Écran noir, grondements, musique étrange…, soudain deux phares s’allument…
Une Rolls Royce plane sur l’asphalte de mes mots qui flirtent avec la musique de mes maux…
Ensuite un couloir d’hôtel, un homme et une femme dont les visages ne sont qu’une forme vague et floutée, ensuite des humains désincarnés…, puis l’histoire peut commencer…
Mise en bouche sublime pour un nouveau cauchemar envoûtant.
Je reçois la visite d’une étrange voisine, une possible Cassandre, qui m’effraie par ses présages et ses aphorismes, puis après, s’en va !
Les heures suivantes vont alors se fragmenter en un chaos total, confusion surprenante de sons et d’images frénétiques, mélangées, absorbées.
Tout bascule dans l’hallucination, le rêve et la folie exacerbée, évidente, surcodée : rideaux rouges, bande sonore anxiogène, scènes absurdes, délires visuels, sacralisation de l’héroïne en double-sens…, appartement dépouillé, couloir sombre, lampes sur-signifiantes.
Est-ce mon introspection en proie à mes tourments ?
Est-ce seulement une histoire ?
kaléidoscope infernal…
Dans la plupart de mes textes, ce que je vous raconte, est, en définitive, suffisamment clair à mes yeux (verts), pour vous “spermettre” une compréhension objective de la subjectivité, mais le moyen de la développer est, lui, magnifiquement tortueux.
Mes onirismes et mes mélanges détournent et parasitent sans cesse ma propre narration d’une lecture élémentaire…, qui, avant de se comprendre, se vivent et s’endurent, se désirent et s’imaginent là où la méthode et le subterfuge sont portés à leur paroxysme.
Cependant, je me fige parfois dans un hermétisme métaphorique qui ne s’accorde pas à certaines histoires purement hallucinatoires, qui s’abreuvent constamment d’illusions et de songes.
Il y a des histoires de tous les jours, des histoires de cœur et de cul, d’amies et d’amantes, des histoires frivoles entre mer bleue et ciel d’orage, insouciance et peur.
Puis-je parler d’égoïsme, d’inconscience, de quiétude aveugle dans un monde englué dans une logique de guerres religieuses et de répressions fanatiques à laquelle on s’oppose, à laquelle on ne veut pas avoir à faire ?
C’est ce choix, ce dilemme, que j’exprime parfois (mais peut-être trop schématiquement) en questionnant les mentalités sociales et politiques.
Le monde retentit alors de ses basses chaudes et colorées, sons foudroyants, suppliques entraînantes, maints murmures et frénésies, contorsionnant l’air de spasmes invisibles sur l’accord d’une partition de plaisirs, de plissements et d’impressions, ecstasy, liberté, omission totale, et la voix se pâme, s’enroule, s’envole vers des aigus meilleurs…, sur une mer ce seraient des vagues et lames graciles face à un ouragan gigantesque.
La musique est forte, c’est une électro sucrée qui colle à sa peau et à ses nerfs, elle cogne dans et autour… et c’est comme si mon corps ne m’appartenait plus ; cette charpente qui vibre, qui ondule, ce tout, les os, la peau, endolorie et palpitante, tout ce qui vit à l’intérieur, noyé, broyé.
Solitaire face aux grands miroirs de mosaïques, loin du monde ou tout contre lui, je tourne quelque part entre la transe et le vaudou, comme liquéfié.
Je suis une marionnette désarticulée, désemparée…, puis un boxeur en nage et qui veut en découdre, chercher des noises, voler dans les plumes, hurler qui je suis, enragé, paumé, fébrile, et la musique pulse alors, pulse mon corps, pulse dans ma tête.
Je suis un ange aussi, un ange déchu que la vérité et le pardon ne veulent pas épargner, ne pas arracher de la fatalité et d’un noir destin.
Et devant moi, dans de grands miroirs de mosaïques, la réalité se reflète en zigzags abrasifs, tâches de couleurs indépendantes que je ne peux recueillir, ramener à moi…
Et, face aux miroirs frémissant ce désastre, ma vie en l’air, mes absences, le vide…, un carnage dans mon âme…
Et, reprenant mon souffle, donnant des coups de pieds, des coups de poings, la rage….
Et, dans ces grands miroirs de mosaïques, la réalité continue de m’enfoncer je ne sais où, vers des abysses sans fond, grottes infernales, récifs de lumières mortes consumées par la colère, ivres de cendres et de haine, d’une douleur sans nom mais criarde face à l’abject et l’inconcevable.
