Un gars, un chef : Vous pensez à qui ?
Il se prénomme Gégé, personne n’est parfait, mais les rares personnes qui le connaissent de près…, l’appellent par son prénom, je ferai de même…
Jeudi dix octobre 2013 :
Ce fut un matin en se rasant qu’il constata le phénomène. Un très léger duvet envahissait son visage au-delà des zones de pilosité traditionnelle, et notamment sous les yeux… La chaîne de réaction classique se déclencha : D’abord : la stupéfaction : C’est quoi ce délire ? Puis, la banalisation : Je devais avoir ça depuis plusieurs jours, je ne me suis pas rendu compte ! La dédramatisation : De toute façon, ça ne peut pas être bien grave ! Et enfin la décision : On va raser tout cela, je suis bien obligé ! Quand même cela l’intriguait ! Il retira sa robe de chambre afin de prendre sa douche. Son miroir lui renvoya l’image de sa carcasse, un corps de cinquante ans, légèrement bedonnant. Il actionna le mitigeur et s’aspergea d’eau tiède, puis il se frictionna le crane de ce soi-disant shampoing miracle qui était censé lui stopper la chute des cheveux ! – N’empêche que ça va faire six mois, et que rien ne repousse, mais, bon, la chute est peut-être enrayée ! Il se badigeonna ensuite le corps de gel, puis se rinça. C’est en s’essuyant qu’il constata que sa pilosité corporelle s’était partout très légèrement modifiée. Un “duvet” l’avait envahi. Affolé, il se livra à un examen général. L’intérieur des membres, les genoux, les coudes, et… les mains… même les mains… il y en avait partout !
– Non, mais ce n’est pas vrai ? Qu’est-ce qu’il m’arrive ?
C’est alors qu’il eut l’idée de regarder son crâne, et il constata qu’aux endroits où la calvitie l’avait dégarni. Un imperceptible mais néanmoins présent duvet était bel et bien là !
– Ben v’la qu’ça repousse ! C’est donc ça ! Ce traitement à la con qui se met à fonctionner au bout de six mois ! Mais alors, bonjour les effets secondaires !
Vendredi 11 octobre 2013
Ce fut pire, bien sûr ! Le duvet avait gagné un millimètre, un millimètre partout. Son crane avait d’ors et déjà changé de teinte, c’était sans doute le seul côté positif de cette affaire ! Mais pour le reste ? Se raser le front est assez inhabituel mais cependant facile, mais le nez, les oreilles, l’arcade sourcilière… -Vous croyez que c’est commode, vous ? Essayez donc pour voir ! Et vous allez vous couper ! Alors évidemment Gégé se coupa…. Et puis il y avait les mains, des poils dessus passent encore, mais dans la paume. Il était impensable de rester ainsi faute de quoi on finirait par le prendre pour un Orang-Outan ! Pas une seule parcelle de son corps ne semblait épargné, même le sexe ! Comment réagirait Jojo lundi quand il la reverrait ?
Jojo est une amie intime…
Samedi 12 octobre 2013
L’invasion pileuse ne ralentissait pas et son corps se recouvrait inexorablement d’un duvet de poils roux clair… Mais il n’y avait pas que ça ! Une curieuse douleur au niveau de son coccyx, le lui fit toucher ! Pour constater avec horreur la présence d’une sorte de bosse. Paniqué, il se regarda dans le miroir pour découvrir effectivement une excroissance bizarroïde. Une boule se forma dans la gorge de notre héros qui entrepris d’effectuer un examen-miroir complet. Il ne décela aucune autre anomalie, du moins des anomalies évidentes, car il finissait par ne plus savoir trop, tout lui paraissait suspect, ainsi il trouvait que ses oreilles avaient grandi, mais il se dit qu’il devait se faire des idées… Il se décida l’après-midi de consulter son généraliste. Une heure à patienter à s’angoisser, à mijoter, à élucubrer, incapable de s’intéresser au contenu des articles de journaux ou de conseils féminins qui trônaient à moitié mutilés sur la petite table centrale. Le bilan que put faire le docteur ne décelait pas de nouvelles mauvaises surprises, le cœur battait juste un peu trop vite et la tension était un tout petit peu élevée. Sinon le praticien fit ce qu’il fallait pour avancer le rendez-vous chez le dermatologue, ordonna une radio du coccyx, lui prescrit des antidépresseurs et lui rédigea un arrêt de ses activités. Tout cela ne rassura pas vraiment notre Gégé…
Lundi 15 octobre 2013
Jour de grande déprime, le duvet qui recouvre à présent le corps de Gégé atteint près d’un demi-centimètre. Il renonça à se raser, et pris la décision de ne le faire que le lundi suivant, jour de ses rendez-vous médicaux à la clinique. Pour son équipe et Jojo, il inventerait une excuse, il trouverait bien !
