Un système perverti jusqu’à l’immonde !
L’incroyable enrichissement, depuis une trentaine d’années, d’une minorité de la population gravitant dans le monde du “grand capital”, mais également du show-business et du sport !
En 1995, en France, les 1.500 salariés les mieux payés de France gagnaient 25 fois plus que la moyenne des autres salariés.
En 2007, c’était 60 fois plus…
En 2020 les inégalités ont manifestement explosé par le haut, on en est à 1000 fois plus !
Et les salaires ne sont qu’une partie du problème. Car plus on monte dans l’échelle sociale, plus les revenus du patrimoine occupent une place importante.
Les 10 % des Français les plus aisés captent non seulement un quart des revenus d’activité, mais les deux tiers des revenus du patrimoine et les quatre cinquièmes des revenus dits “exceptionnels” (par exemple, les plus-values de cession).
On n’en est pas encore au niveau des Etats-Unis où les 12.000 familles les plus aisées prélèvent une part du revenu national équivalant à celle des 24 millions d’Américains les plus pauvres, mais la tendance est comparable.
Cet essor des riches est d’abord le résultat de mutations économiques. Le développement d’un capitalisme patrimonial, c’est-à-dire organisé de manière à optimiser les gains des actionnaires, a promu des formes de rémunérations hybrides (bonus, stock-options, etc.) qui ont beaucoup contribué au phénomène.
Le boom de la finance a également joué un rôle central : les très hauts revenus, il y a trente ans, c’étaient d’abord des capitaines d’industrie ; aujourd’hui, ce sont souvent des cadres dirigeants d’entreprises financières et des traders, ainsi que des agents du service aux entreprises (avocats d’affaires, consultants).
Enfin, le relâchement du frein fiscal depuis les années 1980 a permis aux très hauts revenus de minimiser leur contribution aux efforts de solidarité.
Mais ces facteurs économiques ne disent pas tout. Il faut aussi tenir compte de facteurs idéologiques et culturels qui ont organisé l’acceptabilité sociale du phénomène. D’un côté, l’idée qu’il est bon pour une société de favoriser ses riches parce qu’ils créent de l’emploi, consomment, entreprennent… De l’autre, une tolérance sociale croissante à l’enrichissement.
Ce phénomène vient contredire la vieille affirmation selon laquelle, en France (à la différence des Etats-Unis), il est plutôt déplacé d’exhiber sa fortune…
Certains font toujours le tableau d’un pays complexé avec l’argent du fait de ses origines catholiques, de la proximité d’une culture rurale et d’une forte empreinte marxiste. En réalité, cette peinture a beaucoup vieilli. Dénoncer ce prétendu tabou aujourd’hui, c’est procéder à un exercice de culpabilisation culturelle qui tourne à vide. La société française est désormais largement sécularisée, culturellement plurielle, très urbanisée… et on y chercherait en vain les vestiges d’un surmoi marxiste dans les consciences. La vérité est que, depuis 1980, la désinhibition a été profonde et rapide. Et s’il y a un débat aujourd’hui dans ce pays sur les très hauts revenus, c’est d’abord pour des raisons liées à une demande de justice sociale.
On a beaucoup glosé sur le côté bling-bling de Nicolas Sarkozy au début de son mandat, son arrivée au pouvoir a ainsi marqué l’acmé du phénomène de cette richesse décomplexée ! Le sarkozysme s’est clairement mis au service des intérêts des plus riches et il a manifestement couronné ce mouvement de désinhibition en organisant l’exhibition des signes extérieurs de richesse dans l’espace public. Mais ce n’est pas qu’une affaire de style, car cette exhibition allait de pair avec une inquiétante porosité entre pouvoir politique et puissances d’argent…
En ces temps de crise, les “nouveaux riches”, qui n’hésitent pas à s’afficher comme tels, suscitent toujours une indignation croissante et légitime, mais, dans le même temps, cette “jet-set” fascine toujours secrètement les gens du peuple… Il y a toujours eu une grande ambivalence dans le regard que les gens modestes portent sur la fortune, un mélange de sentiment d’injustice et d’envie, de ressentiment et de fascination. En même temps que le spectacle des très riches révèle les limites des promesses démocratiques d’égalité et de méritocratie, ils continuent d’incarner un modèle de réussite et un exemple d’accomplissement pour beaucoup.
La fortune, c’est aussi une part de rêve.
C’est pour cela que la presse people se vend aussi bien y compris chez les gens modestes. Cette ambivalence n’a rien de très nouveau mais elle a pris une intensité particulière ces dernières décennies. De nombreuses enquêtes le montrent, le désir de gagner beaucoup d’argent n’a jamais été aussi élevé et généralisé dans la société. De même, le rejet de l’impôt a plutôt progressé depuis vingt ans. Bref, nos sociétés sont traversées par une contradiction entre l’imaginaire de la compétition matérielle et celui de l’égalité et de la solidarité. Les mêmes qui fustigent aujourd’hui les très hauts revenus s’en retournent parfois chez eux enseigner le sens de la compétition et le désir d’aisance à leurs enfants… Toutefois, la crise accélère la prise de conscience des limites du jeu.
Elle nous porte au bord de la nausée et vient rappeler qu’on ne peut attendre protection sociale et solidarité si l’on ne consent pas à plus de partage.
Mais au-delà des aspects techniques et strictement économiques, ce sont aussi nos valeurs qu’il faut changer.
Pour cela, il faut, me semble-t-il, revenir aux sources profondes des promesses démocratiques, si pas au départ de la Révolution… et couper des têtes (virtuellement, ceci n’est pas une invitation au crime en général)…, à commencer par celles des journaleux et journaleuses potiches qui nous présentent une actualité de propagande en échange de salaires bien plus indécents que leurs vies ou que les seins qu’on nous exhibe pour faire diversion…
Le terme “faire diversion”, se mélange d’ailleurs à “divertir”, par le biais de spectacles et jeux débilitants, ou les stars et starlettes qui y jouent des pitreries pathétiques, font en (télé-) réalité, le jeu du système, perverti jusqu’à l’immonde !