaminés que ceux d’avant ! Il est peut-être préférable de laisser la nature s’arranger avec la radioactivité. Ça a été fait à la va-vite”…
Mais le problème était-il de réduire la contamination ?
La liquidation ne visait-elle pas surtout à effacer les signes les plus voyants de la catastrophe ?
Près du potager expérimental où les chercheurs étudient la manière dont les différentes espèces de légumes réagissent au césium 137, de jeunes pins arborent une flamboyante couleur jaune d’or…, on ignore si le phénomène est dû à la radioactivité…
“Personne n’a pu te retenir. Tu as quitté la vie tellement tôt. Ton image lumineuse restera pour toujours dans nos mémoires”…, l’épitaphe est inscrite sur une tombe de marbre, ornée du portrait en noir et blanc d’un jeune homme en uniforme…, visage aux traits bien dessinés, moustachu…, il s’appelait Anatoli Vassilievitch Cerin…
Il a vécu de 1960 à 2001, il avait 26 ans au moment de Tchernobyl…, il repose dans un petit cimetière au bord de la route, près de Lopatni, en retournant vers Kiev…, combien de cimetières, en Ukraine, en Russie et en Biélorussie, portent les épitaphes de ceux qui sont partis trop tôt ?
“Je m’appelle Piotr Mikhaïlovitch Gumenoï. J’ai 64ans. J’ai travaillé toute l’année 1986 à la centrale comme chauffeur pour la construction du tunnel de refroidissement que l’on a creusé sous le réacteur. Je suis invalide de 2e catégorie sur trois catégories. J’ai une maladie cardiaque, des maux de tête, des problèmes d’articulations. Je ne sais pas quelle dose j’ai reçue. Beaucoup de mes amis sont morts”…, au Centre de recherche pour la médecine des radiations (RCRM) de Kiev, l’homme est assis sur un fauteuil de skaï…, il s’exprime lentement, avec difficulté…, il dit qu’il touche une pension, que la prise en charge médicale est correcte, qu’on manque de médicaments…, recommencerait-il aujourd’hui ?
“Si le Parti a besoin de moi, je réponds oui. Mais j’aurais des exigences. On n’avait aucune notion du danger, personne n’y pensait, le premier jour on n’avait même pas de bleus de travail”…, l’interprète me confie que, parlant la même langue, il réalise que l’homme a du mal à le comprendre…, ses maux de tête sont des atteintes cérébrales, pathologies que les observations médicales des liquidateurs signalent depuis des années…, les bilans officiels s’en tiennent aux cancers.
Le camion blanc porte toujours le sigle “SCPRI” du défunt service du professeur Pellerin, l’homme qui affirmait que le nuage de Tchernobyl n’avait provoqué aucune élévation de radioactivité en France…, reconverti, le camion abrite un matériel de détection…
Á l’intérieur, un jeune garçon est assis devant une espèce d’entonnoir métallique…, l’appareil mesure la totalité de la radioactivité présente dans le corps de l’enfant, qui vit depuis sa naissance dans les territoires contaminés de Gordeïevka, une petite ville de la région de Briansk, en Russie…
Ici, les gens mangent des légumes, des champignons, de la viande ou du lait chargés en césium…, l’enfant participe à l’étude “Epice” de l’IRSN, dirigée par Jean-René Jourdain , objectif : déterminer s’il existe une relation entre les radiations et certaines pathologies comme les arythmies cardiaques ou les cataractes, dont l’augmentation chez les jeunes de la région est étonnante…, le lièvre a été levé par le médecin biélorusse Yuri Bandazhevski : “Bien que nous estimions que sa méthodologie manque de rigueur, nous voulons vérifier s’il a eu raison”… me dit Jean-René Jourdain…
Le camion est garé devant le dispensaire de Gordeïevka, où je suis chaleureusement accueillis par le médecin chef, Larissa Natochi et par le maire, Simonienko…, lequel décrit la situation de ses administrés : “Ce village a trois cent trente ans, la principale ressource est l’agriculture. L’accident de Tchernobyl est notre malheur commun. Qu’est-ce qui est le plus grave ? Les conditions de vie ou Tchernobyl ? La radiation ne se voit pas, quand il n’y a pas de pain ça se voit”…
Plus tard, Anatoly Proshin, médecin-chef du Centre de diagnostic de Briansk, parle du mal de vivre dans les territoires contaminés : “Dans cette zone, il existe d’immenses réserves de bois mais la population sait qu’on ne peut pas le vendre parce qu’il est contaminé. Comment l’agriculteur peut-il vendre ses patates qui ne sont pas aux normes ? Seul le statut de victime permet d’obtenir quelque chose, fût-ce une maigre indemnité de l’Etat. Ici, aujourd’hui, il vaut mieux être malade qu’en bonne santé”…
Le réacteur numéro 4 a explosé il y a longtemps, mais le monde de Tchernobyl est présent à chaque instant…, un monde dans lequel la nature la plus exubérante cache une menace invisible…, près de Tchernobyl, on voit des sangliers de 300 kilos : ce n’est pas un effet des radiations, ils sont gros parce qu’on ne les chasse plus…, ils ont appris à vivre avec la contamination…, l’homme, non.
L’emprise de Tchernobyl va bien au-delà des bois de bouleaux où se désintègre lentement le plutonium…, elle s’étend partout où l’utilisation de l’énergie nucléaire rend possible un nouvel accident…, notamment en France, où les scientifiques qui ont travaillé sur le programme Core, destiné à réhabiliter les territoires de Biélorussie, admettent que l’une des raisons de leur intérêt est que la gestion d’une telle situation peut nous concerner un jour…, Tchernobyl est en Ukraine…, tout ne fait que commencer…
A lire : http://www.eveil-delaconscience.com/tchernobyl-consequences-de-la-catastrophe-nucleaire/