L’excroissance de chair avait à nouveau poussée et se recouvrait, elle-aussi de poils. Comme la veille il s’auto inspecta… Décidément ses oreilles l’inquiétaient, il voulut en avoir le cœur net, il les mesura, nota le résultat, mais il trouvait le procédé peu fiable, il chercha autre chose, eu un moment l’idée d’un moulage en plâtre, mais il trouva mieux. Saisi d’une impulsion subite, il brancha son ordinateur et plaqua son visage de profil sur la vitre du scanner afin de numériser son oreille. Son image sur l’ordinateur l’intrigua. Il chercha dans ses albums photos de quoi faire une comparaison, mais renonça…
Il n’avait pas encore déjeuné ce jour-là, lui qui adorait l’odeur d’un bon café bien fumant et l’appétissante vision de croissants beurrés, cela ne lui disait rien… Il avait cependant envie de grignoter quelque chose et finit par jeter son dévolu sur une belle pomme bien verte, une granny bien lustrée ! Il l’attaqua par le devant de la bouche, là où sont les incisives…
– Aïe !!!
Ah ! Oui on ne vous a pas dit, Gégé est célibataire, un célibataire endurci comme on dit, assez porté sur le sexe ! Il a rencontré Jojo sur un plateau de télévision, ils sont devenus très grands amis, ils se voient que la semaine. Gégé téléphona à ses clients, prétextant des obligations fortuites, et pris une journée de congé. Puis il attendit patiemment neuf heures, afin de téléphoner au laboratoire qui commercialisait cette saloperie de vacherie de lotion de m….
Une heure ! Une heure le cirque dura… bref l’enfer ! La question était pourtant on ne peut plus simple :
– Avez-vous eu vent de situations similaires ? Et si oui, qu’est ce qu’on fait ?
Alors que l’adrénaline n’en finissait pas de monter et que Gégé commençait à menacer le professeur de lui tordre le cou, sans perdre un instant le chef du labo lui répondit doctement et calmement ce qui suit :
– Mais enfin Gégé, comment voulez-vous qu’un shampoing appliqué localement sur le cuir chevelu puisse avoir un effet sur l’ensemble de votre corps ?
– Oups !
L’argument n’était pas si judicieux que cela, mais suffit à désarçonner notre cuistot !
– Quel con ! Mais quel con !
Il raccrocha, puis pris rendez-vous chez un dermatologue, qui bien évidemment n’était pas disponible avant une dizaine de jours…, mais à cet instant, il souffrait… Il n’y a rien de pire qu’un mal de dents, mais celui-là fut inattendu. Ses gencives saignaient, la douleur était insupportable. Il dû prendre plusieurs anti-douleurs pour se calmer, puis obtint un rendez-vous en urgence.
– Bizarre votre truc, je vais prendre une radio, on verra bien ! Puis quelques secondes plus tard !
– Je n’ai jamais vu cela, vous avez deux grosses incisives qui poussent !!!!
– Ah ! Et alors ?
