Dernier numéro imprimé : “Last Print Issue”.
Il est difficile à l’ensemble de la presse écrite, de ne pas être ému, cette semaine, par ce “hashtag” à la “une” de l’ultime numéro papier du célèbre hebdomadaire américain Newsweek, que ce soient les journalistes marqués par le contenu de cet hebdomadaire…, les journaleux qui sentent que leur flagornerie consumériste n’a plus grand avenir…, les annonceurs qui constatent que l’époque où ils pouvaient manipuler le public via les journaleux est en voie d’extinction..; et les “vieux” citoyens attachés aux journaux qui défendent “leurs” valeurs décaties en les berçant d’illusions…
Beaucoup d’autres aussi, les politiques et les petits, moyens et grands commerces, les opportunistes et tous ceux qui vivent de la crédulité humaine…
Car c’est un “grand” news magazine qui disparaît.
De onze ans plus âgés que Le Monde, Newsweek est né en février 1933, avec Hitler et Roosevelt à sa “une”.
Il a connu 4.150 couvertures, 17 directeurs de la rédaction, 13 présidents américains et 12 journalistes morts sur le terrain.
Certes, Newsweek avait perdu de sa superbe.
Lâché par la moitié de ses lecteurs, il a été cédé en 2010 par le Washington Post pour 1 dollar à un milliardaire qui l’avait marié à un site à succès : The Daily Beast.
‘Last Print Issue’
Ces mots marquent la fin d’une époque à laquelle tous les journalistes et journaleux, tous les éditorialistes et gens des “relations-publiques”, la presse en général…, adressent une pensée confraternelle.
En France, La Tribune n’a plus qu’une édition imprimée par semaine et perd encore de l’argent, France Soir n’existe plus, L’Equipe et Le Figaro réduisent leurs effectifs…
Il n’y a que cet opportuniste d’affaires, Bernard Tapie, qui est assez fou pour racheter pour “pas grand-chose” des titres “papier” du sud de la France, embarquant gratuitement tous les “emmerdes” imaginables et chausse-trappes ainsi qu’intérêt fiscal semés par les politiciens “d’en face”…
En Allemagne, le Financial Times Deutschland a mis la clé sous la porte, comme le Frankfurter Rundschau.
Les aigris prétendent que ce “LastPrintIssue”, ce “hashtag” désigne à la fois l’avenir numérique de Newsweek et les coupables de sa mort en version papier : Internet, la gratuité et la migration de la publicité vers les audiences numériques…., rappelant avec amertume que sur les six premiers mois de 2012, Google a pour la première fois engrangé (dans le monde entier) plus d’argent des annonceurs que la totalité de la presse américaine, quotidienne et magazine : 20,8 milliards de dollars pour le moteur de recherche, contre 19,2 pour une industrie qui, en 2007, captait encore 88 % du marché publicitaire.
La réalité est que le public se désintéresse de la pensée unique, des valeurs imposées, des interférences politiques et consuméristes dans les textes…
Le public en a également assez des sermons et prières ainsi que des discours en tribune, en éditoriaux “à la une” de gens sous influence qui manipulent l’opinion publique en tronquant les réalités, en mentant, en déformant et en se référant sans cesse à un courant religieux obscurantiste qui tente de restaurer l’Empire en affirmant que le Nouvel Ordre Mondial est la seule planche de salut d’un monde… qui en réalité est mis-à-sac par ses propres dirigeants…
La presse écrite est donc victime d’elle-même et de ses dérives… Elle périclite tout comme une de ses branches pourries, la presse automobile, qui n’a pas arrêté de vanter les pires abominations et porter aux nues les escrocs qui tiennent le sport automobile sous sa coupe, et ceux qui en profitent largement sans jamais payer d’impôts… De même pour les titres féminins qui s’affichent avec une page de publicité chaque deux pages, l’autre n’étant qu’un texte écrit en fonction de celle en vis-à-vis…
“Newsweek ne disparaît pas”..., affirme sa directrice, Tina Brown…., “La rédaction continuera de faire son travail pour les supports numériques”.
C’est là un pari très risqué, mais sans autre possibilité si ce n’est d’essayer de “sauver les meubles”…, car la presse écrite numérique, en dépit de toutes ses promesses d’audience, d’innovation, d’usage et interactivités, n’a pas encore trouvé son modèle économique, justement parce qu’elle est “autre”…., les quelques “pure players” (uniquement sur le Net) rentables n’emploient que de petites équipes, pour une information souvent de niche.
Tout cela n’est donc qu’une conséquence et il n’est nul besoin de verser des larmes de crocodile…
Personne ne pleure les putes, c’est sans doute dommage car il en est d’attachantes et sympathiques…, mais il n’y a là nul amour…, il n’y a que de la vénalité…
Il n’existe plus aucun titre généraliste, capable d’informer avec pertinence et expertise sur des sujets aussi variés que la vie politique ou l’art contemporain, la crise de l’euro ou la création cinématographique, tous sont vendus…
Cette presse putassière qui se conçoit comme le tableau de bord de l’honnête homme du XXI siècle, il n’existe pas d’alchimie particulière entre l’imprimé et la multiplication des écrans. Cette alchimie dont toute la presse écrite cherche la recette, et la cherche avec la rage requise par l’importance de l’enjeu : se nourrir et permettre la survie d’idées d’une époque qui se liquéfie… Il n’y a aucune démocratie là-dedans, que de l’opportunisme…