Je me tord alors comme invoquant un pardon illusoire, une rédemption impossible.
Puis quand le calme revient, quand les lumières se rallument, mon absence reste décalquée sur les murs, brutalise ma conscience comme un électrochoc consumant ; c’est une plongée cauchemardesque, lente puis syncopée, dans l’abysse noir du puits sans fond de la bêtise humaine…, une débâcle obsédante vers l’enfer des désillusions.
À chacun son rêve de gloire éphémère, à chacun son atroce agonie, insupportable et ravageuse.
Au-delà du constat terrible d’un processus infernal…, j’écris avant tout des dérives chimériques d’une consécration obligée (imposée) par une société d’argent et de spectacle (le paraître avant l’être).
Tout cela en filigrane de textes qui s’expriment à la manière de ce que subissent mes protagonistes : ataraxies, ruptures, répétitions, flashs, affolements…, tendant à exprimer, au mieux, cet état fragmenté et ritualisé de sujétion à un monde devenu fou.
Un vrai choc esthétique qui tourne peu à peu au crescendo oppressant, au fracas émotionnel provoqué par l’accumulation de scènes de plus en plus difficiles.
La fin de ce processus est comme un mauvais trip dont je voudrais qu’il se termine pour toujours, me laissant à cran avec un goût émétique dans la bouche ; apothéose de l’horreur et d’un gâchis pour rien, pour quelques miettes d’une splendeur factice, la détresse sans fin de personnages n’ambitionnant qu’à un bonheur simple, mais implacablement détruits par les solutions artificielles, trompeuses, qu’ils emploient pour y parvenir.
Dans cette vision sans pitié d’une humanité réduite à néant et d’un retour à la terre, dans les ténèbres, au fond d’un trou, se trouve le berceau d’un mal qui va naître ici puis s’étendre jusqu’au cœur des hommes, un artefact symbolique qui va bouleverser durablement le monde.
Qu’un os apprenne à nos ancêtres le moyen de tuer et c’est soudain, ici, une fange noire qui va précipiter les consciences vers des gouffres d’égoïsme et de destruction.
Ce sont deux des principaux fondements de l’Amérique (pétrole et religion) qui, là, se livrent bataille pour la suprême arrogance du pouvoir, matériel ou spirituel, mais finalement le même quand les apparences se craquellent et annihilant l’humain sous la peau, ravagée par les épines de l’opportunisme.
Derrière cette charge contre un individualisme forcené, exacerbé par l’appât du gain et de la reconnaissance, je ne suis qu’un homme revenu de tout, parti de rien…, rongé de l’intérieur par les faux illuminés, bigots ambigu attirés par le poison de la puissance et de l’argent, perdus dans une Amérique archaïque et bouffie par le consumérisme le plus implacable.
Altruisme, bonté et compassion ont déserté depuis longtemps ces ingrats misérables, esclaves chacun de leurs obsessions et de leurs bas idéaux… et s’affrontant comme s’affrontent des chiens pour un bout d’os ; ultime ironie d’une œuvre noire redoutable sur les pestilences de l’âme et les ravages intimes du libéralisme, comme un film pornographique asexué dans lequel explose une nouvelle forme d’instinct, intrigant et dangereux, où les pulsions sexuelles se mélangent intimement avec la pulsion de mort.
Cette obsession d’une jouissance inédite va de pair avec le remaniement du corps humain qui se manifeste en cicatrices, hématomes, plaies, prothèses et engins orthopédiques extravagants mettant en scène leur nécessité de sexe dans des jouissances par la violence, par la pénétration dans la chair d’appareillages techniques.
Je vous parle d’un monde désespéré où les désirs se situeraient ailleurs pour mieux s’incarner, pour mieux appréhender une vérité, éprouver la chaleur et la poussière, la sueur et le vent, en plus d’un climat déliquescent propre à la période historique en cours, sombre et dure où la condition humaine désespérante se résume à la loi du plus fort, au fanatisme religieux, à l’obscurantisme.
En dépit des questions qui resteront sans réponse, j’arrive plus ou moins à comprendre que dans ce combat sempiternel entre deux contraires, personne n’a gagné et personne ne gagnera jamais vraiment, l’humanité se construisant et se reconstruisant sans cesse sur des bases multiples et antagonistes qui font tout le sel de la vie…