– C’est la première fois que je vois un truc pareil, je vais vous les désensibiliser et ensuite on arrachera…
Mardi 16 octobre 2013
Ce matin-là il se rasa encore, mais renonça à s’examiner davantage, il sortit acheter un chapeau à large bord, des lunettes noires, des gants. Il fallait bien s’organiser à présent, organiser sa vie de paria… Il avait l’impression de revivre sur l’écran les angoisses de l’homme invisible ! En rentrant, il y avait plusieurs messages sur son répondeur, des collègues inquiets de son silence et Jojo avait un imprévu ce lundi, voilà qui tombait à pic… Il téléphona à chacun pour expliquer qu’il devait se rendre à Paris pour plusieurs jours avec un nouveau projet de livre de cuisine en préparation chez un éditeur français et quelques dédicaces dans diverses librairies… Il s’isola chez lui… Lorsque l’après-midi arriva, ce fut épouvantable, il s’occupa comme il pouvait en effectuant des taches de bricolages jusqu’ici négligées. Incapable d’aller sur l’ordinateur, moins encore devant les fourneaux…
Mercredi 17 octobre 2013
La journée clinique : La radio confirma la croissance en cours d’un appendice caudal semi-articulé prenant racine au coccyx ! Quant au dermatologue, il en perdait son latin et rédigea une lettre pour un distingué confrère avec lequel il était invité à prendre rendez-vous. A peine rentré chez lui, déboussolé, désemparé, le téléphone sonna.
– Gégé ?
– Jojo ?
– On ne pourra pas se voir demain comme prévu, en fait, il m’arrive un sale truc dans ma famille, je t’en reparlerais davantage quand je pourrais, pour lundi prochain, c’est fichu aussi, je crois !
Elle avait les larmes aux yeux, Jojo compati à sa douleur, il était attristé de la voir dans un tel état, même si quelque part cet impromptu l’arrangeait !
– Gégé !
– Oui Jojo !
– Je voulais te dire que je t’aime beaucoup ! J’espère qu’on se reverra !
Cette fois Gégé était vraiment bouleversé, il ne manquait plus que ça ! Il l’assura que l’amitié qu’il lui portait était réciproque et la conversation pris fin !
Il lui faudrait donc aussi tirer un trait sur sa complicité avec elle ! Il était illusoire de penser qu’elle accepterait cette “mutation” puisqu’il fallait appeler les choses par leur nom… Pourquoi lui ? Qu’avait-il fait pour subir une telle punition ? Il perdait tout, jusqu’à son image et sa raison de vivre ! Il alla dans la salle de bain, chercha de quoi en finir, peut-être pas maintenant, mais bientôt ! L’image de son visage l’horrifia, les oreilles avaient grandi, c’était à présent évident, il n’avait même plus besoin du scanner pour s’en rendre compte. Elle s’allongeait vers le haut, comme celle d’un âne… Ses recherches furent infructueuses, il n’avait pas ce qu’il fallait ! C’est le soir, en regardant d’un œil aux infos qu’il entendit le présentateur de service débiter d’une voix nasillarde et monocorde à peu près ce qui suit :
– “Après la vache folle et la fièvre aphteuse est-on au commencement d’une nouvelle épidémie :la mutation lapine ?” Il semblerait que plusieurs cas ait été signalé. Les symptômes seraient un développement anarchique du système pileux, une mutation au niveau des oreilles, des dents et même de la queue !”…
Le présentateur ne pu s’empêcher de se tordre de rire à l’évocation du dernier symptôme… Cette fois le ministère mis en place des moyens énormes. L’hypothèse de l’origine alimentaire de la mutation fut bien sûr examinée en premier. Des habitudes des victimes, il fut confirmé qu’ils étaient tous grands amateurs de lapins… Les derniers achats de lapin en boucheries et super marchés furent analysés, les consommations de restaurants et de cantines aussi. On trouva ainsi beaucoup d’élevages suspects… Il fut ensuite aisé de déterminer queceux-cii avait été contacté par “un mystérieux individu” qui leur avait vendu une hormone censée faire des lapins plus résistants, plus reproductif et plus rapidement adultes…. Puis l’affaire fut classée secret défense. On ne vit jamais le visage du savant fou, on ne sut jamais ses motivations réelles, mais le gouvernement pu claironner son efficacité en la matière. On utilisa le sacro-saint principe de précaution et on interdit toute vente de lapin pendant des moins en indemnisant les producteurs, et onmits en place des mesures renforçant la traçabilité des lapins… Pendant une semaine toutes les émissions de télé ne parlaient que de ça et c’est à qui mieux mieux que tout le monde répétait comme des perroquets savants : traçabilité – principe de précaution – traçabilité – principe de précaution… Restaient les victimes ! Il fut admis que le secret défense les couvrirait eux aussi ! La mutation était sans doute irréversible, on ne savait pas trop quoi faire pour eux, mais au moins on leur ficherait la paix !
Mercredi 18 octobre 2013
Il avait depuis quelques jours pris l’habitude de se promener dans la ville. Il prenait sa voiture aux vitres fumés, un peu au hasard, puis déambulait dans les rues, trimbalant sa misérable solitude… Les nouvelles se voulaient rassurantes. La mutation des sujets atteints ne progressait plus. La mutation physique, sans doute, parce que pour ce qui est de la mutation comportementale, ce n’était vraiment mais alors vraiment pas fini ! Et cela prenait des aspects par trop insolites… Ainsi, alors qu’il cheminait dans une rue commerçante, il perçut une odeur. Il se dirigea vers l’étale d’où provenaient ces émanations. Il s’agissait d’un marchand de quatre saisons… Trop d’odeurs s’en dégageaient, certaines agréables, gaies, joyeuses même, d’autres beaucoup moins. Il faudrait qu’il apprenne à classer tout cela, mais l’acquisition de cette sensation nouvelle lui plut ! Enfin un domaine où la mutation ne le diminuait pas ! – Monsieur ?
– Pardon ?
– Vous désirez ?
– Oh ! Rien excusez-moi ! Je rêvais !
Dans quelle misère affective était-il tombé, puisqu’on ne pouvait même pas le laisser tranquille à humer innocemment l’odeur des carottes nouvelles ?…
A regret il détalla, un autre bouquet d’odeur attira son odorat. La fleuriste ! Et cette fois, point de fragrances hostiles, mais trop de fleurs sans doute. Pas assez de plantes un peu rustiques… Il resta cependant un bon quart d’heure à s’enivrer de ses parfums, puis préféra partir avant que l’on ne l’invite à le faire. Du coup il sut ce qu’il souhaitait faire le lendemain…
Jeudi 19 octobre 2013
Il avait mis le radio réveil à sonner très tôt le matin. Il n’avait aucun rendez-vous médical avant le milieu de l’après-midi, c’était parfait et après s’être rasé les poils du visage, il prit sa voiture, direction, la campagne… Au bout d’une vingtaine de kilomètres il trouva ce qu’il cherchait. Une longue prairie bordait la petite départementale, il s’y arrêta, vérifia que l’endroit était désert puis se déshabilla complètement. Il huma fortement le bouquet d’odeur environnant, et son cœur se remplit de joie à la senteur de ces fragrances campagnardes. Il sut à ce nomment son destin dans la prairie, mais ne savait pas ce qu’il serait… L’herbe était encore saturée de la rosée du matin, il s’y allongea, s’y vautra, si roula dedans… Tout son être s’imprégna du contact de l’herbe, il communiait à ce moment-là avec la prairie, son corps fut parcouru de frissons, pour la première fois depuis sa mutation il était heureux, pour la première fois depuis sa mutation il se réveillait en une solide excitation… Plus il s’excitait de ce frôlement végétal, plus la sensation de bien-être le gagnait, le sexe levé vers le ciel… En revenant à la voiture, il constata qu’un fossé traversait le pré à sa limite, à un endroit la clôture s’en était un peu détournée laissant quelques mètres carrés de terre envahis par les orties. Demain, il en prendrait possession…
Vendredi 20 octobre 2013
L’affaire fut plus difficile que prévu, peu habile dans les travaux manuels, le maniement de cette pelle achetée pour l’occasion lui peinait. Il avait prévu une matinée, il lui en avait fallu plusieurs. Mais aujourd’hui c’était prêt. Derrière le mur d’orties, se dissimulait à présent un magnifique terrier. Il l’avait prévu pour deux personnes, il n’envisageait pas de s’y terrer seul… Il lui faudrait maintenant trouver sa lapine…
Samedi 21 octobre 2013 après-midi
Les projets ça aide à vivre ! Et il en avait à présent deux. Le premier était de trouver l’âme sœur. D’autres victimes devaient être dans le même état physique et psychologique que lui. Il s’étonnait que tous les toubibs qu’il avait consultés n’aient pas eu encore l’idée d’organiser des rencontres. Il ferait donc cette suggestion. L’autre concernait Jojo, son silence l’inquiétait, son téléphone ne répondait plus, ses lettres restaient sans réponses. Il ne lui restait qu’une solution, aller la voir, il le ferait ce lundi, cela lui coûtait énormément, les conséquences en seraient sans doute dramatiques mais il voulait savoir ! Il s’occupa un peu en bricolant une sorte de porte en contreplaqué, il s’en servirait pour fermer le clapier empêchant ainsi d’autres bestioles de lui piquer son nid…
Lundi 24 octobre 2013
Le docteur était moins con qu’il ne le pensait. Des rencontres ? Non ! Mais pourquoi pas un listing téléphonique sur lequel chaque patient aurait la liberté de s’inscrire ? Le docteur s’enthousiasma pour cette idée et lui promis de s’en occuper.
Mardi 25 octobre 2013
Il n’y avait apparemment personne chez Jojo, il eut l’idée de jeter un coup d’œil dans sa boite aux lettres, elle n’était pas vide mais ne débordait pas non plus comme le serait celle d’un occupant absent depuis longtemps. Quelque part cela le rassura. Malgré son look bizarre, il osa frapper chez une voisine !
– Je suis un ami de Mlle Jojo ? Je pensais la trouver, elle habite toujours là ?
La mégère le toisa dédaigneusement :
– Bien sûr qu’elle est toujours là ! Elle est devenue bizarre votre copine, elle n’ouvre plus à personne et puis elle pourrait être polie, elle ne sait même plus tenir les portes, tenez, l’autre jour…
Gégé arrêta le flot de paroles en disant merci pour tout… Il refrappa, cru entendre un léger bruit, mais c’était peut-être tout simplement autre chose qu’une présence humaine. Tout était possible, partie faire des courses, partie “ailleurs”, partie faire dodo… Il refit une autre tentative deux heures plus tard, puis une autre en milieu d’après-midi, il mit un petit mot dans sa boite aux lettres et quitta les lieux, dépité. Une grande amitié était donc terminée. Il aurait préféré une autre issue que cette indifférence. Son désir secret était en fait qu’ils auraient pu rester amis malgré sa transformation physique.
Pour la première fois cette nuit, il dormit au clapier…
Mercredi 26 octore 2013
Le listing téléphonique était prêt, il était bien court, en tout et pour tout huit noms sur son mobile. Avec un mélange d’amusement et d’agacement il constata que l’une des ces femmes se prénommait Jojo ! Par jeu il commença par appeler cette dernière. – Allô ! fit la voix Gégé la reconnue aussitôt !
– Jojo !
– Gégé ? Mais qui t’a donné mon nouveau numéro ?
Ainsi tout s’expliquait, ils avaient été tout simplement contaminés ensemble probablement en mangeant ce fameux lapin en terrine rapporté par Adrien…
– Sur le listing, Jojo, sur le listing…
– Quel listing !
– Jojo, moi aussi je me suis transformé en lapin, il faut que tu le réalises !
– Oh ! Bon Dieu !
– C’était donc pour cela que tu me fuyais !
– Si j’avais pu savoir !
– Et Adrien ? Plus de nouvelles de lui ?
– Je ne sais pas, il ne répond plus également au téléphone, ni même sur le mobile !
– Tu es où en ce moment ?
– Chez moi !
– J’arrive ! Tu m’ouvriras ?
– Bien sûr !
Gégé s’amusa de la réaction de la voisine de palier de Jojo qui cru intelligent de sortir alors qu’il frappait et de l’apostropher :
– Vous n’allez tout de même pas revenir toutes les dix minutes frapper à sa porte, on vous a dis qu’elle n’ouvrait à personne…
Sauf que cette fois la porte s’ouvrit et qu’avant qu’elle ne se referme les deux amis étaient déjà dans les bras l’un de l’autre ! Jojo était en robe de chambre, sa coiffure était cachée par un turban, les poils de lapins de son visage étaient fraîchement rasés. Elle s’était parfumé, elle sentait bon !
– Tu es conscient Gégé, du risque que l’on prend tous les deux, aujourd’hui comme ça en se rencontrant ?
– Que veut-tu qu’il nous arrive de pire !
– Qu’on ne puisse plus se supporter ! Et à ce moment-là que nous restera-t-il ? Rien ! Il ne nous restera qu’à crever ! Mais autant savoir ! C’est pour cela que j’ai accepté de figurer sur cette liste, pour savoir si un autre lapin me supporterait, et puis quand j’ai compris que c’était toi la lapine, j’ai d’abord sauté de joie ! Mais maintenant j’ai peur, peur de savoir comment tu va me découvrir dans quelques secondes….
Voilà un discours de bienvenue qui le mettait bien mal à l’aise !
– Je n’avais pas vraiment envisagé nos retrouvailles comme une épreuve ! J’ai confiance !
– Ah ! Bon et bien vas-y régale-toi la vue !
Et ce disant elle se débarrassa rageusement de sa robe de chambre… Dans sa pensée il l’imaginait comme lui, un lapin roux avec des poils lustrés. Et bien non c’était une lapine blonde, la mutation devait tenir compte des gênes humains contenus dans le système pileux d’origine… Plus aucun vêtement n’embarrassait son corps, que les poils recouvraient presque entièrement à l’exception des seins où malgré tout quelques duvets épars jouaient les incongrus. Il avait beau la regarder dans tous les sens, rien ne bloquait, au contraire, une relative tendance à la rigidité agaçait son sexe !
– Alors ?
Il ne répondit pas, beaucoup plus troublé qu’il ne pouvait l’imaginer. Il avanca ses mains sur ses seins, elle se laissa faire…
– Réponds-moi Gégé, je t’en supplie !
– tu es si belle Jojo…
– Tu te fiches de moi !
– Non, Jojo, je ne me fiche pas de toi comme tu dis, ma libido est même tombée bien bas depuis ma mutation, pourtant un matin en me roulant dans la prairie…
– Dans la prairie ?
– Oui…
Il entreprit de lui raconter, mais en même temps il se déshabilla sans trop se presser, guettant son regard, il savait maintenant que son appréhension n’était pas à sens unique !
– Tu sais que tu n’es pas mal dans le genre lapin…
– Ne dis pas cela pour me faire plaisir !
– Je t’assure que non, Gégé ! Il se passe quelque chose ! Oh ! Crise nerveuse ? Folie douce ? Autre chose ? Allez savoir ?
– Parle-moi Jojo !
– Gégé !
– Oui !
– Gégé !
– Oui, je suis là, dis-moi quelque chose ! Je vais me rhabiller si tu veux !
– Mais non ! Reste comme ça !
Dans les bras (dans les pattes) l’un de l’autre, l’émotion le gagna à son tour. Deux grands humano-lapinoïdes qui chialent ! Où a-t-on vu cela, même pas dans Roger Rabbit !!! Il lui caressa son pelage, c’était doux, forcément doux, un lapin c’est doux, mais une lapine, c’est encore plus doux. Jojo le regarda, elle renifla ses larmes, elle sourit :
– Tu sais, Gégé…
– Dis…
– Quand j’étais plus jeune, mon fantasme c’était de faire l’amour dans un manteau de fourrure. J’en ai jamais acheté, je suis contre ! Si j’avais su qu’un jour je le réaliserais comme ça !
– J’ai envie de toi Jojo…
– Oh Gégé…
Gégé pensait alors qu’elle le conduirait dans sa chambre ou tout du moins sur le canapé. Non, elle s’étala sur la moquette…
– Viens !
Il vint, effectivement, tandis que Jojo se mettait à onduler du bassin empêchant de ce fait tout contrôle ! Elle avait les larmes aux yeux, elle était rayonnante, sa lapine !
– On a fait l’amour comme des lapins !
– Je n’en pouvais plus, excuse-moi d’avoir été si sauvage…
– Non, c’était bien ! Je te fais un petit jus de carotte et après tu sais quoi ?
– Dis…
– Je recommencerais bien !
– Ce n’est pas un problème je me laisse faire !
Après ce coït sauvage, ils avaient besoin de croquer des gâteaux secs…
– J’adore croquer maintenant, avant je n’aimais pas trop. Elle se leva un moment, s’approcha de lui, tendant ses lèvres… et ils s’embrassèrent à nouveau.
Puis sa bouche se fit baladeuse, elle lui embrassa le bout du nez, puis les paupières, hummm ! il adorait cette tendre caresse ! Et puis la voilà qui lui agaçait les oreilles, ses oreilles de lapin, elle s’amusait à en lécher l’extrémité pointue avant de pénétrer dans le pavillon où elle tournicotait de la langue. Ça chatouillait, Gégé se mis à rire Elle lui caressa alors le torse :
– Qu’est ce que tu as fait de tes tétons ? Ils sont planqués ?
– Cherche ! Tu va bien les trouver !
– Bien sur que je vais les trouver…
– C’est bon, bon, bon
– Waouw !
– Ahhhhhhh ! Je t’aime Gégé, je t’aime ! Ah ! Lapin !
Encore une fois ils enlacèrent, encore une fois une intense émotion les gagna…
– Gégé ?
– Oui !
– Cette nuit je veux dormir avec toi !
– Ce n’est vraiment pas un problème !
– Oui mais dans ton terrier !
– Ce n’est pas un problème non plus…
– Tu as bien choisi, il ne passe pas grand monde sur ce bout de route !
– J’ai mis de la paille, et puis j’ai fait une petite porte…
– Une porte pourquoi ?
– Mais pour éviter que les bestioles viennent s’y installer !
– Mais voyons ce n’est pas nécessaire, il y a tellement plus simple…
– Gégé, tu fais ça juste devant ?
– Tu sais ! c’est juste pour marquer notre territoire…
C’est la nuit, il fait très noir, le ciel est couvert, Gégé et Jojo sont enlacés l’un contre l’autre, ils ont encore fait l’amour. Jojo s’est endormie dans ses bras… Soudain alors qu’il s’endormait la voici qui pousse un cri de terreur, il la rassure, la console :
– Qu’est ce qui s’est passé ?
– Rien, un affreux cauchemar…
– N’y pense plus ! Ce n’était qu’un mauvais rêve !
– Gégé, j’ai rêvé, tu veux savoir de quoi ?
– Dis…
– Que c’était le jour de la terrine de lapin, tu sais, la nouvelle émission de la rentrée, “Un gars, un chef“… La chasse est ouverte !